Interview confession de personnalités politiques et médiatiques sur des sujets environnementaux
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TVTranscription
00:00 [Générique]
00:20 [Sonnerie de porte]
00:25 - Salut Edouard ! - Bonjour Laurent ! Ça va ?
00:27 - Bah oui, il fait chaud mais ça va très bien !
00:30 - Laurent Fontaine, icône du petit écran, s'est illustré comme producteur télé incontournable.
00:34 Également fervent défenseur de l'écologie, ce chef d'entreprise confirmé
00:38 prodigue ses conseils en matière de transition écologique auprès de décideurs politiques.
00:42 L'année 2023 marque le retour très attendu sur C8 de l'émission "Y'a que la vérité qui compte".
00:48 L'occasion d'évoquer sans phare, avec ce bon vivant,
00:50 les mutations et l'empreinte écologique de l'industrie audiovisuelle.
00:54 Bienvenue dans le Déclic !
00:55 Laurent, merci d'être venu dans notre émission.
00:58 - Merci à vous d'avoir invité.
00:59 - Qu'est-ce qui a été votre déclic en matière d'écologie ?
01:03 - D'avoir des enfants.
01:05 Moi je viens d'une génération où on parlait très peu d'écologie, voire jamais.
01:11 Je suis né en 62 donc j'ai 60 ans.
01:14 Et jusqu'aux années 70, on n'a jamais même employé le mot d'écologie,
01:18 de protection de la planète, de biodiversité, c'était des mots qu'on connaissait pas.
01:21 Que certains scientifiques employaient mais pas les "gens normaux", les citoyens.
01:26 Et en fait, en 74, je m'intéressais déjà à la politique, j'étais jeune.
01:32 Je me souviens d'avoir vu arriver le premier candidat à la présidentielle
01:35 qui était étiqueté "écologie".
01:38 Et voilà, donc ça a été ensuite, bien après,
01:41 quand j'ai eu mes premiers enfants en 95, j'ai quatre enfants,
01:44 où effectivement, d'abord au début parce que la société bougeait
01:48 et parce que oui, on se pose des questions en tant que père.
01:51 Et puis parce que plus ils grandissent, plus c'est eux qui vous apprennent
01:54 l'importance des choses.
01:56 L'importance de l'écologie.
01:57 C'est pour ça que je suis de la partie d'une génération
01:59 qui n'avait pas entendu parler d'écologie,
02:00 mais je suis aussi partie de la première génération,
02:02 peut-être même de l'histoire de l'humanité.
02:04 Ça paraît tout bête et un peu prétentieux de dire ça,
02:06 mais c'est vraiment un peu notre génération.
02:08 On est les premiers parents à apprendre de nos enfants
02:11 et à trouver que leur parole est forte et importante.
02:13 Alors justement, en parlant d'enfants,
02:15 vous, enfants, vous rêviez de devenir quoi ?
02:18 Un truc assez proche de ce que je fais aujourd'hui,
02:23 c'est-à-dire que je voulais être soit journaliste,
02:26 j'ai fait des études de journalisme,
02:28 soit comédien et je faisais du théâtre au lycée,
02:31 soit faire de la politique.
02:34 Voilà, c'est un peu, ou peut-être avocat.
02:37 Est-ce que vous vous souvenez de votre tout premier geste écolo ?
02:40 Je me souviens des premières fois où j'ai trié, par exemple,
02:45 où j'ai eu pour la première fois une poubelle à la maison,
02:47 ça a été en 2003 ou 2004, des poubelles de différentes couleurs.
02:51 Je me souviens des premières fois où mes enfants m'ont dit
02:55 "Papa, arrête de faire couler l'eau quand tu brosses les dents".
02:58 Voilà, ça, j'ai eu des trucs qui étaient assez...
03:00 Mais c'était donc il y a 20 ans.
03:02 Il y a 20 ans.
03:03 On a tous nos contradictions.
03:04 Votre péché en écologie, c'est quoi ?
03:07 Très bonne question.
03:13 Certainement un milliard de trucs
03:14 qui sont des micro-gestes du quotidien
03:17 et auxquels je ne fais pas assez attention.
03:18 Mais je ne suis pas un grand consommateur d'avions,
03:21 je n'ai pas un 4x4 en ville.
