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Transcription
00:00:00 La transidentité, le Larousse le définit comme le fait d'avoir une identité de genre
00:00:07 qui n'est pas en adéquation avec le sexe assigné à la naissance.
00:00:11 Alors, on va bien sûr développer tout ça,
00:00:14 mais cette définition, elle montre qu'on parle d'un sujet très intime,
00:00:20 qui parle de l'identité de soi,
00:00:24 c'est aussi un sujet qui interroge la société,
00:00:30 parce qu'elle interroge nos peurs,
00:00:33 nos manières d'accueillir les personnes qui sont étrangères à nous-mêmes,
00:00:39 parce que c'est un sujet qui, par définition, est minoritaire.
00:00:43 Je me présente, je m'appelle Nicolas Schaeffer,
00:00:45 je suis journaliste à la rédaction de Têtu,
00:00:48 c'est un journal qui se bat depuis...
00:00:51 plus de 25 ans pour les droits des personnes LGBTQI+.
00:00:56 Alors, on aura peut-être l'occasion de développer cet acronyme,
00:01:00 mais ce soir, j'aimerais qu'on mette de côté la politique,
00:01:04 qu'on mette de côté nos a priori, nos bagages culturels,
00:01:07 nos bagages religieux, notre bagage social,
00:01:10 pour écouter ce que les sciences humaines ont à dire de la transidentité,
00:01:14 parce qu'on a aussi un panel présenté,
00:01:18 parce qu'on a aussi un panel prestigieux, je peux le dire.
00:01:23 Béatrice Denas, vous êtes journaliste de profession,
00:01:27 vous avez évolué à France Bleu, France Info,
00:01:30 vous êtes devenue la médiatrice des antennes de Radio France,
00:01:34 vous êtes une personne transgenre,
00:01:36 vous avez témoigné dans un ouvrage qui s'appelle "Ce corps n'était pas le mien",
00:01:42 qui a été publié en 2020, si je ne me trompe pas,
00:01:45 dans lequel vous racontez votre transition, vous allez la développer.
00:01:50 Vous êtes aussi présidente de TransSanté France,
00:01:53 qui est une société savante,
00:01:55 qui a pour vocation de faire mieux dialoguer les personnes transgenres
00:02:00 avec la société médicale.
00:02:03 Irène Théry, vous êtes sociologue, directrice d'études à l'EHESS,
00:02:09 l'École pour les Hautes Études en Sciences Sociales.
00:02:13 Vous vous êtes fait remarquer, le grand public vous connaît,
00:02:16 dans vos grands combats que sont le PAX, le mariage pour tous,
00:02:20 et la PMA pour toutes.
00:02:22 Mais on vous accueille ce soir,
00:02:24 parce que vous avez beaucoup questionné ce que c'était d'être un homme,
00:02:28 d'être une femme, d'être une personne transgenre.
00:02:31 Et vous allez bientôt publier, si je ne dévoile pas trop de secrets,
00:02:36 un article dans une revue scientifique sur la transidentité.
00:02:42 On a aussi Jean Chambry, vous êtes pédopsychiatre,
00:02:46 vous présidez la Société française de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent,
00:02:51 un sujet des adolescents dont on parle beaucoup
00:02:59 quand on parle de transidentité.
00:03:02 Vous avez ouvert une consultation pour accueillir les adolescents transgenres,
00:03:08 ou en questionnement de genre.
00:03:11 Votre expérience nous sera particulièrement utile
00:03:14 pour comprendre ce qui se passe vraiment dans les salles de consultation.
00:03:19 Ma première question va à vous, Béatrice Denas.
00:03:24 Quand avez-vous compris que vous étiez une personne transgenre ?
00:03:29 - Bonsoir à toutes et à tous.
00:03:32 C'est compliqué, parce que j'ai ressenti un mal-être,
00:03:41 et le fait qu'il y avait, comme je le dis assez vulgairement,
00:03:45 un truc qui clochait en moi quand j'avais à peu près 4 ou 5 ans.
00:03:49 Le seul problème pour moi, c'est que j'ai un certain âge,
00:03:54 c'était dans les années 60, et dans les années 60,
00:03:57 on ne parlait pas de transidentité.
00:04:00 J'avais conscience qu'il y avait un truc qui clochait en moi,
00:04:05 que je me sentais plus fille que garçon.
00:04:08 J'avais la chance d'être dans une école primaire qui était mixte,
00:04:12 ce qui était plutôt rare à l'époque dans l'école publique.
00:04:15 J'étais tout le temps avec mes copines,
00:04:18 ce qui faisait que j'ai vraiment vécu,
00:04:20 et on n'en parlait pas non plus à l'époque, du harcèlement,
00:04:23 dans la cour de récréation, parce que je n'étais pas avec les garçons
00:04:26 et je ne pouvais pas m'occuper de toute la place de la cour de récréation.
00:04:32 Et moi, avec mes copines, j'aimais bien parler.
00:04:37 Et si bien que ce harcèlement a produit en moi une hyper timidité,
00:04:42 une hyper sensibilité, et surtout je me suis coupé du monde,
00:04:45 ne voulant plus parler à qui que ce soit,
00:04:47 parce que ce monde me faisait peur,
00:04:50 parce qu'en fait, ce monde n'acceptait pas visiblement qui j'étais,
00:04:54 sauf qu'en fait, je ne savais pas qui j'étais.
00:04:56 Donc pour moi, cette transidentité, je l'ai ressentie à l'âge de 4-5 ans,
00:05:00 sauf que j'ai dû attendre l'arrivée d'Internet pour mettre un mot sur...
00:05:05 On peut parler de souffrance, parce que ça a été tout au long de ma vie,
00:05:08 une souffrance, parce que déjà, quand on n'arrive pas à mettre un mot
00:05:11 sur ce qu'on ressent, c'est compliqué.
00:05:13 A l'époque, on n'écoutait pas les enfants, on ne les entendait pas,
00:05:16 et je n'allais pas raconter à mes parents que je me sentais petite fille.
00:05:21 Donc voilà, j'ai dû le cacher, et ça a été quelque chose de très dur.
00:05:26 Et si je peux me permettre, en tant que journaliste, une petite aparté,
00:05:30 notamment par rapport à ce qu'on lit en ce moment,
00:05:33 et notamment tous les opposants, et Dieu sait qu'ils ont vraiment,
00:05:36 malheureusement, un gros écho dans la plupart de la presse,
00:05:40 en ce moment, dans les médias, le fait de contester les enfants trans,
00:05:44 en disant "il ne faut pas les écouter, c'est une mode, c'est une lubie",
00:05:48 on y reviendra là-dessus, mais simplement pour dire que,
00:05:51 par mon expérience personnelle, à une époque où il n'y a pas de réseaux sociaux,
00:05:54 où il n'y a pas de soi-disant lobby LGBT qui aurait pu m'influencer,
00:05:58 je l'ai vraiment ressenti, et j'ai vécu une enfance terrible,
00:06:02 mais terrible, entre guillemets, de souffrance, et de rejet, en quelque sorte.
00:06:08 Alors que maintenant, si justement on peut écouter les enfants,
00:06:11 si on peut les accompagner, ce que fait d'ailleurs Dr Jean Chambry,
00:06:15 et non pas pour les inciter à devenir trans, comme on le lit aussi stupidement
00:06:21 dans pas mal de médias, mais simplement les aider à être eux-mêmes,
00:06:25 là aussi on y reviendra, il n'y a pas d'opération chirurgicale,
00:06:28 contrairement à ce que certains disent, il n'y a pas de traitement hormonal pour les enfants,
00:06:32 donc tout ça c'est vraiment des mensonges, mais qui ont un impact sur la population,
00:06:36 mais simplement si ça en permet à un petit garçon qui se sent fi
00:06:39 de faire ce qu'on appelle la transition sociale, qui simplement d'être écouté,
00:06:43 aidé notamment par des pédopsychies, ainsi que leurs parents,
00:06:46 parce que ce n'est pas forcément évident ce genre de révélations qui peuvent être faites,
00:06:51 si on peut les aider à vivre une vie qui soit une vie agréable,
00:06:56 où ils peuvent être eux-mêmes, moi j'ai quand même dû attendre plus de 60 ans
00:07:00 pour être enfin moi-même, je ne vois pas pourquoi on leur interdirait,
00:07:05 et je ne vois pas pourquoi on en fait tout un drame autour de ça,
00:07:08 parce que simplement des enfants ont le droit d'être ce qu'ils ressentent,
00:07:12 comme les adultes aussi, mais un enfant c'est important de vivre aussi une enfance heureuse.
00:07:17 Oui, et cette enfance heureuse, vous arriviez un petit peu à l'avoir dans cette chambre de photographie,
00:07:24 vous le décrivez dans votre livre, c'était un espace...
00:07:31 C'est ce que j'appelais mon "espace de survie".
00:07:33 Alors oui, en deux mots, vous allez me dire que c'est très stéréotypé, évidemment,
00:07:38 mais pour moi c'est ce qui m'a permis de survivre,
00:07:42 parce que comme la plupart et toutes les statistiques officielles,
00:07:46 et j'allais dire scientifiques, le montrent,
00:07:49 ça peut mener en effet à des suicides, à des déscolarisations.
00:07:53 Moi c'est vrai que j'allais très très mal,
00:07:55 et en fait j'avais trouvé un truc, comme j'étais passionné de photographie,
00:07:58 bon à l'époque il n'y avait pas d'imprimante, c'était un labo photo,
00:08:01 avec mon cher grand-père, que j'aimais beaucoup,
00:08:04 on avait installé, qu'ils s'y connaissaient bien en photo,
00:08:06 on avait installé un petit labo photo,
00:08:08 et l'avantage c'est qu'à l'époque, en effet, un labo photo c'était tout noir,
00:08:10 il ne fallait pas être dérangé,
00:08:12 donc j'étais sûr que personne ne viendrait me déranger,
00:08:14 donc je piquais les affaires de ma mère,
00:08:16 et l'instant de développer mes photos, j'étais fille,
00:08:20 et c'était des moments qui me permettaient de tenir...
00:08:24 - De vous exprimer ?
00:08:26 - Ouais, pour moi-même, parce que j'étais la seule à le voir,
00:08:29 et la seule à le vivre,
00:08:31 mais c'était la même chose quand...
00:08:34 Quand on est plus grand, ça qui est chouette,
00:08:36 c'est quand on est au lycée, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup,
00:08:38 beaucoup de devoirs à faire le week-end,
00:08:40 et ça tombait bien, mes parents partaient assez souvent le dimanche en week-end,
00:08:43 donc moi j'étais obligé de rester à la maison pour faire mes devoirs,
00:08:46 et je faisais mes devoirs, fille en fait,
00:08:49 et c'était vraiment des grands bonheurs,
00:08:51 c'est ce qui m'a permis de tenir,
00:08:53 alors que des fois, c'est des stéréotypes,
00:08:55 j'en ai vraiment conscience,
00:08:57 mais voilà, pour moi, à ce moment-là, c'était une façon de me montrer fille,
00:09:00 à moi-même, et de tenir.
00:09:02 - Qu'est-ce que vous ressentiez quand vous étiez comme ça, toute seule ?
00:09:07 - Je ressentais un vrai bonheur de me dire,
00:09:12 voilà, je suis ce que j'aurais dû être,
00:09:16 j'aurais dû naître ainsi, en fait,
00:09:19 et en effet, j'avais un corps et un esprit
00:09:24 qui n'étaient pas en adéquation, tout simplement.
00:09:27 Alors simplement, à un moment donné, et peut-être qu'Irene le fera,
00:09:29 il faudra préciser qu'en fait,
00:09:31 c'est pour ça qu'on parle aussi des transidentités,
00:09:34 moi j'ai vécu une expérience qui n'est pas forcément
00:09:37 l'expérience de toutes les personnes trans.
00:09:40 Donc voilà, moi c'est mon expérience,
00:09:42 et j'aime bien quand même la raconter, et qu'on la reconnaisse,
00:09:46 mais il y a des transidentités qui se manifestent de façon différente,
00:09:50 pas forcément, moi pour le coup, je suis vraiment très binaire,
00:09:53 je me suis toujours senti fille,
00:09:55 et pour moi, je suis donc une femme binaire.
00:09:59 Voilà, maintenant avec la non-binarité,
00:10:02 le fait qu'on en parle, et c'est très bien,
00:10:04 ce qui prouve aussi que chacun peut vivre sa vie telle qu'il la ressent.
00:10:08 - Et à l'inverse, vous racontez des expériences
00:10:10 où plus tard, quand vous avez commencé votre transition,
00:10:14 on vous mégenre, par exemple dans un laboratoire d'analyse,
00:10:18 vous le racontez aussi dans le livre,
00:10:21 qu'est-ce que ça provoque chez vous ?
00:10:24 Qu'est-ce que vous ressentez ?
00:10:25 - Alors je ne sais pas si vous connaissez, si vous savez ce qu'est le mégenrage,
00:10:28 c'est un terme qu'on utilise depuis peu de temps,
00:10:33 et qui pour nous, personnes trans, est quelque chose de dur à vivre,
00:10:38 c'est-à-dire qu'en fait, c'est lorsque, et en l'occurrence,
00:10:41 j'avais vraiment une apparence féminine,
00:10:43 puisque c'était un moment où je m'habillais femme,
00:10:46 j'avais des cheveux comme ceux que j'ai ce soir,
00:10:49 et que parce que notamment, le changement d'état civil n'avait pas encore été effectué,
00:10:55 enfin, encore que si il avait été effectué, mais le plus dur,
00:10:58 c'est notamment avec la caisse d'assurance maladie,
00:11:00 qui met un temps fou à changer les identités,
00:11:03 et qui met un temps fou à changer les cartes vitales,
00:11:05 et évidemment quand on se présente, et que c'était encore écrit Bruno Denaas,
00:11:09 et que gentiment, on demande à la personne de l'accueil,
00:11:13 en lui disant "bon, voilà, je suis une personne trans,
00:11:16 j'ai des papiers, j'ai une carte vitale qui ne correspond pas encore totalement à mon identité,
00:11:21 qui pourtant d'ailleurs avait été acceptée par le tribunal,
00:11:24 donc si la infirmière peut m'appeler Madame ou Béatrice, ce serait parfait, ouais, ouais, ouais,
00:11:29 et puis en fait, devant tout le monde dans la salle d'attente,
00:11:33 Monsieur Denaas, en j'avoue que là, on avait les jambes qui fragiles,
00:11:38 - C'était volontaire ?
00:11:39 - J'en sais rien, enfin je veux pas accuser non plus,
00:11:42 j'en sais rien, franchement, je vais pas accuser sans savoir,
00:11:45 mais en tout cas, ce qu'on ressent, et puis bon, si j'ai deux minutes,
00:11:48 je vais raconter aussi une anecdote qui est terrible là pour le coup,
00:11:51 c'est quand j'ai fait mon opération de féminisation du visage à l'hôpital,
00:11:57 où là, mon état civil était modifié, j'avais une bonne carte d'identité,
00:12:01 j'avais toujours pas la bonne carte vitale et l'hôpital que j'avais prévenu avant
00:12:07 m'avaient dit "y'a pas de soucis, on va vraiment vous mettre sur votre identité,
00:12:11 donc Béatrice Denaas", sauf que ça n'avait pas été fait,
00:12:14 et quand je me suis retrouvé dans la salle d'opération,
00:12:16 donc vous imaginez le bloc opératoire, c'est stressant,
00:12:19 même si là, pour le coup, j'étais pas trop stressé, j'avais envie de le faire,
00:12:22 voilà, j'étais parti plutôt guillourette,
00:12:24 et que l'infirmier anesthésiste commence à vous mégenrer en vous appelant "Monsieur",
00:12:29 et je lui dis "non, c'est Madame, ou c'est Béatrice Denaas",
00:12:33 et il répond pas, qu'une deuxième fois il m'appelle encore "Monsieur Denaas",
00:12:39 j'avoue que ça commence déjà à stresser un peu plus,
00:12:42 que ensuite c'est l'anesthésiste qui arrive, qui me dit "vous vous appelez comment ?"
00:12:50 "Béatrice Denaas"
00:12:52 "Ah bah c'est pas le nom que j'ai sur ma fiche"
00:12:54 Alors en effet sur mon bracelet, puisque vous savez, on a un bracelet quand on se fait opérer,
00:12:58 enfin quand on rentre à l'hôpital c'était indiqué Béatrice,
00:13:00 mais sur les papiers c'était encore écrit Bruno,
00:13:02 et en me disant "bah non, je suis désolé, je peux pas vous opérer"
00:13:05 Alors vous êtes déjà sur la table d'opération, avec tous les tuyaux autour,
00:13:09 donc déjà une ambiance assez stressante, froide aussi,
00:13:13 parce que les blocs opératoires c'est quand même moitié froid,
00:13:15 et puis sur ce l'infirmière dit "bon je vais vite vite essayer de changer tout ça",
00:13:21 sauf que, pour la petite anecdote aussi, c'est un stagiaire qui était à l'accueil,
00:13:25 donc il n'avait pas les droits informatiques pour changer,
00:13:27 donc il a fallu attendre 20 bonnes minutes,
00:13:29 donc vous imaginez, enfin voilà, une anecdote pour vous montrer ce qu'est le mégenrage,
00:13:33 et le fait que ça conduit parfois à des situations qui sont vraiment stressantes,
00:13:37 qui ne sont pas très humaines,
00:13:39 bon, depuis tout est en règle ça va,
00:13:42 et je ne suis pas le seul, c'est souvent ce qu'on se dit,
00:13:44 sans compter qu'il y en a qui prennent un malin plaisir à mégenrer,
00:13:48 pour me blesser,
00:13:50 donc voilà, c'est une situation qui est parfois pas toujours commode,
00:13:53 pas toujours facile, et qui est une réalité en fait.
00:13:57 - Comment est-ce que vous avez parlé de votre transidentité avec vos proches ?
00:14:01 Je pense notamment à votre compagne, Christine.
