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SMART @WORK du 17 juin 2023

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00:00 [Musique]
00:06 Et on poursuit cette discussion toujours en compagnie de Christophe Enghien,
00:09 président d'Empreintes Humaines, psychologue du travail et des organisations.
00:12 Nous aurons rejoint Amélie Favre-Guitet. Bonjour.
00:15 Vous êtes présidente de Talent Management Group, c'est un cabinet de conseil RH et de formation.
00:20 Et puis Caroline Ackay, bonjour. Vous êtes DRH du groupe Manuton, partenaire de cette émission.
00:25 Caroline, je voudrais peut-être vous faire d'abord réagir à ce que vous venez d'entendre,
00:29 ce dont on vient de parler avec Christophe. En tant que DRH de Manuton,
00:33 est-ce que vous vous sentez concernée par toutes ces thématiques, toutes ces évolutions ?
00:38 Est-ce qu'il y a des choses que vous observez plus particulièrement au sein du groupe ?
00:41 En effet, j'ai été extrêmement intéressée par tout ce que vous avez dit,
00:45 qui était un condensé finalement de ce que peut être une feuille de route d'un DRH aujourd'hui
00:49 et de ses petits sujets de préoccupation. Après, j'étais complètement alignée sur le fait
00:53 qu'on n'a pas vu, je pense, en France la vraie grande démission telle qu'elle a pu être aux Etats-Unis.
00:58 Maintenant, chez Manuton, c'est vrai qu'on a eu une augmentation du turnover à la suite du Covid.
01:04 Alors là, ça redescend un tout petit peu. On va voir si c'est un trend ou juste un soubresaut.
01:08 Avec néanmoins beaucoup d'attention apportée sur l'identification des sujets où ça bouge plus que d'autres,
01:16 notamment dans les équipes tech, digitales, les jeunes, les gens qui viennent d'arriver.
01:21 On sent que là, il y a un turnover qui est beaucoup plus fort et une vraie stabilité dans le reste de l'entreprise.
01:26 Donc voilà, il faut toujours creuser les datas.
01:29 Donc ça, c'est sur cet aspect-là, sur le quiet-kitting, sur le désengagement.
01:34 Ça, je pense que c'est un mouvement qui est beaucoup plus préoccupant
01:38 parce que ça veut dire qu'il y a un petit désamour qui risque de se mettre en place
01:42 entre les collaborateurs et leur entreprise. Et ça, c'est pas très bon signe, je pense, pour la société française.
01:49 Et donc les entreprises, elles ont vraiment un rôle à jouer, à se poser des questions.
01:53 Qu'est-ce que je fais de bien et de moins bien ?
01:57 Après, là où on a de la chance chez Manutan, c'est que je pense qu'on a une culture d'entreprise
02:02 qui a toujours mis l'humain, historiquement, depuis la naissance de l'entreprise, au cœur du modèle.
02:08 Donc on ne découvre pas aujourd'hui le bien-être au travail, la considération, l'individualisation qu'on doit apporter à nos collaborateurs.
02:17 Donc on part peut-être avec ça, mais en revanche, énormément de sujets pour pérenniser ces modèles dans le monde qui est le nôtre.
02:24 Amélie, vous êtes au cœur, évidemment, de toutes ces problématiques.
02:28 Et d'abord, pour revenir sur le désengagement, le désamour dont parlait Caroline à l'instant,
02:32 est-ce que c'est mesurable ? Comment est-ce qu'on le mesure ?
02:34 Parce que finalement, quelqu'un qui est derrière son écran, qui en fait un peu le strict minimum,
02:38 ça ne se voit pas forcément tout de suite, immédiatement.
02:40 Ça ne se voit pas tout de suite. Alors, beaucoup d'entreprises ont mis en place des process, les fameux process.
02:45 Il y en a effectivement beaucoup trop dans les entreprises.
02:47 Des enquêtes de satisfaction. Aujourd'hui, il y a des petits robots qu'on peut installer sur les ordinateurs
02:51 où au moment du démarrage, on va demander comment se sent le collaborateur.
02:55 Est-ce qu'il se sent épanoui ? Est-ce qu'il se sent heureux ? Est-ce qu'il s'ennuie ?
