• l’année dernière
Interview confession de personnalités politiques et médiatiques sur des sujets environnementaux

Category

📺
TV
Transcription
00:00 [Musique]
00:26 [Sonnerie de porte]
00:27 Bonjour ! Bonjour Stéphane !
00:32 Bonjour Edouard, comment ça va ?
00:33 Vous allez bien ? Mais oui !
00:34 Et vous ? Ben content d'être là !
00:35 Stéphane Fuchs, fin stratège en communication et disciple dévoué de Michel Recard,
00:39 se fait remarquer par son adhésion à des idéaux progressistes
00:42 et une approche politique aussi nuancée que réfléchie.
00:45 À la tête de Havaspari, il a propulsé l'agence vers de nouveaux horizons
00:50 en privilégiant innovation et intégrité.
00:53 Son soutien au nucléaire témoigne d'une vision pragmatique face aux enjeux énergétiques du moment.
00:58 Bienvenue dans le Déclic !
01:00 Merci Stéphane d'avoir accepté notre invitation dans l'émission du Déclic,
01:06 donc qui est une émission sur l'écologie.
01:08 Et justement vous, quel a été votre déclic en matière d'écologie ?
01:12 Mon déclic est...
01:14 En fait je faisais un chantier de nettoyage d'une rivière en Bretagne, à Guémeny-sur-Scorphe.
01:20 Mais je n'avais pas du tout fait ça par réflexe écolo,
01:24 j'avais fait ça parce que je cherchais un truc sympa, pas trop cher.
01:27 J'avais 16 ou 17 ans, c'était très très rigolo.
01:31 Et je me retrouve peu de temps après,
01:35 ça c'est au mois de juillet, on est au mois d'août,
01:37 dans une université d'été des jeunes rocardiens,
01:41 et j'embraye là-dessus, je me sers de cet exemple,
01:44 ce qui était une erreur, parce que moi j'avais vraiment fait ça
01:46 pour le plaisir d'être en Bretagne,
01:50 et puis nettoyer une rivière, j'ai appris à me servir d'une tronçonneuse,
01:54 et donc c'est toujours utile.
01:56 Et donc je m'exprime très sûr de moi et très fier de moi
02:00 pour mon opposition au nucléaire,
02:02 et là je me suis pris une leçon par Michel Rocard,
02:06 pourquoi c'était très con d'être contre le nucléaire,
02:09 et au fond ça a été mon déclic.
02:12 Parce que à la fois, l'obligation de réfléchir
02:16 et pas juste d'être dans l'air du temps,
02:18 et c'est pas parce que j'avais passé des vacances
02:21 avec des gens qui manifestaient contre les centrales
02:23 que ça devait automatiquement faire de moi un opposant aux centrales,
02:27 parce qu'il fallait réfléchir aux enjeux qu'il y avait sur l'énergie, le climat,
02:31 parce qu'en fait ces enjeux existaient déjà,
02:33 et étaient déjà posés.
02:35 Et puis déclic parce que la chance d'avoir un type qui m'engueule
02:40 et qui me dit que je pourrais arrêter mes conneries d'adolescent, d'émago,
02:44 pour réfléchir à comment le monde tourne et à l'utilité du nucléaire,
02:51 ne pas être forcément un mouton qui suit les autres,
02:54 mais qui assume de réfléchir à des positions qui peuvent être différentes
02:58 à partir d'un raisonnement qui est d'abord un raisonnement scientifique.
03:01 Mais je remercie Michel Rocard de m'avoir obligé à réfléchir l'écologie
03:05 et pas juste la vivre comme un cri du cœur.
03:08 Donc à conserver les deux éléments, engagement et réflexion.
03:11 Et si on remontait encore plus le temps,
03:14 enfin vous rêviez de devenir quoi ?
03:17 En dehors de pompier et astronaute, je rêvais d'être marin.
03:23 Mais marin à voile, je suis un voileux.
03:26 La mer et la voile c'est un espace de liberté à nul autre pareil.
