Lundi 5 juin 2023, BE SMART reçoit Étienne Wasmer (Économiste et professeur, NYU Abu Dhabi)
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00:00 [Générique]
00:05 Donc, Etienne Vassemer est avec nous. Bonjour Etienne.
00:08 Bonjour.
00:09 Professeur d'économie à la New York University d'Abu Dhabi.
00:13 On avait déjà eu d'ailleurs le plaisir de discuter ensemble en visio.
00:18 Alors, ce qui me vaut ce titre "La France face au déclin"
00:22 et je suis ravi que tu puisses être là pour en discuter,
00:25 c'est un point de vue qui date de mars dernier que tu as écrit dans les échos.
00:30 Résumé, alors, il y a plusieurs graphiques.
00:34 Si vous allez sur la page des échos avec le papier d'Etienne,
00:37 vous verrez plusieurs graphiques.
00:39 Il y en a un là qu'on va voir tout de suite.
00:41 Voilà.
00:43 Qu'est-ce qu'on voit là, Etienne ?
00:45 Qu'est-ce que tu as voulu montrer à travers ce graphe ?
00:48 Donc, on voit, alors je le décris très rapidement
00:51 pour ceux qui nous écoutent en podcast et en radio,
00:54 on voit la corps des États-Unis qui monte assez nettement,
00:57 celle de la Suisse qui monte moins nettement,
01:01 celle de l'Allemagne qui se maintient
01:04 et celle de la France qui est désespérément plate.
01:08 Stagnante ?
01:09 Oui, voilà, stagnante.
01:11 Oui, c'est des chiffres qu'on n'a pas l'habitude de voir
01:14 parce qu'on a toujours tendance à minimiser le problème.
01:17 Alors là, il faut préciser, ce sont les chiffres bruts.
01:19 C'est-à-dire, on prend les euros produits par les Français,
01:21 on convertit en dollars et on voit un écart
01:24 qui s'est accéléré en réalité depuis 2008.
01:26 La cour commence en 2010, mais à partir de 2008,
01:29 on n'a pas vraiment de diminution de ces écarts.
01:32 Il y a des petits cycles, des fois ça va plus vite,
01:34 des fois ça va moins vite, mais en tout cas,
01:35 les États-Unis rattrapent.
01:36 Et la raison pour laquelle on ne sait pas que...
01:38 Attends, on va remettre le graphe.
01:40 Il n'y a pas de diminution des écarts.
01:42 Les écarts se creusent, oui.
01:43 Ça fait 80% d'écarts maintenant.
01:46 Ah oui, voilà, c'est ça.
01:47 Le ménage moyen américain est beaucoup plus riche,
01:49 80% que le ménage moyen français.
01:51 Donc c'est un peu quelque chose qui devrait nous interpeller.
01:55 Le démarrage de la courbe, c'est...
01:57 C'est 2010.
01:58 C'est 2010, voilà.
01:59 Mais en fait, la tendance commence à 2008.
02:01 2008. On est quasiment à égalité en termes de PIB.
02:05 Et là, effectivement, l'écart est béant.
02:08 Alors ça, ce sont des chiffres du FMI.
02:10 Les séries remontent à 1980.
02:12 Depuis 1980, les écarts...
02:14 Les États-Unis étaient plus riches,
02:15 mais les écarts ne se sont jamais aussi massivement creusés
02:19 entre nous et les États-Unis.
02:21 Et donc, il faut se poser la question.
02:22 La raison pour laquelle on ne connaît pas bien ces chiffres,
02:24 c'est qu'en général, on les corrige.
02:26 C'est-à-dire, on dit, ah, mais attention,
02:28 dans les pays pauvres, le coût de la main-d'oeuvre est plus bas.
02:31 Et donc, en fait, si on va chez le coiffeur au Ghana ou au Congo,
02:35 ça coûte moins cher.
02:36 Et donc, il n'y a pas un écart de 80% entre la France et les États-Unis,
02:39 mais c'est 40, 45%,
02:40 parce qu'on prend en compte les écarts de niveau de vie,
02:44 de l'immobilier, etc.
02:46 Sauf que notre puissance, ça se mesure avec le PIB.
02:50 On n'a pas besoin de le corriger.
02:52 - Peut-être qu'on l'est, mais a priori, dans notre esprit,
02:56 on n'est pas le Ghana ou le Congo des États-Unis, nous, la France.
02:59 - Voilà.
03:00 Les pays pauvres, c'est ça.
03:01 Les pays pauvres ne sont pas aussi malheureux
03:04 dans la mesure où ils peuvent compenser.
03:06 Le coût du travail est plus bas,
03:07 le coût de se loger est un peu plus bas que si on vit à New York,
03:10 mais ça reste très élevé.
03:11 Et surtout, ça nous donne une idée de ce qu'on pèse dans le monde.
03:14 Parce que quand on prend les chiffres de PIB brut,
03:16 non corrigés de ces écarts de niveau de vie,
03:18 on s'aperçoit qu'on est d'une puissance
03:20 de moins en moins importante sur la planète.
03:22 - Alors, quand tu dis "corrigés des écarts de niveau de vie",
03:24 c'est ce qu'on appelle aussi les parités de pouvoir d'achat.
03:26 - Exactement.
03:27 - C'est ça qui fausse les graphiques.
03:29 Mais la parité de pouvoir d'achat n'est pas à ce point différente
03:32 entre la France et les États-Unis
03:34 que ça nous empêche de voir la réalité que tu décris là, quand même.
03:37 - Elle l'est.