00:14:05 - C'est-à-dire qu'en fait, ce qui s'est produit,
00:14:09 moi j'ai fait ma crise de la cinquantaine,
00:14:13 alors pour certains la crise de la cinquantaine c'est de partir avec une petite jeune,
00:14:17 moi ce n'était pas le cas,
00:14:19 ma crise de la cinquantaine c'était le fait de me dire,
00:14:22 un, je n'ai pas envie de mourir,
00:14:24 alors je n'avais pas envie de mourir particulièrement,
00:14:26 sauf quand j'avais vraiment des crises,
00:14:28 mais je n'ai pas envie de mourir dans un corps que je ne reconnais pas,
00:14:30 qui n'est pas vraiment mon corps,
00:14:32 j'ai même largement dépassé la moitié de ma vie,
00:14:36 je ne sais pas si je serai centenaire,
00:14:38 mais en tout cas j'ai dépassé la moitié de ma vie,
00:14:40 et c'est là que j'ai commencé à me dire,
00:14:42 je commençais vraiment à savoir ce qu'était la transidentité grâce à internet,
00:14:46 et je me suis dit à un moment donné,
00:14:48 là en plus j'avais vraiment des tentatives,
00:14:50 j'avais déjà fait une tentative de suicide,
00:14:54 et je me dis, il faut vraiment avancer là-dessus,
00:14:57 et la première personne à qui il faut vraiment que j'en parle,
00:15:00 c'est ma femme,
00:15:02 donc je lui avais préparé comme un bon journaliste un bon dossier de presse,
00:15:05 je lui avais imprimé plein d'articles,
00:15:07 finalement elle n'a jamais lu,
00:15:09 donc tout soir après soir,
00:15:11 je lui avais annoncé un premier soir,
00:15:13 soir après soir, on en a discuté, on en a parlé,
00:15:15 c'était compliqué, elle m'avouait que dans la journée,
00:15:17 elle en pleurait,
00:15:19 et puis un soir elle m'a dit,
00:15:21 qu'est-ce qu'on va devenir,
00:15:23 et c'est là que j'ai compris qu'à priori,
00:15:25 en me disant ça,
00:15:27 qu'elle n'allait pas me rejeter, qu'on n'allait pas se quitter,
00:15:30 et je pense que d'ailleurs si on s'était quitté,
00:15:32 j'avais tellement d'idées noires à ce moment-là,
00:15:34 que je pense qu'en effet, j'aurais quitté ce monde-là aussi,
00:15:37 et c'était compliqué pour elle,
00:15:39 c'est pour ça que quand on me dit,
00:15:41 "t'es courageuse, ce que t'as fait c'est courageux",
00:15:43 moi je dis non,
00:15:45 ce que j'ai fait c'est que j'ai voulu être enfin moi-même,
00:15:47 et voilà, c'était quand même une grande souffrance,
00:15:50 ce que j'ai vécu pendant des décennies,
00:15:52 la vraie courageuse c'est elle en fait,
00:15:54 parce que voilà, elle a épousé un mec,
00:15:58 elle a épousé un homme,
00:16:00 son mari en fait était une femme,
00:16:02 j'avoue que ça peut faire un gros choc,
00:16:04 et puis j'avais lu en effet le nombre de divorces qui peuvent se produire,
00:16:10 bon elle avait peur aussi avec nos enfants,
00:16:12 moi j'étais moins craintive là-dessus,
00:16:15 parce que bon, c'est aussi une question d'éducation,
00:16:17 et en effet quand on l'a pris aux enfants,
00:16:19 ils nous ont dit, "bah vous nous avez appris l'ouverture d'esprit,
00:16:21 on a fait beaucoup de voyages à l'étranger,
00:16:24 on a découvert d'autres civilisations,
00:16:26 donc écoute c'est ta vie, on va te soutenir, on va t'aider,
00:16:30 et puis voilà, bon.
00:16:32 Je sais aussi qu'intérieurement ça n'a pas été si facile que ça,
00:16:35 mais il y a eu des remarques intéressantes,
00:16:36 par exemple ma fille, enfin notre fille,
00:16:38 elle m'a dit à un moment donné, "ah bah écoute, maintenant je comprends mieux,
00:16:40 parce que t'as toujours été un papa poule pour nous,
00:16:43 en fait t'étais une maman poule,
00:16:45 bon, ça m'a fait plaisir intérieurement,
00:16:47 et notre fils qui a dit,
00:16:49 "ah bah écoute, ça m'a libéré d'un poids,
00:16:51 parce qu'il avait tout le temps été persuadé
00:16:53 que je préférais sa soeur à lui,
00:16:55 ce qui, bah pour moi était faux,
00:16:58 franchement je mets au même niveau
00:17:00 notre fille et notre garçon,
00:17:02 mais simplement c'est vrai que,
00:17:03 bon, j'avais pas tous ces réflexes,
00:17:05 j'allais dire masculins,
00:17:06 bon il aimait bien le foot, moi je déteste ça,
00:17:08 c'est aussi des stéréotypes,
00:17:10 mais voilà, j'étais beaucoup plus proche de sa soeur,
00:17:13 c'est vrai, que de lui,
00:17:14 mais pour moi, j'adorais autant que sa soeur,
00:17:19 et d'un seul coup, il a compris plein de choses,
00:17:21 et ça a été quelque chose qui était vraiment,
00:17:24 enfin pour lui important,
00:17:25 et voilà, c'est un peu les problèmes de secret de famille,
00:17:28 d'ailleurs, quand on révèle une chose,
00:17:30 il y a plein de choses qui s'éclairent,
00:17:32 et voilà, c'était franchement une bonne chose,
00:17:34 et puis bon, plus dur après,
00:17:36 c'était au niveau, je sais pas si on va en parler,
00:17:39 mais au niveau en effet social,
00:17:41 et de l'emploi en fait, au niveau professionnel.
00:17:45 - A Radio France donc ?
00:17:47 - Voilà, Radio France,
00:17:48 qui pourtant n'est pas la boîte la plus mauvaise,
00:17:51 et la plus fermée.
00:17:53 - A l'inverse, elle vous a fait intervenir,
00:17:55 après votre transition.
00:17:56 - Après, voilà, c'est-à-dire qu'en fait,
00:17:58 moi je me voyais, j'étais vraiment connu de tout le monde,
00:18:00 puisque j'avais été secrétaire général de France Info,
00:18:02 puis bon, j'ai terminé comme,
00:18:04 à l'époque on disait médiateur,
00:18:06 puisque j'étais pas encore médiatrice,
00:18:08 médiateur des antennes de Radio France,
00:18:10 auprès de la présidente,
00:18:11 enfin tout le monde me connaissait,
00:18:13 et j'imaginais mal,
00:18:14 bon j'avais encore ce côté assez timide,
00:18:16 j'imaginais mal que du jour au lendemain,
00:18:18 ben Bruno que tout le monde connaissait,
00:18:20 devienne Béatrice,
00:18:21 alors on va parler de stéréotypes,
00:18:23 mais que de pantalon je mette une jupe,
00:18:25 voilà je me disais tout le monde va se moquer de moi,
00:18:27 enfin ça va être terrible,
00:18:28 j'avais pas ce courage justement de le faire.
00:18:30 Et bon, l'époque c'était encore,
00:18:33 on pouvait partir à 63 ans à la retraite,
00:18:35 et je pouvais même partir à 62 ans,
00:18:37 puisque comme je bossais comme une malade,
00:18:39 j'avais accumulé des congés,
00:18:40 enfin voilà, donc je suis parti.
00:18:41 - On l'a pas dit, mais vous avez fait votre transition
00:18:43 une fois parti à la retraite.
00:18:44 - Voilà exactement,
00:18:45 j'avais pas le courage de le faire dans ma boîte,
00:18:47 et donc je l'ai fait après,
00:18:49 et je suis parti d'ailleurs,
00:18:50 en effet quand j'ai quitté Radio France,
00:18:52 ça a été tout de suite,
00:18:53 bon j'avais déjà commencé 6 mois avant mon traitement hormonal,
00:18:56 j'avais mes petits seins qui commençaient à pousser,
00:18:58 donc c'était un grand bonheur,
00:18:59 mais ça se voyait pas encore trop,
00:19:00 donc ça va je pouvais cacher,
00:19:02 et puis voilà, en quittant Radio France,
00:19:04 bon là j'ai vraiment,
00:19:05 j'ai vraiment,
00:19:06 enfin socialement,
00:19:07 je suis vraiment apparu comme femme d'une manière permanente,
00:19:11 et c'est là que je l'ai annoncé,
00:19:13 notamment à ma présidente,
00:19:14 Sibyl Veil,
00:19:15 qui d'ailleurs je devais la voir pour lui parler de tout ça pendant un quart d'heure,
00:19:19 elle m'a accordé un quart d'heure,
00:19:20 parce que je crois qu'il y avait un ministre qui venait à France Inter,
00:19:23 donc qu'elle voulait quand même aller le voir,
00:19:25 et puis finalement on a discuté pendant plus d'une heure,
00:19:28 donc je sais pas ce qu'elle a fait du ministre qui venait,
00:19:30 mais elle m'a posé plein de questions intéressantes,
00:19:33 elle a à ce moment là décidé de signer la charte Autre Cercle,
00:19:36 c'est une association qui est géniale,
00:19:37 parce qu'elle essaie de rendre visible l'homosexualité et la transidentité dans les entreprises,
00:19:42 elle l'a signé tout de suite,
00:19:44 et puis surtout elle m'a dit,
00:19:46 écoute, si tu es d'accord pour faire une conférence pour tous les salariés,
00:19:50 donc on a organisé ça en visio,
00:19:52 elle a décidé de libérer tous ceux qui voulaient venir,
00:19:55 bon pas ceux qui étaient à l'antenne,
00:19:57 mais tous ceux qui voulaient venir pouvaient venir sur leur temps de travail,
00:20:00 assister à cette conférence que j'ai faite,
00:20:02 et encore une fois tout le monde me connaissait,
00:20:03 donc j'ai raconté en fait mon histoire,
00:20:06 et puis la transidentité,
00:20:07 j'ai trouvé ça formidable,
00:20:09 et maintenant il existe un référent,
00:20:10 donc je serai dans cette situation aujourd'hui à Radio France,
00:20:13 comme dans beaucoup de grosses entreprises,
00:20:15 il existe un référent qui ferait en sorte que tout se passe bien,
00:20:18 que l'information se passe,
00:20:20 et que cette transition se passe presque naturellement,
00:20:23 ce que moi je n'ai pas vécu à quelques années près,
00:20:25 alors c'est ce que tout le monde dit à Radio France,
00:20:27 c'est toi qui étais un peu la pionnière et qui a permis de faire avancer les choses,
00:20:30 oui c'est vrai,
00:20:31 j'aurais préféré que ça ne se passe plus mieux pour moi,
00:20:33 - Tu aurais préféré être la cinquième, sixième ?
00:20:36 - Ouais mais bon, on ne va pas se plaindre,
00:20:38 on va pas réécrire l'histoire,
00:20:39 mais petit à petit on peut faire avancer les choses.
00:20:42 - Docteur Chambry,
00:20:45 la transidentité a été sortie des maladies mentales,
00:20:49 de la classification des maladies mentales en 2019,
00:20:52 alors pourquoi avoir ouvert une consultation pour les personnes trans ?
00:20:57 - Alors, on a ouvert notre consultation il y a 13 ans,
00:21:02 donc on n'était encore pas sur les mêmes référentiels,
00:21:07 mais on avait déjà cette idée de la dépathologisation et de la dépsychiatrisation,
00:21:13 mais ce qui nous paraissait important,
00:21:15 c'est qu'on sait qu'au cours de l'adolescence,
00:21:17 c'est une période où se révèle justement son vécu identitaire,
00:21:23 où on interroge ses référentiels,
00:21:26 et on avait été très surpris de voir que dans d'autres pays que la France,
00:21:32 il y avait des équipes qui étaient formées à accompagner ces jeunes,
00:21:36 alors qu'en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent,
00:21:39 c'est un sujet dont on ne parlait jamais, qui n'existait pas.
00:21:42 Et quand on parlait avec les collègues,
00:21:44 est-ce que tu as déjà rencontré un adolescent ?
00:21:46 Ils disaient non, non, non, jamais rencontré,
00:21:48 donc ça ne doit pas vraiment exister,
00:21:50 ça c'est une histoire d'adultes,
00:21:52 c'est une représentation que chez les adultes ça existait.
00:21:56 Mais ce qui nous a évidemment alertés,
00:21:59 c'est le fait qu'on sait que les adolescents qui ont ces questionnements,
00:22:03 et qui n'ont pas d'espace pour pouvoir les déployer,
00:22:06 le risque de repli sur soi, de refus scolaire anxieux,
00:22:11 d'idées suicidaires est très important.
00:22:13 Et au départ, il y a 13 ans,
00:22:15 c'était toujours dans un contexte dramatique que les choses se révélaient,
00:22:19 et là il fallait pouvoir intervenir,
00:22:21 et c'est vrai que pour beaucoup de parents,
00:22:23 au départ, il y avait l'idée,
00:22:25 la parole du psychiatre, ça représente une forme de norme,
00:22:28 et quand un psychiatre dit "ce n'est pas psychiatrique",
00:22:31 ça a une valeur beaucoup plus forte encore,
00:22:34 auprès des parents,
00:22:36 que quand c'est M. Tout-le-Monde qui le parle,
00:22:39 parce que là c'est de la place du professionnel qu'on l'évoque.
00:22:44 Mais ça a demandé d'abord un gros travail sur soi,
00:22:48 je pense que ça explique,
00:22:50 parce qu'on a quand même énormément intériorisé l'idée
00:22:54 pénis = homme, vagin = femme,
00:22:56 on est obligatoirement un homme,
00:22:58 on est obligatoirement une femme,
00:23:00 et de déconstruire ces représentations,
00:23:03 ça demande un effort sur soi,
00:23:05 parce qu'on a l'impression qu'on est à l'aise dans un monde
00:23:08 où tout est bien rangé,
00:23:10 et là il va falloir revoir toutes les catégories,
00:23:13 alors même, et je pense que c'est pris dans ce mouvement de société,
00:23:16 de prise de conscience sur les stéréotypes de genre,
00:23:19 l'idée que là effectivement,
00:23:21 il y a des personnes qui ont du plaisir dans certains stéréotypes de genre,
00:23:26 d'autres pas,
00:23:27 et qu'on puisse s'autoriser à se penser en toute liberté,
00:23:31 je peux être fille et aimer le foot,
00:23:33 je peux être garçon et aimer me mettre du vernis,
00:23:37 et au fond même,
00:23:39 est-ce que j'ai l'obligation de me penser homme ou fille,
00:23:43 est-ce que je peux me penser avec une diversité à l'intérieur de moi,
00:23:47 avec une neutralité ?
00:23:49 C'était donc donner un espace pour que les adolescents puissent mettre des mots,
00:23:54 et surtout qu'on ne pense pas à leur place,
00:23:57 mais qu'ils s'autorisent à pouvoir trouver les mots
00:24:00 qui les aident à se penser.
00:24:03 - Développer le cas individuel, la subjectivité.
00:24:05 - Voilà, parce que c'est vraiment ça qu'on a découvert,
00:24:08 ça fait 200 patients que j'ai suivis actuellement,
00:24:11 c'est qu'il n'y a aucun parcours typique,
00:24:15 et qu'on ne peut pas enfermer la transidentité,
00:24:18 non plus avec la souffrance psychique.
00:24:20 Oui, il y a des personnes trans qui souffrent,
00:24:23 mais il y a aussi des personnes trans qui ne souffrent pas,
00:24:26 mais qui souffrent du regard qu'on porte sur eux,
00:24:29 et de la difficulté à pouvoir s'affirmer.
00:24:34 C'est vrai que souvent on nous dit,
00:24:37 "Tu te rends compte, tous ces adolescents,
00:24:40 "comment ça se fait qu'avant on n'en voyait pas,
00:24:42 "et que maintenant on a des demandes ?"
00:24:44 À partir du moment où un sujet n'est plus censuré,
00:24:47 on peut s'autoriser à penser quelque chose sur une identité,
00:24:51 sans tout de suite le ramener à une norme,
00:24:53 et encore à la folie.
00:24:55 C'est-à-dire que finalement, je me questionne,
00:24:58 est-ce qu'il y a du féminin en moi,
00:25:00 et est-ce que je peux en parler avec les autres,
00:25:02 sans que tout de suite on me renvoie,
00:25:04 soit tu es une tapette, soit tu es complètement fou.
00:25:07 - Donc il n'y a pas, comme on l'entend parfois,
00:25:10 d'épidémie de transgenre ?
00:25:12 - Non, il y a juste une liberté de parole.
00:25:14 D'ailleurs on le voit avec des adolescents
00:25:16 qui vont garder une certaine fluidité dans leur identité,
00:25:19 et qui n'ont aucune idée de s'engager
00:25:21 dans un parcours futur d'hormones
00:25:24 ou de réassignation chirurgicale,
00:25:26 qui testent, qui vivent cette expression.
00:25:30 Et puis certains, effectivement,
00:25:32 qui ont une vraie souffrance dans la relation à leur corps,
00:25:35 et qui demandent à pouvoir être accompagnés
00:25:38 et qu'on puisse soulager cette souffrance,
00:25:40 tout en sachant que, comme on sait que la fluidité
00:25:43 va rester à un certain moment dans sa représentation,
00:25:46 comme l'a redit Béatrice,
00:25:49 effectivement, chez l'enfant qui n'a pas commencé la puberté,
00:25:52 on ne s'engage pas dans des soins
00:25:54 qui pourraient avoir des conséquences négatives à long terme.
00:25:57 C'est pourquoi il n'y a aucun traitement hormonal,
00:26:00 médical, chirurgical,
00:26:02 qui est mis en place chez l'enfant.
00:26:04 C'est pour ça que je tiens à le rassurer sur cette question-là.
00:26:07 - Racontez-nous, justement,
00:26:09 quelles sont les possibilités de faire une transition médicale
00:26:13 quand on est enfant, adolescent, jeune adulte.
