Le Déclic - Magazine de l'écologie

  • l’année dernière
Interview confession de personnalités politiques et médiatiques sur des sujets environnementaux
Transcript
00:00 [Musique]
00:24 [Bruit de porte]
00:30 - Salut Philippe ! - Salut Edouard, ça va ?
00:32 - Tu vas bien ? - Et toi ?
00:33 Ancien joueur de rugby, Philippe Spanguero s'épanouit désormais dans sa deuxième vie en tant qu'entrepreneur engagé pour le rayonnement du rugby français.
00:40 Il joue un rôle clé au sein de la Fédération Française de Rugby, mais son ambition va au-delà, créer un impact positif dans la société.
00:47 Team One, solidaires, est né ainsi, fédérer une communauté de personnes pour lutter contre le réchauffement climatique et toute forme de précarité,
00:54 et devenir un véritable catalyseur d'énergie positive.
00:57 Et si on parle d'écologie autrement, bienvenue dans le déclic.
01:01 - Donc, est-ce que toi tu as eu à un moment un déclic ?
01:04 - Le déclic sur la responsabilité de notre génération dans les enjeux, je l'ai eu il y a longtemps,
01:09 mais le vrai déclic je l'ai eu il y a quelques semaines à peine, avec ma fille aînée.
01:14 On se baladait en forêt et il y avait des bouteilles en plastique qui traînaient.
01:19 Et elle ramasse les bouteilles, elle me dit "papa, il faut trouver une poubelle, c'est dégoûtant les gens qui jettent ça par terre,
01:26 déjà que la planète va exploser dans 20 ans".
01:28 Et en fait, ça, ça a été un vrai déclic pour moi parce que je me suis dit "mais en fait, nos enfants,
01:33 ils grandissent dans un monde dans lequel ils sont pour certains persuadés qu'ils ne vivront pas une vie entière".
01:43 - Que ça peut s'arrêter ?
01:45 - Que ça peut s'arrêter très vite à cause des enjeux écologiques et environnementaux.
01:51 Je me demande comment on peut s'épanouir quand on est enfant ou adolescent en ayant cette épée de Damoclès au-dessus de la tête.
02:00 Nous, on ne s'est jamais posé la question de savoir si on allait pouvoir continuer à avoir de l'eau,
02:07 si on allait pouvoir faire construire une piscine.
02:10 Ça, ça a été mon vrai déclic et je me suis dit "mais c'est quand même assez terrible pour nos enfants".
02:14 - J'aimerais bien faire un petit quiz avec toi, donc c'est quelques questions avec quelques réponses assez simples.
02:19 Qu'est-ce que toi, tu rêvais de devenir quand tu étais enfant ?
02:23 - Je rêvais de devenir rugbyman professionnel parce que je suis d'une famille qui s'est construite dans ce sport.
02:31 C'est une famille atypique. Mon père a cinq frères, deux soeurs.
02:37 Ils ont tous joué au rugby à haut niveau. Au-delà de mon père et de mes oncles, il y a mon frère aîné, Nicolas,
02:42 qui a dix ans de plus que moi et qui a eu aussi un très beau parcours sportif.
02:47 Donc, je ne me suis pas beaucoup posé de questions et tout petit, je rêvais de...
02:51 - C'était assez naturel pour toi. - C'était assez naturel, oui.
02:53 - Et aujourd'hui que tu as grandi, est-ce que tu te dis "j'aurais pu faire autre chose,
03:00 est-ce que je l'aurais pu le concevoir différemment" ou tu es vraiment et tu fais vraiment ce que tu voulais et ce que tu souhaitais faire ?
03:06 - Je crois que je suis là où je devais être. Je suis plutôt heureux de ça.
03:12 Je trouve que c'est toujours difficile quand on ressasse le passé.
03:17 Il y a eu quelques moments clés sportifs où il aurait pu se passer autre chose,
03:23 mais je n'aurais peut-être pas saisi les opportunités que j'ai saisies professionnelles qui m'amènent là aujourd'hui.
03:31 Donc honnêtement, je suis assez épanoui par rapport à ça.
03:34 Je ne me pose pas trop ce genre de questions. J'ai l'impression d'être là où je dois être.
03:38 - Et est-ce que tu te souviens de ton premier geste écolo ?
03:41 - Mon premier geste écolo correspond aux premières disputes avec ma copine qui est devenue ma femme
03:46 parce que j'avais une fixette sur le robinet qui coule pendant qu'on se brosse les dents.
03:52 - OK. - Ça c'était mon truc.
03:54 - Et donc toi tu passais derrière et tu le fermais.
03:56 - Je suis un peu maniaque et en fait je la guettais pendant qu'elle se brossait les dents.
03:59 Et quand elle oubliait de couper l'eau, je passais derrière elle et je coupais l'eau.