03:30 Mais la mer est un endroit où vous voyez très vite les effets de la position
03:37 et quand vous croisez à 100 km des côtes les premières nappes de plastique
03:43 ou les nappes de fioul, surtout en Méditerranée,
03:46 que vous voyez de moins en moins de poissons,
03:49 votre expérience personnelle fait que vous ne pouvez pas ne pas penser
03:52 et ne pas réfléchir.
03:53 Oui, vous vous transformez inconsciemment.
03:54 Bien sûr.
03:55 Jeune, je crois que vous nettoyez justement les rivières.
03:58 C'était votre tout premier geste écolo ou il y en avait un autre ?
04:02 Non, non, non, je ne suis pas né écolo.
04:06 J'étais plutôt, on va dire comme beaucoup de gens de l'époque,
04:10 dans une forme d'insouciance et d'inconscience,
04:14 vivant dans la société de consommation
04:17 et me préoccupant pas suffisamment, pour pas dire assez peu,
04:22 des conséquences de ce que je faisais.
04:25 La seule chose positive, c'est que comme je ne fumais pas,
04:27 je n'ai pas jeté de mégots.
04:29 Mais pour le reste, je me suis mal comporté comme tout le monde.
04:32 Et justement, si vous n'êtes pas né écolo,
04:36 vous avez un petit péché en écologie ?
04:39 Non, j'en ai mille.
04:42 Mais la prise de conscience chez moi,
04:45 elle était sur le fait qu'en fait,
04:48 il ne fallait surtout pas dissocier le combat pour la planète
04:52 et le combat pour l'égalité des chances ou la justice sociale.
04:55 C'est-à-dire qu'au fond, il n'y avait pas de projet de gauche.
05:00 Pour un social-réformiste comme moi,
05:02 l'avantage quand on a été rocardien, c'est qu'on n'est pas obligé de se renier.
05:05 On n'est pas obligé de commencer rocardien et de finir à l'extrême droite.
05:08 On peut commencer rocardien et être rocardien toute sa vie
05:11 au sens de l'éthique et de la morale que ça représente dans le rapport à la politique.
05:15 Et il y avait chez lui cette conscience des enjeux environnementaux
05:20 qui venait d'une conscience scientifique très élevée
05:23 et que j'ai essayé de garder,
05:25 tout en étant souvent en désaccord avec les mouvements écologistes, etc.
05:29 Pour parler de quelque chose qui existe déjà,
05:32 que ce soit une loi, une invention, une publicité, un livre,
05:36 si vous deviez choisir, est-ce que vous seriez le père de quelque chose ?
05:41 Non. On pourrait dire, malheureusement,
05:46 je serais plutôt l'enfant de quelque chose.
05:51 J'ai vécu le recul de la popularité du nucléaire dans ce pays jusqu'à récemment.
05:58 Comme une défaite du courage, de la raison et de la pensée.
06:03 Et donc, pendant des années, je me suis employé, là où je le pouvais,
06:07 à ma place, y compris professionnellement,
06:10 à défendre l'idée qu'une énergie décarbonée disponible en permanence,
06:19 dont on savait de mieux en mieux gérer les effets secondaires et les risques,
06:24 était évidemment un progrès pour la planète.
06:27 Ça a plutôt été une forme de prise de conscience
06:31 et de combat politique et professionnel.
06:34 Au gré de vos expériences.
06:36 Mais qui m'a plus souvent conduit à vouloir travailler pour EDF et pour ENGIE
06:41 qu'à vouloir faire des campagnes de pub pour les ONG écologiques.
06:47 Même si j'en ai fait aussi.
06:50 Mais vous, à titre personnel, est-ce qu'il y a un projet, un accomplissement,
06:56 quelque chose qui vous a marqué, dont vous êtes particulièrement fier ?
06:59 Non, encore une fois, d'avoir reparlé en publicité du nucléaire comme d'une énergie positive,
07:06 je l'ai moins porté au niveau de mes gestes personnels.
07:10 J'ai plutôt été un suiveur qu'un découvreur, on va dire.
07:15 En 2013, c'est l'affaire Cahuzac.