00:26:16 Comment ça se passe ? Qui décide ?
00:26:18 Comment ça se décide ? Et qu'est-ce qui est possible de faire ?
00:26:21 - Dans la consultation, on prend toujours un temps,
00:26:24 d'abord avec l'enfant, l'adolescent,
00:26:27 pour qu'il puisse dégager sa parole
00:26:30 sans la présence de ses parents,
00:26:32 sans la présence des adultes qui le connaissent,
00:26:35 et qu'il puisse prendre le temps de nous expliquer ce qu'il vit.
00:26:39 Nous, on va surtout travailler sur l'idée
00:26:42 de comment on peut t'aider à aller le mieux possible,
00:26:45 dédramatiser la situation.
00:26:47 Au fond, ce qu'on lui cède,
00:26:49 c'est d'avoir une vie la plus banale possible.
00:26:52 Que finalement, être trans ne ferme aucune porte,
00:26:56 aucune possibilité de futur.
00:26:58 Des fois, on a eu des parents, à tout départ,
00:27:01 qui disaient qu'ils voulaient faire médecine,
00:27:04 mais qu'ils ne pourraient plus faire médecine.
00:27:07 Comme un papa m'avait dit,
00:27:09 parce que c'était les représentations sociétales,
00:27:12 il pourra vous dire merci quand il sera pute au bois de boulogne.
00:27:15 Les premières consultations,
00:27:17 c'était extrêmement violent dans les représentations,
00:27:20 qui témoignaient la peur des parents
00:27:22 d'être confrontés au regard social.
00:27:24 Que va penser ta grand-mère ?
00:27:26 Que vont penser les voisins ?
00:27:28 Donc, de déconstruire tout ça.
00:27:31 - C'est peut-être de là dont vient la souffrance
00:27:34 que peuvent ressentir ces adolescents.
00:27:36 - Tout à fait, pour une grande partie.
00:27:39 Parce qu'en fait,
00:27:41 l'adolescent va être dans un moment de devoir s'affirmer.
00:27:45 C'est important pour lui
00:27:47 qu'on accueille sa parole sans la remettre en question.
00:27:50 C'est ça qu'on a beaucoup reproché à certains psys.
00:27:53 On lui dit "Ah, mais pourquoi ?"
00:27:55 Alors qu'au fond, ce qu'il veut entendre,
00:27:58 c'est "Oui, d'accord, tu te sens garçon, tu te sens fille,
00:28:01 et alors ? Comment je peux t'aider
00:28:04 dans ce qui pose problème dans ta vie du quotidien ?"
00:28:07 C'est ça qu'ils attendent,
00:28:09 et pas une approche pathologique qui viendrait dire
00:28:12 "Tu dois réfléchir sur pourquoi tu ressens ça."
00:28:15 Sous-entendu que ceux qui ont appénissé 60 hommes,
00:28:18 eux n'ont rien à réfléchir.
00:28:20 C'est une évidence, mais toi, tu as l'obligation de réfléchir.
00:28:23 Il a fallu déconstruire ces représentations
00:28:26 dans les équipes pour accueillir ses paroles,
00:28:29 avoir confiance dans la parole du jeune.
00:28:31 Comme me disait un papa,
00:28:33 "Alors moi, mon adolescent, il vous raconte ce qu'il veut,
00:28:36 et vous, vous dites 'Je le crois'."
00:28:38 Oui, c'est tout à fait comme ça.
00:28:40 Je ne remets pas en question sa parole.
00:28:42 On va réfléchir dans le quotidien
00:28:44 comment on peut l'aider à aller bien.
00:28:47 Alors, effectivement, il y a ceux qui débutent une puberté,
00:28:51 qui entraînent des angoisses massives
00:28:54 de ne pas supporter ces premières transformations pubertaires,
00:28:58 au point de ne pas oser sortir de chez soi,
00:29:01 de ne plus être disponible pour apprendre,
00:29:04 avoir des idées suicidaires, avoir envie de mutiler son corps.
00:29:07 Et quand il y a un tel niveau de souffrance,
00:29:10 on va proposer ce qu'on appelle un blocage de la puberté,
00:29:13 qui est de permettre de suspendre la puberté un temps
00:29:17 pour que l'enfant, qui devient adolescent,
00:29:20 puisse assumer, penser le futur qu'il souhaite vivre,
00:29:25 en sachant que c'est un traitement qui est réversible,
00:29:28 qui ne doit pas être banalisé, parce que ce n'est pas rien,
00:29:32 puisque ça va me mettre en décalage
00:29:34 par rapport aux autres enfants de ma classe d'âge
00:29:37 dans mes transformations corporelles.
00:29:40 Mais ça me permet de prendre le temps,
00:29:43 et puis ça permet aux parents aussi de comprendre ce qui se passe,
00:29:46 de pouvoir accepter ce qui se passe chez leur enfant,
00:29:50 avec des choses qui sont très difficiles,
00:29:53 qui évidemment bousculent,
00:29:55 et avec des mots qui peuvent être très douloureux.
00:29:57 Par exemple, certains parents vont dire
00:29:59 "Nous, on va te soutenir, on t'aime,
00:30:01 mais il faut qu'on fasse le deuil de l'enfant qu'on avait avant."
00:30:04 Alors que l'enfant vit une continuité de ce qu'il a été.
00:30:08 Il ne vit pas un moment où il est mort et devenu quelqu'un d'autre.
00:30:11 Il faut aussi modifier les représentations.
00:30:13 Il n'y a aucun choix dans ce parcours.
00:30:15 J'entends toujours "C'est l'enfant roi, il n'a pas de limites."
00:30:20 Mais non, ces enfants ne le vivent pas du tout comme un choix.
00:30:23 Je crois qu'aussi, s'ils avaient eu des choix,
00:30:25 ils n'auraient pas forcément choisi celui-là,
00:30:28 qui est quand même un moment de décalage
00:30:31 par rapport à toutes les représentations qu'on peut avoir.
00:30:35 Donc, effectivement, il y a cette possibilité du blocage pubertaire
00:30:40 quand il est nécessaire.
00:30:41 Ce qui n'est pas la majorité des parcours.
00:30:43 Et je tiens à dire, par exemple, que sur 10 ans,
00:30:46 pour toute l'île de France, nous avons accompagné
00:30:48 40 situations de blocage de puberté.
00:30:51 Ça aussi, c'est pour lutter contre les représentations.
00:30:54 On sauterait sur les enfants et dès qu'un enfant allait hop,
00:30:59 on lui prescrit le blocage de puberté.
00:31:01 Il y a tout un temps d'accompagnement,
00:31:03 tout un moment aussi d'éducation des parents
00:31:06 sur une représentation qu'on peut avoir.
00:31:09 C'est d'accepter que, dans son vécu identitaire,
00:31:13 on n'est pas aliéné à nos organes génitaux
00:31:16 dans notre conscription identitaire
00:31:18 et que ce n'est pas pathologique.
00:31:20 Et ça, il y a encore tout un travail à faire,
00:31:23 même chez certains collègues qui ont encore beaucoup de mal
00:31:26 à lâcher cette notion-là.
00:31:28 D'autant plus qu'il faut accueillir la parole de l'adolescent
00:31:32 et ne pas forcément lui demander de nous convaincre.
00:31:36 Parce que si on va sur l'idée que tu dois me convaincre
00:31:39 que tu es un garçon ou que tu es une fille,
00:31:42 on interpelle les stéréotypes de genre.
00:31:46 Si je me présente à vous en ayant un look un peu masculin,
00:31:52 mais que je viens vous dire que je suis une fille
00:31:55 et que pour moi c'est important d'être perçu en tant que fille,
00:31:58 je vais lui dire quoi ?
00:31:59 « Quand tu auras les cheveux longs, tu te seras maquillé. »
00:32:02 Je vais t'accompagner.
00:32:03 C'est un peu le ridicule de ces situations,
00:32:06 à tel point que même le concept de dysphorie de genre
00:32:09 qui a été conçu aux États-Unis et qui était une tentative
00:32:12 de progrès par rapport à la notion de psychiatrisation,
00:32:15 si on lit les critères, c'est vraiment très ridicule.
00:32:18 On parle de vêtements typiques, de rôles typiques,
00:32:21 et on voit bien combien c'est difficile.
00:32:24 Il y a des adolescents qui le disent.
00:32:26 « Moi, je suis un homme binaire ou une femme binaire
00:32:30 et j'aime les stéréotypes de genre. »
00:32:32 Très bien, pourquoi pas ?
00:32:34 Et d'autres qui vont avoir des présentations très différentes.
00:32:39 Et encore une fois, notre souci, c'est de dire
00:32:42 comment tu vas pouvoir vivre ta vie d'adolescent
00:32:45 sans être enfermé dans ta transidentité.
00:32:48 Parce que le risque, ça serait ça.
00:32:50 Je ne peux parler qu'à des gens trans,
00:32:53 je ne vivrai que dans un univers, comme on a pu entendre
00:32:58 dans le passé, des gens qui disaient
00:33:00 « J'étais artiste parce que c'était le seul milieu
00:33:04 qui pouvait m'accepter. »
00:33:06 Ne t'interdis rien si tu veux être jardinier,
00:33:10 si tu veux faire Sciences Po, si tu veux faire médecine.
00:33:13 - Bien très osé d'être enseignante à Sciences Po.
00:33:16 - Tout est possible.
00:33:19 Et bien sûr, d'accompagner les parents
00:33:22 pour qu'ils puissent accueillir cette parole,
00:33:24 parce que ça, on le voit dans le groupe de patients.
00:33:27 Effectivement, si on garde ce sentiment
00:33:32 d'être compris dans sa famille et investi dans sa famille,
00:33:36 même si parfois, ça peut être douloureux pour certains parents,
00:33:40 mais qu'ils vont faire ce travail sur eux-mêmes,
00:33:42 et de voir cet enfant qui trouve sa place,
00:33:45 qui a des projets, qui s'investit dans le futur,
00:33:48 en général, c'est ça qui va quand même beaucoup rassurer.
00:33:53 Donc, pas de parcours typique,
00:33:56 pas forcément de souffrance psychique.
00:33:59 Alors, parfois, elle existe.
00:34:01 Parfois, on peut avoir un regard sur soi extrêmement douloureux,
00:34:04 une difficulté à assumer ce qu'on vit de soi-même
00:34:08 par rapport aux idéaux qu'on a investis.
00:34:10 Parfois, c'est très lié au regard environnemental.
00:34:13 Et là, il y a d'énormes différences
00:34:16 en fonction des milieux, des territoires, des parcours.
00:34:20 Évidemment, une jeune fille qui se virilise
00:34:25 va être parfois un jeune homme trans,
00:34:29 qui a été assigné fille à la naissance.
00:34:31 C'est parfois mieux accepté dans un environnement
00:34:35 qu'une jeune fille assignée garçon,
00:34:39 où là, on a des situations de violence plus à risque
00:34:43 dans certains milieux.
00:34:45 Donc, on va vraiment être sur des réalités très pragmatiques
00:34:48 d'accompagnement. On va intervenir dans les écoles,
00:34:51 parfois dans les formations professionnelles.
00:34:53 On réfléchit vraiment pour aider la personne dans le quotidien.
00:34:57 Et effectivement, on va parler plus d'un accompagnement
00:35:01 que vraiment d'un suivi psychiatrique
00:35:04 pour soigner quelque chose.
00:35:06 À aucun moment, on n'est traversé l'idée
00:35:09 d'une thérapie de normalisation,
00:35:11 que ce soit dans un sens ou dans un autre.
00:35:13 C'est-à-dire vraiment, découvre qui tu es
00:35:16 et prépare-nous à ta vie d'adulte,
00:35:18 ce que tu sens qui est bon pour toi.
00:35:20 - Avant de donner la parole à Irène Théry,
00:35:22 une dernière chose. On entend parler de détransition.
00:35:26 Est-ce que c'est une réalité ?
00:35:28 - Alors, là, c'est vraiment un gros souci
00:35:31 parce que c'est la question que posent les parents.
00:35:34 Est-ce que ces décisions qu'il prend à 12 ans,
00:35:37 qu'on prend avec lui à 12 ans, à 16 ans,
00:35:40 est-ce que ce sont des décisions qu'il va regretter
00:35:42 quand il en aura 25 ou 30 ?
00:35:44 Et c'est donc une réalité importante.
00:35:47 Dans les chiffres dont nous disposons,
00:35:49 on a très peu d'études. C'est rare.
00:35:51 Et ça, je tiens à le dire, c'est rare.
00:35:53 Par contre, on ne peut pas exclure que ça n'existe pas.
00:35:56 Mais ce qui est intéressant, parce que moi,
00:35:58 sur les 200 patients, j'ai un patient qui regrette,
00:36:01 alors qu'on avait pris toutes les précautions,
00:36:04 tout l'accompagnement qu'on fait habituellement.
00:36:06 Mais là, il y a une vraie question qui se pose.
00:36:09 C'est, est-ce qu'il regrette ?
00:36:11 Parce qu'au fond, les choses sont différentes de ce qu'il pensait.
00:36:15 Ou est-ce que l'expérience de sa rencontre avec les autres
00:36:21 dans sa transidentité a été tellement douloureuse
00:36:25 qu'il y a quelque chose... c'est trop dur d'être trans.
00:36:28 Finalement, ça va être plus simple de revenir à ma situation d'avant.
00:36:32 Et ça, il y a une vraie réflexion à avoir.
00:36:34 Parce que pour cette personne qui était devenue adulte,
00:36:37 c'est vrai qu'elle avait beaucoup combattu pour s'affirmer en tant que garçon.
00:36:42 Mais au moment, à 22-23 ans, où elle a commencé à investir sa vie amoureuse,
00:36:47 qu'elle n'avait pas fait auparavant,
00:36:49 la rencontre avec l'autre,
00:36:51 donc c'était un garçon trans qui était attiré par les filles,
00:36:54 la difficulté de se présenter dans ce corps particulier,
00:37:00 puisque, effectivement, avec une apparence masculine, mais sans pénis,
00:37:05 la rencontre du regard de l'autre dans une possibilité amoureuse
00:37:09 a été extrêmement douloureuse,
00:37:11 et a participé à son envie de retour,
00:37:15 qu'on peut aussi accompagner.
00:37:17 C'est rare, on ne peut pas l'exclure.
00:37:20 Il va falloir réfléchir avec la personne
00:37:23 quelles sont, au fond de lui-même,
00:37:25 les dimensions qui l'amènent à ce renoncement.
00:37:29 - Eren Terri, vous avez étudié les transidentités,
00:37:33 je dis bien en pluriel,
00:37:35 dans différentes civilisations, dans différentes temporalités.
00:37:39 Qu'est-ce qui est commun, finalement ?
00:37:41 - Je tiens bien à dire ici que je ne suis pas là
00:37:45 au titre d'une spécialisation sur la question des transidentités.
00:37:49 Pas du tout.
00:37:50 Je suis une sociologue qui travaille depuis 30-40 ans maintenant
00:37:56 sur les transformations de la parenté et du genre.
00:38:00 Comme vous l'avez dit, j'ai suivi de près,
00:38:04 et a participé et analysé aussi les débats
00:38:07 sur le PAX, le mariage pour tous,
00:38:10 l'APMA pour toutes,
00:38:12 et la question de la filiation.
00:38:15 Toutes ces transformations que nous vivons dans nos sociétés
00:38:20 depuis que nous tentons de nous émanciper
00:38:23 de ce que nous alléguait notre passé,
00:38:26 dont on pourrait dire en deux mots
00:38:28 que c'était un passé, par exemple,
00:38:30 incarné par le Code Napoléon,
00:38:32 qui était fondé sur le principe de la hiérarchie des sexes,
00:38:36 et pas seulement,
00:38:38 mais aussi du fait que cette hiérarchie
00:38:41 était fondée sur la nature des hommes et la nature des femmes,
00:38:45 et donc un modèle qui avait transformé
00:38:49 ce qu'on appelle aujourd'hui les personnes transgenres
00:38:52 en malades mentaux,
00:38:54 et ce qu'on appelle les personnes intersexes en monstres.
00:38:57 C'est un ensemble dont nous sommes héritiers,
00:39:00 dont nous essayons aujourd'hui de nous émanciper
00:39:03 en essayant de dépasser
00:39:06 toutes les préjugés qu'il y avait
00:39:09 dans ces affirmations, dans cette construction sociale.
00:39:13 Donc ça fait un tout.
00:39:16 Il y avait la situation des femmes,
00:39:20 la situation des personnes trans,
00:39:22 la situation des personnes intersexes,
00:39:24 la situation des personnes gays et lesbiennes,
00:39:27 qui étaient rejetées du côté de la pathologie.
00:39:30 Tout cela faisait un ensemble,
00:39:32 et c'est de cet ensemble, cet ordre sexué et sexuel,
00:39:35 que nous essayons aujourd'hui de nous émanciper
00:39:38 au profit d'une vision à la fois plus juste,
00:39:41 plus vraie, et en même temps plus respectueuse
00:39:44 de chacun et de ce qu'il est.
00:39:46 Alors moi, je suis de près, depuis longtemps,
00:39:50 tout ce qui se fait sur la question trans, bien sûr.
00:39:54 J'ai co-organisé avec mon ami Laurence Hérault,
00:39:57 qui est une vraiment spécialiste des transidentités,
00:40:00 par exemple, le premier colloque en France
00:40:03 sur l'expérience transgenre de la parenté.
00:40:06 C'était après l'affaire qu'on a appelée Thomas Beatty,
00:40:09 c'était en 2011.
00:40:11 - Précisez un petit peu.
00:40:13 - Thomas Beatty, qui est un homme trans,
00:40:16 qui a été connu pour avoir porté
00:40:19 plusieurs fois d'ailleurs un enfant pour son couple.
00:40:22 Parce qu'il avait fait sa transition sans être stérilisé.