04:04 Et ça avait le don de l'énerver beaucoup.
04:06 - Et est-ce que tu pourrais nous dire, est-ce que tu as un péché ?
04:09 - Dans notre quotidien, on sait qu'on peut toujours faire mieux.
04:13 Voilà, donc je peux prendre un peu moins l'avion.
04:16 Il y a certainement un ou deux déplacements que je fais à Paris qui pourraient se faire en visio.
04:21 - Ou différemment. - Ou différemment.
04:23 En tout cas j'ai enclenché vraiment dans ma vie quotidienne...
04:27 - Ouais, dans ton esprit, dans ton... - ...cet enjeu-là.
04:31 Et l'évolution du quotidien pour y prendre ma part, pour jouer mon rôle.
04:39 - Est-ce que, Philippe, tu as un sentiment parfois d'inachevé ?
04:43 - J'ai plein d'exemples de ratés par contre, si tu veux.
04:46 Mais de sentiments d'inachevé, de choses qui m'ont vraiment fait envie,
04:54 qui m'ont vraiment donné envie et que j'ai pas réalisé.
04:58 Honnêtement, je crois pas. - Tu en as pas.
05:00 Et si tu devais être le père de quelque chose ?
05:02 - Ce qui a fait bouger les choses, moi ce qui me fascine,
05:07 c'est les gens qui sont seuls contre tous.
05:10 Je trouve que c'est très difficile.
05:13 Et je le vois là, c'est exacerbé dans ce monde aujourd'hui
05:16 où la pensée se restreint, avec les réseaux sociaux notamment,
05:23 ce qui est bien ou mal à dire.
05:25 On est dans un monde qui connaît plus la mesure.
05:29 On est d'accord ou on n'est pas d'accord, le débat n'existe plus.
05:32 Et je trouve que c'est le débat qui nous fait grandir.
05:34 - Il n'y a plus de nuance. - Dans les enjeux dont on parle là,
05:37 c'est le débat qui nous fera avancer.
05:40 C'est la façon dont on peut tous s'améliorer.
05:43 - Réfléchir ensemble, construire. - Je suis pas pour les brigades
05:46 qui s'organisent pour aller crever les pneus des SUV.
05:49 - Est-ce qu'il y a quelque chose dont tu es fier ?
05:51 - Il n'y a pas un accomplissement, ce qui me rend plutôt fier pour l'instant,
05:54 parce que je suis assez jeune encore, j'espère faire encore plein de choses,
05:58 c'est de jamais m'être renié.
06:01 C'est-à-dire que j'ai commencé mes activités professionnelles jeunes,
06:05 il y a 15 ans.
06:07 J'ai eu l'occasion plusieurs fois
06:11 de mettre un mouchoir sur mes convictions pour du business,
06:16 de renier quelques idées.
06:19 Je ne l'ai jamais fait.
06:21 Et au final, dans mon parcours personnel, ça m'a donné raison.
06:24 - Est-ce que tu as une ambition personnelle pour ton avenir ?
06:29 - C'est dur de le mesurer, mais l'ambition, c'est d'avoir de l'impact.
06:32 Et ça, c'est vrai que j'y prends goût,
06:36 notamment avec le fonds de dotation qu'on a créé, Timoine Solidaires.
06:39 L'ambition que j'ai, c'est d'essayer d'avoir un maximum d'impact,
06:43 de fédérer autour de moi des gens qui partagent la vision, les valeurs.
06:48 - Petite boîte à surprises.
06:50 Un ballon.
06:54 - Oval.
06:55 - Oval.
06:56 Est-ce que ça te manque aujourd'hui de jouer,
06:59 d'être sportif de haut niveau et professionnel ?
07:01 - Alors non.
07:02 Bizarrement, finalement, ça ne m'a jamais manqué.
07:06 Et ça m'a même amené la question de me dire,
07:08 mais est-ce que j'étais vraiment passionné ?
07:10 Très vite, j'ai fait de la radio.
07:12 Et je me suis retrouvé complètement par hasard sur Europe 1.
07:15 Et je commentais tous les gros matchs du samedi.
07:18 Et j'étais dans les stades.
07:20 Donc au contact des joueurs.
07:21 - Au contact des joueurs, et quelque part, tu as quitté le terrain,
07:24 mais en restant dans les tribunes.
07:25 - Et donc, en fait, je n'ai jamais coupé avec le rugby.
07:29 Et finalement, je me suis rendu compte que ce que j'ai aimé dans ce sport,
07:33 c'était la vie du rugby, au moins autant que le terrain, en fait.
07:38 - J'ai un second petit clin d'œil à l'intérieur de cette boîte.
07:41 Une image.
07:44 C'est celle-ci.
07:46 - Celle-là, elle est douloureuse d'image.