07:17 Vous claquez officiellement la porte de votre vie politique,
07:22 en tant que conseiller et communiquant ?
07:25 Non, on a claqué la porte des campagnes électorales.
07:29 On est une agence engagée, on est des citoyens engagés,
07:34 donc on passe notre temps à faire des campagnes, à rencontrer des politiques,
07:38 à essayer de faire avancer la société.
07:41 Donc ça n'a pas été la fin de notre engagement, et encore moins du mien.
07:45 Ça a été la fin de quelque chose qui n'était plus possible de faire,
07:50 et qui était de faire des campagnes électorales.
07:53 Est-ce que 10 ans après, c'est quelque chose qui vous manque ?
07:57 En fait, ça a été tellement libératoire pour nous,
08:00 de ne plus être sous cette contrainte, sous cette suspicion permanente.
08:05 J'ai même allé jusqu'à refuser de participer aux appels d'offres
08:08 du service de communication du gouvernement,
08:11 quand Manuel Valls était Premier ministre,
08:13 parce que c'était pour nous un piège à la con.
08:15 Si je gagnais, on disait que c'est parce qu'on était potes,
08:18 et on allait se recevoir.
08:20 Si on regardait, on disait qu'on était tellement nuls,
08:23 que même avec l'amitié du Premier ministre, on n'arrivait pas à gagner.
08:26 Mais il ne faut pas confondre la campagne électorale.
08:29 Au fond, ce n'est qu'un petit bout émergé de l'iceberg
08:32 de la communication politique.
08:34 Il est très secondaire, et en plus, on est dans un pays
08:37 qui n'aimant pas la communication politique,
08:40 a fait des campagnes électorales, étonnamment,
08:43 à un moment non pas qui libère la communication des partis,
08:46 mais à un moment qui la contraint.
08:48 La publicité politique est interdite à la télévision,
08:51 les budgets des campagnes sont restreints,
08:54 les médias sont dans l'obligation de faire ce tourniquet,
08:57 donc vous finissez la campagne électorale avec des pastilles
09:00 de 20 secondes par candidat, ce qui n'a aucun sens,
09:03 et ce qui ne permet de rien développer.
09:05 Bizarrement, en marketing, plus vous vous rapprochez
09:08 de l'acte d'achat, c'est-à-dire du jour du vote,
09:11 normalement quand je fais une campagne, plus je me rapproche
09:14 de l'acte d'achat, plus j'augmente la pression médiatique,
09:17 la pression politique, ils ont tous décidé,
09:19 en étant tellement d'accord, de faire le contraire.
09:21 Quand je vous entends, vous êtes très passionné,
09:24 très pris, très investi, vous êtes vous-même socialiste
09:28 depuis l'âge de vos 16 ans, pourquoi toujours avoir fait
09:31 le choix du conseil en communication et pas d'avoir sauté
09:35 et franchi le pas et d'avoir fait vous-même une carrière politique ?
09:39 Au fond, pour deux raisons.
09:42 Une première qui était que mon côté épicurien ne collait pas
09:49 avec le métier de politique et que, quand j'étais au cabinet
09:53 de Michel Rocard, l'agriculture, j'ai vu à quel point
09:56 c'était un métier de chien, ce qui fait que je les admire,
09:59 mais que je n'ai pas envie de leur ressembler.
10:01 Et le deuxième, c'est que je trouvais que l'enfermement
10:05 franco-français, l'absence de créativité, l'absence de temps long,
10:09 assez bizarrement les politiques sont dans la réaction à l'opinion,
10:12 ils font des lois parce qu'il s'est passé quelque chose
10:14 la semaine dernière alors que normalement ils sont élus pour 5 ans,
10:17 tout ça m'éloignait de ce que j'aime faire.
10:19 Et dans le conseil aux entreprises, j'ai trouvé à pouvoir m'exprimer
10:23 avec des stratégies mondiales, avec des entreprises qui se développent
10:27 et qui se transforment, avec des projets qui sont portés,
10:32 avec des gens qui savent que la communication c'est important
10:35 et qui y mettent les moyens parce que c'est aussi une vraie différence
10:38 avec les politiques.