02:58 Donc il a juste à voter en quelques secondes.
03:00 Et donc, à la fin, on a les RH qui vont analyser toutes ces données pour voir un peu comment se sent l'ensemble des collaborateurs.
03:06 Mais ça marche vraiment ça ou c'est un peu gadget et finalement on répond vite fait parce que ça nous ennuie plus qu'autre chose ?
03:11 Il y a un peu les deux quand même.
03:12 Il y en a où c'est un peu gadget ou effectivement quand on demande au collaborateur avant d'ouvrir sa session de voter pour pouvoir avoir sa session d'ouverte.
03:19 Effectivement, c'est le côté un peu gadget.
03:21 Et puis beaucoup vont dire "ben oui, mais dans mon service, on n'est pas nombreux".
03:24 Donc si la data est collectée par service, on va vite savoir de qui ça vient.
03:27 Et donc il y a cette crainte aussi de tout dévoiler, de tout dire.
03:31 Alors les langues vont se délier plutôt lors des réunions un peu officieuses ou entre camarades, à la cantine ou ailleurs.
03:38 Où là ils vont commencer à se dire les choses et si on a un manager ou un RH qui traîne l'oreille, il va peut-être ressentir des choses.
03:45 Mais le turnover est souvent le premier signe qu'on va repérer, qui va être un élément décisif.
03:51 Et où là on va dire "ok, on voit des gens qui s'en vont, il va falloir réagir très vite".
03:55 Christophe Enghien, tout à l'heure vous avez évoqué rapidement un effet générationnel.
03:58 Est-ce que finalement il y a un vrai désengagement des collaborateurs ?
04:02 Ou pour reprendre une question de mon camarade de jeu Arnaud Ardouin, ce sont en fait de nouveaux comportements ?
04:07 Moi je pense qu'il y a les deux.
04:09 C'est vrai que si on parle des jeunes générations, ce qui est assez frappant quand on les écoute, c'est effectivement qu'elles sont un peu perdues par rapport à la crise Covid.
04:16 Elles n'ont plus les mêmes codes, elles n'ont pas les mêmes repères.
04:20 Et ce que représente l'entreprise finalement est un peu nébuleux parce qu'elles ont vécu les confinements.
04:25 Et elles ont pour beaucoup appris leur métier, ou la fin, ceux qui arrivent sur le marché de l'emploi, la fin de leur diplôme derrière un écran.
04:32 Et ça c'est terrible parce qu'on n'apprend pas un métier derrière un écran.
04:35 On voit toutes les difficultés en 100% des travaux et intégrer des nouvelles personnes.
04:38 Et les turnovers, j'imagine quand vous entendez les nouvelles recrues quand elles partent, elles disent "j'ai pas été bien intégrée" ou "j'ai pas compris en fait comment ça se passait".
04:46 Et ça c'est très important. Et ça c'est encore l'humain dont on parlait.
04:49 Et ça, ça s'apprend avec les autres.
04:51 Et ne pas voir le travail se faire, effectivement c'est compliqué.
04:54 Au-delà d'arriver dans des locaux vides ou à moitié vides et finalement de se dire "qu'est-ce que je fais là, ça serait mieux chez moi".
05:01 Il y a cette question effectivement chez les jeunes, une vraie préoccupation aussi en termes de santé, de recherche de sens.
05:06 Ils sont un peu perdus, ils ont vécu d'énormément de bouleversements.
05:09 Et surtout quand ils regardent l'entreprise, on le voit, et d'ailleurs la majorité des salariés le disent dans nos enquêtes,
05:15 que la façon dont on a traité ou on traite les seniors influence forcément quelque part les jeunes.
05:22 Et ils se disent, on les entend beaucoup dans les lignes d'écoute, les étudiants ont des lignes d'écoute notamment, dans certains groupes.
05:28 Et ils disent "moi j'ai vu mes parents s'écrouler pour un rien, pour leur travail, à la maison.
05:33 Je les ai vu passer des heures pas possibles finalement, et du jour au lendemain il y a eu un PSE.
05:38 Ils étaient contents de prendre le PSE, voilà, ils ont fui d'une certaine façon.