00:40:26 Et donc c'était un moment de changement
00:40:29 où la stérilisation aux États-Unis n'était plus imposée
00:40:32 comme une condition, ce que ça a été pendant longtemps,
00:40:35 il faut quand même le rappeler,
00:40:37 comme une condition du pouvoir d'obtenir
00:40:39 un changement d'état civil.
00:40:41 - Qui a été retiré en 2016 en France.
00:40:44 - Et évidemment, c'est important de se souvenir
00:40:47 de cette histoire, parce que si on prenait
00:40:50 le parcours de transition de Thomas Beatty,
00:40:53 ce n'était pas du tout absurde, enfin,
00:40:56 ce n'était pas impensable de penser que
00:40:59 une personne qui était née dans un corps féminin,
00:41:02 qui avait pu faire une transition sans être stérilisée,
00:41:05 qui était donc capable de procréer avec ses forces procréatrices
00:41:09 féminines, pouvait porter un enfant
00:41:13 tout en ayant une identité sociale d'homme.
00:41:17 Et donc, ça nous paraissait important
00:41:20 de parler à ce moment de parcours trans
00:41:23 pour que l'idée "un homme enceint, c'est absurde"
00:41:27 pour sortir de l'idée "c'est n'importe quoi".
00:41:30 Or, si je suis là ce soir, c'est que j'ai le sentiment
00:41:34 que depuis quelques années, et surtout les 2-3 dernières années,
00:41:38 nous sommes dans une phase de régression du débat social
00:41:42 qui m'inquiète énormément.
00:41:45 Et c'est plutôt pour parler du débat social
00:41:48 que pour parler des transidentités, du débat social des transidentités
00:41:51 que je suis venue. Il se trouve que j'étais membre
00:41:54 du conseil scientifique de la DILCRA,
00:41:57 délégation interministérielle à la lutte contre le racisme,
00:42:00 l'antisémitisme et la haine anti-LGBT,
00:42:03 et que, à ma stupeur, je dois le dire,
00:42:07 nous avons vécu pendant presque un an
00:42:10 un non-débat sur la question trans
00:42:13 que je n'aurais jamais imaginé vivre.
00:42:16 Nous étions dans ce conseil scientifique,
00:42:19 à titre de différentes compétences,
00:42:22 et par exemple, 7 personnes qui étions en titre de nos compétences
00:42:25 sur les questions LGBT.
00:42:28 Tout ça a été très bien,
00:42:31 et commence une offensive sur le fait
00:42:34 qu'il fallait lancer l'alarme sur ce qui se passait de très grave,
00:42:39 sur les mineurs trans, etc.
00:42:42 - Ce qui n'est donc pas une réalité ?
00:42:45 - Je passe les détails. Je ne vais pas raconter
00:42:48 ce qui s'est passé dans notre conseil scientifique,
00:42:51 mais je dirais une chose que je tiens à dire publiquement,
00:42:54 puisque maintenant ce conseil scientifique a été dissous,
00:42:57 c'est que toutes les personnes dans ce conseil
00:43:00 qui étaient au titre des questions LGBT, nous nous sommes parlé,
00:43:03 nous avons toujours parlé d'une seule voix,
00:43:06 et dans ce conseil scientifique, la première chose qu'on doit faire,
00:43:09 c'est de parler du fond.
00:43:12 Il se dit des contre-vérités, vous venez de le rappeler,
00:43:15 il se dit des choses totalement fausses, nous le savons,
00:43:18 nous pouvons informer nos collègues du conseil scientifique,
00:43:21 dont la majorité n'était pas sur ces sujets,
00:43:24 vous ne connaissez pas ce sujet, il y a très peu de personnes trans,
00:43:27 c'est un débat qui n'a pas pris sa forme en France,
00:43:30 écoutez-nous.
00:43:33 Il y a eu une réunion assez rapide du conseil scientifique pour parler,
00:43:36 et nous avons proposé aussi qu'à terme,
00:43:39 un groupe de travail soit élaboré pour qu'on ait le temps
00:43:42 de recevoir des personnes, des spécialistes, etc.,
00:43:45 pour approfondir, en disant,
00:43:48 on n'a pas la science infuse sur ces sujets,
00:43:51 mais on a des données, on a des informations,
00:43:54 il faut défaire en tout cas la désinformation qu'il y a.
00:43:57 Nous n'avons jamais pu avoir gain de cause,
00:44:00 nous n'avons pas pu avoir une heure de discussion,
00:44:03 alors je précise, parce qu'on va nous entendre sur les réseaux sociaux,
00:44:06 que ça n'est absolument pas lié à la déléguée Sophie Eliséon
00:44:09 de la DILCRA, ni à la DILCRA dans son ensemble,
00:44:12 qui au contraire,
00:44:15 a tout à fait été parfaite
00:44:18 dans la défense des personnes trans sur cette affaire.
00:44:21 Ce n'est pas ça, c'est à l'intérieur du conseil scientifique,
00:44:24 où il y a eu par deux fois une offensive
00:44:27 pour essayer que nous prenions position,
00:44:30 en quelque sorte, dans un débat,
00:44:33 dans cette offensive qu'il y avait,
00:44:36 qui consistait à dire "il se passe aujourd'hui quelque chose de très grave
00:44:39 dans vos services, M. le Professeur, et dans d'autres,
00:44:42 où, justement, des jeunes mineurs
00:44:45 sont poussés dans une sorte de voie
00:44:48 qui va les entraîner vers
00:44:51 des modifications irréversibles de leur corps,
00:44:54 alors même qu'ils ne sont pas consentants, etc."
00:44:57 Donc, quand j'ai vu ça, j'avoue que j'ai été interloqué,
00:45:00 je n'aurais jamais pensé vivre ça,
00:45:03 et puis surtout, je ne comprenais pas
00:45:06 quelque chose qu'on peut voir aussi,
00:45:09 d'ailleurs, à travers tout un ensemble de pétitions qui existent aujourd'hui,
00:45:12 c'est comment des personnes que je pensais plutôt progressistes,
00:45:15 plutôt ouvertes, plutôt de gauche, si on veut,
00:45:18 plutôt rationnelles,
00:45:21 comment se faisait-il qu'on les entend tenir
00:45:24 des discours qu'on avait l'habitude d'entendre
00:45:27 plutôt chez des personnes très différentes ?
00:45:30 - Est-ce que vous avez la réponse à cette question ? - Oui, j'ai la réponse.
00:45:33 J'ai la réponse. Je pense qu'il faut arriver
00:45:36 à faire une analyse du débat,
00:45:39 mais je vois très bien que ce qui est au cœur
00:45:42 de cette offensive, justement, c'est ça, je le dirais en deux mots,
00:45:45 c'est-à-dire que ce qui s'est présenté au départ,
00:45:48 et c'est important de le rappeler parce que moi,
00:45:51 je comprends que ça ait de l'écho quand on se présente
00:45:54 simplement comme une personne prudente.
00:45:57 Ce qui s'est présenté comme, écoutez,
00:46:00 il y a un développement très important de la transidentité
00:46:03 chez les jeunes. Pourquoi cette explosion ?
00:46:06 Peut-être,
00:46:09 cette explosion serait-elle due
00:46:12 à une influence des transactivistes
00:46:15 sur les réseaux sociaux,
00:46:18 chez des jeunes qui sont fragiles, etc. Donc il y a une explosion.
00:46:21 Et à la faveur de cette explosion,
00:46:24 qui est peut-être totalement artificielle,
00:46:27 parce que pourquoi tout à coup y aurait-il cette nouveauté,
00:46:30 disent ces personnes,
00:46:33 voilà qu'il faut alerter sur le fait
00:46:36 qu'un nombre de plus en plus important
00:46:39 de mineurs serait soumis à des traitements
00:46:42 hormonaux, chirurgicaux,
00:46:45 ce discours dont vous venez de rappeler qu'il n'était pas fondé,
00:46:48 et alors que se multiplient
00:46:51 à l'étranger, justement,
00:46:54 les critiques, et en particulier du fait
00:46:57 de la prise de parole de très nombreux
00:47:00 des transitionneurs, etc.
00:47:03 Donc, ce discours-là,
00:47:06 quand il se présente comme un discours de prudence,
00:47:09 les gens disent "bah oui, il vaut mieux être prudent".
00:47:12 Comment voulez-vous que moi, à priori, je tiens un discours
00:47:15 de prudence, je dis "bah oui, il vaut mieux être prudent, c'est effectivement
00:47:18 un enfant, un adolescent, c'est pas un adulte,
00:47:21 on a charge de..." - Docteur Chambry,
00:47:24 je pense que vous êtes prudent, vous-même. - Voilà. Mais justement,
00:47:27 ce que l'on savait, et ce que je savais,
00:47:30 comme tous ceux qui connaissent un peu le sujet,
00:47:33 je ne dis pas qu'ils en sont des spécialistes, mais qu'ils le connaissent suffisamment
00:47:36 pour ne pas tomber dans ce genre de panneau, c'est que ça ne correspondait
00:47:39 pas à la réalité. C'est ce que nous souhaitions dire
00:47:42 à nos collègues, mais nous n'avons jamais pu dire.
00:47:45 Alors, qu'est-ce que j'ai aperçu, moi ?
00:47:48 J'ai fait une étude du débat.
00:47:51 C'est à ce titre-là que je suis là.
00:47:54 Le débat social, comment il a évolué ?
00:47:57 Il s'est passé quelque chose, je pense, ces dernières années,
00:48:00 c'est que nous étions, en fait, sur un certain récit collectif
00:48:03 assez simple. C'est-à-dire, nous savons
00:48:06 qu'il y a des personnes trans,
00:48:09 qu'on appelle dans notre langage aujourd'hui transgenre,
00:48:12 dans de très nombreuses sociétés, peut-être dans toutes,
00:48:15 en tout cas dans de très nombreuses sociétés.
00:48:18 Et il y a des sociétés où ces personnes sont acceptées,
00:48:21 ont une place, ça en travaillant depuis des années
00:48:24 sur les questions de genre avec des collègues
00:48:27 anthropologues, spécialistes en particulier de Polynésie,
00:48:30 des îles Samoa, etc., comme Serge Cherkezov,
00:48:33 nous connaissons très bien et nous avons travaillé longtemps
00:48:36 sur la question des Reré, des Fafafiné, etc.,
00:48:39 des hommes qui vivent à la manière des femmes, par exemple,
00:48:42 si on veut traduire les termes,
00:48:45 et qui ont une place dans certaines sociétés.
00:48:48 Il se trouve que dans la nôtre, les personnes qui empruntaient,
00:48:51 on va dire, l'identité de l'autre genre, le statut de l'autre genre,
00:48:54 ont été profondément et pendant longtemps
00:48:57 totalement réprimées. Il faut lire le livre
00:49:00 de Sylvie Steinberg sur l'histoire du travestissement,
00:49:03 le simple fait de porter des habits d'homme pour une femme
00:49:06 ou encore plus de femmes pour un homme,
00:49:09 de se présenter dans le statut de l'autre genre
00:49:12 a été totalement banni par la religion chrétienne.
00:49:15 Donc ça, il y a toute une tradition théologique sur ce point,
00:49:18 c'est-à-dire que l'idée
00:49:21 que c'était de se présenter
00:49:24 d'une façon fausse, si vous voulez,
00:49:27 alors que Dieu vous a fait autrement, etc.,
00:49:30 donc l'interdiction du travestissement avec des punitions
00:49:33 qui vont très loin et qui touchent
00:49:36 des situations encore très diverses,
00:49:39 qui vont jusqu'au fait de ne pas enterrer les comédiens
00:49:42 simplement parce qu'ils prennent les habits de l'autre sexe,
00:49:45 qu'ils sont dans le factice, etc. Donc toute cette idée,
00:49:48 c'est du faux ou c'est du vrai. Ça a pesé très lourd
00:49:51 chez nous, évidemment. Et puis,
00:49:54 quand on est entré dans la modernité, ça n'est plus
00:49:57 au nom de Dieu, de la vérité de Dieu,
00:50:00 de la nature dont Dieu vous a fait, etc.,
00:50:03 qu'il était interdit d'emprunter
00:50:06 ou d'adopter ou de se revendiquer
00:50:09 d'une identité de l'autre genre ou d'un statut de l'autre genre.
00:50:12 Ça a été au nom, cette fois, d'une pathologie.
00:50:15 C'est la science moderne qui a remplacé,
00:50:18 on va dire, la disqualification
00:50:21 comme un blasphème, comme une atteinte
00:50:24 à Dieu par l'idée
00:50:27 que ce sont des personnes malades mentales.
00:50:30 Ce sont des hommes qui se prennent pour des femmes,
00:50:33 il y en a d'autres qui sont des fous qui se prennent pour Napoléon,
00:50:36 c'est la même psychose, etc. C'est à peu près ça, si on simplifie.
00:50:39 Donc, nous pensions que tout cela était derrière nous,
00:50:42 qu'il y avait des, je ne sais plus combien d'études,
00:50:45 vous avez évoqué qu'il nous avait sortis de cette pathologisation
00:50:48 et qu'on allait progressivement vers un respect
00:50:51 de parcours tel que ceux
00:50:54 que madame vous avez décrits.
00:50:57 L'idée, voilà, vous vous ressentez
00:51:00 comme une femme, vous souhaitez vivre dans le statut
00:51:03 d'un genre féminin,
00:51:06 ça n'est pas une maladie,
00:51:09 ça n'est pas une pathologie, ça n'est pas n'importe quoi
00:51:12 et on peut l'expliquer pourquoi.
00:51:15 Et donc, nous étions vers une démarche de respect,
00:51:18 de respect des droits de la personne.
00:51:21 Et donc, qu'est-ce qui s'est passé récemment ?
00:51:24 Ce qui s'est passé récemment,
00:51:27 c'est qu'on a vu
00:51:30 à partir du mariage pour tous, ça a un peu commencé là,
00:51:33 mais ça s'est aggravé
00:51:36 ensuite, l'idée qu'il y avait une
00:51:39 explication à tout ça et qui était une
00:51:42 explication idéologique et politique.
00:51:45 C'est l'idée de la fameuse dite théorie du genre.
00:51:48 La théorie du genre, qui a été plutôt créée
00:51:51 par l'Église au moment,
00:51:54 qui a été avancée par l'Église au moment du mariage pour tous,
00:51:57 pour refuser le mariage pour tous,
00:52:00 et qui était consistée à dire, mais oui, alors aujourd'hui,
00:52:03 vous comprenez, deux femmes qui veulent
00:52:06 faire croire à un enfant
00:52:09 qu'elle peut faire un enfant
00:52:12 de leur lit,
00:52:15 on ne ment pas aux enfants, on a entendu ça dans les manifestations.
00:52:18 C'était un slogan.
00:52:21 Donc, une interprétation
00:52:24 de l'homoparenté comme une maladie mentale
00:52:27 ou une maladie plutôt idéologique,
00:52:30 par idéologie, on voudrait
00:52:33 s'émanciper des corps masculins
00:52:36 et féminins, etc. Et évidemment, les lesbiennes disaient
00:52:39 mais quel est ce discours ?
00:52:42 On ne ment pas aux enfants. Si on recourt
00:52:45 à une PMA avec un tiers donneur, on ne va pas
00:52:48 les raconter à l'enfant qu'on a fait
00:52:51 l'enfant toutes les deux dans notre lit en faisant l'amour.
00:52:54 Et c'était même tellement fou que
00:52:57 pour des personnes comme moi qui travaillent sur l'engendrement avec
00:53:00 tiers donneurs depuis longtemps, c'est quand même assez facile de dire
00:53:03 les seuls couples qui ne mentent jamais
00:53:06 aux enfants sur le recours à un tiers donneur, c'est les couples
00:53:09 de femmes. On n'a jamais rencontré un seul
00:53:12 qui ait menti. Par contre,
00:53:15 on avait un système biomédical
00:53:18 dans lequel effectivement
00:53:21 le recours aux dons,
00:53:24 tout avait été organisé pour qu'il soit masqué, pour qu'il soit
00:53:27 caché. Et il y avait eu une véritable incitation
00:53:30 de la part du pouvoir biomédical
00:53:33 auprès des personnes à mentir aux enfants.
00:53:36 On était allé très loin dans le mensonge. Donc voyez un peu où on en était
00:53:39 d'inverser les choses. C'est à dire au moment
00:53:42 où les couples de femmes révélaient
00:53:45 quelque chose de notre système commun qui était
00:53:48 très simple. Nous organisons depuis
00:53:51 1973 des engendrements avec un tiers donneur
00:53:54 et nous le masquons. Et nous faisons croire
00:53:57 aux enfants que leur père stérile est leur géniteur
00:54:00 en prenant un donneur qui a le même groupe sanguin
00:54:03 ce qui n'a aucun autre intérêt et sens que de
00:54:06 permettre qu'en classe de 3e l'enfant ne se doute de rien
00:54:09 etc. Mais quand on avait, donc les
00:54:12 femmes qui révélaient le poteau rose on va dire de notre système
00:54:15 mensonger, c'était elles qu'on accusait de vouloir mentir
00:54:18 aux enfants. Donc à partir de là
00:54:21 j'arrive au débat actuel. Quel est
00:54:24 le passage qui s'est fait entre
00:54:27 ce moment là, cette théorie du genre et
00:54:30 la façon dont cette idée est
00:54:33 reprise aujourd'hui ? C'est que
00:54:36 cette idée de la théorie du genre est au cœur
00:54:39 d'une nouvelle offensive mais qui a
00:54:42 pris une forme inédite, c'est une offensive
00:54:45 politique qu'on peut
00:54:48 simplifier en disant, voilà, c'est
00:54:51 la critique de ce qu'on appelle le "wokisme".
00:54:54 Il y a un livre par exemple
00:54:57 tout le monde peut lire, "La religion
00:55:00 Woke" de Jean-François Braunstein qui
00:55:03 est entièrement construit sur l'idée, le cœur
00:55:06 du wokisme c'est le transgenrisme.