03:22 Je ne suis pas un énorme consommateur d'énergie, en réalité.
03:27 C'est très bon péché, vous savez.
03:28 Vous êtes un homme plus qu'accompli.
03:32 Est-ce que vous avez, dans votre carrière, un sentiment d'inachevé ?
03:35 Plein de choses inachevées.
03:36 J'aurais aimé écrire des bouquins, j'aurais aimé peindre.
03:38 Je m'intéresse énormément à l'art
03:40 et je regrette d'être si nul quand il s'agit de peindre, par exemple.
03:44 J'aurais aimé jouer du piano.
03:45 Plein de choses que j'ai essayé de faire de temps en temps.
03:48 Et si vous deviez être le père de quelque chose,
03:51 d'une émission, d'un projet ?
03:52 Le père, le papa ?
03:53 Le papa.
03:54 Quelque chose qui existe déjà.
03:56 Je ne sais pas, plutôt dans le domaine politique,
03:58 le père d'une loi importante au sujet des femmes ou au sujet de...
04:01 Laquelle ?
04:02 Ah ben, celle de 1974 et de Simone Veil,
04:05 et certainement l'une des plus belles,
04:06 celle de Badinter en 1981 avec l'abolition de la peine de mort.
04:10 Et l'accomplissement dont vous êtes le plus fier ?
04:12 Mes enfants.
04:13 Ah mais clairement, mes enfants.
04:14 J'ai même pas eu une hésitation sur le sujet.
04:17 J'ai quatre enfants, une fille, un garçon et deux jumelles.
04:21 Donc trois filles et un garçon.
04:23 Et je pense que sur notre lit de mort,
04:26 on doit tous se poser cette question de savoir,
04:28 en réalité, qu'est-ce que t'as réussi ?
04:31 Et est-ce que la fierté de tes enfants a une valeur ?
04:34 Oui. Est-ce qu'elle existe ?
04:35 Oui. Est-ce qu'ils t'aiment ?
04:36 Est-ce que tu les aimes ?
04:37 Est-ce que tu leur apportes quelque chose ?
04:38 Bien sûr que je pense que c'est des questions essentielles.
04:40 On vous connaît très largement pour une émission culte,
04:44 "Il n'y a que la vérité qui compte",
04:46 qui, je crois, revient sur C8.
04:48 Comment vous le vivez ?
04:50 Je le vis comme avoir pris des tas de sauts de critique à l'époque,
04:55 dans les années 2000, parce que, voilà,
04:59 cette notion d'émotion et de show télé,
05:02 c'est deux notions qui ne sont jamais simples à conjuguer
05:05 et qui, par définition, pour ceux qui n'aiment pas la télé dite populaire,
05:10 est critiquable et leur position est tout à fait honorable.
05:13 Mais comme la télé et l'audiovisuel en général
05:16 a franchi tellement d'étapes depuis une quinzaine d'années,
05:19 je me sens assez petit poussin dans l'histoire.
05:21 Voilà. Donc, on a adoré faire cette émission.
05:24 Je dis souvent que c'est l'émission que j'ai vraiment préféré faire
05:27 de toutes les émissions que j'ai produites ou que j'ai animées.
05:30 Cette émission qui s'est terminée en 2007,
05:33 est-ce que c'est quelque part le clap de fin d'une époque ?
05:36 Oui, certainement. C'est la fin d'une époque pour la télé.
05:40 Mais pas simplement l'arrêt de notre émission.
05:44 Je pense que c'est la fin d'une époque, ces années 2005-2010,
05:47 où tout d'un coup, le digital prend une telle puissance au niveau mondial
05:53 que tout le business de la télé, tout l'esprit de la télé,
05:56 toute la consommation de la télé est complètement chamboulée.
05:59 On voit justement qu'il y a une forme d'évolution,
06:02 puisqu'avant les animateurs étaient stars,
06:03 aujourd'hui c'est plutôt les formats des émissions.
06:06 Est-ce qu'on n'a pas quelque part déshumanisé la télé ?
06:10 Je ne le pense pas.
06:11 Il suffit de citer un seul nom pour dire exactement le contraire de ça,
06:14 c'est celui de Cyril Hanouna, par exemple.