07:49 Parce que ça, c'était une photo pour le Figaro,
07:53 au moment du scandale de la viande de cheval.
07:58 Et je me suis retrouvé un peu parachuté porte-parole de la famille.
08:03 Ça a été très, très violent.
08:05 - Je crois que tu as fait un tweet, d'ailleurs, sur ça.
08:08 Où tu avais, entre guillemets, un petit peu...
08:12 - Ouais, j'avais interpellé...
08:13 - Tu les as aidés, quelque part.
08:14 - Ouais, mais c'était très frustrant.
08:15 Parce qu'en fait, c'est une famille qui s'est vraiment construite sur la réputation.
08:19 Et là, en fait, c'était une vie de travail remise en question en 24 heures
08:24 sur un malentendu, en fait.
08:26 Parce que c'était pas notre entreprise.
08:28 - Comment, en fait, toute la réputation de ta famille,
08:31 qui est une grande famille, elle s'est retrouvée sur tes épaules ?
08:33 - Moi, j'étais le seul qui était dans la com et un peu dans les médias,
08:38 puisque je travaillais à la radio, qui avait des relais.
08:42 Donc, dans l'affolement, mes oncles, mon père m'ont dit
08:46 "Ecoute, essaie de faire passer le message aux journalistes
08:49 qu'on a vendu le nom, mais que c'est plus notre entreprise."
08:51 Parce que c'était très violent.
08:53 On ouvrait tous les JT, les gens faisaient l'amalgame.
08:56 On se faisait vraiment...
08:58 - Et à cette période, vous étiez très soudés.
09:00 Tu dirais que c'est ce qui vous a permis de tenir ?
09:03 C'est ce qui vous a sauvé ?
09:04 - Ben, alors, on était soudés, mais au-delà de ça,
09:07 dans ces circonstances-là, t'es obligé d'être lié,
09:09 on s'appelle tous pareil.
09:10 Donc, c'était naturel, en réalité.
09:13 Et donc, en fait, le tweet s'est venu assez simplement.
09:16 C'est-à-dire qu'au début, les médias traditionnels reprenaient pas l'info.
09:19 Ils me disaient "Mais c'est pas le sujet,
09:22 que ce soit à votre famille ou plus à votre famille.
09:24 Nous, on parle que de noms d'entreprises.
09:26 Et il y en a une qui s'appelle Spangero."
09:28 Donc, voilà.
09:29 - Alors, justement, on a retrouvé ce fameux tweet.
09:34 - Hum.
09:35 - Parce qu'on sait à quel point ça compte pour toi.
09:38 - Ouais.
09:39 - Et donc, ça a été très clairement qualifié
09:42 d'avoir sauvé la réputation de ta famille.
09:44 - Ouais.
09:45 - C'est quelque chose qui, à mon sens,
09:47 est très important aujourd'hui de partager avec toi.
09:49 Et quand tout ça est arrivé, en fait,
09:51 moi, ce qui m'amène, en fait, à te poser comme question,
09:55 c'est qu'est-ce qui s'est passé ?
09:57 Comment toi, tu l'as vécu ?
09:58 Et comment tu as abordé, en fait, au jour le jour,
10:01 les événements, la situation ?
10:03 Est-ce que tu t'en souviens ?
10:04 - Ouais, je m'en souviens très bien.
10:06 Parce que d'abord, il y a quelque chose qui m'a marqué
10:09 et qui n'est pas très naturel,
10:10 c'est de voir tes parents, tes oncles fragiles.
10:17 Si tu veux, pour moi, c'était des rocs.
10:22 Et là, de les voir un peu...
10:24 - Touchés ?
10:25 - Perdre pied, quoi.
10:26 Enfin, affectés à ce point, ça m'a perturbé.
10:33 Et donc, je me suis dit, bon, ben là,
10:36 il faut faire quelque chose.
10:37 Il y a la frustration, en plus, qui se rajoute à ça,
10:39 de l'hypocrisie, quelque part, des médias,
10:41 qui disent "mais le sujet, c'est pas votre famille",
10:43 mais qui, à la fois, ouvrent tous les journaux
10:45 sur notre nom à nous,
10:46 alors qu'il y a plusieurs entreprises concernées,
10:49 et surtout, les impacts enchaînent,
10:50 parce qu'on a encore beaucoup d'activités
10:53 qui ont le nom de Spanguero.
10:54 Donc là, en fait, on est dans la lessiveuse.
10:57 - Dans une espèce d'engrenage
10:58 qui fait que tu es obligé d'être très courageux.
11:00 - Et honnêtement, c'est très dur de prendre de la hauteur,
11:02 parce qu'en fait...
11:03 - Tu peux être seul contre tous.
11:04 - Non, mais surtout, tu as l'impression
11:05 que le monde entier ne parle que de ça.
11:08 Ce qui n'est pas vrai, dans les faits.