05:42 Vous voyez, je caricature, mais quand même, globalement, il y a ce désenchantement du rapport dans le monde du travail
05:49 qui n'est pas le lieu d'où quelque part peut-être l'attrait des startups qui promettent quelque chose.
05:54 Qui ont leur propre difficulté de management et on l'a vu.
05:58 Et qui tout de suite sont dénoncés dans les réseaux sociaux, parce que finalement je pense que c'est des attentes déçues
06:03 qui créent beaucoup de dénonciations de ces phénomènes-là.
06:10 Mais par rapport à l'entreprise standard, je pense qu'il y a beaucoup de choses à faire.
06:15 Là je pense que c'est un problème de santé publique et qu'on ne fait pas assez dans les écoles pour accompagner la santé des jeunes qui arrivent dans le monde du travail.
06:22 Ils sont vraiment en difficulté. Toutes les études épidémiologiques montrent que c'est une catastrophe.
06:27 Et des pays comme le Québec, par exemple, mettent en œuvre, demandent à ce que les écoles, les universités mettent en œuvre des actions
06:34 plan santé mentale pour les jeunes, parce qu'ils ont bien vu le problème.
06:37 Nous on est un peu dans l'angle mort là-dessus. Et on hérite de ça dans l'entreprise.
06:40 Caroline, moi je me posais la question de savoir quel effet concret ça pouvait avoir sur l'organisation d'une entreprise, la performance d'une entreprise.
06:48 Comment est-ce que vous appréhendez les choses ? Parce que vous parliez de turnover par exemple, si les conseillers clientèle changent tout le temps.
06:54 J'imagine que ça a des incidences concrètes pour les entreprises.
06:58 Alors c'est évident que ça challenge beaucoup l'organisation. Et il faut aussi faire très attention parce qu'il y a ceux qui restent.
07:05 Et qui du coup se disent "ouh là là, mais comment on va faire alors qu'on est deux de moins ? Est-ce que ça ne va pas me retomber dessus ?"
07:11 Donc c'est pour ça qu'il y a une très grande vigilance à avoir.
07:14 Moi je vais essayer d'être un petit peu polémique en disant qu'il y a une opportunité pour les entreprises, c'est de repenser l'organisation du travail.
07:23 Finalement, est-ce que le travail qu'on faisait à quatre avant, est-ce qu'on a toujours besoin de ces quatre personnes pour le faire ?
07:28 Maintenant qu'on a un nouvel outil, maintenant qu'on a travaillé sur des process un peu d'efficacité, maintenant qu'on s'est dit que la paperasse c'était terminé.
07:36 Donc là, il y a une façon peut-être d'être un petit peu plus ambitieux dans la façon dont on s'organise.
07:43 Ça veut dire que la technologie peut être une partie de la réponse.
07:45 Oui, ou même parfois sans rentrer sur un nouvel outil, juste se poser, vous savez les méthodes de Lean Management, où on se dit "ok, on regarde les irritants et on va gagner du temps intelligent versus du temps perdu".
07:57 Et un autre sujet, c'est la formalisation de notre Knowledge Management, je suis désolée pour l'anglicisme,
08:04 puisque souvent quand quelqu'un s'en va, c'est "mais oui, mais on perd la compétence, on perd l'historique".
08:10 Oui, mais on perd la compétence et l'historique parce qu'on n'a pas été suffisamment malin pour l'historiciser, pour la formaliser, pour l'écrire, pour avoir un book de report.
08:21 Et ça, c'est parce qu'on ne l'a pas fait.
08:23 Donc je pense que, et notamment pour les petites entreprises qui n'avaient pas forcément cette culture,
08:28 moi je vois chez Manutan, là on a une vraie alerte en disant "maintenant il faut qu'on soit beaucoup plus rigoureux sur la formalisation de ce qu'on fait
08:37 pour qu'on soit moins dépendant d'un homme ou d'une femme qui du jour au lendemain va...".
08:41 Voilà, donc c'est un "wake up call" pour les entreprises et d'une contrainte, il y a toujours une opportunité.
08:49 Donc je pense que ça c'est deux sujets très importants en tout cas pour nous.
08:52 Amélie, votre réaction là-dessus ?