06:17 Le concept n'a pas de grande importance, c'est Hanouna qui compte.
06:23 Non, je pense qu'il y a encore...
06:25 On est très franco-français quand on parle de ça,
06:28 mais si on va aux États-Unis, les grands shows, les grands late shows,
06:31 sont toujours animés par des personnalités très fortes, très puissantes,
06:34 et qui donnent un ton au show,
06:36 qui donnent même parfois le concept de l'émission en soi.
06:38 Jimmy Fallon aux États-Unis,
06:40 n'importe qui dans son show ne ferait pas ce que fait Jimmy Fallon,
06:44 donc il devient un animateur concept.
06:46 Il y a beaucoup, beaucoup aujourd'hui, je trouve,
06:49 d'émissions qui manquent d'incarnation et d'animateur,
06:52 mais ce n'est pas le concept qui a tout d'un coup pris la place.
06:55 C'est que des gens comme Christophe Dechabat dans les années 90,
06:58 Corey dans l'année 2000, et Hanouna depuis 2010,
07:01 il y en a un par génération, tous les 10 ans.
07:03 Ce qu'on appelle des encore-mans, des vrais showmans.
07:06 Voilà, ces trois-là, vous les mettez sur un plateau en direct
07:10 pendant deux heures tous les soirs non-stop,
07:12 ils tiennent la route, ce que j'aurais jamais pu faire,
07:14 ce que je ne saurais pas faire.
07:16 - Mais quelque part depuis votre retour,
07:18 vous avez le sentiment d'avoir laissé la télé telle quelle,
07:22 puisque ça n'a pas vraiment changé ?
07:24 - Non, je trouve qu'il y a plein de trucs qui ont évolué à la télé,
07:27 mais notamment parce que le digital étant là,
07:30 et les consommations notamment des jeunes ayant migré totalement sur la toile
07:34 et plus du tout sur la télévision, il n'y a plus un jeune qui regarde la télé.
07:37 Je parle de mes enfants, ils ont entre 19 et 19 ans,
07:40 mes jumelles 25 et 27, il n'y en a pas un qui peut vous citer un animateur de télé aujourd'hui.
07:44 Ou une émission de télé, je ne le crois pas.
07:47 Et si je leur parle de Christophe Dechabat, ils me prennent pour un grand-père.
07:51 Donc c'est ça la réalité des choses.
07:54 Non, je ne pense pas du tout avoir laissé reprendre la télé
07:57 telle que je l'ai laissée dans les années 2010, bien au contraire.
08:00 - Et pour revenir sur l'écologie, quel changement vous constatez
08:03 en matière de production, d'animation justement,
08:06 dans ce monde de télévision ? Est-ce qu'il y a des prises de conscience ?
08:11 - La télé fait beaucoup de choses déjà.
08:13 Il y a plein d'émissions qui parlent aujourd'hui non-stop de ces problématiques
08:16 de la transition énergétique, et c'est bien.
08:19 Regardez les émissions comme "Quotidien", regardez les émissions dans le journal,
08:22 enfin regardez l'ensemble des médias aujourd'hui parlent beaucoup plus.
08:25 Je crois qu'il y a une charte en plus qui a été signée par je crois
08:28 une centaine de médias et quelques centaines de journalistes qui s'engagent...
08:32 - La charte de la carbone, oui.
08:34 - Voilà, c'est ça, qui s'engagent à parler mieux, à parler avec plus de...
08:37 Donc tout ça, c'est des grandes avancées.
08:41 Et là encore, il faut toujours regarder les choses sur la durée.
08:44 Je vous rappelais tout à l'heure que je viens d'un monde, moi,
08:47 il y a 30 ans, où on ne parlait jamais de ce mot.
08:50 Où personne n'aurait pas jeté son cendrier, nos parents jetaient le cendrier
08:54 par la fenêtre de la voiture.
08:56 Nos cigarettes, on les jetait tous dans la rue.
08:59 Nos canettes étaient dans les parcs.
09:01 Et tout le monde s'en foutait un peu, globalement.
09:03 - Et aujourd'hui, on voit qu'il y a une évolution.