11:10 Mais quand t'es sur les réseaux sociaux toute la journée,
11:13 et que tu reçois les alertes quand on en sort,
11:15 t'as l'impression que le monde tourne autour de cette affaire-là.
11:19 - Tu as su rebondir et faire preuve d'une force qui est considérable,
11:23 transformer ça avec une boîte de com',
11:25 avec "tu accompagnes le Stade Toulousain",
11:27 "tu es à la radio", "tu écris un livre".
11:29 Mais quelque part, ça t'a donné, je pense,
11:31 un certain élan, une énergie.
11:34 - Ouais, et puis une forme de légitimité aussi.
11:37 Tu vois, c'est pas facile quand tu grandis dans une famille comme ça,
11:41 avec des personnalités très fortes.
11:44 - C'est un héritage apporté, en fait.
11:46 - Il y a le sujet du sport aussi,
11:49 où la barre a été placée tellement haut,
11:51 quand tu te mets pas à ce niveau-là,
11:53 tu peux te dire que t'as échoué.
11:56 C'est pas le cas en réalité,
11:59 mais c'est ce que je me suis dit un moment,
12:02 même si personne me l'a fait ressentir.
12:04 Et après, tu te dis,
12:07 quelque part, il faut que je me mette au niveau.
12:10 Donc ça, c'est des réflexions personnelles.
12:13 Mais moi, je me suis mis beaucoup de pression avec ça.
12:16 Et ça, je crois que c'est peut-être le premier moment dans ma vie pro
12:21 où, quand j'ai vu que j'aidais ma famille vraiment,
12:25 que j'avais un certain impact,
12:27 parce que tout ça, c'était de la stratégie.
12:29 C'est-à-dire que j'ai dit, je vais utiliser les réseaux sociaux.
12:32 Je suis allé voir, j'ai demandé à tous les gens que je connaissais déjà,
12:36 qui avaient des grosses communautés, pas que dans le rugby,
12:39 pour que ça aille en dehors de jouer le jeu en relais de com.
12:43 J'ai sollicité Nico Karabatic, Nelson Monfort, plein de gens.
12:48 - Qui ont ouvert aussi les bras et qui ont pu t'accompagner.
12:54 - Et donc, après, comme c'est moi qui étais régulièrement sollicité par les médias
12:59 et que, quelque part, j'ai porté la bonne parole,
13:02 ça m'a apaisé un peu sur ma légitimité aussi.
13:07 - Il va y avoir aussi la Coupe du Monde, qui arrive en septembre 2023.
13:12 Et dans une émission d'écologie,
13:15 on ne peut pas s'empêcher, quelque part, Philippe, de rattacher les deux.
13:19 Comment tu vois les choses sur ce sujet ?
13:21 - Il y a une vraie prise de conscience des enjeux, pour plusieurs raisons.
13:24 D'abord, parce qu'on a une économie qui repose sur les sponsors privés dans le sport.
13:28 Et aujourd'hui, les grands partenaires du sport, ils ont la pression du consommateur.
13:35 Ils ne soutiendront plus des acteurs du sport qui ne seront pas exemplaires par rapport à ça.
13:42 Donc, même si les partenaires eux-mêmes n'ont pas cette vision-là,
13:46 ils y seront contraints par les financeurs.
13:49 Donc, cette question, pour moi, elle est réglée.
13:52 La prise de conscience des enjeux, elle a eu lieu et elle est en train d'avoir lieu.
13:57 Tu vois, je te prends un exemple dans le rugby,
13:59 mais il y a l'URC, la United Rugby Championship,
14:04 qui réunit les équipes britanniques et les équipes sud-africaines
14:09 qui ont rejoint cette compétition l'année dernière.
14:12 Le tollé médiatique a eu lieu à cause de...
14:15 - À cause notamment de déplacement de joueurs.
14:17 - De l'impact carbone.
14:18 - Absolument.
14:19 Pour toi, aujourd'hui, il y a vraiment, véritablement,
14:21 une prise de conscience des enjeux à tous les niveaux.
14:24 - Alors, il y a des enjeux que ne maîtrise pas l'organisation de 2023
14:27 sur les besoins énergétiques des stades.
14:31 Ça, c'est l'étape d'après.
14:32 Mais sur ce que France 2023 maîtrise, ils ont fait ce qu'ils pouvaient faire.
14:37 C'est-à-dire qu'eux, ils se sont focalisés beaucoup
14:39 sur ce qui se passe dans les stades les jours de match.
14:43 Donc, inciter aux mobilités douces et surtout les circuits courts.
14:50 C'est-à-dire que dans les appels d'offres
14:52 que le GIP 2023 a donnés à tous les stades qui accueillent des matchs,
14:56 c'est pour tout ce qui est food and beverage,
14:58 et ça concerne des gros volumes...