03:38 On sait qu'on est plus pauvres que les États-Unis
03:40 de quelques dizaines de pourcents,
03:41 mais de là à 80%, effectivement,
03:43 c'est quelque chose dont on doit absolument prendre conscience.
03:46 Les écarts de PPP en anglais ou PPA en français
03:49 permettent aussi aux États-Unis d'être devant la Chine.
03:52 Mais si on ne corrige pas le PIB par ces écarts de niveau de vie,
03:55 en fait, c'est la Chine qui est devant au PIB.
03:57 Et c'est une nouvelle donne à laquelle on doit se confronter.
04:00 L'Inde a 13 000 milliards de dollars de production,
04:03 les États-Unis 27 milliards, la Chine 31 milliards.
04:06 Et nous, on arrive péniblement à 3,8, 3,9 milliards,
04:10 1 000 milliards, c'est-à-dire, on n'a pas l'habitude.
04:14 Les Américains disent "trillions", et c'est beaucoup plus facile.
04:17 3,7 trillions.
04:18 - Donc, tu dis, le graphique démarre en 2010, en fait 2008,
04:22 parce que les crises sont les catalyseurs de ces reculs.
04:30 Par quelle mécanique et par quel mécanisme ?
04:32 - Alors, il y a beaucoup d'explications,
04:34 mais on les voit le plus, effectivement, des crises,
04:36 tout le monde chute, et ensuite, certains rebondissent,
04:39 et d'autres ne rebondissent pas.
04:41 Alors, ça peut être, c'est multifacteur, ça peut être,
04:43 en 2008, on a dit, on n'a pas été assez interventionniste,
04:46 on n'a pas assez redistribué.
04:48 Avant, en 91 jusqu'à 95, c'était la politique monétaire,
04:52 on a été trop restrictif.
04:54 Il y a toujours des bonnes explications.
04:56 Le fond du problème, je crois, c'est que le monde va très vite,
04:59 et que nos structures ne s'ajustent pas assez vite.
05:02 C'est à la faveur des crises qu'on peut réformer les structures,
05:04 mais on a tendance à ne pas le faire,
05:06 et on voit que, décennie après décennie,
05:08 on perd en terrain, tout simplement.
05:11 - Au cœur de ces crises, on est très fiers,
05:13 je me souviens de 2008, mais on se souvient tous encore plus
05:16 de la crise du Covid, on est très fiers de moins descendre
05:19 que les autres.
05:21 Nous, Français, on en tire une grande fierté.
05:23 - Heureusement, mais ça ne veut pas dire qu'il fallait ensuite
05:26 ne pas profiter du rebond.
05:28 - Oui, mais est-ce que les deux ne sont pas liés ?
05:30 - C'est difficile.
05:32 C'est difficile parce que, par exemple, dans la crise actuelle,
05:34 on parlait de l'inflation, par exemple,
05:36 il y a eu effectivement des immenses politiques budgétaires
05:38 et monétaires dont on dit qu'elles ont contribué à l'inflation.
05:40 C'est vrai dans le long terme.
05:42 Mais quand les politiques budgétaires et monétaires aident
05:44 à l'offre, c'est-à-dire si on sauve des entreprises
05:46 qui ne produisaient plus sans les aides,
05:49 on aurait amplifié le problème.
05:51 Je pense que c'est un peu vrai aussi,
05:53 dans les périodes de crise, les politiques permettent
05:55 de garder l'essentiel, le capital humain,
05:58 le capital social, tout ce qu'on sait faire de mieux.
06:01 Mais ensuite, on dit "regardez, on a bien résisté,
06:04 donc pas besoin de changer".
06:06 C'est ça, je pense qu'on manque à chaque occasion.
06:08 Il faut repartir et parfois laisser l'économie fonctionner.
06:11 - Oui, c'est ça.
06:13 Alors, on y reviendra après parce qu'il y a ce nouveau mot
06:16 de protection maintenant que nos responsables politiques français
06:20 nous promettent contre à peu près tout.
06:24 Ce qui sans doute n'incite pas à l'activité, à l'innovation.
06:29 On verra ça après.
06:31 Mais les Américains, eux, n'ont pas peur de détruire.
06:34 Même si sur le Covid, ils ont eux-mêmes touché les limites
06:37 de leur capacité de destruction et ils ont envoyé
06:40 du stimulus budgétaire, massivement du stimulus budgétaire,
06:43 mais ils n'ont pas peur de détruire pour reconstruire
06:46 plus vite et plus fort ensuite ?
06:48 - Oui, ils vont très vite.
06:50 Il y a aussi eu traditionnellement beaucoup plus de mobilité
06:52 dans les pays.
06:54 Les gens sont allés dans les régions, dans les États-Américains
06:56 qui boumaient et puis ensuite, si ça passe mal, ils repartent.
06:58 Ça s'est un peu atténué, mais pas suffisamment.
07:00 Puis il y a un facteur, à mon avis, qu'il ne faut pas sous-estimer.
07:02 La crise qui vient de s'écouler était aussi une crise de l'énergie.
07:05 Maintenant, les États-Unis sont indépendants en termes énergétiques.
07:08 Ils ont traversé la crise comme une fleur presque,
07:11 plutôt en redistribuant les gains de cette manne pétrolière
07:14 qui se sont créées ou énergétiques, avec des coûts environnementaux
07:17 qui sont par ailleurs gigantesques.
07:20 Nous, on n'a pas de pétrole et on doit être mobile et agile
07:23 si on veut s'en sortir.
07:25 - On n'a pas de pétrole et on a abîmé notre nucléaire,
07:27 mais ça aussi, c'est peut-être dans la partie qu'on verra après
07:30 sur les finances publiques.
