Le député LFI de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel était l'invité du "18.20 franceinfo" du lundi 26 juin 2023.
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00:00 - Bonsoir à vous Eric Coquerel. - Bonsoir.
00:04 - Alors le projet de loi sur le partage de la valeur est en discussion là en ce moment à l'Assemblée Nationale.
00:09 Deux mots pour nos auditeurs. L'accord conclu en février dernier par les partenaires sociaux sauf la CGT
00:16 vise à généraliser des dispositifs de participation, d'intéressement, les primes de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 49 employés.
00:25 Qu'est-ce que vous reprochez ce soir à ce projet de loi ?
00:29 - Ce que je reproche c'est le cadre qui a été donné au départ au gouvernement.
00:32 Il y avait une feuille de route dans laquelle les partenaires sociaux étaient obligés de se mouvoir.
00:36 Et dans cette feuille de route il n'y avait pas le mot salaire, augmentation des salaires.
00:39 C'est-à-dire que la question de l'augmentation des salaires qui devient évidemment plus importante à partir du moment où il y a de l'inflation,
00:46 que les salaires ne sont pas indexés sur l'inflation de fait, n'apparaît pas dans cette loi.
00:54 Et or c'est le cœur du problème.
00:55 - Pour vous le vrai sujet ce sont les salaires et vous allez essayer de parler également des super profits.
01:00 - Le vrai sujet c'est les salaires.
01:02 C'est-à-dire comment on fait en sorte que dans la richesse globale qui est produite, les salaires augmentent.
01:07 Mais pas seulement les salaires, c'est ça que je reproche à la question de suppléer les salaires ou de les remplacer par des primes, genre primes Macron.
01:16 Des questions d'intéressement, c'est aussi ce qu'on appelle la part socialisée des salaires, les cotisations.
01:21 Certains parlent de charges, d'autres parlent de cotisations.
01:23 Pourquoi c'est important ? Parce qu'on estime que tous ces dispositifs, en gros, ça coûte 9 milliards d'euros par an à la sécurité sociale.
01:30 Puisque c'est exonéré de toute cotisation, souvent d'impôts.
01:34 Et donc c'est de l'argent qui ne va pas dans les mécanismes de solidarité que se sont donnés les salariés, en 46 notamment,
01:41 et qui après créent les trous qu'on connaît.
01:43 On nous dit "ah mais il n'y a pas assez d'argent pour les retraites, il n'y a pas assez d'argent pour la sécu".
01:46 Évidemment, puisqu'on paye de moins en moins les gens, ou en tout cas de manière insuffisante, avec les salaires.
01:52 Donc il faut augmenter le spic, donc il faut indexer les salaires sur l'inflation.
01:56 Et donc si on veut parler participation-intéressement, il faut faire en sorte que jamais, par exemple,
02:01 elle ne soit inférieure au versement des dividendes qui, elle, a explosé depuis quelques années, au point d'atteindre des records en Europe.
02:08 Parce que la condition, c'est la rentabilité de l'entreprise.
02:12 Il y a une définition, le texte considère qu'une entreprise est rentable si son bénéfice net est égal à au moins 1% de son chiffre d'affaires pendant 3 ans.
02:20 C'est assez contraignant à vos yeux ?
02:23 C'est assez contraignant, mais surtout les dispositifs qui sont prévus.
02:27 D'abord, une entreprise qui sera dans ce cadre-là, elle sera obligée soit d'aller vers l'intéressement, soit vers la participation comme moyen.
02:37 Mais encore une fois, ce sont des choses qui ne sont souvent pas pérennes.
02:40 La servilatat expérimentale pendant 5 ans, donc ce n'est pas pérenne.
02:43 C'est au bon vouloir du chef d'entreprise, alors qu'une augmentation de salaire, c'est contractuel.
02:48 Et donc on sort du cadre contractuel entre un salarié et le chef d'entreprise.