15:00 - Tout ce qui est à pro, tout ce qui rentre dans les stades.
15:02 - Tout ce qui est à pro, obligation de travailler sur des circuits courts,
15:05 d'avoir des produits bio, voilà.
15:08 Ça, c'est pas des effets d'annonce et c'est très concret sur les territoires.
15:13 Ce que je pense et qui me fait un peu peur,
15:16 c'est qu'on revient au problème de l'époque.
15:18 C'est qu'on veut tout tout de suite.
15:20 On s'est habitué à des modes de consommation
15:23 et on fera pas marche arrière radicalement du jour au lendemain.
15:26 Ça ne marche que quand il y a le coronavirus
15:28 et qu'on est enfermé chez nous pendant un mois.
15:30 Là, on a un impact sur la planète.
15:32 Mais il faut qu'on soit exigeants, mais il faut aussi qu'on soit raisonnables.
15:37 - Est-ce que tu penses que les Bleus seront champions du monde ?
15:40 - J'ai envie de le croire, parce que d'abord,
15:42 il y a des raisons de le penser sportivement,
15:46 des vraies raisons de le penser sportivement.
15:48 Et je pense que c'est la première génération
15:51 qui est née avec le professionnalisme
15:53 et qui a toutes les qualités, en fait.
15:56 - Pour réussir.
15:57 - D'abord, ils ont la qualité de connaître leur histoire.
16:01 On sent une jeune génération passionnée de rugby.
16:05 Pour la plupart, ils ont grandi dans des petits clubs
16:08 avec des parents qui jouaient.
16:10 Il y a ce vrai ADN rugby.
16:12 Et surtout, ils ont pas de complexe.
16:16 Ils ont été, pour beaucoup d'entre eux,
16:19 champions du monde au moins de 20 ans
16:21 contre les All Blacks, les Sud-Africains.
16:23 Ouais.
16:26 - A pot, on se met au verre.
16:28 - Ça a été le premier club sportif, en France au moins,
16:32 ou au monde, je sais pas,
16:34 mais a annoncé avec son équipementier
16:37 qu'ils allaient jouer avec des maillots
16:40 réalisés à 100% en plastique recyclé.
16:43 - J'imagine une pelouse hybride.
16:44 - Un peu la gestion d'éclairage, d'eau.
16:46 - Un sujet sur le traitement des déchets les jours de match,
16:50 sur la sensibilisation du public au traitement des déchets.
16:53 Et puis surtout, via leur fond de dotation,
16:56 sur la sensibilisation du territoire et de la population
16:59 sur les grands enjeux environnementaux.
17:01 Un club de rugby aujourd'hui, comme la section Paloise,
17:04 c'est une entreprise à mission.
17:06 - Est-ce que tu vois d'autres choses,
17:08 notamment en matière d'innovation,
17:10 sur les ballons, les goodies ?
17:11 - Non, on est loin d'être arrivé au bout.
17:13 Il y a beaucoup de choses à faire encore.
17:16 Après, il y a des initiatives beaucoup moins impactantes
17:20 économiquement, mais qui ont du sens aussi.
17:22 Par exemple, le Stade toulousain a installé des ruches
17:25 sur le toit de tout son stade et fait son propre miel.
17:29 - Un circuit court.
17:31 - Un circuit court.
17:32 Tout ça, c'est des petites initiatives,
17:35 mais qui, mise bout à bout,
17:38 amènent un vrai changement de paradigme.
17:41 Il y a un sujet qui est intéressant,
17:44 c'est Julien Pierre, l'ancienne deuxième ligne
17:46 de l'équipe de France de rugby,
17:48 qui a monté un label qui s'appelle "Fair Play for Planet"
17:52 et qui labellise des clubs sportifs
17:55 sur tout un tas de critères
17:57 par rapport à leur impact environnemental.
18:01 - Toujours dans ma petite boîte,
18:03 j'ai quelque chose pour toi.
18:05 C'est ça.
18:07 Ça, c'est pas quelque chose que tu as construit,
18:10 quelque chose que tu as repris.
18:12 - Oui.
18:13 - C'est 40 ans après sa création.
18:15 - C'est ça.
18:16 - Pourquoi ?
18:17 - C'est une marque de vêtements, donc,
18:19 Marseillaise des années 80,
18:21 qui a eu son succès à cette époque-là
18:24 dans le sud de la France.
18:26 Et en fait, pourquoi ?
18:28 Parce que je me souvenais de mon frère
18:30 et de ses potes qui portaient ça.
18:32 Ça avait été la folie pendant quelques années.
18:34 Tous les jeunes voulaient mettre ça.
18:36 C'est plus 100 % frais en France
18:38 parce qu'on n'arrive pas à le faire
18:40 dans un modèle économique
18:42 qui puisse être viable un jour.