00:55:09 Et le transgenrisme pour dire
00:55:12 en deux mots, c'est la théorie du genre
00:55:15 c'est à dire on n'accuse plus les personnes
00:55:18 transgenres d'être des malades
00:55:21 mentales ou des pathologiques, on les accuse d'être des fous
00:55:24 de l'idéologie. C'est ça, c'est à dire
00:55:27 c'est des personnes qui par idéologie mais
00:55:30 une idéologie hors d'elle-même, une idéologie folle
00:55:33 si je veux dire, considérer que
00:55:36 après tout, on est un homme
00:55:39 je vais faire un geste désagréable mais c'est comme ça qu'ils pensent
00:55:42 on est un homme, tac, je suis une femme, tac
00:55:45 c'est comme ça qu'ils parlent, c'est comme ça qu'ils écrivent
00:55:48 quand vous dites je me ressentais
00:55:51 là, tac, chacun fait ce qu'il veut, voilà
00:55:54 c'est ça leur discours. Et donc ils accusent
00:55:57 les personnes transgenres d'être en fait
00:56:00 des suppôts on va dire d'une idéologie
00:56:03 woke qui veut s'émanciper
00:56:06 de tout rapport au réel, c'est ce qui est écrit dans le livre
00:56:09 de Jean-François Bronstein, il y a des passages absolument
00:56:12 insensés à lire, même pénibles à lire
00:56:15 tellement ils sont accusateurs et violents
00:56:18 et donc où ces personnes ont décidé
00:56:21 par folie de la volonté
00:56:24 puisque chacun peut faire ce qu'il veut au fond
00:56:27 c'est ce que je veux, c'est ce qu'on veut, chacun peut décider
00:56:30 à volonté, c'est donc tout le contraire de l'expérience
00:56:33 dont vous parlez et l'un et l'autre qui est une expérience
00:56:36 où on n'est pas dans le choix, on est dans un travail
00:56:39 par rapport à quelque chose qu'on ressent
00:56:42 et là c'est au contraire l'idée
00:56:45 c'est l'idéologie de chacun fait bien ce qu'il veut
00:56:48 le sujet roi, donc on reprend tous ces thèmes
00:56:51 et donc le wokeisme aurait
00:56:54 dans son coeur le transgenreisme
00:56:57 comme une façon de dire, il n'y a plus d'hommes, il n'y a plus de femmes
00:57:00 puisque chacun finalement décide
00:57:03 ce qu'est un homme et ce qu'est une femme, vous sentez que vous êtes un homme
00:57:06 hop vous êtes un homme, vous sentez que vous êtes une femme, hop vous êtes une femme
00:57:09 donc les mots n'ont plus de sens, donc l'accusation
00:57:12 n'est pas simplement de dire
00:57:15 les personnes trans sont des personnes qui s'émancipent
00:57:18 de la réalité, pour eux il n'y a plus de
00:57:21 c'est ce qu'ils affirment, je reprends leur discours
00:57:24 il n'y a pas de corps masculin ou féminin, c'est juste un matériau
00:57:27 à transformer
00:57:30 etc, il y a des consciences
00:57:33 des consciences pures qui décident ce qu'elles veulent
00:57:36 sans aucun contrôle, puisque évidemment c'est leur ressenti intérieur
00:57:39 et qui exigent des autres
00:57:42 qu'elles acceptent leur ressenti intérieur
00:57:45 quoi qu'ils en aient et donc
00:57:48 ils accusent ces personnes, non seulement
00:57:51 d'être dans une espèce d'hubrise
00:57:54 de volonté, mais d'imposer
00:57:57 à tous leur discours
00:58:00 donc c'est là où le discours est d'une violence
00:58:03 extrême, et c'est un discours de violence non contre
00:58:06 les adultes et non pas contre les enfants
00:58:09 c'est important de le dire, qui disent
00:58:12 les transgenres sont des personnes qui sont contre les femmes
00:58:15 parce que justement
00:58:18 les femmes qui pensent qu'il y a un rapport
00:58:21 entre le fait d'être une femme et d'avoir un utérus
00:58:24 et d'avoir un corps féminin, ah ben non, elles n'avaient pas le droit
00:58:27 de penser ça, donc il faudrait choisir
00:58:30 où on a de l'empathie pour les personnes trans
00:58:33 où on a de l'empathie pour les femmes, en tout cas les personnes trans sont présentées
00:58:36 en particulier les femmes trans, quand une femme trans dit
00:58:39 comme vous venez de le dire madame, je suis une femme, bien sûr vous avez le statut
00:58:42 féminin, vous avez un état civil féminin
00:58:45 vous êtes une femme, ah ben ce serait une insulte
00:58:48 pour les autres femmes que nous appelons cisgenres
00:58:51 et ce serait également contre les
00:58:54 gays et les lesbiennes, etc.
00:58:57 et ce serait un mouvement
00:59:00 toujours, je cite Jean-François Bronstein, finalement qui nous obligerait
00:59:03 tous à sortir d'un sentiment
00:59:06 de la réalité pour entrer dans un monde de fiction
00:59:09 purement soumis à la volonté.
00:59:12 Ce que je veux dire, et je m'arrête là
00:59:15 si vous voulez, c'est que ce qu'il faut savoir
00:59:18 c'est que les personnes calmes qui se réfèrent
00:59:21 à la psychiatrie ou à la psychanalyse
00:59:24 et qui disent nous nous bornons
00:59:27 à appeler à la prudence
00:59:30 et qu'on écoute, bien sûr il faut être prudent, etc.
00:59:33 quand ils font des observatoires
00:59:36 dans lesquels justement, dans leur comité scientifique
00:59:39 on trouve pas d'autres personnes prudentes
00:59:42 mais on trouve des idéologues, purs et simples
00:59:45 qui développent à longueur de livres
00:59:48 des analyses violemment transphobes
00:59:51 je le dis, violemment transphobes
00:59:54 quand on accuse les personnes trans de tout ce dont je viens de parler
00:59:57 ça s'appelle de la transphobie, il n'y a pas d'autre mot
01:00:00 et bien on ne doit pas s'étonner que ça pose un problème
01:00:03 aux personnes concernées
01:00:06 - Vous citez un observatoire qui s'appelle l'observatoire de la petite sirène
01:00:09 - Voilà, et donc dans lequel il n'y a pas
01:00:12 il y a donc dans le conseil scientifique plusieurs personnes
01:00:15 qui ont écrit des livres de dénonciations
01:00:18 de wokismes et donc cette nouvelle attaque
01:00:21 et ce qui est, excusez-moi, je termine là-dessus
01:00:24 très troublant, c'est qu'on avait l'habitude d'entendre
01:00:27 ce genre de choses, mais ça venait de secteurs
01:00:30 qui sont considérés comme hyper catholiques
01:00:33 hyper religieux
01:00:36 d'extrême droite, etc
01:00:39 et là, voilà que c'est ça qui pour moi
01:00:42 est atterrant, c'est tragique
01:00:45 on entend des gens qu'on croyait progressistes, qu'on croyait ouverts
01:00:48 qu'on croyait attachés aux droits humains, à l'égalité
01:00:51 qui entonnent ce discours anti-wok
01:00:54 au nom de quoi ? La laïcité, la raison, la science
01:00:57 alors là vraiment, je pense qu'il est temps
01:01:00 que nous déconstruisions en commun
01:01:03 le débat social, vous avez rappelé
01:01:06 à juste titre, votre expérience
01:01:09 de personnes concernées, votre expérience de médecins concernés
01:01:12 moi je dis, nous avons un devoir collectif
01:01:15 de déconstruire le débat dans lequel nous sommes plongés
01:01:18 qui fait un mal énorme à des personnes
01:01:21 qui sont déjà très fragilisées
01:01:24 je ne suis plus au conseil scientifique de la DILCRA
01:01:27 parce qu'il n'existe plus, à cause de cette offensive
01:01:30 qui a eu en son sein, mais j'admire la DILCRA
01:01:33 je soutiens la déléguée
01:01:36 et je dis, nous avons
01:01:39 énormément à faire, il y a des discriminations
01:01:42 des violences, de la haine contre les personnes transgenres
01:01:45 c'est ça notre priorité
01:01:48 et en tout cas moi, comme sociologue
01:01:51 je suis insensible à ça, c'est une offensive destructrice
01:01:54 à laquelle nous assistons depuis 2-3 ans
01:01:57 elle s'aggrave en prenant le prétexte de la défense des enfants
01:02:00 merci beaucoup
01:02:03 pour aller dans votre sens, je rappelle aussi que
01:02:06 cette offensive a abouti à des lois
01:02:09 des lois qui restreignent
01:02:12 la possibilité pour des personnes trans de s'exprimer
01:02:15 dans d'autres pays que la France, je pense notamment
01:02:18 la Germagne, la Hongrie, aux Etats-Unis
01:02:21 prenant exemple sur la Russie
01:02:24 mais Jean Chambry, j'aimerais savoir si
01:02:27 ce discours qu'on entend très offensif
01:02:30 contre la transidentité
01:02:33 est-ce que ça se ressent dans les consultations
01:02:36 que vous menez, est-ce que les enfants sont
01:02:39 touchés par ces discours-là ?
01:02:42 alors, c'est-à-dire que
01:02:45 les adolescents qui viennent nous voir
01:02:48 ils sont dans un premier temps
01:02:51 inquiets de nous rencontrer
01:02:54 liés à ce discours, ils se demandent sur quels professionnels
01:02:57 ils vont tomber et ils sont très vite
01:03:00 rassurés et soulagés
01:03:03 et finalement, à l'adolescence, on a aussi une idée
01:03:06 que les adultes, parfois, ils ont bien du mal
01:03:09 à compréhendre certaines situations, c'est-à-dire qu'on voit
01:03:12 dans des groupes d'adolescents où ils disent à juste titre
01:03:15 "mais nous on n'a pas de soucis avec les questions de genre"
01:03:18 "c'est vous, adulte, qui avez des soucis, mais moi mon pote, il est comme ça"
01:03:21 et il y a une certaine
01:03:24 ouverture, et c'est encore plus vrai
01:03:27 du côté des enfants qui ont
01:03:30 une liberté à penser les choses, mais alors effectivement
01:03:33 du côté des professionnels, et c'est plus cela
01:03:36 c'est-à-dire que, effectivement, ce discours
01:03:39 va inquiéter les parents
01:03:42 et de sentir des parents inquiets
01:03:45 c'est jamais très bon pour l'enfant, on est très
01:03:48 sensible, on a besoin d'avoir de parents qui puissent
01:03:51 nous accompagner en ayant une
01:03:54 représentation d'un avenir possible
01:03:57 rassurant, et de pouvoir se dire
01:04:00 "voilà, tu vas pouvoir vivre ce que tu sens être et être accepté"
01:04:03 et c'est vrai qu'il y a...
01:04:06 ce que je ne comprends pas beaucoup dans notre pays
01:04:09 on a des positions contradictoires sur la question
01:04:12 de la parole de l'adolescent ou de la parole de l'enfant
01:04:15 à certains moments, il a le droit de s'exprimer, alors là, oui, il faut tenir compte
01:04:18 alors, on n'a pas toujours "tenir compte"
01:04:21 c'est un autre sujet, mais la question des abus sexuels
01:04:24 voilà, etc., alors maintenant, quand même, on commence à dire
01:04:27 "écoutons les enfants"
01:04:30 et alors, sur d'autres sujets, "ah non, ça serait n'importe quoi"
01:04:33 "c'est la crise d'adolescence"
01:04:36 voilà, donc, il faut être à l'écoute
01:04:39 des enfants et des adolescents, moi, ce qui m'a beaucoup marqué
01:04:42 c'est l'expérience de rencontrer
01:04:45 des adultes trans qui font
01:04:48 leur parcours à 40 ans, j'ai le cas
01:04:51 bien que psychiatre d'enfant, j'ai rencontré
01:04:54 cette personne et je l'ai accompagnée
01:04:57 et ce que j'ai trouvé incroyable
01:05:00 c'est que cette personne, dès 17 ans
01:05:03 avait commencé à formaliser son vécu
01:05:06 d'être une femme, en a parlé dans son environnement
01:05:09 familial, qui était pourtant
01:05:12 ouverte, accompagnante, voilà
01:05:15 et qui lui a dit "mais c'est de la maladie mentale ça"
01:05:19 "et ton parcours, c'est quoi, les hôpitaux psychiatriques?"
01:05:23 "c'est ça que tu veux vivre?"
01:05:26 il a passé 30 ans de sa vie
01:05:29 à lutter contre cette idée, en se disant
01:05:32 "je ne fais pas partie des fous"
01:05:35 au prix d'un appauvrissement de ses relations
01:05:38 d'un appauvrissement de ses investissements
01:05:41 il a investi des stéréotypes masculins
01:05:45 pour se rassurer en permanence
01:05:48 et c'est vrai que la première fois que je l'ai rencontrée
01:05:52 parce que finalement, entre temps, et c'est intéressant
01:05:55 et ça quand même, j'aimerais pas qu'on
01:05:58 perde ce progrès, parce qu'entre temps, ses parents
01:06:01 avaient changé de regard et de discours
01:06:04 à travers ce qu'on a pu évoquer pendant un temps
01:06:07 mais en ce moment, comme le disait Maintéri
01:06:10 il y a un repli
01:06:13 et les parents ont dit "mais après tout"
01:06:16 "peut-être", mais ils ne se rappelaient même pas
01:06:19 d'avoir eu ces paroles-là
01:06:22 et je l'ai rencontrée, parce que les parents me connaissaient
01:06:25 "donne-nous ton avis"
01:06:28 et j'ai vu une personne se transformer
01:06:31 et entre cet homme terne
01:06:36 triste, mal à l'aise
01:06:40 je vois apparaître une femme rayonnante
01:06:44 et là je me dis
01:06:47 "waouh", c'est-à-dire que je reviens sur cette idée
01:06:50 que les adolescents seraient sous-influencés
01:06:54 parce que c'est aussi ça qu'on entend
01:06:57 "regardez sur Netflix, il n'y a pas une série sans personnages LGBT"
01:07:00 "alors voilà les réseaux sociaux"
01:07:03 donc ils sont sous-influencés du lobby LGBT
01:07:06 qui les influence
01:07:09 en fait, la réalité c'est simplement
01:07:12 de pouvoir s'autoriser à se poser des questions sur soi
01:07:15 sans faire référence
01:07:18 à des normes qui enferment
01:07:21 "je ressens ça en moi, c'est normal ou pas ?"
01:07:24 "ben oui, pourquoi pas"
01:07:27 "et qu'est-ce que tu vas faire de ce que tu ressens en toi ?"
01:07:30 c'est ça l'axe de notre travail avec les adolescents
01:07:33 qui conduisent certains à s'autoriser à se penser homme
01:07:37 certains à se penser femme
01:07:40 certains à se sentir dans une approche plus fluide, non-binaire
01:07:43 qui peut-être changera dans les années à venir
01:07:46 mais de ne pas tout de suite s'enfermer
01:07:49 et c'est pourquoi effectivement
01:07:52 il faut se méfier de cette notion de théorie du genre
01:07:55 il n'y a pas une théorie du genre
01:07:58 parce que si on parle d'une théorie du genre
01:08:01 il y a forcément des normes qui en découlent
01:08:04 et avec lesquelles on peut classer les personnes
01:08:07 et de pouvoir se libérer
01:08:10 d'accepter tout ce qu'on ressent en soi
01:08:13 dans son désir, dans sa représentation de soi
01:08:16 le normaliser et continuer à projeter
01:08:19 une vie amicale, amoureuse, professionnelle
01:08:22 en acceptant toutes ces dimensions de soi
01:08:25 c'est le travail qu'on va faire avec eux.
01:08:28 Avant de donner la parole à la salle
01:08:31 qui pourra poser quelques questions
01:08:34 j'aimerais faire un petit tour de table sur un sujet
01:08:37 que Jean-Michel Blanquer a signé une circulaire
01:08:40 en 2021 de mémoire
01:08:43 autorisant l'école
01:08:46 à employer le nom d'usage
01:08:49 les pronoms des enfants
01:08:52 qui en feraient la demande et dont les parents
01:08:55 seraient d'accord avec cet usage
01:08:58 qu'est-ce que vous en pensez, Béatrice ?