02:52 Et de ce fait-là, je pense que les grands perdants à l'avenir seront les salariés si on continue, j'allais dire, à faire en sorte que le partage de la valeur ajoutée se fasse par ces dispositifs plutôt que par le salaire.
03:03 Vous ne craignez pas qu'on vous reproche ? Vous savez, quand c'est le dicton, tout ce qui est pris n'est plus à prendre.
03:09 C'est-à-dire qu'on prend ça, mais on se bagarre aussi sur les salaires.
03:11 Non, parce qu'on passe à côté... Vous savez, même les syndicats qui ont signé, vous savez, on nous dit, sans arrêt, les syndicats ont signé, sauf la CGT.
03:17 Mais moi, j'aurais parlé aux syndicats. Ils disent "on a pris ça parce que c'est mieux que rien".
03:23 Mais ils ne sont pas d'accord de laisser la question des salaires de côté.
03:26 Et donc, nous à la fois, nous disons que cette loi est absolument insuffisante, car c'est un leurre quelque part.
03:33 Et puis il faut continuer à se battre plutôt pour l'augmentation des salaires, sans quoi la question du pouvoir d'achat, la question de la consommation populaire, la question de l'activité du coût économique, continuera à être en berne dans ce pays dans les années à venir.
03:44 - Alors, Éric Coquerel, Emmanuel Macron, le président, trois jours en immersion dans la cité fosséne pour lancer l'acte II de son plan Marseille en grand.
03:53 Le président, pour la petite histoire, a assuré à la maman d'un demandeur d'emploi qu'il y avait 10 offres, a-t-il dit, possibles pour son fils, l'invitant à faire le tour du vieux Porse lundi soir en sa compagnie pour illustrer son propos en marge de ce déplacement.
04:07 Commentaire ?
04:09 Autrefois on disait "le roi te touche, Dieu te guérit", c'était le toucher des écrouels. Vous savez, le roi, on lui accordait un pouvoir comme ça de soigner les gens.
04:17 Alors avec Macron, c'est "le roi te touche, tu trouves un emploi, le marché te trouve un emploi".
04:21 Je ne comprends pas pourquoi il fait ça, Emmanuel Macron.
04:24 Il nous avait déjà fait le coup en disant que les chauveurs n'avaient qu'à traverser la route pour trouver un emploi.
04:29 Et là, il donne une espèce de côté artificiel et quand même très méprisant vis-à-vis des gens qui sont privés d'emploi avec ce genre de phrase.
04:38 Alors je ne sais pas si de par son pouvoir, Emmanuel Macron serait capable de trouver un emploi de deux jours à la personne dont il parle.
04:44 Mais on voit bien que les problèmes de gens qui sont RSA, ce n'est pas vrai.
04:48 Ce n'est pas juste qu'il ne sonne pas la peine de ne pas chercher du travail.
04:51 Ça, c'est une vision très droitière, c'est une vision très libérale de la question de l'emploi aujourd'hui dans ce pays.
04:56 Et ce n'est pas comme ça qu'on résout les problèmes.
04:59 Mais c'est derrière toute la philosophie d'Emmanuel Macron qui, vous le savez, veut faire en sorte par exemple que quelqu'un qui touche le RSA,
05:05 qui est juste un revenu minimum pour survivre, sera obligé de travailler plusieurs heures par semaine,
05:11 ce qui fait que ce serait un salaire de misère, un sous-salaire.
05:14 Voilà, c'est une philosophie que je ne partage pas et que je trouve assez méprisante.
05:17 Avec toujours quand même, Éric Coquerel, ce problème des emplois non pourvus dans ce pays qui n'arrivent pas à rencontrer ceux qui en cherchent.
05:24 Il y a toujours ce trou noir là.
05:26 D'abord, les emplois non pourvus, méfiez-vous, parce qu'on parle de stock, à un moment donné, ça ne veut pas dire que cet emploi n'est pas pourvu.