18:44 Donc, c'est plus de la moitié en France.
18:46 Et le reste, en Espagne, sur la Costa Brava.
18:49 - Comment on explique ce paradoxe,
18:51 quelque part, toi, qui as aussi une marque de vêtements,
18:54 d'avoir des jeunes qui n'ont jamais été
18:56 autant sensibilisés, tu le disais,
18:58 pour tes enfants en préambule
19:00 et des adolescents, et dans le même temps,
19:02 qui changent en fait très, très régulièrement
19:05 de style, de mode, de vêtements ?
19:07 - C'est le paradoxe de cette génération.
19:09 C'est une génération ambigüe.
19:11 - Dans l'excès, quelque part ?
19:13 - Ils n'ont pas réglé tout leur questionnement.
19:17 Tu vois, nous, Keper,
19:19 pourquoi on ne fait plus tout en France ?
19:21 Parce qu'en fait, finalement,
19:23 je pensais que le marché était mûr.
19:25 On a essayé en com' de très bien expliquer
19:27 pourquoi nos T-shirts
19:29 coûtent plus cher que d'autres.
19:31 Mais malgré tout, cet acte d'achat
19:33 de dire "Oui, OK, je sais pourquoi je paye plus cher",
19:35 il n'est pas facile à faire.
19:37 Et après, pour les beaucoup plus jeunes,
19:40 pour moi, le problème, c'est pas ça.
19:42 Le problème, c'est les réseaux sociaux.
19:44 C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
19:46 les gamins, ils n'ont pas les moyens
19:48 de s'habiller avec les vraies marques
19:50 que portent leurs stars.
19:52 On a un blocage avec le Made in France.
19:54 Parce qu'on est toujours...
19:56 - Un blocage de prix ?
19:58 - Un blocage de prix, parce que les points de vente
20:00 nous disent "Voilà, OK, c'est Made in France,
20:02 mais votre marque, elle n'est pas assez connue."
20:04 Donc, nous, pour maintenir nos marges,
20:06 par rapport au prix que vous nous proposez
20:08 de sortie d'usine,
20:10 il faut qu'on le vende
20:12 fois 2,5 fois 3,
20:14 et ça passe pas.
20:16 Il y a une prise de conscience,
20:18 mais de là à débloquer l'acte d'achat
20:20 de dire "OK, je vais payer un produit
20:22 25 % plus cher qu'un autre,
20:24 juste parce qu'il est fabriqué en France",
20:26 d'abord, il faut vraiment y croire beaucoup,
20:28 et deuxièmement, il faut avoir les moyens.
20:30 - C'est quelque chose, c'est un moment
20:32 très important qui nous a marqué
20:34 en septembre dernier,
20:36 et c'est aujourd'hui,
20:38 quand Galtier
20:40 dit "On va pas prendre le train
20:42 pour se déplacer à Kilian Mbappé
20:44 pour aller jouer à Nantes",
20:46 qu'est-ce que, toi, ça te dit ?
20:48 Et est-ce que, quelque part, tu comprends
20:50 le tollé que ça a pu générer ?
20:52 - Moi, j'essaie d'avoir les
20:54 deux regards.
20:56 Là, pour moi, c'est l'exemple
20:58 même de l'erreur
21:00 de communication,
21:02 du manque d'appréhension
21:04 du contexte.
21:06 Je trouve ça assez
21:08 hallucinant. C'est finalement le premier
21:10 dérapage de com' de Mbappé.
21:12 Le mauvais côté de l'époque qui me dérange,
21:14 c'est le tollé
21:16 que ça suscite et le...
21:18 - Quand on sait, Philippe, que dans le sport,
21:20 80 % du bilan carbone,
21:22 aujourd'hui, des clubs, c'est lié au transport,
21:24 au déplacement, est-ce que ces gens,
21:26 quelque part, ils ont conscience ?
21:28 - Ils n'ont pas encore assez conscience.
21:30 Et en France, particulièrement,
21:32 aujourd'hui, on voit les grandes équipes
21:34 italiennes, les grandes équipes
21:36 espagnoles qui commencent à se déplacer
21:38 en train. Il y a une équipe espagnole,
21:40 je me tromperais en donnant le nom,
21:42 mais qui a marqué le coup en com'
21:44 en faisant un gros partenariat
21:46 avec la Société Nationale de Train
21:48 pour faire tous ces déplacements en train.
21:50 C'est dans l'air du temps.
21:52 - Mais on peut aussi décaler des matchs, par exemple, en soirée,
21:54 pour les mettre dans l'après-midi, pour limiter l'éclairage ?
21:56 - Oui, mais ce n'est que ça, c'est le diffuseur qui décide.