08:54 Très intéressant, je rebondis par rapport aux jeunes aussi notamment, le fait qu'ils n'arrivent pas à trouver du sens,
08:59 qu'ils ne comprennent pas non plus leur arrivée, ils ont du mal avec leur arrivée dans le monde du travail.
09:03 Et effectivement il y a un problème dès la formation, dès le démarrage, on ne leur explique pas la réalité du terrain,
09:08 comment ça va être dans les entreprises.
09:10 À un moment il va falloir rapprocher l'entreprise et l'école, on est d'accord ?
09:13 Ils ont beau faire des stages, de l'alternance, c'est à ce moment-là qu'ils se rendent compte qu'il y a un décalage entre ce qu'on leur raconte à l'école
09:19 et ce qu'ils voient véritablement sur le terrain et c'est aussi ce qui va créer du désengagement, des démissions ou des changements de carrière.
09:25 Moi je vois plein d'étudiants qui ont terminé leur bac +5 et puis à la fin ils disent "en fait je ne sais pas ce que je veux faire,
09:30 ça ne correspond pas à ce que j'ai envie, c'est le métier sur lequel je me suis formée, ça ne me plaît pas".
09:34 Donc c'est effectivement, il y a un gros problème de désengagement et de turnover où ils vont se chercher.
09:40 Donc en ce moment c'est la folie sur l'Ikigai où je me pose plein de questions pour essayer de comprendre ce qui me plaît.
09:45 Donc c'est effectivement des choses qui sont très importantes.
09:48 Et sur la partie Knowledge Management, c'est essentiel.
09:50 Aujourd'hui les entreprises commencent à le comprendre de plus en plus, qu'il faut effectivement encourager les gens,
09:56 à leur mettre par écrit, beaucoup par vidéo aussi maintenant ça se fait,
09:59 où les gens vont raconter leur quotidien, comment ils travaillent, quels sont les outils qu'ils utilisent,
10:04 comment ils arrivent à se processer eux-mêmes pour gagner en efficacité.
10:08 Donc tout doucement ça commence à se faire et puis il y a le côté où un jeune peut aussi apprendre des choses à un senior,
10:14 le senior peut aussi apprendre quelque chose à un junior.
10:17 Donc ce côté Reverse Mentoring peut aussi faciliter le côté transmission des connaissances et des compétences
10:23 pour que l'entreprise puisse toujours s'améliorer et répondre à ce fameux "Wake up call"
10:28 et se dire "Ok, on a compris par rapport à ce que les jeunes nous disent,
10:31 parce qu'ils ont besoin d'être écoutés aussi quand ils arrivent dans l'entreprise,
10:34 et par rapport à ce qu'on faisait jusqu'à présent,
10:37 voilà comment on pourrait améliorer nos process et notre manière de nous organiser en interne".
10:41 Donc effectivement il y a beaucoup de travail encore.
10:43 Oui, la formation, le partage de la valeur, la raison d'être, la culture d'entreprise,
10:47 tout ça c'est des leviers qui sont assez clairement identifiés.
10:50 Mais Christophe Enguêne, est-ce qu'ils sont suffisamment palpables, suffisamment engageants aujourd'hui pour les collaborateurs ?
10:57 Non, pour beaucoup ça reste quelque chose qui est énoncé, quelque chose qui est dit,
11:02 mais qui n'est pas dans le quotidien ou dans l'expérience du collaborateur.
11:06 Voir, il peut y avoir des contradictions entre ce qui est dit et ce qu'on vit au quotidien.
11:10 Quand on dit "empowerment", "confiance", "autonomie", puis après c'est "reporting",
11:15 "procès", "bon c'est le procès", "pourquoi", "ben c'est le procès",
11:18 bon, effectivement ils ne comprennent pas, c'est une incohérence.
11:22 Et sur ça, ce qu'on voit partout avec les entreprises qu'on accompagne,
11:26 même institutionnelles, organisations de différents types,
11:30 c'est que les jeunes nous décontenancent dans leurs demandes.
11:33 Alors ou bien on entend "c'est tout, tout de suite", ou bien c'est effectivement "ils sont moins motivés".
11:38 Alors les gens disent "oui, ils sont moins motivés", puis on entend "ben ils ont raison aussi",
11:41 parce que bon, ça nous requestionne sur le management.