09:05 - Voilà, et que la société d'abondance, où on ne fait attention à rien,
09:08 s'est transformée dans une société de plus de responsabilités
09:11 et en tout cas de plus de prise de conscience.
09:13 - En parlant d'Internet, le reboutiquage de vos émissions
09:16 a fait plus de 2 milliards de vues.
09:18 - Ouais, presque 2 milliards et demi.
09:20 - Presque 2 milliards et demi.
09:22 - Et on a commencé par dire que si on mettait
09:24 "Il n'y a que la vérité qui compte" par petits bouts sur YouTube, sur Facebook.
09:27 Alors, on n'est pas encore mis sur TikTok, Insta, etc.
09:29 Mais on a dit, pourquoi pas, ça ferait une sorte de blog
09:32 et au moins, on aura tout le truc, tout le monde pourra regarder.
09:35 Et c'était en plein confinement.
09:37 Et qu'à ce moment-là, il y a eu une sorte de doudouisation globale de la société.
09:42 Je ne sais pas si c'est... Pardon pour le barbarisme.
09:44 Mais une sorte de truc, de besoin de se retrouver, d'échanger,
09:47 d'un truc ou d'autre de valeur, comme le pardon, le je t'aime, le merci.
09:51 Le j'ai fait une connerie, je reviens vers toi, etc.
09:57 Qui a fait que, ouais, ces vidéos au départ, je crois que...
10:01 Je raconte souvent ça, mais je crois que le premier mois,
10:04 on m'a appelé en me disant "Ouais, il y a une vidéo qui a fait 50 000 vues".
10:08 Et je me dis "C'est incroyable, mais 50 000 vues, comment c'est possible ?"
10:11 C'est énorme, c'est considérable.
10:13 Aujourd'hui, je crois que la même vidéo doit être à 33 millions, 35 millions de vues.
10:17 Et vous avez raison, sur l'ensemble des vidéos qui ont été vues,
10:19 on est à 2,6 milliards de vues cumulées.
10:21 Laurent Fontaine, on a parlé de vos succès.
10:24 On a parlé de nos échecs.
10:26 Qu'est-ce que la télé a appris de vous ?
10:29 Qu'est-ce qu'elle vous a appris ?
10:31 Que tout ça peut s'arrêter du jour au lendemain,
10:35 et qu'il ne faut pas trop s'attacher aux choses.
10:37 Voilà, il faut être assez philosophe.
10:39 Entre vos devis de producteur, je crois que vous vous êtes lancé dans la communication, c'est ça ?
10:43 Oui, avec Valérie Douillet, qui est mon associé depuis 7 ans.
10:47 Parce qu'on avait des sujets de com', on s'est retrouvés tous les deux,
10:49 et on s'est dit "tiens, on va monter une boîte ensemble, et on va faire de la communication".
10:52 Vous avez coaché beaucoup de ministres, de politiques.
10:55 Justement, quel est le meilleur conseil ? Quel était le conseil récurrent que vous leur donniez ?
11:01 Je leur donnais rarement un conseil récurrent à tous.
11:04 C'est surtout les porte-parole du candidat président à partir de 2016.
11:08 Et j'y suis allé vraiment presque en militant de la cause, pour le coup.
11:12 Parce que tout d'un coup, je me suis rendu compte qu'il y avait un mec qui représentait à peu près
11:18 ce qui me semblait être le mieux au moment T, qui s'appelait Emmanuel Macron,
11:23 avec tous les défauts qu'on peut lui trouver, avec les détestations qu'il peut susciter,
11:26 avec tout ce que vous voulez, et on pourrait encore écrire des livres sur lui.
11:29 Mais c'était le bon mélange, dont je parlais tout à l'heure, de modération.
11:33 Moi, social-démocrate, libéral, c'était pour moi le candidat de ce camp-là.
11:41 Et d'ailleurs, on voyait bien qu'autour de lui, il n'y avait que des extrêmes, globalement.
11:44 Justement, est-ce que le meilleur conseil en communication que vous pourriez leur donner,
11:48 ce n'était pas "il n'y a que la vérité qui compte" ?
11:51 C'est une bonne question. Oui, ça, c'est le vœu pieux. Il n'y a que la vérité qui compte.