21:58 - Alors, il y a un enjeu de diffusion, mais comme tu disais
22:00 tout à l'heure que, quelque part, les financeurs
22:02 et les sponsors
22:04 aussi allaient mettre en priorité
22:06 l'écologie et la transition énergétique,
22:08 peut-être que les mentalités aussi
22:10 vont évoluer pour peut-être jouer l'après-midi,
22:12 se déplacer en train,
22:14 et faire différemment ? - C'est en ça, après,
22:16 que là, on rentre dans des sujets où
22:18 quand tu touches
22:20 un élément du puzzle,
22:22 tu déséquilibres tout.
22:24 Parce qu'aujourd'hui, l'économie du foot
22:26 repose sur les droits télé.
22:28 C'est monstrueux. C'est 6-700 millions
22:30 par an en Ligue 1.
22:32 - Tu ne crois pas, Philippe, que ça peut s'adapter
22:34 en fonction des sports, là où la billetterie
22:36 pour le rugby est un élément essentiel
22:38 dans les budgets, ce qui est complètement l'inverse
22:40 dans le football, par exemple ?
22:42 Est-ce que le football, on ne pourrait pas peut-être imaginer demain
22:44 des stades sans public, avec des matchs
22:46 qui seraient rediffusés,
22:48 quelque part ? - Pour vraiment
22:50 faire changer les choses,
22:52 il va falloir
22:54 bouger en profondeur.
22:56 C'est-à-dire qu'il va falloir arriver vers
22:58 des solutions
23:00 qui peuvent paraître absurdes quand on
23:02 en parle comme ça.
23:04 Mais de toute façon, il va falloir
23:06 faire marche arrière.
23:08 C'est toujours difficile de faire marche arrière,
23:10 quand tu as habitué les gens à
23:12 un fonctionnement. Parce que là, clairement,
23:14 c'est faire marche arrière. C'est rajouter
23:16 une contrainte. C'est pas juste
23:18 changer de mentalité.
23:20 Les joueurs qui mettaient
23:22 35 minutes en jet en arrivant
23:24 sur le tarmac, il va falloir qu'ils aillent
23:26 en train jusqu'au Stade de Paris, à Montparnasse,
23:28 et qu'ils voyagent.
23:30 C'est de la contrainte.
23:32 Pour amener
23:34 les gens à accepter la contrainte,
23:36 il faut qu'ils y soient quand même...
23:38 - Il faudra conduire ce changement. - Oui, et puis il faut qu'il y soit
23:40 vraiment de contrainte. - Et contraire. - Et ça, c'est pas facile.
23:42 - Et qu'ils acceptent aussi le changement. - Voilà.
23:44 Et après, là, quand on occulte
23:46 l'erreur de com', il y a juste
23:48 un petit bémol à mettre, c'est que
23:50 c'est aussi pas facile pour un club
23:52 comme le PSG. Aujourd'hui, je pense
23:54 que la SNCF n'est pas capable
23:56 de garantir la sécurité
23:58 de Neymar, Mbappé
24:00 et Messi quand ils
24:02 arrivent à Montparnasse et qu'ils marchent au milieu
24:04 de tout le monde pour aller prendre leur train.
24:06 - Dans une des chartes,
24:08 il y a que les sportifs,
24:10 en fait, doivent être ambassadeurs
24:12 et porter "défendre des causes". Est-ce que tu penses
24:14 justement que c'est leur rôle,
24:16 qu'on voit aujourd'hui, le temps que peut
24:18 prendre l'extra-sportif ? Tu viens de le dire aussi
24:20 sur leur gestion, la sécurité,
24:22 les déplacements. Est-ce que tu penses qu'ils
24:24 peuvent vraiment être ambassadeurs ? Est-ce que ça fait sens ?
24:26 - C'est un débat qu'on a souvent à la radio
24:28 et moi qui me perturbe un peu, c'est-à-dire
24:30 qu'aujourd'hui, on a tendance à
24:32 attendre beaucoup de choses
24:34 des sportifs. C'est-à-dire qu'on leur demande
24:36 leur avis sur la situation politique,
24:38 on leur demande leur avis sur les enjeux
24:40 de société. - Comme des artistes ou
24:42 comme des... - Et quand ils osent pas le donner,
24:44 on dit qu'ils sont pas engagés
24:46 et on leur tape dessus.
24:48 Honnêtement, c'est difficile parce que
24:50 on parle souvent de jeunes gens, quand même.
24:52 C'est-à-dire que
24:54 nous, on parle
24:56 là avec un certain recul parce qu'on va
24:58 avoir 40 ans. On n'est pas...
25:00 On n'est pas encore
25:02 bon à jeter, mais voilà, ça fait 15 ans
25:04 qu'on a monté nos boîtes, on a un peu plus
25:06 de recul. Là, on parle de
25:08 jeunes gens, de jeunes filles
25:10 qui sont sorties des centres de formation.