11:47 Et on n'a pas forcément parlé des managers là, ils sont aussi perdus par rapport à ces nouveaux rapports au travail.
11:53 Ils disent "mais comment je repose mon management ?"
11:57 Quand ils voient des jeunes arriver avec des cheveux rouges,
12:00 qui vont travailler avec des gens, des personnalités politiques,
12:03 vous voyez, il y a des codes qui n'ont pas été inscrits,
12:06 mais ils me disent "est-ce qu'on peut quand même, sans passer pour des harceleurs,
12:09 dire que les cheveux rouges et le piercing, ça ne le fait pas, c'est pas dans les codes".
12:13 Ils n'ont plus les codes.
12:15 Donc il y a cette intégration et ce onboarding, je pense qu'il faut renforcer, il y a aussi ça,
12:19 pour que dès le départ, j'ai envie de dire, l'expérience soit concrète,
12:22 autour de c'est quoi le métier, comment on se projette là-dedans,
12:26 pourquoi ces codes, en quoi c'est important,
12:29 revenir à des fondamentaux qui ont peut-être été plus implicites avant,
12:32 parce que ça se transmettait, on va dire, comme cela,
12:36 et puis je pense que ces nouveaux rapports au travail
12:39 amènent des questionnements dans les nouvelles façons de manager.
12:42 Parce que dans les nouveaux rapports au travail, il y a des nouvelles postures,
12:45 et confronter du management contrôlant, du management qui ne fait pas confiance,
12:50 du management qui n'apporte pas de valeur ajoutée, ça veut dire "à quoi il me sert ?"
12:53 Et d'ailleurs, avant on parlait même d'entreprise libérée, on n'en parle plus, vous avez vu,
12:56 c'est fini, on parlait de ce genre de choses, c'était à la mode à un moment,
12:59 mais ça disait qu'on avait besoin d'efficacité, et je crois que je rejoins ce que vous dites.
13:03 C'est quoi l'efficacité ? Est-ce que c'est produire plus, plus efficace, mieux ?
13:09 Pourquoi pas, mais aussi qu'est-ce qu'ils entendent les salariés par "être plus efficace" ?
13:14 Et ce qu'on entend aujourd'hui à cause de l'intensification, c'est produire plus, plus, plus, mais moins bien.
13:19 On le fait en chantant des choses, donc on nous dit "il faut arrêter de faire ce qu'on faisait avant,
13:24 et on va se concentrer sur des choses".
13:26 Mais est-ce qu'on a pris en compte ce que les gens avaient besoin dans leur travail pour se reconnaître,
13:31 et être fier là-dedans ?
13:33 Faire 10 pièces de plus, c'est pas forcément ça qui va me rendre fier et content.
13:37 C'est "est-ce que je le fais bien, et qu'à la fin de la journée je me dis "ah, j'ai bien bossé, ça a été très utile".
13:42 Et aujourd'hui le problème c'est qu'on a beaucoup de gens qui disent "je suis très bousculé, je suis très pris, chargé,
13:49 mais à la fin de la journée, pfff, qu'est-ce que j'ai fait ?"
13:52 Caroline, qu'est-ce que vous conseillez justement à vos managers, dont on vient de parler, pour gérer ça ?
13:58 On sait que le télétravail aussi a pu être une réponse, en disant "on allège par exemple la charge liée au transport,
14:05 mais en même temps certaines fonctions ne sont pas éligibles".
14:08 Est-ce qu'il faut faire vraiment du cas par cas, un management encore plus individualisé ?
14:12 Quelle compensation pour les uns, pour les autres ?
14:14 Ouh là, beaucoup de questions !
14:16 En effet, déjà pour revenir sur le manager, c'est vrai que le manager de proximité, son rôle il est absolument clé.
14:23 C'est lui qui prend toutes les pressions du dessous, à côté, le télétravail.
14:27 Donc là il y a un accompagnement à faire, il faut renforcer, mais plus que la formation.
14:33 Maintenant on est parti sur une continuité dans la formation du manager, en considérant qu'il n'est jamais formé.
14:42 Mais il faut être très clair quand on parle au collectif.
14:50 Nous on les engage beaucoup avec le sens, et avec une communication qui est même peut-être beaucoup.