10:39 Vous vous souvenez d'une affiche de la dernière campagne électorale
10:41 ou de la précédente, ou de la précée précédente ?
10:44 Vous les voyez plus, c'est devenu du papier-pas.
10:47 L'expression que j'avais eue c'était 1% du business, ce qui était vrai,
10:50 et 99% de nos emmerdes.
10:52 Mais quel regard aujourd'hui vous, avec votre expertise
10:54 et votre carrière en communication, vous portez sur la scène politique actuelle ?
10:59 Je suis sidéré de l'abateurisme, on va dire, qui y règne.
11:05 Je suis triste du fait qu'ils considèrent à ce point
11:11 que la communication est une chose secondaire.
11:14 Au fond, qu'est-ce qui se passe ?
11:17 Nos politiques vivent avec un logiciel de communication du passé.
11:22 Ils ont été formés dans les belles écoles de notre République,
11:26 ils ont été formés à l'écrit.
11:29 Ils s'affairent à une dissertation, des antithèses synthèses,
11:33 ils portent une attention formidable s'ils doivent faire une interview écrite
11:38 ou une tribune dans un journal, mais ils ne pensent pas à l'image.
11:42 On est tellement dans la culture de l'image que leur amateurisme est sidérant, stupéfiant.
11:49 Comment est-ce que des communicants peuvent imaginer, sans aucun travail,
11:55 envoyer un président de la République se faire siffler sur un stade de rugby,
12:01 alors qu'évidemment il va se faire siffler si vous n'avez pas organisé un minimum les choses ?
12:05 Je défends la démocratie.
12:07 La communication, c'est l'expression d'une compétition.
12:11 C'est une arme dans la compétition.
12:14 La communication, c'est ce qui permet de créer de la surprise pour un challenger,
12:18 d'aller chercher des gens qui n'étaient pas vos consommateurs ou vos électeurs.
12:22 Quand vous ramenez tout vers le bas, vous égalisez tout mais au niveau zéro.
12:29 Et quand ils sont tous nuls, au fond c'est celui qui crie le plus fort qui va être entendu.
12:34 Donc vous donnez la parole à ce moment-là aux extrêmes, qui eux moins eux sont discriminants.
12:39 Il se passe quelque chose avec eux.
12:43 Et à l'époque des formats courts, ils sont dans le formalon.
12:48 À l'époque de l'image, ils sont dans le texte.
12:51 À l'époque des émotions, ils sont dans la rationalité.
12:55 Leur logiciel de communication est juste faux.
12:59 Justement, le socialiste que vous étiez, quel regard vous portez aujourd'hui sur la gauche ?
13:05 Un regard attristé parce que je ne m'y reconnais pas, on va dire.
13:14 Je pense qu'il faut porter un débouché aux colères légitimes.
13:21 Il faut accepter et même promouvoir une forme de radicalité dans la société
13:27 parce que par moments, la radicalité est nécessaire.
13:31 Je suis un fan de rugby et si vous n'êtes pas radical, quand vous faites un plaquage, vous vous plantez.
13:36 Autant la manière dont la gauche s'est égarée sur un certain nombre de sujets, que ce soit la légalité,
13:42 et pour une part aujourd'hui sur le terrain économique,
13:46 je ne pense pas parfois sur le terrain international.
13:50 Je reviens d'Ukraine et les positions de certaines parties de gauche poutinophiles me laissent pantois.
13:58 Comment est-ce qu'on peut soutenir une dictature qui envahit des pays voisins, qui enlève des enfants ?
14:06 Et au nom de quel raisonnement de gauche on peut faire ça ?
14:12 Pour revenir sur l'écologie, qui est plutôt le terrain de la gauche,
14:17 est-ce qu'aujourd'hui c'est un allié de choix pour l'écologie, d'après vous ?
14:21 Ou au contraire, ça a tendance à la desservir ?
14:24 Le paradoxe de la société à laquelle on vit, c'est qu'il y a deux parties qui devraient avoir le vent en poupe.