25:12 Pour certains qui sont professionnels
25:14 et qui vivent dans une bulle depuis
25:16 3 ou 4 ans, on leur demande
25:18 de donner leur avis sur
25:20 des grands enjeux de société. Je trouve ça
25:22 dur. Je trouve qu'on attend
25:24 beaucoup des sportifs. Après,
25:26 les sportifs, ils doivent accepter
25:28 le revers de la médaille.
25:30 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce sont des
25:32 véritables symboles. - Plus t'es payé,
25:34 plus t'es exposé, plus
25:36 ça veut dire qu'il y a une économie autour de toi,
25:38 plus ça veut dire que tes obligations sont
25:40 fortes. Donc, il faut juste savoir
25:42 ce que tu veux et où tu mets le curseur.
25:44 Mais quand tu veux être une star
25:46 mondiale, et quand tu veux
25:48 gagner des millions, et quand tu veux avoir
25:50 un impact de dingue sur les réseaux
25:52 sociaux, quand tu veux un ntwit pour
25:54 voir couper la tête de ton président de
25:56 fédération, pour parler du
25:58 jeune homme, là,
26:00 en face, tu sais
26:02 quelles sont les contraintes. - Dans cette
26:04 petite boîte, il me reste...
26:06 Pourquoi
26:08 tu as eu envie d'écrire un livre ? - Ça, c'est
26:10 une drôle d'aventure.
26:12 Alors, d'abord,
26:14 comment ça m'est venu et pourquoi j'ai eu
26:16 envie d'écrire un livre, ça m'était jamais venu
26:18 à l'idée.
26:20 J'ai rencontré par mes activités
26:22 Michel Deniseau.
26:24 Pour moi, c'est le summum
26:26 de l'élégance, en fait.
26:28 De l'humilité,
26:30 de la remise en question,
26:32 bref. Et donc, on est resté
26:34 en contact avec Michel et
26:36 un jour, il m'envoie un message
26:38 en me disant "Tiens, tu vas écrire un livre".
26:40 Je viens d'écrire un livre avec les éditions
26:42 Le Robert et
26:44 ils sont en train de se pencher sur le rugby pour la coupe
26:46 du monde et je trouve
26:48 que ce serait intéressant que ce soit toi qui travailles
26:50 avec eux. J'ai dit "Ben écoute, allons-y".
26:52 Moi, je pars du principe que ce genre d'opportunité,
26:54 c'est pas de la prétention.
26:56 Je me suis pas du tout dit
26:58 "C'est bon, ça va être tranquille". - Non mais t'as saisi
27:00 l'opportunité de... - Je savais que c'était un nouveau
27:02 challenge et je me suis dit "Voilà, est-ce que je vais
27:04 être à la hauteur ou pas ?"
27:06 Et moi,
27:08 j'ai voulu en faire une aventure
27:10 collective du coup. Et donc,
27:12 c'est un très joli projet
27:14 parce qu'en fait, c'est sur les mots
27:16 et expressions du rugby. Et d'abord,
27:18 je le savais mais je me suis
27:20 rendu compte en travaillant dessus
27:22 à quel point le rugby a des mots forts
27:24 quand même. - Des valeurs ?
27:26 - Transmission,
27:28 - Partage. - Partage,
27:30 le combat,
27:32 la possession,
27:34 la dépossession.
27:36 Ce qui m'a beaucoup touché, c'est que je suis allé chercher
27:38 des personnalités.
27:40 Certaines qui sont des vrais amis
27:42 et d'autres pas,
27:44 qui sont des gens que j'ai côtoyés et que
27:46 j'aime beaucoup. Et ce qui m'a
27:48 touché, c'est que quand je leur ai demandé
27:50 spontanément de venir participer et
27:52 de choisir un mot et d'écrire avec moi,
27:54 d'abord j'ai senti qu'ils étaient
27:56 heureux de le faire.
27:58 Ça, ça m'a touché.
28:00 Et donc, ça s'est fait dans une super bonne
28:02 dynamique. Et donc, il y a des très jolis mots.
28:04 Il y a Thierry Dussautoir, l'ancien
28:06 capitaine de l'équipe de France qui écrit sur le mot
28:08 capitaine. - Le chef de rassemblée.
28:10 - Il y a Daniel Herrero qui écrit
28:12 sur l'équipe.
28:14 - Et ce livre sort quand ?
28:16 - Il sort en près
28:18 le 7 juillet. - On a hâte de le lire,
28:20 Philippe. Et
28:22 je te remercie sincèrement pour ta
28:24 participation à l'émission.
28:26 - Avec plaisir. - Et merci beaucoup d'être venu.
28:28 - Merci à vous.
28:30 (indicatif musical)
28:32 (indicatif musical)
28:34 [Musique de générique de fin]
28:59 [fin du générique]

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