11:58 Et à la fois, on voit bien que cette vérité, elle n'est pas toujours bonne à entendre.
12:03 Elle n'a pas envie d'être entendue par certains Français.
12:06 Vous savez, on parlait tout à l'heure de deux lois majeures.
12:08 Abolition de la peine de mort, septembre 81, et la loi Veil en 1974.
12:13 L'une voulue par un gouvernement de gauche, Mitterrand,
12:16 et l'une voulue par un gouvernement de droite, et une ministre de droite, et un président de droite,
12:20 Jevalirijit Kardestin et Simone Veil, ministre de la Santé.
12:23 Ces gens-là, s'ils avaient demandé aux Français
12:26 si vous vouliez qu'il y ait l'avortement pour les femmes, la réponse aurait été non.
12:30 Ces gens-là, en 81, s'ils avaient demandé aux Français
12:32 "Est-ce que vous voulez qu'on abolisse la peine de mort ?", la réponse aurait été non.
12:35 Pour revenir sur l'écologie, Brune Poirson, secrétaire d'Etat à l'écologie,
12:40 quel conseil, globalement, vous avez pu lui donner ?
12:44 Comment on aborde ce sujet sans être clivant,
12:47 et en même temps pour être entendu, pour être pertinent, pour être crédible,
12:51 comment vous la coachez au quotidien ?
12:53 Il faudrait lui demander quand vous la verrez.
12:55 Mais pour la faire compte, elle venait d'un monde,
12:59 elle a fait des études aux Etats-Unis, archi-diplômée,
13:02 elle est rentrée en France pour la campagne de Macron avec son mari,
13:05 son enfant sous le bras, et elle s'est engagée à fond.
13:08 Elle n'a jamais fait de politique de sa vie.
13:10 Et elle est devenue d'abord députée de l'Aveyron,
13:12 et puis ensuite jeune ministre dans ce gouvernement
13:15 parce qu'elle était brillante et formidable.
13:18 Conseil, c'est simple, sois toi-même.
13:20 En plus, elle avait tellement de qualités, des qualités d'empathie,
13:23 des qualités de raisonnement, des qualités d'intérêt et de passion
13:27 pour ce qu'elle disait.
13:29 Elle avait bien ses sujets dans la main.
13:32 Avec Brune, ça a été relativement simple.
13:35 Même sur l'écologie, qui est un sujet très clivant ?
13:38 Oui, bien sûr, mais c'était toute la problématique de son mandat.
13:41 C'est qu'elle a passé son temps à être mal,
13:43 parce qu'elle avait l'impression que quoi qu'elle fasse,
13:46 ce ne serait jamais assez.
13:48 Ou quoi qu'elle fasse, ce serait trop.
13:50 Trop pour les industriels, etc.
13:52 Et de toute façon, jamais assez.
13:54 Pour les ONG, pour les opposants, etc.
13:56 Donc, ce n'est jamais simple d'être le ministre de l'écologie.
13:59 A priori, vous allez au Danemark ou en Hollande,
14:01 le ministre de l'écologie, c'est le mec le plus sympa du pays.
14:04 Tout le monde l'adore.
14:06 En France, c'est la personne sur laquelle on peut taper.
14:09 Vous les prenez tous.
14:11 Et c'est quoi vos recommandations ? Comment on peut communiquer ?
14:14 De convaincre, parce qu'elle avait l'intelligence pour elle,
14:17 et que l'intelligence, à mon sens, réussit souvent à mieux convaincre
14:20 que plein de petites arguments.
14:22 Si vous deviez demain être le responsable de la communication
14:25 comme dernière rénovation, qu'est-ce que vous leur conseilleriez ?
14:28 Comme moi-même, jeune mec de gauche, quand j'avais 16 ans,
14:31 je m'exprimais parfois de manière un peu radicale et dite outrancière.
14:34 Je ne vais pas vous dire qu'aujourd'hui, ça me choque.
14:37 Je préférais qu'ils agissent autrement,
14:39 et je préférais qu'ils travaillent dans une ONG,
14:41 ou qu'ils bossent, ou qu'ils machinent.
14:43 Mais chacun s'exprime comme il a envie de s'exprimer.
14:46 Et puis, ce sont autant de gestes symboliques.