01:09:01 Je pense que c'est un énorme progrès
01:09:04 je me suis rendu compte quand j'ai sorti mon livre
01:09:07 comme je suis sur les réseaux sociaux et Facebook
01:09:10 que mes lectrices, surtout, c'était principalement des lectrices
01:09:13 m'ont écrit via Messenger
01:09:16 et il y avait énormément d'enseignantes
01:09:19 qui me disaient en lisant leur livre
01:09:22 que ça nous a permis d'avoir une approche
01:09:25 de la transidentité
01:09:28 parce qu'à l'école, soit ils ont déjà été confrontés
01:09:31 et ne savaient pas comment s'y prendre
01:09:34 soit elles me disaient que si un jour je suis confronté
01:09:37 à une chose trans, honnêtement je ne vais pas savoir
01:09:40 comment m'y prendre non plus
01:09:43 et ils attendaient à l'époque cette fameuse circulaire
01:09:46 qui est enfin sortie, qui a mis beaucoup de temps
01:09:49 qui a été travaillée aussi avec des associations
01:09:52 il y a une des associations qui appartient à Trans Santé France
01:09:55 notamment l'association En Trans
01:09:58 qui a participé, il faut reconnaître que Jean-Michel Blanquer
01:10:01 il n'était pas tout à fait pour le fait de la sortir
01:10:04 il avait quand même un accouchement très très long
01:10:07 mais il n'empêche que cette circulaire a l'avantage d'exister
01:10:10 et reconnaît le fait d'accompagner
01:10:13 de considérer l'enfant tel qu'il est
01:10:16 et tel qu'il se ressent
01:10:19 et ça c'est un énorme progrès
01:10:22 donc je pense que c'est vraiment une évolution qui devait se faire
01:10:25 et puis il y en aura certainement d'autres
01:10:28 puisque la société évolue et tant mieux
01:10:31 et je vois que les enseignants que je côtoie, que je connais ou qui m'ont écrit
01:10:34 c'était quelque chose qu'ils attendaient
01:10:37 et qui franchement les aide dans une approche
01:10:40 encore une fois qui soit positive
01:10:43 qui soit pas une approche culpabilisante ou quoi que ce soit
01:10:46 et qui accueille comme je ne cesse de le répéter
01:10:49 même pour les adultes
01:10:52 j'ai tendance à dire "laissez nous vivre"
01:10:55 un enfant, un ado, un adulte
01:10:58 et une fois, c'est pas un choix
01:11:01 souvent on se dit entre nous, franchement on aurait été 6
01:11:04 c'est à dire non trans, on aurait eu quand même beaucoup moins de difficultés
01:11:07 donc c'est pas un plaisir
01:11:10 et on parle un peu vulgairement, pour emmerder le monde ou la société
01:11:13 ou comme le disait René Théry
01:11:16 c'est pas par idéologie qu'on est trans
01:11:19 c'est vraiment parce qu'on le ressent
01:11:22 et qu'on le ressent fortement et que si on est bloqué là
01:11:25 c'est vrai qu'on va vraiment très mal le vivre
01:11:28 et que ça va être une difficulté pour un épanouissement normal
01:11:31 de n'importe quel élément d'une société
01:11:34 donc voilà, laissez nous vivre
01:11:37 laissez nous vivre ce qu'on ressent
01:11:40 on fait de mal à personne et c'est ça quand même qui est le principal
01:11:43 moi j'ai un avis évidemment positif sur cette circulaire
01:11:46 dans le sens aussi justement
01:11:49 on doit aussi pouvoir expérimenter
01:11:52 son genre dans le quotidien
01:11:55 et effectivement il est possible
01:11:58 que pour certains enfants, certains adolescents
01:12:01 cette expérience d'être pronommé différemment
01:12:04 va peut-être les amener parfois
01:12:07 à changer d'avis finalement
01:12:10 et d'autres au contraire ça confirme
01:12:13 un ressenti de bien-être dans cette affirmation
01:12:16 qui va les aider à avancer dans leur parcours d'affirmation
01:12:21 donc moi personnellement je ne vois pas même où serait le danger
01:12:25 quel serait le danger d'écouter la parole d'un enfant et d'y répondre
01:12:31 j'arrive même pas à comprendre
01:12:34 quel serait le danger
01:12:37 au contraire, et puis je réponds souvent aussi aux parents
01:12:42 vous savez un adolescent, si vous lui dites
01:12:45 non c'est interdit, c'est pas possible
01:12:48 il a l'engagement plutôt dans une quête etc.
01:12:51 c'est vraiment mal comprendre le fonctionnement des adolescents
01:12:55 et on voit justement quand on accueille cette parole tranquillement
01:13:00 en disant mais pourquoi pas, si tu vis comme ça
01:13:03 on va t'accompagner, quels sont les problèmes que tu rencontres dans le quotidien
01:13:07 et on est tranquille, et contrairement à ce qu'on dit
01:13:12 nos consultations sont très tranquilles
01:13:15 on est pas dans "mais oui, tu dois faire ça, t'as raison, vas-y" etc.
01:13:19 on est vraiment dans le quotidien, qu'est-ce que tu es prêt à vivre
01:13:23 parce que chaque cas est différent, et comme l'a bien évoqué Béatrice
01:13:27 il y en a certains qui disent
01:13:29 moi je suis prêt à le vivre à la maison
01:13:31 mais pour l'instant, à l'école je ne veux pas
01:13:34 je ne me sens pas prêt, c'est pas le bon moment
01:13:39 j'ai quelques amis avec qui je le partage
01:13:41 c'était important de le partager avec mes parents
01:13:43 je veux avancer dans mon affirmation
01:13:46 mais ça, je ne suis pas prêt à le vivre
01:13:50 et d'autres qui disent que c'est important pour moi de le vivre
01:13:52 tout de suite, maintenant
01:13:54 et on va vraiment s'adapter au cas par cas
01:13:56 et tout en gardant en tête, encore une fois
01:13:58 ce qui est important, c'est que tu vives tout ce que tu as à vivre à ton âge
01:14:02 et que cette question d'être trans ne t'isole pas et ne te marginalise pas
01:14:06 - Erin Tavay ?
01:14:08 - Alors sur cette circulaire, je pense qu'elle nous amène à réfléchir
01:14:13 au rapport entre la bienveillance et la prudence
01:14:17 souvent, je remarque dans les livres que j'ai évoqués
01:14:22 disons qui tiennent ce discours anti-trans
01:14:25 et qui alertent sur un supposé danger
01:14:29 que l'idéologie transgenre ferait courir aux enfants
01:14:34 que dès qu'on est un peu bienveillant
01:14:37 ça veut dire qu'on va les enfermer dans une sorte de tunnel
01:14:41 dont ils ne pourront jamais sortir
01:14:43 et il me semble que, moi qui lis les travaux scientifiques qui se font
01:14:49 qui écoutent les personnes concernées
01:14:52 vous l'avez dit, Béatrice, en commençant
01:14:55 nous avons aujourd'hui une grande diversité de situations
01:14:59 il ne faut pas les mettre toutes sur un seul modèle
01:15:01 ça c'est les anti-trans qui le font
01:15:03 il n'y a que un transgenre
01:15:06 vous parlez d'une diversité
01:15:08 d'ailleurs le mouvement lui-même tente à la diversité
01:15:13 on parle de trans, de non-binaires, de fluides, etc.
01:15:17 ce qui veut dire qu'il y a une diversité de situations
01:15:20 qui ne relèvent pas de la même chose
01:15:22 qui ne sont pas vécues pareil, etc.
01:15:24 alors par rapport à ça, le fait qu'on permette
01:15:28 effectivement dans les collèges
01:15:30 sans exiger un psy, sans exiger un traitement
01:15:34 sans exiger un changement d'état civil
01:15:36 qui d'ailleurs ne serait pas possible
01:15:38 juste simplement d'entendre cette demande
01:15:41 quand elle est faite par le jeune, évidemment
01:15:43 ou la jeune, de pouvoir avoir un autre prénom d'usage
01:15:48 et d'être genré autrement par les pronoms
01:15:51 est-ce qu'on va enfermer ces personnes ?
01:15:53 il me semble que ce que vous dites c'est que c'est l'inverse
01:15:56 là où on risque de créer des situations artificiellement
01:16:00 qui vont créer des situations bloquées
01:16:04 c'est le contraire, je ne me trompe pas
01:16:08 la prudence va avec la bienveillance
01:16:10 la bienveillance ouvre les possibles
01:16:13 et donc la bienveillance, en ouvrant les possibles
01:16:16 en ouvrant les catégories
01:16:18 en ouvrant l'ouverture
01:16:21 dit aux jeunes, il y a toutes ces possibilités
01:16:24 y compris celle de changer d'avis
01:16:26 y compris celle de revenir
01:16:28 c'est tout l'inverse de ce qui est raconté
01:16:31 par ce discours anti-trans
01:16:33 donc il me semble que là il y a vraiment quelque chose d'important
01:16:38 cette circulaire a été critiquée
01:16:40 je dois le dire aussi par certaines associations
01:16:42 parce que cela demande l'accord des parents
01:16:45 il faut l'accord du jeune mais aussi celui des parents
01:16:47 et c'est vrai quelquefois qu'il y a des cas
01:16:50 où ça n'est pas facile
01:16:53 parce que la première difficulté
01:16:55 ça nous fait en demander à vos parents de vous autoriser
01:16:59 j'aimerais que vous disiez un mot là-dessus Béatrice
01:17:01 c'est vrai que quelquefois c'est difficile pour les enseignants
01:17:05 parce que ceux qui ne veulent pas entendre parler
01:17:10 du parcours transgenre de leur enfance
01:17:13 c'est les parents
01:17:15 et en même temps on imagine bien pourquoi
01:17:18 on ne veut pas faire des choses dans les collèges
01:17:20 ou dans les lycées
01:17:22 contre l'avis des titulaires de l'autorité parentale
01:17:24 c'est vrai que l'autorité parentale en fait elle est incontestable
01:17:26 elle est écrite dans le droit
01:17:28 et donc d'ailleurs on voyait mal comment
01:17:30 cette circulaire aurait pu exister
01:17:32 en déniant et en refusant l'autorité parentale
01:17:36 alors c'est vrai qu'il y a des associations radicales
01:17:38 qui ont critiqué ce phénomène-là
01:17:41 en disant il ne faut pas demander l'autorisation parentale
01:17:45 oui peut-être on peut l'imaginer
01:17:47 mais simplement dans la réalité ce n'est pas possible
01:17:50 en revanche ce qui est tout à fait possible
01:17:52 c'est qu'en effet un peu comme pour n'importe quelle maltraitance
01:17:56 on peut très bien imaginer
01:17:58 d'accuser les parents réellement de transphobie
01:18:05 d'actes qui sont des actes qui pour le coup
01:18:10 seraient une forme de discrimination envers l'enfant
01:18:13 et ça c'est entendable
01:18:15 et ça peut très bien justement être entendu
01:18:17 et dans ce cas il y aura éventuellement un retrait
01:18:20 de l'autorité parentale
01:18:22 et ça ça existe et c'est tout à fait possible
01:18:24 mais on imagine mal
01:18:26 en tout cas dans l'état actuel de droit qui existe
01:18:28 on ne peut pas aller contre l'autorité parentale
01:18:31 ou l'autorité d'un tuteur
01:18:33 donc voilà c'est bien de l'imaginer
01:18:36 mais en tout cas ce n'était pas possible
01:18:38 en tout cas il me semble que le sens de la circulaire
01:18:40 c'est de dire
01:18:42 on doit quand on est un établissement d'éducation
01:18:46 veiller pour tous les enfants qui sont accueillis
01:18:49 à un environnement protecteur et bienveillant
01:18:52 protecteur et bienveillant
01:18:54 et il n'y a aucun problème avec les nouvelles générations
01:18:58 c'est ça qui est étonnant
01:19:00 et par contre ils viennent de personnes
01:19:03 qui n'ont pas fait l'effort
01:19:05 je pense d'aller vers une véritable compréhension des choses
01:19:09 et d'ailleurs dans le livre que j'ai cité
01:19:11 j'aurais pu citer celui de Claude Habib
01:19:13 qui est de la même veine anti-Woke
01:19:15 c'est l'idée, voyez, le trans aujourd'hui
01:19:18 ça serait le héros, ça serait le super roi
01:19:21 le trans il s'est émancipé de tout
01:19:23 il n'a plus aucune contrainte de réalité
01:19:25 le corps ne compte pas pour lui, rien ne compte pour lui etc
01:19:28 il fait ce qu'il veut, il décide ce qu'il veut
01:19:30 et donc ça serait fascinant pour les jeunes
01:19:33 le super rôle modèle
01:19:35 parce que vous êtes une petite jeune fille
01:19:38 un peu timide et tout ça
01:19:40 et tout à coup vous dites que vous êtes trans
01:19:42 vous êtes le roi du pétrole etc
01:19:44 et franchement c'est tellement
01:19:46 c'est tellement contraire à la réalité dont vous parlez
01:19:51 dont parlent les associations
01:19:53 de quoi vous nous parlez ?
01:19:55 vous ne nous parlez pas du roi du pétrole
01:19:57 vous nous parlez d'adolescents en grande difficulté
01:20:00 en grande souffrance
01:20:02 vous nous parlez du fait qu'il y a
01:20:04 beaucoup trop de suicides chez les jeunes trans
01:20:06 c'est ça dont vous nous parlez
01:20:08 vous dites faites attention à ces personnes là
01:20:10 elles sont fragiles, elles sont mal...
01:20:12 vous l'avez dit, elles ne sont pas toujours malheureuses
01:20:14 mais elles peuvent l'être
01:20:16 donc nous sommes dans une logique de protection
01:20:19 et pas du tout dans une logique...
01:20:21 mais de toute façon il y a une réalité
01:20:23 c'est vrai qu'on ne l'a pas beaucoup abordée
01:20:25 et puis bon il est déjà un peu tard
01:20:27 mais il y a quand même un point que je voudrais souligner
01:20:29 parce que moi ça me touche à chaque fois
01:20:31 c'est l'histoire en effet de ce que peut vivre
01:20:33 il faut quand même citer des statistiques
01:20:36 qui disent quand même qu'il y a quasiment 30%
01:20:38 des jeunes trans
01:20:40 qui ont fait une à deux tentatives de suicide
01:20:42 et ça ce sont des chiffres qui existent
01:20:44 il y a 60% des jeunes trans
01:20:46 qui ont pensé au suicide
01:20:48 et là encore une fois c'est pas un choix
01:20:50 c'est pas pour embêter le monde
01:20:52 ni quoi que ce soit
01:20:54 c'est une réalité
01:20:56 et je peux vous donner un exemple vécu
01:20:58 d'ailleurs j'en ai parlé à Jean
01:21:00 d'une maman que je connais bien
01:21:02 qui est une amie avec sa fille Liz
01:21:04 qui est une jeune trans de 17 ans
01:21:06 qui vit dans un environnement
01:21:08 totalement...