07:32 Pourquoi ce décrochage de 2008 ?
07:35 Pour toi, l'idée, c'est qu'on n'a pas réussi à repartir
07:38 après la crise des subprimes,
07:41 mais qu'est-ce qui génère, au fond, cet appauvrissement ?
07:49 Moi, comme ça, comme je le dis assez régulièrement,
07:53 électeur conservateur de base, je vais te dire les 35 heures.
07:57 - Non, c'est vraiment multifacteur.
08:00 D'ailleurs, les 35 heures ont été aussi une façon de s'ajuster
08:03 pour certains services.
08:05 Les banques, on ne pouvait plus trouver une banque ouverte
08:08 après 17 heures, ou les samedis et dimanches.
08:10 Les 35 heures ont aussi permis ce genre d'ajustement.
08:13 - En permettant de rebattre totalement les cartes du temps de travail.
08:16 - Il y a toujours des marges d'ajustement.
08:18 Il y a plein de petits facteurs.
08:20 On pourra parler aussi peut-être de l'éducation.
08:22 Est-ce qu'on a mis assez d'efforts pour les universités ?
08:25 Est-ce qu'on a mis assez d'efforts pour payer les professeurs du secondaire
08:28 dont les salaires ont non seulement stagné,
08:30 mais ont baissé en relatif depuis les années 80 ?
08:32 Il y a plein de facteurs comme ça.
08:34 Tout ce qui prépare l'avenir est une bonne dépense, au fond,
08:37 et on n'a pas tendance à privilégier ces dépenses.
08:40 Les Etats-Unis, de facto, ont attiré les élites
08:43 en termes de capital humain, les chercheurs.
08:46 Maintenant, c'est en train de se déplacer vers la Chine
08:48 ou la région d'où je viens,
08:50 qui investisse des sommes gigantesques.
08:52 - Les Émirats, aujourd'hui ?
08:53 - Les Émirats, entre autres.
08:55 Toutes ces régions-là bougent.
08:57 J'ai vraiment peur, c'est pour ça qu'on a fait cette chronique,
09:00 de voir qu'on perd du terrain et qu'on est finalement assez content.
09:04 On n'en perçoit pas toutes les conséquences.
09:07 Mais je reviens à ce chiffre du PIB.
09:10 Le PIB, c'est ce qui mesure notre puissance.
09:12 C'est combien de batteries pour les Tesla on peut acheter
09:14 ou combien de Tesla on peut acheter.
09:15 On peut toujours se consoler en disant
09:17 que le coût des services est un peu plus bas qu'aux Etats-Unis.
09:20 Mais à la fin, on ne pèse que ce qu'on produit réellement.
09:23 C'est ça auquel il faut faire attention.
09:26 On est entouré de gens sur plein de continents
09:29 qui ont un ressentiment assez fort envers l'Occident,
09:32 qui a, avec la colonisation, exploité une partie des richesses.
09:36 Et ils ne nous feront pas de cadeaux.
09:38 Il faut vraiment être conscient qu'ils ne nous feront pas de cadeaux.
09:40 Donc, il faut rester fort compétitif, vigilant,
09:44 et d'une certaine manière être capable de montrer
09:46 que nous aussi, on sait produire.
09:48 Donc, quand on voit un écart de 80% avec les Etats-Unis,
09:50 là, il faut vraiment s'inquiéter.
09:52 - Alors, attends, je vais reprendre les éléments que tu viens de donner là.
09:56 Le premier d'entre eux, c'est effectivement le système d'enseignement.
09:59 Alors, tu parlais des professeurs du secondaire.
10:01 On pourrait parler aussi de ceux du primaire.
10:04 Donc, je connais le chiffre par cœur,
10:06 parce que je m'étais intéressé,
10:07 alors ceux qui nous écoutaient, qui nous regardent le savent,
10:10 je m'étais intéressé à la proposition.
10:12 L'idée saugrenue de prendre au sérieux la proposition d'Anne Hidalgo
10:16 pendant la campagne présidentielle de doubler le salaire des profs.
10:19 Qu'est-ce que ça veut dire ?
10:20 Et en fait, quand tu regardes, par exemple, tu dis
10:24 "En fait, on ne va doubler que le salaire de ceux qui sont face aux élèves".
10:27 850 000, tu vas dire dans le primaire et le secondaire,
10:30 parce que c'est là que ça se joue, pardon, pour les études supérieures,
10:33 mais tu as le sentiment, puisque quand même les ressources sont contraintes,
10:36 tu as le sentiment que tu vas le faire là-dessus.
10:38 Et j'avais même été jusqu'au bout,
10:40 j'en avais discuté avec des syndicats d'enseignants qui disaient "Pourquoi pas ?"
10:43 Tu vas le faire net de charge.
10:45 C'est-à-dire, tu vas le faire sous forme de prix.
10:47 À l'arrivée, sur 5 ans, tu doubles le salaire de ces 800,
10:51 donc ça coûte à peu près 30 milliards,
10:53 et tu doubles à coups de 6 milliards par an
10:56 le salaire de ces 850 000 profs qui sont face aux élèves.
10:59 Au regard de tout ce qu'on dépense en permanence,
11:02 au regard de ce qu'on a dépensé en chèques énergie
11:05 pour remplir aussi bien les Mégane Sénic que les Porsche,
11:09 je me dis que ce n'est pas si cher que ça.
11:12 Je referme la parenthèse.
11:14 Et donc, tu penses que ça, par exemple, c'est le cœur de notre déclin,
11:18 c'est-à-dire le fait que ce métier et sa rémunération s'effondrant,
11:22 son attractivité s'est effondrée elle aussi ?