14:48 Je comprends bien l'intérêt pour les médias d'avoir deux nanas
14:51 qui, dans un musée d'art moderne,
14:53 mettent leur main pleine de peinture sur un monnaie.
14:56 Je ne suis pas sûr que ça aide beaucoup l'histoire de l'art, etc.
15:00 Mais c'est aussi de l'agit-propre.
15:03 C'est une façon de faire parler,
15:06 de s'enchaîner à Roland Garros, etc.
15:09 Donc si on enlève la morale quelque part et les lois,
15:12 c'est une communication positive,
15:14 puisque forcément, elle fonctionne.
15:16 D'un point de vue simplement...
15:18 Vous avez tout à fait raison.
15:20 D'un point de vue simplement d'efficacité, oui, la réponse,
15:22 oui, ça marche.
15:24 Ça marche, parce que ça fait le 20h.
15:26 - Du temps où vous étiez dans la camp,
15:28 vous avez déclaré au JDD vouloir être un happiness manager.
15:31 Qu'est-ce que ça veut dire ?
15:33 - L'happiness manager, c'est un peu ce qu'on devrait tous être
15:36 dans nos familles, dans notre bande de potes et dans nos boulots.
15:39 Il y a tellement de gens qui bossent.
15:42 Dans la télé, n'en parlons pas.
15:44 J'ai quelques camarades autour de nous,
15:46 qui tiennent des caméras, qui ont du son, de la lumière, de la photo, etc.
15:50 Ils savent à quel point c'est un monde où c'est pas toujours cool,
15:53 c'est beaucoup moins cool qu'on le croit.
15:55 Il y a beaucoup de gens qui ont la grosse tête,
15:57 qui sont pas forcément les mecs les plus sympas du monde.
16:00 Je pense que 8h ou 10h par jour dans le boulot,
16:03 ça mérite qu'on fasse un peu attention à son attitude, à son comportement.
16:06 - Justement, en parlant de comportement,
16:08 on parle beaucoup d'éco-anxiété, notamment chez les jeunes.
16:11 - Oui, bien sûr.
16:13 - Est-ce que c'est pas le résultat d'une communication
16:15 justement outranière, d'une société qui est mal à l'aise,
16:18 d'une société catastrophiste ?
16:20 - C'est un peu le même débat qu'on a sur MeToo.
16:22 Aujourd'hui, on a l'impression que beaucoup de gens disent
16:24 qu'on peut plus rien dire, plus rien faire.
16:26 Quand t'es un mec, tu peux plus attaquer la parole à les nanas,
16:28 faire attention. Moi, je crois pas à ces discours-là.
16:30 Moi, je crois que c'est très, très bien qu'à un moment donné,
16:32 les jeunes soient anxieux aujourd'hui de ce qui va arriver.
16:34 Je trouve que c'est très, très bien que les nanas,
16:37 c'est plus les nanas que les garçons généralement,
16:40 se défendent et envoient chier quand elles ont besoin d'envoyer chier
16:43 et que les hommes autour d'elles puissent dire
16:45 "ça va pas à quelqu'un d'autre, à un autre mec".
16:47 Donc tout ça, ouais. Mais c'est aussi l'évolution des sociétés
16:49 qui fonctionne comme ça.
16:51 - C'est l'évolution, mais est-ce que c'est pas du coup difficile
16:53 de maintenir aussi le moral des gens, le climat social,
16:56 avec cette montée de l'anxiété, des inquiétudes sur l'avenir ?
17:00 Est-ce que c'est pas paradoxal ?
17:02 - Si, mais c'est tous les défis qu'ont nos gouvernements.
17:05 C'est pour ça que ces gens-là qui sont dans l'anxiété,
17:07 ils vont, pour certains, on le voit en Italie par exemple,
17:10 avec Giorgia Meloni, choisir une voie qui est beaucoup plus extrême.
17:14 Parce que quand vous êtes anxieux, vous avez tendance à croire
17:18 à la personne qui gueule le plus fort et qui vous dit les messages les plus simples.
17:21 Et que votre cerveau, il fait un biais cognitif qui est tout bête,
17:23 c'est de te dire "j'en ai marre, j'ai l'impression qu'on me raconte des trucs,
17:26 c'est du blabla", mais en vrai, l'autre a raison, un tel a raison,
17:29 il a quand même raison.