05:31 La situation n'est pas aussi terrible que celle qu'on décrit avec les chiffres.
05:35 Et puis deuxièmement, moi j'interroge chacun de nos auditeurs.
05:38 On nous dit "mais il y a des emplois dans certains secteurs, pourquoi les gens n'y prennent pas ?"
05:42 Pourquoi quelqu'un, par exemple, qui a une certaine qualification, serait obligé d'aller prendre un emploi plus mal payé et autre ?
05:47 Je veux dire, la logique n'est...
05:49 On ne peut pas forcer les gens à prendre des emplois plus dévalorisés, plus durs, etc.
05:54 sous prétexte qu'ils existent quelque part.
05:56 Ça ce n'est pas acceptable.
05:58 Donc c'est pour ça qu'il faut plutôt parler du partage du temps de travail, du partage des richesses,
06:02 de faire en sorte que la qualification des gens leur soit donnée pour justement correspondre à des emplois qu'ils peuvent atteindre.
06:09 Et non pas nous dire sans arrêt "bon, il y a tel emploi qui existe, pourquoi il n'est pas pris ?"
06:13 Les choses ne sont pas si simples.
06:15 Il y a des secteurs où le chômage est très lourd, très fort, et ce n'est pas la faute des chômeurs de se retrouver au chômage.
06:21 - Éric Roquerel, première journée marseillaise consacrée à l'insécurité.
06:24 Déjà 23 morts dans les règlements de comptes liés au trafic de stupéfiants.
06:28 Deux mineurs blessés par balles hier à proximité d'un point de deal dans le 14e arrondissement.
06:33 Que dites-vous de cette idée de paiement immédiat forfaitaire des amendes liées à la consommation de cannabis ?
06:39 - Alors déjà, je dis que la situation est terrible.
06:40 Avec Sébastien Delogu qui est député de Marseille, on va faire un colloque le 10 juillet sur la question des fusillades, des RICS,
06:47 et aussi des règlements de comptes liés à la drogue.
06:49 Les RICS ne sont pas liés aux règlements de comptes, mais il y a aussi cet aspect.
06:52 Moi, j'ai une circonscription qui est très touchée aussi par le trafic,
06:55 de manière moins dramatique et moins violente peut-être qu'à Marseille, mais très touchée.
06:59 Je crois qu'on ne réglera jamais les problèmes tant qu'on ne régularisera pas, on ne légalisera pas le cannabis.
07:06 Pourquoi ? Parce qu'on est dans la situation de la prohibition de l'alcool aux Etats-Unis.
07:10 Et vous savez que la mafia est montée là-dessus.
07:12 Donc je pense qu'il faut, sous contrôle de l'État, faire au moins que cette drogue-là soit légalisée, soumise au contrôle de l'État.
07:18 - Faire baisser la pression, vous dites ? - Faire baisser la pression en termes de trafic.
07:20 Au Canada, ça a été fait, il y a eu 60% de trafic en moins, en termes de sécurité, en termes de prévention des usages.
07:26 Et en tout cas, c'est l'êtrement préférable à ce que veut aujourd'hui proposer M. Darmanin,
07:31 c'est-à-dire une espèce de taxe où, en gros, l'État va gagner de l'argent sur le trafic.
07:35 - Même si, pour conclure, la criminalité se déplacera forcément vers d'autres produits ?
07:42 - Non, les chiffres ne montrent pas. Ça ne s'est pas passé au Canada.
07:45 Et une fois encore, légaliser le cannabis sous contrôle de l'État vous permet de renforcer vos moyens sur les autres drogues.
07:53 Donc c'est quelque chose qui, même pour des policiers, peut être plus efficace,
07:56 ou les douaniers qui agissent de manière la plus efficace possible face à un phénomène qui grandit.
08:01 - Allez, merci à vous, Éric Coquerel, député de la France Insoumise de Seine-Saint-Denis,
08:04 président de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale d'être venu nous rendre visite dans ce 18-20 France Info.