11:25 Ça s'est effondrée, c'est aussi le statut dans la société.
11:27 Les professeurs, à mon avis, ne travaillent pas pour l'argent,
11:29 ils travaillent pour un statut.
11:31 Mais dans les yeux des autres, des parents d'élèves et d'autres,
11:34 le fait d'être déclassé, clairement, c'est un facteur d'attractivité en baisse.
11:37 Et donc, oui, là, clairement, c'est une valeur symbolique.
11:40 Si en plus, les chiffres disent que ce n'est pas si cher que ça,
11:43 au regard des autres dépenses,
11:45 toutes les dépenses d'avenir sont bonnes de ce point de vue-là.
11:47 C'est une question d'investissement.
11:48 Elles devraient être comptabilisées absolument différemment.
11:50 Donc, le capital...
11:51 - Etienne, alors, pardon, j'insiste là-dessus,
11:53 parce que c'est la grande réponse notamment qu'a faite Gabrielle Attal.
11:56 Ce n'est pas une question d'argent.
11:57 Bien sûr que si, c'est une question d'argent.
11:58 Bien sûr que si.
11:59 - C'est une question dans le regard des autres.
12:00 - Mais pas seulement.
12:02 Enfin, si tu as passé...
12:04 Tu le sais, il faut passer une journée en classe
12:06 pour savoir ce que c'est qu'une journée en classe, mesdames, messieurs.
12:08 L'intensité d'une journée en classe.
12:10 Il n'y a pas de machine à café où vous allez discuter avec vos copains.
12:13 Si tu sors et que tu es mieux logé,
12:15 que ta situation est plus confortable,
12:17 que les vacances que tu as, tu peux en profiter,
12:21 forcément, ton enseignement sera meilleur.
12:23 Enfin, j'en suis persuadé.
12:25 - Et la fierté.
12:26 - Et la fierté.
12:27 Non, non, mais d'accord.
12:28 Et la fierté et le statut,
12:29 ne serait-ce que dans le rapport avec les parents.
12:32 Lien aussi.
12:34 Alors, on va voir.
12:36 Tu fais un lien avec le sujet de la redistribution.
12:39 Je veux qu'on voit ça aussi.
12:41 C'est un graphe que j'ai montré assez régulièrement dans cette émission.
12:45 Graphe de l'INSEE,
12:47 qui avait été publié par l'INSEE
12:50 au moment du Conseil national de la refondation
12:53 de septembre-octobre dernier.
12:55 Je ne sais plus si c'était en septembre-octobre.
12:58 On va le voir, on ne va peut-être pas le voir.
13:00 Mais ça n'importe.
13:02 Alors non, ce n'est pas celui-là.
13:04 Ça, c'est notre puissance d'exportation.
13:06 C'est celui de la redistribution.
13:10 Donc,
13:14 écart entre les revenus les plus aisés et les plus modestes,
13:17 c'est x13 avant redistribution.
13:21 C'est x7 après redistribution monétaire,
13:25 c'est-à-dire les aides sociales et les impôts.
13:28 Et l'INSEE avait amené cette notion récente,
13:31 il y a à peu près un an,
13:33 c'est x3 maximum en tenait compte de l'utilisation des services publics,
13:38 ce que l'INSEE appelle les prestations en nature.
13:40 Il y a finalement un écart de 1 à 3 dans ce pays.
13:42 Est-ce que ça aussi, ça tient lieu d'explications à notre déclin ?
13:47 Alors d'abord, on peut en être fier,
13:49 parce que ça veut dire qu'on compresse les inégalités
13:51 qui sont quand même massives.
13:53 Donc, on a une belle technologie administrative,
13:56 mais je le dis, ce n'est pas péjoratif,
13:58 qui permet de cibler, qui est un outil vraiment formidable,
14:02 qui permet aussi de payer les études de beaucoup de gens.
14:05 L'éducation est gratuite aux États-Unis,
14:07 c'est des dizaines de milliers d'euros,
14:08 enfin de dollars en l'occurrence.
14:10 Et donc tout ça fait qu'on a quand même une capacité
14:12 à protéger une grande partie de la population.
14:15 Il restera toujours des couches qui passeront entre les mailles du filet
14:19 et malheureusement, du coup, on a tendance à vouloir en rajouter
14:23 et de faire en sorte que ça soit vraiment zéro défaut.
14:26 Il faut faire attention effectivement que l'argent qui est nécessaire
14:29 pour financer tout ça ne soit pas prélevé sur le capital des entreprises,
14:32 sur l'investissement, sur l'effort.
14:34 Et donc il y a des propositions fiscales,
14:36 d'ailleurs qu'on avait faites avec Alain Tranoy il y a quelques mois,
14:39 sur le fait de taxer plutôt les facteurs inélastiques,
14:42 les facteurs qui ne vont pas partir à l'étranger,
14:44 c'est-à-dire essentiellement la terre.
14:45 La terre, en fait, en France, c'est trois fois le PIB,
14:47 c'est 7 000 milliards.
14:48 Et donc il y a une fiscalité, une réforme de la fiscalité
14:50 où on allégerait les impôts de production,
14:52 on allégerait les charges sur les salaires.
14:54 Et avec simplement 1% de taxes sur la valeur de tous les terrains en France,
14:58 y compris les terres urbaines, c'est quand même l'essentiel de la richesse,
15:01 on arrive à générer 70 milliards qu'on peut alléger sur la fiscalité
15:05 des gens qui travaillent, qui produisent et qui contribuent à l'effort collectif.