14:29 Les socialistes parce qu'on n'a jamais autant besoin de social-démocratie,
14:33 c'est-à-dire de mieux réfléchir le partage des richesses tout en favorisant la production de richesses.
14:40 Le problème de la gauche, c'est quand elle pense que la solution est dans le fait de capter la richesse qui est produite en l'empêchant.
14:47 Alors que dans la réalité, pour partager le camembert, comme dit Hervé, il vaut mieux qu'il soit grand.
14:51 Donc l'enjeu c'est à la fois de favoriser la production de richesses, mais de savoir mieux la partager.
14:56 Et puis l'écologie, parce que enfin l'environnement a triomphé dans la tête des gens,
15:02 mais assez bizarrement, ça ne profite pas aux parties qui devraient en être les porteurs,
15:06 aussi parce qu'ils s'égarent. Quel est le rapport entre l'écologie et Medin ?
15:11 Vous m'expliquez ? Le caractère légèrement antisémite, pour ne pas dire de manière flagrante antisémite, me laisse morifier.
15:28 Et donc oui, il y a une partie de la gauche dans laquelle je ne me reconnais pas,
15:32 parce qu'elle pense par démagogie que c'est ce qu'il faut vendre à l'opinion pour pouvoir gagner derrière.
15:39 Et je pense que dans le monde d'aujourd'hui, il y a un enjeu de sincérité qui est plus important que l'enjeu de démagogie.
15:48 Mais je suis triste pour eux que les écologistes n'aient pas réussi à faire ce mouvement qu'ils auraient pu faire,
15:57 d'incarner une forme de modernité dans la société, parce qu'ils ont réussi à imposer un sujet
16:03 que le reste de la claque politique n'avait pas voulu prendre en compte suffisamment.
16:07 Mais ce sujet leur a échappé, bizarrement, parce que leur sectarisme et leur exagération
16:13 leur a coupé les ailes, on va dire, et fait qu'au fond, ils ont perdu beaucoup de crédibilité.
16:18 La gauche, souvent, c'est la radicalité, la décroissance, la sobriété.
16:23 Aujourd'hui, clairement, elle n'aime pas la publicité et la consommation.
16:29 D'abord, ils n'ont jamais aimé la publicité, donc ce n'est pas nouveau.
16:34 Et j'aurais tendance à dire que, d'ailleurs, ils ont un rapport à la publicité qui est plus proche de la propagande que de la publicité.
16:40 Ils n'ont pas compris la différence entre les deux.
16:42 Mais est-ce qu'ils ont vraiment tort ? Est-ce qu'on ne doit pas, aujourd'hui, dans le monde actuel, arrêter de surconsommer ?
16:48 La publicité, ce n'est pas la surconsommation, c'est permettre la compétition entre des marques et des produits,
16:53 c'est permettre l'éruption de propositions nouvelles.
16:56 Et même si la publicité a été coupable, à une époque, d'accompagner le mouvement de surconsommation,
17:01 la surconsommation n'était pas le produit de la publicité, la publicité était l'enfant de la surconsommation,
17:06 elle n'en était pas la cause, elle en était l'effet.
17:10 Et après, il faut définir ce qu'est la surconsommation pour une partie de nos compatriotes.
17:13 C'est-à-dire qu'à un moment donné, vous voyez que le bio recule de 10%
17:18 parce que les Français font des arbitrages à cause de l'inflation.
17:20 La surconsommation, c'est bien là, on est dans le 17ème, c'est-à-dire que c'est un concept gentiment bobo.
17:27 La surconsommation, c'est pour qui ? Ce n'est pas pour tous les Français.
17:30 Juste, moi, ça fait longtemps que je fais la différence entre ce microcosme qui se regarde le nombril et qui vit dans l'entre-soi
17:38 et la réalité des Français qui est toute autre.
17:41 Et si on les avait interrogés sur "Est-ce que vous pensez que 89% des Français soutiennent le nom de Bernard Arnault au restaurant du Thierre ?"
17:47 Ils ont dit "Mais jamais ! C'est un scandale ! Ça prouve qu'ils sont trop riches, tout ça, etc."