17:31 Et voilà, c'est ce qui fait qu'on vote pour des gens comme ça.
17:33 Donc oui, c'est un risque pour moi.
17:35 L'anxiété, vous savez, le Rassemblement National dans ce pays,
17:37 et pas que lui, il ne fonctionne que parce qu'il y a de la misère sociale
17:41 et de l'anxiété.
17:43 Voilà, c'est-à-dire que la misère sociale et l'anxiété des gens,
17:47 c'est le meilleur terreau pour que les extrêmes s'organisent et grandissent.
17:53 Dernière question, il y a une cause qui vous est chère et qui résonne en vous,
17:57 c'est justement Action Enfant. Pourquoi ?
18:01 Pourquoi la cause ? Parce que clairement, la maltraitance des enfants,
18:08 ça reste un truc hyper caché dans ce pays, et dont on parle peu.
18:12 Il y a 300 000 enfants battus tous les ans,
18:14 et quand je dis battus, c'est des guillemets de chez guillemets,
18:18 hyper maltraités, voire très gravement maltraités pour certains.
18:22 Alors, il y a des faits divers de temps en temps d'apprendre des choses.
18:25 300 000 tous les ans, c'est considérable.
18:28 Moi, j'ai eu quelques soucis dans ma adolescence avec une belle-mère
18:31 qui n'était pas la plus gentille des belles-mères.
18:33 Mon papa s'était remarié avec une nana qui était une pauvre nana,
18:37 qui se conduisait comme une pauvre nana,
18:39 et ça passait notamment beaucoup par la confrontation physique,
18:42 et que ça m'a considérablement marqué.
18:44 Ça a été un des grands trucs, quand je suis devenu père moi-même,
18:47 de me dire, je savais déjà que je ne le ferais pas,
18:49 mais de me dire, tu vas avoir des enfants,
18:52 pas une seule fois tu devras justifier le fait que tu lèves la main sur eux.
18:57 Il y a une fondation formidable en France,
18:59 qui s'appelle la Fondation Action Enfance,
19:01 et qui est dans 15 villages, qui regroupe 700 ou 800 gosses,
19:04 900 gosses même maintenant, qui ont tous entre 2, 3 ans et 18 ans,
19:08 et qui viennent en fratrie,
19:09 parce que souvent vous savez quand votre père vous viole,
19:12 et que vous êtes 4 dans la famille,
19:14 et que la petite fille a été violée à 9 ans,
19:17 et que sa petite sœur à 6 ans est en train de se faire attoucher,
19:19 et qu'elle sera violée pendant pas longtemps,
19:21 les services sociaux agissent, pas toujours, mais parfois,
19:24 et évidemment séparent cette fratrie, cette famille,
19:27 et on les met dans des systèmes de protection de l'enfance,
19:31 soit des familles d'accueil, soit des centres, etc.
19:34 Il y a non seulement une souffrance qui est déjà de se séparer du lieu où on vivait,
19:38 du village où on vivait, de la maison dans laquelle on était,
19:40 des parents, parce que aussi paradoxal que ça puisse paraître,
19:43 parfois son père qui vous battait au sang,
19:46 c'est une souffrance pour ces enfants de ne plus voir papa et maman,
19:49 c'est très compliqué l'amour et ces rapports-là,
19:52 et que la fondation récupère ces enfants en famille,
19:55 dans des structures qui sont très très proches d'un milieu familial,
19:59 et que ça fait 60 ans que ça dure, et que j'adore cette fondation,
20:02 et que c'est pour ça que vous me parlez de ça j'imagine,
20:04 alors qu'on fait faire du cinéma depuis 6 ans,
20:07 tous les ans à ces enfants, on challenge toutes les écoles d'audiovisuel de Paris,
20:12 et les étudiants d'audiovisuel nous ramènent, en cinéma,
20:15 nous ramènent des courts-métrages, font des scénarios,
20:18 et on en choisit 15 chaque année, il y a 3 qui gagnent,
20:21 et ça se termine au grand Rex, voilà.
20:23 Merci Laurent Fontaine.
20:25 [Musique]