15:08 On est bien d'accord, c'est du transfert.
15:10 Et donc c'est un transfert.
15:11 Non, parce qu'à chaque fois, en fait, l'impôt nouveau il est là,
15:13 mais ceux qui sont installés ne baissent pas.
15:15 On est bien d'accord, c'est du transfert.
15:17 On le jolie absolument.
15:18 Et évidemment, c'est la mise en œuvre qui est compliquée comme toujours.
15:20 Mais l'idée est là, on a une richesse formidable qui est notre terre
15:23 et qui est une ressource unique.
15:25 En fait, c'est que la France et le Royaume-Uni qui ont une valeur de ces terres aussi importante,
15:30 les autres pays n'ont pas ça et ils investissent du coup en capital.
15:33 Donc regardez l'Allemagne.
15:34 Et donc oui, ça contribue une partie du problème
15:36 et c'est plus un problème de financement que de niveau.
15:38 Il faut voir aussi que quand on redistribue vers des APL,
15:43 certes ça coûte cher, certes ça fait un peu monter les loyers,
15:46 mais en même temps ça permet à des familles modestes d'avoir un peu plus de place.
15:49 Et cette place, pour les élèves, on parle de l'éducation,
15:52 ça permet aux jeunes d'étudier.
15:54 Quand on est trois dans une chambre, on ne peut pas étudier.
15:56 Et donc il y a un bouclier vers le bas qui aussi a des effets positifs.
16:00 Il ne faut pas complètement jeter ça avec le dubain.
16:02 Tu sais que ce que tu viens de dire là est fortement contesté en fait.
16:05 Par exemple, par Thierry Pipponi je crois, enfin bref, l'ancien maire de Sarcelles,
16:11 l'ensemble des aides sont réintégrées dans les prix.
16:16 Et en fait, le mètre carré coûte plus cher.
16:18 Tu ne donnes pas plus de mètre carré à ceux qui en ont besoin quand tu...
16:22 Je suis un contre-emploi parce que j'ai participé à ces débats.
16:24 Mais je sais absolument.
16:25 Je dis simplement, n'oublions jamais qu'une partie de l'éducation des enfants,
16:30 c'est grâce à l'espace, c'est grâce au fait de ne pas mourir de faim.
16:34 Et donc ce système là qui est très vaste, très riche, il permet aussi ça.
16:37 Et donc on devrait être fier de ça.
16:39 Oui, mais si... Enfin, ta taxation supplémentaire sur le foncier,
16:45 fatalement, elle fait aussi monter les prix de l'immobilier et les prix du logement.
16:50 Elle va en tout cas pénaliser ceux qui ne veulent pas mettre en circulation
16:54 leur terrain pour les rendre constructibles, par exemple.
16:56 Et ça, il y a beaucoup de ça.
16:57 Les petites villes, les moyennes villes, on a beaucoup de rétention foncière.
17:00 Parce qu'en plus, la fiscalité incite à cette rétention foncière aujourd'hui.
17:03 Absolument.
17:04 Donc si quelqu'un a des champs qui sont constructibles
17:06 et ne veut pas les mettre en attendant une plus-value de 5, 10, 15%,
17:09 là, c'est incitatif.
17:10 Donc il y a plein d'effets dans tous les sens.
17:12 Je suis d'accord que c'est très compliqué.
17:13 Mais il y a des effets positifs et ça taxe une base inélastique.
17:17 Et donc c'est cette réflexion.
17:19 On va voir la couverture du bouquin pour lequel tu as reçu un prix,
17:21 ce qui nous vaut d'ailleurs ta présence à Paris.
17:24 Voilà, "Le Grand Retour de la Terre".
17:26 C'est...
17:27 C'est Clément Ranoy, qui est professeur à l'École des hautes études en sciences sociales à Marseille.
17:31 Et donc c'est le cœur de ce que tu expliques dans le bouquin.
17:33 C'est le cœur de cette explication.
17:34 On est parti de ces chiffres à nouveau.
17:35 7 000 milliards.
17:36 Alors c'est amusant.
17:37 7 000 milliards en 2019, 8 000 milliards en 2020
17:40 et 9 000 milliards en 2021.
17:42 Ça a pris 15% par an.
17:44 Et je pense que ça vient en partie de la politique monétaire,
17:47 donc accommodante à cette période-là.
17:49 Et en partie parce qu'on a aussi rendu le foncier rare
17:52 avec le zéro artificialisation net.
17:54 Il y a eu peut-être un peu de spéculation.
17:56 En tout cas, on a une manne et c'est une bonne nouvelle.
17:58 Oui, mais tu ne reviendras pas en arrière sur le zéro artificialisation net.
18:01 Non, ça veut dire d'autant plus que c'est une base fiscale
18:03 qui ne va pas s'évaporer du jour au lendemain.
18:05 Donc elle est là.
18:06 Et elle est assez inégalitairement répartie.
18:08 C'est-à-dire qu'on croit que c'est les classes moyennes,
18:10 les moyennes supérieures, le début de la distribution des gens riches.
18:12 En réalité, non.
18:13 Le patrimoine foncier de la France, un peu opaque,
18:16 est assez inégalitaire.
18:18 Et donc le cœur de ce que tu nous dis là,
18:20 c'est qu'en fait on peut maintenir ce système
18:23 qui moi me semblait intenable,
18:25 effectivement d'une échelle,
18:27 non pas de revenus encore une fois,
18:29 quand on intègre l'utilisation des services publics.
18:31 Donc on va dire d'inégalité,
18:33 cette échelle d'inégalité de 1 à 3,
18:36 en levant l'ensemble des taxations qui pèsent aujourd'hui.