01:21:10 sans problème
01:21:12 totalement accueillant, bienveillant
01:21:14 avec des parents qui sont super
01:21:16 qui ont accepté en effet sa transition sociale
01:21:18 elle est dans un lycée qui a accepté
01:21:20 le fait qu'elle s'appelle Liz
01:21:22 et pas selon son ancien prénom
01:21:24 elle a des camarades de classe
01:21:26 qui l'aident
01:21:28 qui la considèrent comme une fille
01:21:30 tout à fait naturellement
01:21:32 et puis il y a eu un incident terrible
01:21:34 l'année dernière puisqu'elle était en première
01:21:36 le fait qu'on vérifie
01:21:38 les identités pour passer le bac
01:21:40 et la prof
01:21:42 qui était au courant
01:21:44 s'est complètement plantée en arrivant à son nom
01:21:46 elle a lu, puisqu'en effet pour l'éducation nationale
01:21:48 même si elle accepte
01:21:50 le changement de prénom, il n'empêche que
01:21:52 administrativement c'est le prénom
01:21:54 ancien qui apparaît
01:21:56 elle a lu le prénom ancien
01:21:58 pour les amis de Liz
01:22:00 ça ne changeait rien, sauf que dans sa classe
01:22:02 il y a un petit groupe
01:22:04 je pense principalement de garçons
01:22:06 qui ne le savaient pas et qui pour eux
01:22:08 d'un seul coup c'était la révélation
01:22:10 et c'était des moqueries, du harcèlement
01:22:12 c'était horrible ce qu'elle a vécu
01:22:14 à tel point qu'on est arrivé
01:22:16 et ça, Jean
01:22:18 tu le sais très bien
01:22:20 et tu en parles aussi souvent
01:22:22 c'est qu'en fait il y a eu des scolarisations
01:22:24 Liz n'a plus voulu retourner dans son lycée
01:22:26 il y a eu scarification
01:22:28 et pour l'aider ses parents
01:22:30 à la rentrée ont décidé
01:22:32 qu'elle ferait finalement sa scolarité
01:22:34 à distance avec le CNED
01:22:36 sauf que c'est un petit appartement
01:22:38 parisien, elle tourne en rond
01:22:40 elle tourne en rond
01:22:42 et elle a fait une première tentative de suicide
01:22:44 en voulant se jeter par la fenêtre
01:22:46 ses parents, heureusement qu'elle a de super amis
01:22:48 qui étaient étonnés de ne pas avoir de nouvelles
01:22:50 c'est la maman qui a suspecté
01:22:52 quelque chose et au moment où elle est arrivée
01:22:54 elle est allée se jeter par la fenêtre
01:22:56 bon, finalement
01:22:58 c'est plutôt bien reparti
01:23:00 et puis quelques semaines plus tard
01:23:02 elle a fait sa deuxième tentative de suicide
01:23:04 enfin moi j'avoue que ça m'émeut à chaque fois
01:23:06 je trouve ça tellement terrible que des enfants
01:23:08 enfin des jeunes de 17 ans puissent penser
01:23:10 à quitter ce monde qui n'attend qu'elle
01:23:12 parce que Liz est en plus à un côté très artiste
01:23:14 c'est une fille intelligente
01:23:16 mais voilà, à cause de
01:23:18 excusez-moi de le dire, de petits cons
01:23:20 qui n'acceptent pas la différence
01:23:22 qui sont, enfin, voilà
01:23:24 qui voulaient se révéler peut-être virilement, j'en sais rien
01:23:26 face à cette pauvre Liz
01:23:28 qui, voilà, est très très mal
01:23:30 bon, je sais que tu l'as accueillie
01:23:32 dans ton service
01:23:34 d'après sa maman, puisque je suis régulièrement
01:23:36 son évolution, ça va beaucoup mieux
01:23:38 mais voyez, vous vous rendez compte
01:23:40 le traumatisme qu'elle a pu vivre
01:23:42 et vouloir à 17 ans disparaître
01:23:44 encore une fois, alors qu'elle est dans un environnement
01:23:46 qui est vraiment super, de chouettes parents
01:23:48 d'amis, voilà
01:23:50 qui l'aiment
01:23:52 et puis il suffit d'un dérapage comme ça
01:23:54 qui s'est produit au sein de l'éducation nationale
01:23:56 bon, autant dire que sa prof, qui en plus aime beaucoup Liz
01:23:58 elle s'en veut
01:24:00 et elle a vraiment beaucoup
01:24:02 de mal à le vivre
01:24:04 mais n'empêche qu'à cause d'un petit truc comme ça
01:24:06 eh bien, Liz a failli
01:24:08 par deux fois déjà disparaître
01:24:10 et c'est ça que je trouve
01:24:12 injuste, insupportable
01:24:14 qu'on puisse pas faire de place dans cette société
01:24:16 à des gens qui sont différents
01:24:18 et qui font, encore une fois, de mal à personne
01:24:20 - Tout à fait
01:24:22 On va prendre quelques questions
01:24:24 s'il y en a
01:24:26 ce serait bien
01:24:28 - Oui
01:24:30 justement
01:24:32 je pense que
01:24:34 le problème est extrêmement difficile
01:24:36 et
01:24:38 il y a un décalage
01:24:40 entre la population
01:24:42 et les spécialistes
01:24:44 et il y a un défaut d'explication
01:24:46 que ce que c'est vraiment
01:24:48 la transsexualité
01:24:50 etc
01:24:52 et les problèmes viennent de ça
01:24:54 et deuxièmement
01:24:56 madame Irène
01:24:58 - Théry
01:25:00 - Voilà Théry
01:25:02 elle parlait d'idéologie
01:25:04 je pense que les idéologies sont
01:25:06 de deux côtés
01:25:08 peut-être un peu plus de côté
01:25:10 de ceux qui sont conservateurs
01:25:12 un peu moins de côté
01:25:14 de ce qu'on appelle les progressistes
01:25:16 parce qu'en réalité
01:25:18 pour discuter de ces questions
01:25:20 il faut être
01:25:22 en même temps
01:25:24 les neuroscientifiques
01:25:26 les biologues moléculaires
01:25:28 les sociologues
01:25:30 les historiens, il faut maîtriser l'ensemble de ce domaine
01:25:32 maintenant la question
01:25:34 est combien de gens
01:25:36 de personnes qui s'occupent
01:25:38 de ces questions
01:25:40 maîtrisent l'ensemble de ce domaine
01:25:42 c'est ça
01:25:44 et troisièmement
01:25:46 c'est mon hypothèse
01:25:48 les problèmes viennent aussi
01:25:50 peut-être du concept du genre
01:25:52 le concept lui-même
01:25:54 c'est à dire
01:25:56 moi ça ne me pose aucun problème
01:25:58 parce que je comprends
01:26:00 ce que ça peut signifier
01:26:02 même si personnellement
01:26:04 je pense que
01:26:06 le concept
01:26:08 d'un type sexuel
01:26:10 c'est totalement suffisant
01:26:12 mais ça ne me pose pas trop de problèmes
01:26:14 mais par contre pour les gens
01:26:16 qui n'ont pas
01:26:18 de connaissances approfondies
01:26:20 ça peut poser vraiment un problème
01:26:22 et c'est pourquoi
01:26:24 je pense qu'il y a
01:26:26 des réactions qui sont
01:26:28 disons de deux côtés
01:26:30 en quelque sorte
01:26:32 - c'est vrai qu'au niveau idéologique
01:26:34 on peut trouver aussi en effet
01:26:36 dans certaines associations trans
01:26:38 une forme d'idéologie
01:26:40 mais comme il en existe partout
01:26:42 et
01:26:44 il y a des gens qui
01:26:46 mais
01:26:48 voilà il y a des mouvements
01:26:50 on peut trouver ça parfois chez les extrêmes
01:26:52 par exemple extrême gauche en effet
01:26:54 le fait de vouloir déconstruire une société
01:26:56 mais d'une manière brutale
01:26:58 mais qu'on déconstruise la société
01:27:00 d'une manière avancée
01:27:02 je pense que ça vaut le coup
01:27:04 parce que sinon on reste dans un schéma
01:27:06 qui est vraiment un schéma
01:27:08 qui date de siècles anciens
01:27:10 donc de cet aspect là
01:27:12 il faut qu'on avance
01:27:14 et je serais vraiment
01:27:16 enfin là je suis totalement d'accord avec vous
01:27:18 c'est le fait qu'il faut qu'on en parle
01:27:20 c'est pour ça que c'est bien qu'il y ait cette table ronde ce soir
01:27:22 ce matin moi j'étais à la fac de Strasbourg
01:27:24 là aussi pour évoquer
01:27:26 ces questions de transidentité
01:27:28 je fais pas mal de formations aussi
01:27:30 il faut en parler moi
01:27:32 il y a une phrase qui m'a beaucoup marqué
01:27:34 et vous le verrez si vous achetez mon livre
01:27:36 j'espère parce que j'ai beaucoup de peine
01:27:38 pour le libraire qui est venu
01:27:40 parce que je me dis il n'y a pas beaucoup de monde
01:27:42 c'est un peu dommage
01:27:44 mais moi j'ai mis en exergue une phrase
01:27:46 qui illustre ce que vous dites et ce que l'on dit
01:27:48 qui est une phrase d'Avey Roess
01:27:50 qui est un philosophe musulman du XIIIe siècle
01:27:52 et qui est fabulose
01:27:54 et qui dit en fait la méconnaissance conduit à la peur
01:27:56 la peur conduit à la haine
01:27:58 et la haine conduit à la violence
01:28:00 et c'est tout à fait ça
01:28:02 et souvenez-vous dans les années 70
01:28:04 ce qu'on vit nous aujourd'hui
01:28:06 c'est exactement ce qu'ont vécu les personnes gays
01:28:08 les personnes homos dans les années 70
01:28:10 ou quand l'homosexualité est un peu sortie du bois
01:28:12 comme la transidentité sort du bois aujourd'hui
01:28:14 alors que ça existe
01:28:16 vous reprenez tout ce qui est mythologie grecque
01:28:18 il y a de l'homosexualité
01:28:20 et de la transidentité dans la mythologie grecque
01:28:22 donc c'est pas récent
01:28:24 mais il n'empêche que quand c'est sorti du bois
01:28:26 l'homosexualité
01:28:28 on a aussi parlé de troubles mentaux
01:28:30 de folie
01:28:32 là même c'était même considéré comme un délit d'ailleurs à l'époque
01:28:34 et que le fait d'en parler
01:28:36 parce que ça aussi c'est le reproche qu'il nous a fait
01:28:38 le fait d'en parler va faire que tous les petits-enfants vont devenir homos
01:28:40 on voit aujourd'hui, tout le monde est homo
01:28:42 on vit exactement la même argumentation
01:28:44 et d'ailleurs on retrouve exactement dans les opposants
01:28:46 tous ceux qui étaient en effet
01:28:48 peut-être les descendants
01:28:50 mais tous ceux qui étaient donc
01:28:52 homophobes tout simplement
01:28:54 tous ceux qui ont ensuite été anti-pax
01:28:56 qui ont été anti-mariage pour tous
01:28:58 anti-pma
01:29:00 et bien maintenant ils ont trouvé un nouvel os à ronger
01:29:02 et bien maintenant ils ont trouvé un nouvel os à ronger
01:29:04 et bien maintenant ils ont trouvé un nouvel os à ronger
01:29:06 et bien maintenant ils ont trouvé un nouvel os à ronger
01:29:08 c'est en fait la transidentité
01:29:10 et le fait notamment de s'attaquer aux enfants trans
01:29:12 que je trouve ignoble
01:29:14 mais c'est vrai que ça marque
01:29:16 "ah les pauvres enfants ce qu'on leur fait subir"
01:29:18 et bien voilà, c'est comme ça que ça arrive à rentrer
01:29:20 progressivement
01:29:22 à s'instiller dans l'esprit de certains en disant
01:29:24 "ah" et voilà c'est les gens qui n'y connaissent rien
01:29:26 et ça a un impact terrible
01:29:28 sur ceux en effet, sur l'ignorance
01:29:30 en fait, qui va provoquer la peur
01:29:32 la haine et la violence
01:29:34 (je voudrais ajouter une chose)
01:29:36 je peux parler ?
01:29:38 alors je voudrais ajouter une chose
01:29:40 ce qui est fondamental
01:29:42 pour maîtriser l'ensemble
01:29:44 de ce problème, c'est la théorie
01:29:46 de l'évolution
01:29:48 et je pense qu'on n'applique pas
01:29:50 cette théorie
01:29:52 normalement
01:29:54 on devrait l'appliquer partout
01:29:56 c'est Dobzhansky qui a dit "rien n'a sens en biologie
01:29:58 sans théorie de l'évolution"
01:30:00 et le problème est réel
01:30:02 parce qu'on peut se poser la question
01:30:04 j'ai entendu qu'il y avait
01:30:06 un sondage où
01:30:08 30% de
01:30:10 pardon, 22%
01:30:12 de gens
01:30:14 de personnes
01:30:16 entre 18 et 30 ans
01:30:18 ne savent pas
01:30:20 quel est leur sexe
01:30:22 se considèrent comme non-binaires
01:30:24 voilà, c'est exactement ça
01:30:26 c'est ce sondage là
01:30:28 c'est important la signification
01:30:30 des mots
01:30:32 et le problème est réel, la société
01:30:34 a peur de ça, vous voyez ce que je veux dire
01:30:36 et ensuite, on peut développer
01:30:38 ça en théorie de l'évolution
01:30:40 c'est à dire, est-ce que notre société
01:30:42 évolutionnement parlant
01:30:44 peut
01:30:46 persister
01:30:48 s'il y a de telles
01:30:50 situations ?
01:30:52 le problème est réel, c'est ça
01:30:54 c'est à dire que
01:30:56 il faut quand même
01:30:58 partir, en tout cas sur la question
01:31:00 de la transidentité, qu'il y a
01:31:02 la réalité de nos
01:31:04 corps et des organes génitaux
01:31:06 et que là, oui, bien sûr
01:31:08 il y a des mâles, il y a des femelles, il y a des
01:31:10 intersexes, il y a une réalité biologique
01:31:12 mais la particularité des êtres
01:31:14 humains, c'est qu'on a une conscience réflexive
01:31:16 on se pense, on se
01:31:18 construit une représentation de soi
01:31:20 et voilà
01:31:22 depuis l'histoire de l'humanité
01:31:24 il y a des gens qui ont un pénis qui se sentent femmes
01:31:26 c'est pas
01:31:28 un phénomène nouveau
01:31:30 sauf qu'effectivement, c'est comment
01:31:32 on autorise ces personnes
01:31:34 à avoir une place dans la société
01:31:36 sans les stigmatiser
01:31:38 et il y a la question aussi
01:31:40 vraiment des rapports entre la question
01:31:42 d'appartenir à une minorité dans un
01:31:44 grand groupe, on sait qu'en général
01:31:46 malheureusement, il y a quelque
01:31:48 chose du besoin de mal
01:31:50 traiter ces minorités
01:31:52 et ça c'est quand même
01:31:54 c'est quand même une
01:31:56 réalité
01:31:58 de ce qu'ont à vivre les personnes qui
01:32:00 appartiennent à cette
01:32:02 minorité et on fait
01:32:04 peur à partir de la question
01:32:06 de la différence et c'est vrai
01:32:08 que quand même, comme
01:32:10 on a une capacité à se représenter
01:32:12 on construit aussi des idéaux
01:32:14 de ce qui nous permettent
01:32:16 d'avancer dans nos représentations
01:32:18 et qu'il y a eu une prise
01:32:20 conscience tardive que beaucoup
01:32:22 des idéaux portés par la société
01:32:24 autour du genre, ils sont quand même
01:32:26 au service
01:32:28 il y a des rapports de pouvoir
01:32:30 dans ces représentations
01:32:32 et que les femmes, on en fait
01:32:34 les frais
01:32:36 et que effectivement
01:32:38 les personnes qui peuvent avoir
01:32:40 un vécu différent, une sexualité différente
01:32:42 en font les frais
01:32:44 parce qu'on a peur de se confronter à la différence
01:32:46 mais justement
01:32:48 il faut sortir
01:32:50 de cette réalité et dans le quotidien
01:32:52 moi en tant que médecin, le pourquoi
01:32:54 je m'en fiche. La question c'est
01:32:56 comment vous allez pouvoir vivre
01:32:58 ce que vous avez
01:33:00 besoin de vivre
01:33:02 le mieux possible en tenant compte
01:33:04 des éléments de réalité. Et le pourquoi
01:33:06 c'est intéressant, mais ça pour moi c'est pour
01:33:08 la recherche. Mais dans le quotidien
01:33:10 ce que je... Voilà parce que
01:33:12 ou alors il faut poser des pourquoi à tout le monde
01:33:14 parce que sinon on stigmatise
01:33:16 si la personne qui est trans, elle doit
01:33:18 réfléchir pourquoi elle est trans, alors il faut
01:33:20 que les cis réfléchissent aussi pourquoi ils sont cis.
01:33:22 Voilà.
01:33:24 Peut-être que tout le monde n'a pas
01:33:26 posé cette question
01:33:28 et les problèmes viennent de là. Parce que si vous
01:33:30 comprenez pourquoi certains sont trans,
01:33:32 l'autre cis, etc.
01:33:34 Moi ça ne me pose aucun problème.
01:33:36 Voilà.
01:33:38 Vous voulez intervenir.
01:33:40 Travaillons sur ces sujets
01:33:42 beaucoup avec des anthropologues. Je dois vous dire que
01:33:44 ce qui a pour moi beaucoup simplifié
01:33:46 les choses, c'est quand j'ai compris
01:33:48 que ce qu'il y avait
01:33:50 en commun avec l'extrême
01:33:52 diversité encore une fois
01:33:54 de l'expérience qu'on pourrait appeler
01:33:56 l'expérience transgenre. Ce qu'il y a en commun
01:33:58 c'est que ce sont des personnes
01:34:00 qui revendiquent ou ne peuvent pas vivre
01:34:02 on va dire
01:34:04 dans le statut
01:34:06 qui est lié à leur
01:34:08 sexe biologique de naissance.
01:34:10 Si on admet l'idée d'un statut de genre,
01:34:12 qu'est-ce que ça va être un statut de genre ?
01:34:14 C'est celui par exemple qui est
01:34:16 construit à travers l'état civil.
01:34:18 L'état civil n'a jamais été une description
01:34:20 de nos identités
01:34:22 biologiques.
01:34:24 C'est quelque chose qu'on sait depuis le droit romain.
01:34:26 Dans le droit romain,
01:34:28 il y a des hommes, il y a des femmes,
01:34:30 il n'y a pas d'hermaphrodite.
01:34:32 Il n'y a pas d'intersexe.
01:34:34 Donc si
01:34:36 l'état civil décrivait
01:34:38 la réalité biologique, il aurait fait une place
01:34:40 aux personnes intersexes, ce qu'il n'a jamais fait.
01:34:42 Donc l'état civil
01:34:44 va parler du sexe, et en fait
01:34:46 il surajoute, en quelque sorte,
01:34:48 il construit à partir du sexe,
01:34:50 il vous donne un statut de genre.
01:34:52 Et ce statut de genre,
01:34:54 ce n'est pas un manteau qu'on enlève, qu'on met, etc.
01:34:56 Ça fait profondément partie
01:34:58 de ce qu'on va appeler notre identité.
01:35:00 Et en nous construisant dans cet domaine réflexif,
01:35:02 je suis tout à fait d'accord avec vous,
01:35:04 et nous en tant que solos, on travaille beaucoup là-dessus,
01:35:06 c'est-à-dire, on endosse
01:35:08 en quelque sorte ou pas, ce statut,
01:35:10 c'est celui-là qui nous a été assigné à la naissance.
01:35:12 À partir de ce qu'on a identifié
01:35:14 ou cru identifier de notre corps,
01:35:16 on a considéré évident
01:35:18 qu'on allait
01:35:20 enteriner
01:35:22 en quelque sorte un certain statut de genre.
01:35:24 Et pendant longtemps,
01:35:26 ce statut de genre, effectivement,
01:35:28 il était très très différent,
01:35:30 parce que le principe de la société,
01:35:32 c'était, il y a des rôles pour les garçons,
01:35:34 il y a des rôles pour les filles,
01:35:36 et donc, il y a une excellence
01:35:38 de chaque sexe,
01:35:40 on éduquait les enfants,
01:35:42 les garçons à être comme ceci,
01:35:44 comme cela, les filles comme ceci, comme cela, etc.
01:35:46 Et donc, il y a toujours eu des personnes,
01:35:48 et bien, ce n'est pas des personnes
01:35:50 qui se trompent, c'est des personnes
01:35:52 pour lesquelles endosser ce statut
01:35:54 n'était pas possible.
01:35:56 Elles ne se reconnaissaient pas
01:35:58 dans ce statut.
01:36:00 Et c'est là où je dis,
01:36:02 toutes les minorités doivent nous inciter,
01:36:04 la majorité, à regarder la norme.
01:36:06 Il y a un problème dans la norme.
01:36:08 Cela a été vrai au moment
01:36:10 du mariage pour tous, etc.
01:36:12 Cela a été vrai, je vous l'ai dit, sur l'engendrement
01:36:14 avec tiers donneurs, quand on regardait
01:36:16 la norme, c'est la norme est là.
01:36:18 On a une norme qui, effectivement,
01:36:20 ne reconnaît pas cette notion de statut.
01:36:22 Et donc, n'arrive pas à avoir
01:36:24 une double description des personnes.
01:36:26 Et donc, quand une personne qui est née avec un corps
01:36:28 masculin, va dire
01:36:30 "je me sens une femme", cela veut dire
01:36:32 "j'ai besoin de ce statut de femme
01:36:34 qui existe dans la société,
01:36:36 je me reconnais dedans",
01:36:38 elle dit n'importe quoi.
01:36:40 Elle nous dit "toi qui es cisgenre,
01:36:42 moi par exemple, Irène Théry,
01:36:44 qui suis née avec un corps de fille,
01:36:46 un corps femelle,
01:36:48 si on veut, et qui me reconnaît
01:36:50 dans ce statut, je dois apprendre
01:36:52 que j'ai
01:36:54 un statut de genre.
01:36:56 Et qu'est-ce que c'est un statut de genre ?
01:36:58 C'est une place dans la société,
01:37:00 une façon de s'adresser à vous,
01:37:02 au féminin,
01:37:04 une façon de vous genrer,
01:37:06 un prénom qu'on vous donne, des attentes
01:37:08 qu'on a à votre égard, des vêtements
01:37:10 qu'on vous autorise à porter ou pas, etc.
01:37:12 Et c'est ça que les personnes demandent.
01:37:14 Et après, elles ont besoin,
01:37:16 et ça c'est, comme vous l'avez dit,
01:37:18 il y a toute une panoplie de situations,
01:37:20 de modifier ou pas
01:37:22 jusqu'à quel point leur corps,
01:37:24 pour pouvoir investir complètement
01:37:26 ce statut dans lequel elles se reconnaissent.