17:52 Et donc, ça fait longtemps que je vis, on va dire, avec ça.
17:56 Je ne vous dis pas que ce n'est pas une blessure.
17:59 Malheureusement, c'est un truc qui nous dépasse.
18:03 Pour parler de vous, Stéphane Fouques et d'Avas,
18:07 comment, dans la politique et dans la stratégie, vous intégrez cette notion d'écologie, de transition énergétique, de RSE ?
18:14 Alors d'abord, les entreprises, depuis maintenant des années, s'interrogent et comprennent que,
18:23 même si le profit reste leur première raison d'être, il ne peut pas être leur seule raison d'être.
18:29 Et je dirais même, avant la popularisation de la RSE,
18:34 que la responsabilité des entreprises était un sujet en questionnement et en interrogation,
18:39 qui va d'abord de pair avec les enjeux de régulation, et après avec les enjeux de responsabilité dans l'action.
18:45 C'était Michel Pébreault, dans un livre, donc le patron de BNP Paris-Bas à l'époque,
18:50 quand on a fait une étude sur la société de défiance généralisée en France,
18:55 qui définissait assez bien les entreprises comme des comptoirs à l'âge du Moyen-Âge,
19:01 des cités-États qui appliquaient les mêmes règles partout dans le monde,
19:07 et avaient au fond des règles de fonctionnement qui devenaient transnationales,
19:13 parce qu'au fond, elles donnaient plus de rationalité, plus de légitimité,
19:17 et plus de protection que ne le font les États.
19:20 Veolia, cette semaine, a adopté un code de protection minimum pour les salariés partout dans le monde.
19:28 Je pense qu'on va vers ça, et pourtant ce n'est pas sous la pression des ONG et des journalistes.
19:33 Il y a chez beaucoup de chefs d'entreprise, mais pas seulement de la nouvelle génération,
19:38 une idée assez forte qui est que le rôle de l'entreprise,
19:43 il est de répondre à des enjeux de la communauté,
19:47 et pas juste à un enjeu de production de profit pour ses propriétaires que sont les actionnaires.
19:52 Mais vous, chez Avas, votre rôle est de les accompagner, de les faire monter en compétence.
19:58 Est-ce qu'il est envisageable, ou est-ce que par le passé c'est déjà arrivé,
20:02 que vous refusiez un client qui, justement, était complètement à côté de la plaque,
20:08 ou pour des raisons écologiques, ne répondait pas du tout aux critères ?
20:12 Beaucoup plus souvent que vous ne le pensez,
20:16 une réserve près, c'est que je refuse que nous devenions un juge de moralité.
20:24 J'ai tendance à dire que ce n'est pas moi qui fais les lois,
20:29 il y a ce qui est légal et il y a ce qui ne l'est pas.
20:33 Donc si une entreprise du tabac me demande de travailler pour elle,
20:38 sachant qu'elle ne peut pas faire de publicité, mais qu'elle peut avoir besoin de conseils,
20:42 je n'ai pas de raison, a priori, de le refuser, parce que si je fais ça,
20:47 je m'érige avec un statut pour lequel je ne suis pas légitime.
20:52 Ce n'est pas moi qui fais les lois. Le jour où le tabac est interdit, le tabac est interdit.
20:56 Donc comme un grand groupe pétrolier, par exemple, c'est pareil,
20:59 vous êtes aujourd'hui favorable à son accompagnement ?
21:03 Oui, ou alors il faut interdire le pétrole.
21:05 Qu'est-ce que vous pensez du greenwashing ?
21:08 Nous, on a toujours été contre, donc on a toujours pensé que c'était une erreur.
21:12 Mais est-ce que vous ressentez qu'il y a aujourd'hui des sociétés
21:15 qui veulent mettre en avant des efforts de communication pour répondre justement à...
21:19 Non, mais de moins en moins. Il y a vraiment une évolution dans le patronat.
21:22 Je sais bien que le patron, c'est forcément l'ennemi, mais c'est des conneries.
21:25 Il y a une vraie évolution dans le patronat, ce qui a été porté par l'Institut de l'Entreprise,
21:29 par Antoine Frérot et par d'autres.