18:40 Tu as parlé des impôts de production.
18:42 Moi je veux qu'on parle aussi, si tu en es d'accord,
18:44 de la feuille de paye,
18:46 de l'ensemble des cotisations ou charges sociales.
18:49 Enfin bref, tout ce qui fait que,
18:52 comme le dit Geoffroy Roudbézieux,
18:55 j'augmente aujourd'hui un salarié
18:57 qui est entre 1 et 2 SMIC,
18:59 je l'augmente de 100 euros, il va toucher en fait 30 euros.
19:01 Oui, alors en fait sur les charges sociales,
19:04 c'est 500 milliards, je n'ai pas le chiffre exact en tête.
19:06 Pour que ça soit vraiment significatif,
19:08 il faudrait beaucoup d'argent.
19:10 C'est pour ça qu'on parlait plutôt des impôts de production.
19:12 Non, non, mais il ne s'agit pas de vendre.
19:14 Tu veux les ordonner.
19:16 Absolument.
19:18 Par ailleurs, sur le fait que quand on donne 100 euros,
19:20 il y en a 30, c'est aussi parce que l'État a complété.
19:22 Donc en fait une partie des salaires
19:24 viennent de l'État avec cette prime.
19:26 Et donc à nouveau, les finances publiques servent,
19:28 aident directement les entreprises.
19:30 Oui, mais est-ce que ce n'est pas un piège ça ?
19:32 Non, mais ce n'est pas des phénomènes qui sont massifs.
19:34 C'est-à-dire qu'on a un peu de mal à les détecter dans les études.
19:36 Mais c'est vrai que ça peut être un peu,
19:38 surtout à long terme, désincitatif.
19:40 Souvent nos études,
19:42 on met à coulpa ou nostra culpa,
19:44 sont sur le court terme, donc on regarde un petit ajustement
19:46 et on dit il n'y a pas eu beaucoup d'effets.
19:48 Mais on ne voit pas, et c'est pour ça que les tendances longues sont importantes,
19:50 l'accumulation de petits effets
19:52 qu'on n'arrive pas à détecter ou à prouver.
19:54 Peut-être à la fin, finit par faire les écarts
19:56 dont on a parlé tout au début de l'enregistrement.
19:58 Et là, c'est ce que dit Roudbézio, qui est intéressant.
20:00 En plus, c'est l'ancien patron du Medef,
20:02 il commence à être libre de parole.
20:04 Et j'en reviens à notre déclin.
20:06 C'est qu'à partir du moment où j'ai
20:08 beaucoup de mal à augmenter les salariés
20:10 de manière significative,
20:12 j'ai beaucoup de mal en fait
20:14 à leur demander de prendre des responsabilités.
20:16 Et là, j'ai l'impression qu'on retrouve,
20:18 qu'on tire notre fil du déclin.
20:20 C'est-à-dire qu'à partir du moment
20:22 où plus personne ne s'engage dans l'entreprise,
20:24 tu brides forcément
20:26 la croissance, l'innovation de l'entreprise
20:28 et donc, en sortie, la richesse produite.
20:30 - Alors le grand paradoxe, c'est qu'on constate
20:32 tout cet espèce de désinvestissement,
20:34 ce que vous appelez le "be quit" à un moment.
20:36 Les gens ne veulent plus travailler,
20:38 ne veulent pas accepter de job dans n'importe quelle condition.
20:40 Et en même temps, le taux de chômage a baissé,
20:42 le taux d'emploi a augmenté.
20:44 Il semble-t-il qu'on arrive à un palier.
20:46 Mais les performances économiques du pays sont globalement pas bonnes.
20:48 - Oui, oui. - Et malgré ça,
20:50 les technologies des autres pays
20:52 vont plus vite. Et donc, il faut qu'on se pose cette question.
20:54 - Tu as un taux d'activité, donc,
20:56 qui n'a jamais été aussi fort depuis 1975,
20:58 nous dit Lindsay, donc, la Chambre.
21:00 Oui, mais tu as une productivité qui ne cesse de reculer.
21:02 - La productivité baisse. Et donc, là, il y a le vrai puzzle.
21:04 Et je pense que c'est plus les structures.
21:06 C'est qu'on a du mal, peut-être, à comprendre comment
21:08 tirer parti
21:10 de ces innovations technologiques qui sont à tous les niveaux.
21:12 Chad, JPT, en est une parmi d'autres
21:14 qu'il faut manier avec beaucoup de précaution.
21:16 Je ne l'utilise jamais parce qu'il ne me dit
21:18 que des bêtises. - Mais non, il ne te dit pas des bêtises.
21:20 - Mais la prochaine génération va intégrer ça
21:22 de façon évidente.
21:24 Et donc, il ne faut pas qu'on ait un train de retard par rapport à ça.
21:26 - Etienne, quand il y a eu le...
21:28 Je vais te dire, quand il y a eu le débat
21:30 sur les classes moyennes en France,
21:32 et comment on définit les classes moyennes.
21:34 Alors, les économistes me disent
21:36 salaire médian entre 0,8 et
21:38 2 fois le salaire médian. Enfin, peu importe.
21:40 Et donc, tu demandes
21:42 à JPT, selon Lindsay,
21:44 mais il faut que tu lui dises, selon Lindsay,
21:46 combien de salariés français sont entre 0,8 et...
21:48 Mais tu le dis tout de suite. Il faudrait que tu passes
21:50 deux heures sur le... - Il faut savoir l'utiliser.
21:52 - Exactement ! - Et parfois, même,
21:54 en sachant l'utiliser, on détecte des erreurs.