14:57 On leur parle tout le temps de ce qu'on fait, les résultats, les problèmes, ce qui marche, ce qui ne marche pas,
15:04 en se disant "on est ensemble, on partage".
15:08 Donc ça c'est pour animer le collectif.
15:10 Aujourd'hui on a tous des attentes individuelles.
15:13 Donc là l'enjeu pour une entreprise, c'est d'avoir ce collectif qui va dans une direction,
15:18 qui comprend, qui est engagé, qui a confiance dans son comité de direction par exemple.
15:23 Et aussi, ok mais moi, je veux télétravailler, moi je veux avoir telle formation, moi je veux être augmenté comme ci comme ça.
15:33 Donc comment on gère ça ?
15:35 Et il faut faire les deux, il n'y a pas de secret.
15:39 Et autre chose aussi qui est vraiment assez fondamentale et une clé de succès, c'est, vous en parliez, l'onboarding.
15:46 C'est le fait de bien bien retravailler l'arrivée du collaborateur.
15:51 Parce qu'on met beaucoup de temps à les recruter.
15:53 Et donc si en effet on n'est pas au rendez-vous, les fameux, la règle des trois, je ne sais pas si vous la connaissez.
15:59 Ah non, elle les dit la règle des trois.
16:01 Les trois heures, trois jours, trois mois.
16:03 Donc les trois heures, vous arrivez dans l'entreprise, est-ce que votre ordinateur est prêt, est-ce que votre manager est là ?
16:08 Est-ce que l'équipe vous a organisé un petit déjeuner, un petit bouquet, j'en sais rien, vous avez votre bureau ?
16:12 Elle vous dit, ah ben, j'existe, je suis considérée, on m'attend en tant que personne.
16:18 Donc ça, je ne suis pas une ressource, donc top.
16:20 Trois jours, c'est prendre ses marques, voir un petit peu les collègues, l'esprit d'équipe, les relations.
16:26 Est-ce que c'est aussi bien que ça avait l'air ou est-ce que je me suis peut-être arrivée dans un nid de vipère ?
16:31 Donc ça c'est hyper important.
16:33 Et les trois mois, on les connaît, c'est le coup près un petit peu de la période d'essai.
16:37 C'est le moment où on reconnecte ce qu'on attendait avec ce qu'on a eu.
16:41 Et donc c'est pour ça qu'il faut avoir une extrême vigilance en tant qu'entreprise sur ces trois jalons.
16:46 Et j'ai l'impression que pour le coup, le coup près des trois mois, il est maintenant dans les deux sens.
16:50 C'est-à-dire que ce n'est pas seulement l'employeur qui dit stop.
16:53 L'entreprise est à l'essai aussi.
16:55 On a beaucoup de jeunes, et de moins jeunes d'ailleurs, dès qu'ils rentrent dans l'entreprise.
16:59 Maintenant, analysent énormément de choses, trois heures, trois jours, trois mois.
17:04 Mais même les J moins avant d'arriver dans l'entreprise.
17:07 Est-ce que l'entreprise m'a envoyé des e-mails ? Est-ce qu'elle m'a déjà envoyé un organigramme ? Ce genre de choses.
17:12 On a déjà préparé l'onboarding avant d'arriver.
17:14 Et effectivement, les personnes vont tout analyser.
17:18 Ce côté transparence que vous disiez tout à l'heure, il est essentiel aussi pour les personnes pendant ces trois mois
17:23 et tout au long de leur carrière.
17:25 Ce côté honnêteté de l'entreprise, c'est-à-dire qu'elle va me dire exactement ce qu'elle attend de moi.
17:28 Elle va me donner les moyens pour y arriver.
17:32 Je vais pouvoir faire du feedback quand il faut à mon manager, et lui va m'en donner.
17:36 Pendant tous ces trois mois, la personne va analyser tout ça.
17:39 Et si elle se rend compte que pendant ces trois mois, on n'a pas réagi à ses besoins à elle,
17:43 c'est-à-dire qu'elle a besoin peut-être de reconnaissance, d'une formation,
17:47 de voir qu'on va pouvoir la faire grimper aussi rapidement.
17:52 Après, chaque besoin est à chaque fois individuel.
17:55 Si on n'arrive pas à répondre à son besoin, un moment donné, il va se dire "Ok, je vais m'en aller".