21:33 La loi APAX qui, quand même, organise aussi un vrai progrès.
21:36 Les réseaux sociaux aussi qui ont permis de dénoncer...
21:39 Mais la pression médiatique et populaire, tout ça concourt,
21:43 mais d'abord à une prise de conscience intellectuelle collective dans le patronat
21:48 du fait que la responsabilité d'une entreprise, c'est de faire le bien,
21:51 pas de compenser par du bien ce qu'on aurait fait de mal.
21:54 Mais est-ce que tous les grands groupes aujourd'hui peuvent réellement se mettre au vert ?
21:59 Je vous donne un exemple, parce que je le trouvais fascinant.
22:01 Quand Veolia aide à la décarbonation d'un site de production d'une entreprise chimique,
22:09 parce qu'il transforme les process, parce qu'il recycle,
22:12 parce qu'il retraite à la fois les liquides, les fumées, etc.,
22:17 vous avez au total, mettons, une décarbonation de 500 tonnes.
22:20 Mais pour décarboner de ces 500 tonnes, vous produisez encore 100 tonnes de carbone.
22:25 Le bilan carbone est formidable, il est de -400.
22:29 Mais les agences de notation vous mettent +100 tonnes de carbone.
22:34 Et donc, il faut bien, comme souvent, c'est-à-dire, il faut aller au-delà de l'apparence.
22:40 Il est temps qu'on se préoccupe collectivement,
22:46 non pas de cacher le carbone en le revendant à des acteurs
22:50 qui vont continuer à faire des centrales à charbon et au gaz.
22:57 On n'a jamais acheté autant de gaz liquéfié russe que cette année.
23:01 Oui, mais plutôt, effectivement, que de le compenser, il vaudrait mieux le réduire concrètement.
23:05 Oui, mais sauf que quand on le réduit, aujourd'hui,
23:09 il n'y a pas de bonus pour l'entreprise qui a réduit,
23:11 parce qu'au contraire, elle, on lui compte.
23:13 Alors, ce qu'on devrait compter, c'est, il y a 500 tonnes de décarbonés,
23:18 il y en a 100 de produits, et tu as un seul de 400.
23:21 On a reçu, il y a quelques semaines, Fabien Roussel, dans cette émission,
23:27 qui, lui, nous parle de nucléaire, de croissance, de viande.
23:34 Qu'est-ce que vous en pensez par rapport à son positionnement à gauche ?
23:37 Moi, j'aime bien Fabien Roussel, je ne le cache pas. Il le sait.
23:42 Vous pensez qu'il a raison de communiquer comme ça ?
23:44 Oui, je pense qu'il a raison, et après, j'en profite, il le sait.
23:48 Moi, je pense qu'il a juste un problème, c'est un problème de marque.
23:52 C'est que tout ce que vous dites porté par Fabien Roussel, ça va,
23:55 et quand vous dites "parti communiste", ça ne va plus.
23:59 Parce que la marque "parti communiste" porte une histoire et un ADN qui est plus complexe,
24:03 on va dire, et que Fabien Roussel, ça ne suffit pas à effacer.
24:08 Et à un moment donné, il faut mettre en cohérence le leadership et la marque.
24:12 Notre métier, c'est un mot de cohérence et de radicalité.
24:16 Soit vous réinventez la marque, et vous dites "new", le nouveau parti communiste,
24:21 ou autre chose, soit vous la changez.
24:24 Ce qui est certain, c'est qu'en tout cas pour un électeur comme moi,
24:28 Fabien Roussel, on se dit "quand même, c'est bien, c'est un vrai mec populaire,
24:35 il pense la société, il n'est pas...".
24:38 Mais après, "parti communiste", c'est plus compliqué.
24:41 On a beaucoup parlé de la gauche, de l'écologie, mais la droite, dans tout ça ?
24:47 Elle a apporté un projet qui est de rendre compatibles, on va dire, l'économie et l'environnement.
24:56 Je suis parfois surpris de voir qu'intellectuellement,
24:58 ils sont en retard sur l'échelle d'entreprise.