21:56 - On détecte des erreurs. - Parce qu'à la fin, ce sont
21:58 nos erreurs, pas celles de JPT. - Dernier graphe
22:00 que je voulais montrer. Donc, c'est celui qu'on a vu tout à l'heure
22:02 et c'est la compétitivité de nos entreprises.
22:04 Et c'est nos entreprises. Je ne vais pas parler que des hommes politiques.
22:06 C'est la compétitivité des entreprises françaises.
22:08 Ça, mesdames et messieurs, ce graphe-là,
22:10 alors, je n'ai pas besoin de le décrire
22:12 pour ceux qui nous écoutent à la radio, c'est un effondrement.
22:14 C'est nos parts de marché dans la zone euro.
22:16 On ne se compare pas, là, à la Chine,
22:18 à l'Indonésie, à l'Ouganda,
22:20 au Kenya, que sais-je. Non ! Nos parts de marché
22:22 dans la zone euro qui sont en train de s'effondrer.
22:24 Tu disais tout à l'heure, il faut absolument
22:28 une prise de conscience, mais normalement, ça, ça devrait
22:30 être aussi une prise de conscience incroyable,
22:32 Etienne. - Oui. Oui.
22:34 Et pourquoi est-ce qu'on n'exporte pas ? Alors, on est dans
22:36 un monde de taux de change fixe et dans un monde
22:38 de taux de change flexible, la
22:40 monnaie se déprécie et donc, on revient
22:42 à l'équilibre. Dans un monde de taux de change
22:44 fixe, eh bien, on n'a pas d'autre solution que
22:46 de faire du déficit commercial si on n'est pas assez
22:48 compétitif. La seule solution,
22:50 si un jour, il y a une crise financière,
22:52 c'est aussi des crises qui sont jointes avec la
22:54 crise de l'endettement, c'est-à-dire que c'est
22:56 ce qu'on appelle les "twin deficits". Il y a
22:58 un moment, un déclin de la balance commerciale, c'est aussi le déclin
23:00 de notre épargne par rapport à notre
23:02 investissement et de nos comptes publics par rapport
23:04 aux surplus qu'on pourrait dégager. Et donc,
23:06 tout ça est lié. Si un jour, il y a une crise,
23:08 on sera dans la situation de l'Espagne,
23:10 de la Grèce, il faudra faire une
23:12 dévaluation interne ou sortir de l'euro.
23:14 Donc, j'espère qu'on n'en arrivera jamais là
23:16 mais il faut être aussi prudent par rapport à ça.
23:18 Pour ça que, le travailler
23:20 plus, on parle en ce moment beaucoup
23:22 de réduire le temps de travail un peu plus.
23:24 Sur le long terme, bien sûr,
23:26 c'est évident que sur deux siècles, on va travailler
23:28 moins. Mais si on ne peut pas rembourser
23:30 la dette, on sera obligé de faire une dévaluation
23:32 interne ou de choisir de sortir de l'euro. Donc, soyons
23:34 très très prudents par rapport à ces questions-là.
23:36 - Tu sais ce que vont te répondre ceux qui pensent
23:38 qu'il n'y a pas péril, on l'admire.
23:40 Alors, ils ne le disent pas comme ça, moi je vais le dire comme ça.
23:42 C'est que justement, on n'est pas d'Espagne à la Grèce.
23:44 C'est qu'on est trop gros, too big to fail.
23:46 Qu'on est trop gros, en fait,
23:48 pour qu'il nous arrive un accident comparable
23:50 et que donc, il y aura toujours les ressources
23:52 de ceux qui nous entourent, les Allemands,
23:54 Banque Centrale Européenne, etc.
23:56 Pour venir nous rattraper.
23:58 - D'abord, on est riche en terres. Donc, oui, on pourra
24:00 toujours retrouver des ressources fiscales
24:02 mais ça sera très douloureux. Par ailleurs,
24:04 quand le FMI vient dans un pays, en général, il impose
24:06 ces conditions. Donc, on sera too big to fail
24:08 mais on ne sera pas too big to reforme.
24:10 - Ah mais attends, avant même le FMI ?
24:12 Non, non, non, la BCE sera là.
24:14 La Banque Centrale Européenne sera là.
24:16 - Oui, jusqu'à ce que les Allemands,
24:18 les coalitions des pays dits frugaux
24:20 - Dissent ça suffit. - D'être là. Oui, bien sûr.
24:22 Absolument. Et ça sera peut-être,
24:24 c'est peut-être le scénario. On aura une Banque Centrale
24:26 à Naples, une Banque Centrale
24:28 à Francfort et puis on choisira
24:30 si on va être à Naples ou à Francfort.
24:32 - C'est terrible. Ce qu'on vient de dire pendant 25 minutes,
24:34 on sait qu'on n'aura pas le choix.
24:36 - Évidemment, on prêche le pessimisme pour que ça n'arrive pas
24:38 et ça n'arrivera probablement pas
24:40 mais c'est quand même important à ce stade-là
24:42 de l'évolution macro
24:44 de pouvoir dire "faisons quand même attention,
24:46 on ne peut pas capitaliser
24:48 sur nos anciennes colonies, sur notre empire,
24:50 c'est fini tout ça,
24:52 on n'a plus que le capital humain
24:54 et il faut être attractif pour les talents,
24:56 il faut être attractif pour nos entreprises,
24:58 il faut aussi qu'elles puissent exporter.
25:00 - Je me pose la question, pourquoi est-ce que
25:02 parfois on est perçu en tant qu'entreprise
25:04 à l'étranger comme
25:06 trop juridique, une poignée de main suffit
25:08 en Suisse mais en France
25:10 on doit signifier 15 contrats, c'est des choses que j'ai entendues.