01:37:28 Et qu'elles n'ont pas choisi de...
01:37:30 Parce que là, je ne suis pas
01:37:32 la spécialiste de "qu'est-ce qui fait qu'on endosse
01:37:34 un statut ?" Mais en tout cas, c'est clair.
01:37:36 Et donc, c'est pour ça que moi,
01:37:38 je ne suis pas du tout dans l'idée qu'il y aurait
01:37:40 un problème quelconque,
01:37:42 dès lors que je dispose de la différence entre...
01:37:44 On peut décrire les personnes sous plusieurs
01:37:46 descriptions, en quelque sorte.
01:37:48 Et donc, ça, d'autres sociétés
01:37:50 n'ont pas de problème avec ça.
01:37:52 Et la nôtre en a, parce qu'elle veut
01:37:54 toujours, c'est une vieille tradition,
01:37:56 nous ramener à une seule
01:37:58 et unique définition dite
01:38:00 naturelle. Et ça...
01:38:02 Et donc, c'est pour ça que
01:38:04 le débat n'est pas fini.
01:38:06 Et que, encore une fois,
01:38:08 les minorités apprennent à la majorité
01:38:10 quelque chose d'elles-mêmes.
01:38:12 Et c'est à ce moment-là qu'on aura vraiment avancé,
01:38:14 je pense, dans le processus démocratique,
01:38:16 quand on comprendra ça.
01:38:18 - Merci beaucoup. Une dernière question,
01:38:20 peut-être ?
01:38:22 - Bonjour. Je suis là.
01:38:24 - Bonjour, pardon. - Bonjour. Merci beaucoup.
01:38:26 Très intéressant.
01:38:28 Ma question, elle est pour Béatrice.
01:38:30 Et pour...
01:38:32 les sublimes aussi.
01:38:34 J'ai entendu
01:38:36 une personne qui
01:38:38 était trans, donc c'était un homme trans,
01:38:40 qui parlait de...
01:38:42 d'ascension sociale
01:38:44 en devenant homme, justement.
01:38:46 Et du coup, pour vous, Béatrice,
01:38:48 est-ce que ça a été
01:38:50 l'inverse, un peu ? Est-ce que vous avez...
01:38:52 - Désolée, ma question n'est pas très jolie.
01:38:54 - Est-ce que vous avez vécu plus
01:38:56 d'inégalités en devenant femme ?
01:38:58 - Ah, ça, c'est une question intéressante, parce que...
01:39:00 Alors, bon, moi, j'ai pas l'impression
01:39:02 d'une régression, bien au contraire.
01:39:04 Mais ce qui est vraiment intéressant,
01:39:06 et c'est un sujet,
01:39:08 je pense, qui est vraiment très sociologique,
01:39:10 d'ailleurs, que j'ai vraiment vécu...
01:39:12 - Les faire pas.
01:39:14 - Non, mais pas que ça.
01:39:16 C'est le fait, par exemple,
01:39:18 que, donc,
01:39:20 naît homme, et donc...
01:39:22 Et attention, on ne dit jamais "devenue femme",
01:39:24 puisqu'on l'était intérieurement.
01:39:26 Donc, naît homme,
01:39:28 et m'étant révélée
01:39:30 socialement,
01:39:32 et puis par mon corps aussi, par les interventions chirurgicales,
01:39:34 femme.
01:39:36 Bon. Ce qui est étonnant,
01:39:38 c'est que, par exemple, j'ai vécu une incompréhension
01:39:40 extraordinaire
01:39:42 de la part des hommes.
01:39:44 Et ça, c'est vraiment un point... J'en ai beaucoup discuté,
01:39:46 d'ailleurs, avec ma psychologue clinicienne.
01:39:48 Et ça, c'est vraiment, je trouve, quelque chose
01:39:50 qui est vraiment intéressant.
01:39:52 Je vais vous donner un petit exemple, une anecdote.
01:39:54 Bon. Je vis dans une copropriété,
01:39:56 je suis syndic bénévole
01:39:58 de la copropriété,
01:40:00 et un jour, il a bien fallu que j'annonce
01:40:02 que, ben,
01:40:04 celui qu'ils avaient connu
01:40:06 comme syndic, et puis comme voisin,
01:40:08 tout simplement, est devenu une voisine.
01:40:10 Et donc, j'ai saisi l'occasion
01:40:12 d'une assemblée générale, puis j'en avais annoncé
01:40:14 qu'à la fin, je leur annoncerais quelque chose d'important.
01:40:16 Il y en a qui ont cru que j'étais très malade
01:40:18 ou je sais pas trop quoi.
01:40:20 Et puis à la fin, j'ai annoncé que,
01:40:22 désormais,
01:40:24 j'étais encore en apparence masculine,
01:40:26 désormais, ce serait Béatrice,
01:40:28 et que ce serait
01:40:30 une femme qui serait leur voisine.
01:40:32 J'avais ramené le champagne
01:40:34 pour fêter tout ça.
01:40:36 Et ce qui a été vraiment extraordinaire...
01:40:38 Ce qui a été extraordinaire, c'est que
01:40:40 toutes les femmes, toutes mes voisines,
01:40:42 sont venues spontanément vers moi, en trinquées,
01:40:44 en disant "Oh, quel courage,
01:40:46 c'est super,
01:40:48 n'hésite pas,
01:40:50 on pourra t'aider, on est toutes là, etc."
01:40:52 Et les hommes
01:40:54 sont restés un peu à l'écart. Aucun rejet,
01:40:56 franchement, j'ai eu aucun rejet,
01:40:58 et puis ça se passe très très bien.
01:41:00 - Mais pas de commentaires. - Mais pas de commentaires,
01:41:02 une espèce de gêne, en fait.
01:41:04 Et je l'ai ressenti aussi,
01:41:06 par exemple, pour vous donner
01:41:08 l'exemple, quand on parlait de Radio France,
01:41:10 quand j'ai fait cette conférence
01:41:12 pour tout le monde,
01:41:14 on l'a faite au 22ème étage,
01:41:16 qui est l'étage prestigieux de Radio France
01:41:18 au sommet de la Tour,
01:41:20 - Avec la plus belle vue de Paris. - La plus belle vue de Paris, sur la Tour Eiffel,
01:41:22 qui est juste en face,
01:41:24 et tout le monde pouvait suivre aussi,
01:41:26 par visio.
01:41:28 Et il n'empêche que,
01:41:30 sur le coup, je n'avais pas fait attention,
01:41:32 et quand j'ai bien regardé la salle,
01:41:34 en fait, il y avait quasiment, on avait estimé,
01:41:36 à peu près 70%,
01:41:38 75% de femmes qui étaient présentes,
01:41:40 et très peu d'hommes, enfin le reste étant des hommes.
01:41:42 Et c'est vraiment
01:41:44 un phénomène intéressant.
01:41:46 Et justement, en discutant avec ma psychologue,
01:41:48 c'est le fait, quand même, que socialement,
01:41:50 je suis passé, même si
01:41:52 ce n'est pas dit, mais c'est ressenti comme ça,
01:41:54 du sexe dit fort,
01:41:56 même si, heureusement, on n'utilise plus
01:41:58 cette expression, mais au sexe
01:42:00 dit faible.
01:42:02 Et pour, notamment,
01:42:04 je pense, je ne sais pas, les psychiatres,
01:42:06 les psychologues, estiment que c'est, je crois,
01:42:08 l'angoisse de castration, en fait,
01:42:10 qui est ressentie par,
01:42:12 peut-être pas forcément par tous les hommes,
01:42:14 mais qui est, voilà, une espèce d'angoisse
01:42:16 qui est ressentie, d'ailleurs, en rigolant,
01:42:18 parfois, on dit "Ah ! Oh là là là là là !"
01:42:20 Bon, ils imaginent, en fait,
01:42:22 ils s'approprient, en fait, ce que j'ai
01:42:24 vécu, et pour eux, c'est incroyable.
01:42:26 Et que je sois passé,
01:42:28 en effet, du clan
01:42:30 des maîtres du monde
01:42:32 à la catégorie, en effet,
01:42:34 des femmes, ben pour beaucoup, c'est
01:42:36 incompréhensible. Et j'avais eu, bon,
01:42:38 j'ai, m'arrêtez là, mais j'ai eu aussi une lettre
01:42:40 d'un ami journaliste,
01:42:42 d'ailleurs, qui est dans le Nord,
01:42:44 donc moi, à Paris,
01:42:46 je ne l'ai pas vu depuis un certain temps,
01:42:48 j'ai écrit un petit mot pour, ben notamment, le Faire part,
01:42:50 en effet, que j'ai envoyé, je ne sais pas si
01:42:52 il a été diffusé ou pas,
01:42:54 ben, quand ça a été,
01:42:56 enfin, voilà, quand j'ai fait
01:42:58 ma vaginoplastie, j'ai envoyé un Faire part,
01:43:00 un peu humoristique, mais qui résumait bien que c'était
01:43:02 ma nouvelle naissance, et il n'empêche
01:43:04 qu'il m'a écrit en disant
01:43:06 "écoute, il a mis
01:43:08 beaucoup de temps à m'écrire, j'ai du mal, j'arrive
01:43:10 pas à comprendre ta situation, bon,
01:43:12 - Julien, le Faire part.
01:43:14 - Ah ben voilà, le Faire part que j'ai envoyé, bon, en plus, la photo, c'est
01:43:16 une vraie photo de moi, hein, mais
01:43:18 à un an et demi, à peu près, et
01:43:20 je l'aime beaucoup, cette photo, parce que c'est vrai que j'ai quand même
01:43:22 un peu un physique féminin
01:43:24 à cette époque-là. Bon, il n'empêche
01:43:26 que ce journaliste copain m'a écrit
01:43:28 en disant "écoute, en plus, moi,
01:43:30 je sais que c'était un rugbyman,
01:43:32 donc avec vraiment des côtés de virilité
01:43:34 assez puissante,
01:43:36 j'arrive pas à imaginer que tu puisses,
01:43:38 alors évidemment, il a utilisé le mauvais mot, "devenu
01:43:40 femme", mais vous voyez, c'est quand même ça
01:43:42 que j'ai vécu, ressenti.
01:43:44 Alors, je sais pas
01:43:46 ce que vous pouvez ajouter,
01:43:48 mais... - Moi, je suis
01:43:50 pas sûr que
01:43:52 ça soit
01:43:54 une particularité
01:43:56 fondamentale
01:43:58 d'être homme, mais plutôt comment
01:44:00 on élève encore les hommes, c'est-à-dire
01:44:02 et pour moi,
01:44:04 c'est la confusion
01:44:06 importante qu'a fait
01:44:08 Freud sur pénis et phallus,
01:44:10 c'est que pendant très longtemps,
01:44:12 on part sur l'idée
01:44:14 que les hommes auraient un truc
01:44:16 en plus,
01:44:18 parce que anatomiquement,
01:44:20 ils ont ce pénis, et qu'il y aurait
01:44:22 du coup quelque chose
01:44:24 en plus. - Les femmes ont rien.
01:44:26 - Voilà, et que les femmes ont rien.
01:44:28 Moi, je suis très... - Ils auraient pas trouvé le clitoris.
01:44:30 - Très fier
01:44:32 de ma nièce.
01:44:34 Quand elle avait 4 ans, elle me dit
01:44:36 "Tu sais, tonton, il faut que je te dise
01:44:38 un secret, mais t'en parle pas,
01:44:40 vraiment,
01:44:42 on dit que les petits garçons,
01:44:44 ils ont
01:44:46 un zizi, et bah moi,
01:44:48 je vais te dire, j'en ai un aussi,
01:44:50 mais ils ne se voient pas de la même façon."
01:44:52 Et là, j'ai dit "Enfin, peut-être
01:44:54 que la société change
01:44:56 et qu'on sort de l'idée
01:44:58 que, effectivement,
01:45:00 parce que c'est gommé aussi,
01:45:02 au niveau des fantasmes,
01:45:04 tous les hommes qui aimeraient porter des enfants
01:45:06 à coucher, etc.,
01:45:08 et que cette représentation
01:45:10 de l'homme fort,
01:45:12 qui aurait du plus... Moi, je pense que, malgré tout,
01:45:14 ça reste quand même encore
01:45:16 présent, c'est remis en question,
01:45:18 mais...
01:45:20 Voilà, c'est...
01:45:22 En tout cas, ce que je vois dans la réalité,
01:45:24 vraiment, c'est que les hommes trans
01:45:26 sont quand même
01:45:28 plus facilement acceptés
01:45:30 que les femmes trans,
01:45:32 même si ça change.
01:45:34 C'est...
01:45:36 - D'ailleurs, regardez les actes transphobes,
01:45:38 enfin, les actes violents transphobes,
01:45:40 on parle
01:45:42 très peu, finalement,
01:45:44 à ma connaissance, des hommes trans
01:45:46 agressés,
01:45:48 il n'y en a pas.
01:45:50 Et on revient aussi à ce qu'on appelait
01:45:52 les garçons manqués.
01:45:54 Les garçons manqués, c'était bien accepté.
01:45:56 Alors que, en effet,
01:45:58 un garçon
01:46:00 qui était un peu androgyne,
01:46:02 un peu féminin,
01:46:04 ben, comme on disait,
01:46:06 c'est une espèce de tapin à nez, je sais pas trop...
01:46:08 - Oui, ça va tout à fait dans ce sens-là.
01:46:10 C'est-à-dire que, quand on revient sur l'histoire longue,
01:46:12 il y a toujours eu des personnes trans,
01:46:14 c'est-à-dire qu'on appelle comme ça aujourd'hui.
01:46:16 Alors, qui se présentaient,
01:46:18 on va dire, dans le vêtement,
01:46:20 parce que souvent, c'était beaucoup le vêtement,
01:46:22 mais dans l'identité, le nom
01:46:24 d'un genre qui n'était pas lié
01:46:26 à leur sexe.
01:46:28 Alors, la société est complètement,
01:46:30 très clairement,
01:46:32 très hostile
01:46:34 aux transitions
01:46:36 de hommes vers femmes,
01:46:38 et moins hostile
01:46:40 aux transitions de femmes vers hommes.
01:46:42 Et dans le passé, on sait qu'il y avait de nombreuses femmes
01:46:44 qui étaient, se présentaient
01:46:46 sous une identité masculine,
01:46:48 dans des vêtements masculins,
01:46:50 qui ont été intégrées dans l'armée,
01:46:52 dans la marine, etc.
01:46:54 Et donc, il n'y avait aucun équivalent
01:46:56 dans l'acceptation sociale
01:46:58 concernant
01:47:00 une femme trans.
01:47:02 Et au contraire,
01:47:04 un stigmate énorme vers celui...
01:47:06 Puisque, justement, il y avait un sexe qui était considéré comme supérieur.
01:47:08 Comment pouvait-on aller
01:47:10 d'une supériorité
01:47:12 dans la nature humaine, en descendant ?
01:47:14 Alors, qu'on veuille s'élever, on pouvait le comprendre,
01:47:16 mais qu'on veuille descendre,
01:47:18 parce que, vous étiez...
01:47:20 Les hommes, les mâles,
01:47:22 qu'on confondait avec leur statut, étaient considérés
01:47:24 à la fois statutairement et physiquement
01:47:26 comme plus parfaits. Vous ne pouvez pas aller du plus parfait
01:47:28 au moins parfait. Ça ne concernait pas
01:47:30 l'œuvre de Dieu, ça.
01:47:32 Donc, c'est important pour aujourd'hui
01:47:34 de comprendre ça, parce que, pendant longtemps,
01:47:36 ça peut paraître étrange,
01:47:38 dans les cohortes qui étaient considérées
01:47:40 comme celles des transsexuelles suivies par les mâles,
01:47:42 il y avait beaucoup plus
01:47:44 de transitions,
01:47:46 on va dire,
01:47:48 de M to F.
01:47:50 Il y avait plus de nés garçons
01:47:52 qui devenaient filles. Pourquoi ?
01:47:54 Tout simplement parce que c'était
01:47:56 impossible de passer
01:47:58 dans la société
01:48:00 quand on est dans ce sens-là.
01:48:02 Des filles pouvaient toujours essayer, de même que
01:48:04 les filles qui veulent aujourd'hui
01:48:06 s'habiller aux rayons de garçons,
01:48:08 je ne vois pas où est le problème. D'ailleurs, c'est ce que font mes petites-filles.
01:48:10 Mais par contre, c'est très difficile
01:48:12 encore aujourd'hui, l'inverse.
01:48:14 Donc, les asymétries de genre
01:48:16 sont centrales. C'est très important
01:48:18 pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui.
01:48:20 Parce que cette prétendument
01:48:22 affolante augmentation
01:48:24 des cas,
01:48:26 cette prétendue épidémie,
01:48:28 porte beaucoup
01:48:30 justement sur une sorte de rattrapage,
01:48:32 si on pourrait dire, où
01:48:34 les...
01:48:36 les hommes trans,
01:48:38 qui auparavant
01:48:40 essayaient de se passer,
01:48:42 peuvent revendiquer.
01:48:44 Il me semble que ça, c'est important.
01:48:46 Là, il y a une donnée sociologique qui explique
01:48:48 une partie, peut-être pas toute, mais une partie
01:48:50 importante de ce que nous
01:48:52 observons aujourd'hui.
01:48:54 - Je vous remercie beaucoup, tous les trois.
01:48:56 On va pouvoir continuer un petit peu
01:48:58 cette discussion
01:49:00 au cours d'une séance de dédicaces
01:49:02 où vos livres seront présentés.
01:49:04 Je voudrais aussi remercier
01:49:06 les équipes de la Cité des Sciences qui ont fait
01:49:08 un travail formidable pour pouvoir nous
01:49:10 accueillir ce soir et parler de ce sujet
01:49:12 qui, on l'aura compris, est
01:49:14 plus qu'important dans la société.
01:49:16 Merci encore. - Merci à vous.
01:49:18 [Applaudissements]
01:49:20 (Applaudissements)

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