25:00 À force d'avoir été le parti des entreprises, ils sont à la remorque des entreprises,
25:04 alors que le rôle des politiques, c'est d'être devant.
25:07 Et je trouve qu'à droite, il y en a quelques-uns qui font des efforts,
25:11 il ne faut jamais mettre tout le monde dans le même panier.
25:13 Il reste encore quelques gens qui réfléchissent et qui travaillent,
25:16 mais la production d'idées, globalement, est assez faible, et notamment sur ces sujets.
25:21 Et c'est ce qui explique que d'ailleurs, d'un certain point de vue,
25:23 ils sont le meilleur allié des sectaires, parce qu'ils participent à ce match idiot
25:28 qui serait "il faut choisir entre l'économie et l'écologie".
25:32 Alors qu'on peut très bien allier les deux ?
25:34 Non, mais ce n'est pas qu'on peut. Il n'y a pas d'autre solution que de lier les deux.
25:38 C'est-à-dire que si la perspective de l'écologie, c'est de perdre mon boulot,
25:42 c'est de finir pauvre et de ne pas avoir d'appartement,
25:46 de ne pas me chauffer l'hiver, etc., ça ne va pas être porteur comme courant.
25:51 Et donc, la réalité, c'est que la décarbonation du monde,
25:55 l'accompagnement du changement climatique,
25:58 les nouvelles formes de production et de consommation
26:01 créent des espaces de croissance économique formidables.
26:03 La réhabilitation des immeubles pour arrêter que ce soit des passeurs thermiques,
26:06 le développement des énergies décarbonées et demain,
26:09 autour de l'hydrogène et des nouvelles formes,
26:12 les nouveaux modes de consommation, le recyclage, la commande, etc.
26:17 En tout cas, moi je ne crois pas que la droite réinvente quelque chose
26:25 si elle ne sort pas du couloir de nage dans lequel elle s'est enfermée,
26:31 qui n'est d'être que sur la sécurité et l'immigration
26:34 et d'avoir un discours aussi pauvre sur les sujets économiques et sociaux et environnementaux.
26:39 – Vous avez conseillé énormément d'hommes politiques français.
26:43 – De femmes aussi.
26:44 – De femmes et d'hommes politiques et de chefs d'État à l'étranger.
26:47 Pourquoi aujourd'hui les COP qui se succèdent et s'enchaînent ne fonctionnent pas ?
26:53 – Non mais d'abord quand vous la faites à Dubaï, la prochaine, ça vous fait sourire.
26:59 À un moment donné c'est devenu une opération de com'
27:04 en tout cas ça ne fait plus suffisamment avancer la cause.
27:07 Je pense que le sujet il est quand même qu'on a besoin de la norme
27:13 pour créer de la contrainte et que ces normes fassent avancer la cause en termes d'intervention.
27:20 – Oui, si on en suit je vous donne un exemple.
27:22 – La commission européenne a inventé ce truc génial pour les stations balnéaires
27:26 qui était le pavillon bleu.
27:29 En fait vous avez le pavillon bleu si l'eau de vos plages n'est pas polluée
27:34 parce que vous avez par ailleurs une station d'épuration,
27:36 vous récupérez les eaux de pluie, enfin il y a un certain nombre de critères
27:39 qui font que vous avez le pavillon bleu et que vous ne l'avez pas.
27:42 Et donc la commission européenne tous les ans donne ou ne donne pas le pavillon bleu.
27:47 Les villes qui n'avaient pas le pavillon bleu,
27:50 elles ont vite fait les investissements pour l'avoir.
27:54 Et celles qui n'avaient pas de station d'épuration mais qui du coup n'étaient pas pavillon bleu,
27:58 ce qui fait que ce n'était pas très attractif pour les touristes
28:00 parce que quand même ça se voit et que c'est présent etc.
28:03 Et donc je trouve que ces méthodes-là sont plus intelligentes.
28:08 – Merci Stéphane Floux d'avoir participé à l'émission du Déclic.
28:13 [Musique]
28:40 [Musique]

Recommandations