25:12 Il y a tout un état d'esprit
25:14 qui probablement doit être
25:16 au cœur de nos préoccupations.
25:18 - Tu as vu le débat
25:22 qu'on vient de traverser sur les retraites,
25:24 ça n'est pas au cœur de nos préoccupations.
25:26 Je ne sais pas
25:28 combien de demandes d'interview tu as reçues
25:30 pour cette chronique sur notre déclin,
25:32 j'ai peur d'être la seule ou presque.
25:34 - Ça a beaucoup circulé en tout cas.
25:36 - Oui, ça a beaucoup circulé entre des gens
25:38 qui sont déjà convaincus, parce que là, moi je sais en plus
25:40 qu'ici sur Bismarck, on parle à des gens
25:42 qui vont dire "bon Dieu, je ne pensais pas que c'était aussi grave"
25:44 mais ils savaient que de toute façon c'était grave.
25:46 Il n'y a pas de prise de conscience
25:48 collective, Etienne. - Ça viendra
25:50 et ça vient. - Parce qu'on n'aura pas le choix,
25:52 pourquoi tu dis "ça viendra", on n'aura pas le choix ?
25:54 - Parce que je ne crois pas que ces réactions
25:56 sur les retraites aient coagulé, en réalité.
25:58 C'est-à-dire qu'il y a eu beaucoup de gens dans la rue
26:00 parce que quelques pourcents de la population
26:02 sait beaucoup, mais je ne crois pas que le fond du pays
26:04 soit aussi inconscient que ça.
26:06 En tout cas, sinon,
26:08 la réforme ne serait pas passée. Il y a eu des réformes
26:10 dans le passé qui n'auraient été bloquées. Là,
26:12 la réforme est passée et je ne crois pas
26:14 qu'elle sera redétricotée,
26:16 y compris par une nouvelle
26:18 législature. Donc,
26:20 je crois que le pays est en train
26:22 de se rendre compte.
26:24 - Oui.
26:26 Un économiste que j'aime beaucoup,
26:28 spécialisé dans l'immobilier, Robin Rivaton,
26:30 avait écrit, que tu connais sans doute,
26:32 il avait écrit il y a peut-être une dizaine d'années
26:34 "La France est prête". Lui aussi, il croyait.
26:36 Je ne sais pas à quoi
26:38 elle était prête, mais elle était prête. Un mot pour terminer
26:40 peut-être sur Abu Dhabi,
26:42 les Émirats, cette région qu'on a vue
26:44 nous à travers le prisme de la Coupe du monde de football,
26:46 qu'on voit d'ailleurs à travers le prisme
26:48 du football, c'est quand même, pardon,
26:50 mais c'est très très intéressant.
26:52 Regardez quand même ce qu'est en train de faire l'Arabie saoudite.
26:54 L'Arabie saoudite est en train de faire des ponts d'or
26:56 à des joueurs
26:58 qui sont encore des joueurs de football
27:00 emblématiques de notre continent. Lionel Messi,
27:02 Cristiano Ronaldo, on parle beaucoup
27:04 de Karim Benzema en ce moment.
27:06 Effectivement, il bouge
27:08 beaucoup. J'avais moi ce sentiment
27:10 quand même d'une couche un petit peu
27:12 artificielle,
27:14 pleine de lumière, sur
27:16 un sous-jacent qui
27:18 restait très conservateur,
27:20 et qu'on le veuille ou non, très lié aux hydrocarbures
27:22 et au pétrole. Je me trompe alors ?
27:24 Sur les hydrocarbures, bien sûr que c'est la
27:26 manne, mais pour encore 50 ans, donc
27:28 il y a de quoi. Et
27:30 beaucoup de ces pays, pas tous, c'est très hétérogène,
27:32 essaient de diversifier leur économie.
27:34 Une des raisons pour lesquelles, alors le Qatar,
27:36 effectivement, c'est vraiment le foot, et là ça se voit très bien.
27:38 Les Émirats arabes unis, c'est beaucoup sur la culture
27:40 et la science, l'espace. Ils envoient
27:42 des gens, des navettes, des sondes
27:44 sur Mars.
27:46 En fait, je suis allé là-bas parce qu'il y avait
27:48 le Louvre à Abu Dhabi. C'est-à-dire que si ça avait été juste
27:50 donner de l'argent à des universités, mais c'est réversible,
27:52 j'aurais probablement pas voulu
27:54 travailler là-bas. Le Louvre à Abu Dhabi,
27:56 qu'est-ce que c'est ? C'est un investissement pour 50 ans,
27:58 100 ans, et qui attire beaucoup
28:00 de gens. Il y a une île entière
28:02 à Abu Dhabi qui s'appelle Saadiyat.
28:04 Vous avez Guggenheim, vous avez un musée
28:06 des trois religions. Donc c'est
28:08 des choses sur le long terme.
28:10 Et ça participe, je crois, d'une
28:12 volonté de montrer que la culture, c'est pas
28:14 juste l'Europe. Le business, c'est pas juste les États-Unis.
28:16 Ils essayent de montrer qu'ils sont
28:18 bons dans tous les domaines.
28:20 Et c'est intéressant. Il faut pas regarder ça
28:22 avec trop de réticence.
28:24 Il vaut mieux aller là-bas et se rendre compte
28:26 de comment ça fonctionne.
28:28 Merci Etienne.
28:30 Etienne Vassmaer, donc, qui nous
28:32 accompagnait sur Bsmart.