17:59 Et ça, c'est très dur aussi pour une entreprise, d'arriver à déceler quel est le besoin du candidat.
18:04 C'est ce que j'appelle toujours la zone de négociabilité.
18:07 C'est-à-dire qu'il faut savoir sur quoi on va pouvoir négocier avec le candidat, sur quoi il faut aller.
18:11 Est-ce que le candidat a besoin d'évoluer ? Est-ce qu'il a besoin de reconnaissance ? Est-ce qu'il a besoin de formation ?
18:16 Est-ce qu'il a besoin d'indépendance ? Est-ce qu'il a besoin de télétravail quand il faut de la paix ?
18:19 Ou au contraire, il a besoin d'être encadré, parce que d'autres ont besoin d'avoir un manager qui est vraiment de proximité.
18:25 Donc là, le manager, il change de rôle. Ça devient presque un coach pour l'ensemble de ses équipes.
18:30 Moi, je voudrais qu'on termine juste avec votre vision internationale, Caroline, puisque vous êtes des RH Groupes,
18:35 donc vous êtes sur plusieurs pays. Est-ce que tout ce qu'on... parce qu'on a quand même tendance à se regarder un petit peu le nombril parfois...
18:41 Est-ce que nos problématiques sont inhérentes à la France ? Ou est-ce que ce sont des choses que vous avez observées aussi ailleurs ?
18:46 Et que... avec peut-être des solutions qui viennent aussi d'ailleurs, pourquoi pas ?
18:49 Alors, c'est un... en tout cas, au niveau européen, là, on est tous devant un marché du travail qui est très tendu.
18:56 Les Pays-Bas, ils doivent même pas être à 5% de chômage, donc ils sont au plein emploi. Même chose pour les pays nordiques.
19:03 Au UK, très compliqué, le post-Brexit, parce qu'ils ont quand même beaucoup de travailleurs qui sont partis,
19:08 travailleurs étrangers, et qui assurent un peu toute la main-d'œuvre du quotidien.
19:12 Ce qui fait qu'on se retrouve, nous, dans nos entrepôts au UK, à ne pas pouvoir recruter,
19:16 alors qu'on pourrait se dire que c'est normalement des emplois qui ne demandent pas beaucoup de qualifications.
19:22 Et il y a du débauchage de manutentionnaires au UK entre entrepôts.
19:29 Alors qu'on aurait pu imaginer que c'était quelque chose plutôt pour les cadres, on offre des primes, enfin... voilà, bon...
19:35 Donc, tout ça pour dire que c'est une réalité européenne, et il y a beaucoup de développement de freelance.
19:42 Donc l'idée aussi que l'entreprise va devoir aller chercher des ressources en dehors de son scope, on va dire, de salarié classique.
19:52 C'est l'entreprise augmentée en quelque sorte ?
19:54 Voilà, c'est vraiment quelque chose sur lequel il faut que, en tout cas, M. Manuthan, on travaille très sérieusement.
19:59 Parce que ça ne va pas changer, je veux dire. Cette réalité, elle est là, elle s'est installée,
20:05 et je trouve ça très bien pour la société française qu'on aille vers le plein emploi.
20:09 Donc c'est aux entreprises de trouver des solutions.
20:12 On ne va pas se plaindre toute la journée en disant "ma bonne dame, c'est devenu bien dur".
20:15 Ben oui. Et donc, il va falloir être créative, il va falloir faire encore plus envie aux gens,
20:20 corriger nos défauts, être très honnête avec nous-mêmes.
20:24 Et moi j'ai un petit rêve, c'est que finalement les entreprises collectivement progressent,
20:29 et qu'on arrive justement à corriger ce petit désamour qu'on peut voir de temps en temps entre les jeunes ou les moins jeunes et le marché du travail.
20:36 Merci beaucoup à tous les trois pour votre éclairage. Je pense qu'on aurait pu poursuivre la discussion une demi-heure encore.
20:42 Carolina Cadérache du groupe Manuthan, Amélie Favre-Griquet, présidente de Talent Management Group,
20:47 et Christophe Enghien, président d'Empreintes Humaines. A très vite pour un nouveau numéro de Smart at Work.

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