Député Modem de la 1ère circonscription des Côtes d'Armor, Mickael Cosson se bat pour éviter les échouages d'algues vertes sur les plages bretonnes, un fléau qui touche particulièrement la baie de Saint-Brieuc. Il y a 2 ans, année record, on a ramassé plus de 11 000 tonnes sur ses côtes. Les algues vertes prolifèrent dans les eaux peu profondes, et se nourrissent des nitrates issus de l'agriculture déversés dans les cours d'eau. Lorsqu'elles sont en état de décomposition, elles produisent un gaz -l'hydrogène sulfureux- qui peut s'avérer mortel. Maire de la ville de Hillion pendant 9 ans, Mickael Cosson a été le premier à avoir fermé une plage à cause des algues vertes en 2017. A l'approche de l'été, le député redoute de nouvelles marées vertes.
Un magazine de Hélène Bonduelle, Images Pierre Berreta, montage Maxime Riou
C'est une partie essentielle du travail parlementaire qui est de nouveau mise en lumière à travers ce reportage où les journalistes de la rédaction suivent un député dans sa circonscription pour expliquer son travail sur le terrain. C'est aussi un voyage sur un territoire, avec ses enjeux locaux, et une rencontre avec ses habitants. Suivez votre député sur LCP !
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00:00 Je suis un peu comme beaucoup de gens du secteur, on est désolé, pas catastrophé mais pas
00:11 loin.
00:12 Ça fait 10 ans que je suis sur Elyon, c'est vrai que j'ai pas vu beaucoup d'évolution
00:17 quoi.
00:18 A chaque fois que je sens la mauvaise odeur qui vient de la mer, je me dis c'est encore
00:22 les algues vertes quoi.
00:23 Ah là ça vient de vous mettre le vent.
00:24 Vous sentez quoi ?
00:25 C'est comme, c'est l'odeur de la mer mais pourrie.
00:31 C'est vrai que quand je veux aller sur une plage, parfois ça m'est arrivé de vouloir
00:36 y aller avec mon chien ou autre et j'arrivais devant la plage, elle était fermée.
00:40 Tout ça, ça vient des évagues intensives.
00:42 Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui, que peut-on faire contre ce phénomène ?
00:46 Bonjour, je suis Mickaël Causson, député modem de la circonscription de Saint-Brieuc.
00:56 Par avant j'ai été maire d'Elyon.
00:58 On a un fléau qui dure déjà depuis plusieurs décennies, ce sont les algues vertes.
01:02 Il y a un travail qui doit être fait en amont pour les diminuer mais il y a aussi un travail
01:05 qui doit être fait en aval pour faire en sorte qu'on les ramasse avant qu'elles
01:08 s'échouent.
01:09 L'objectif c'est tout simplement que nos plages ne soient plus fermées.
01:11 Un tapis vert qui recouvre les plages, tout le long de la côte.
01:20 Chaque année au début de l'été, c'est le même spectacle, Mickaël Causson y est
01:25 habitué.
01:26 La ville de Elyon, dont il a été maire 9 ans, est au fond de la baie de Saint-Brieuc,
01:33 qui concentre 60% des algues vertes de Bretagne.
01:37 Des algues nocives qui souvent condamnent les plages du littoral.
01:42 La première plage que j'ai fermée c'était celle-ci et de souvenir c'était en 2017.
01:50 J'ai été amené à la refermer en 2019, en 2021, en 2022 et cette année en 2023 elle
01:57 est à nouveau fermée.
01:58 La plage de l'hôtellerie est interdite d'accès depuis début juin.
02:03 Exceptionnellement, le député accepte de nous y emmener.
02:08 Et bien là, typiquement, vous avez des algues vertes qui viennent s'échouer.
02:14 Le sol n'est pas suffisamment meuble pour qu'on puisse avoir des tracteurs et des
02:17 remorques qui viennent sur cet espace-là parce que c'est composé d'un milieu plutôt
02:22 vaseux et en plus après des rochers ou des roches.
02:24 Nous ne resterons que sur la partie sablonneuse et pas trop longtemps.
02:30 Une odeur nauséabonde envahit l'air.
02:34 Vous sentez un petit peu cette odeur d'œuf pourri, c'est cette odeur caractéristique
02:40 du H2S.
02:42 H2S pour hydrogène sulfuré.
02:45 Un gaz toxique qui se dégage quand les algues se décomposent.
02:49 Il peut être dangereux pour la santé et à haute dose, mortel.
02:55 Au milieu là, vous avez une petite nappe qui commence à blanchir.
02:59 Là, elle commence à rentrer en putréfaction.
03:01 Si elle a une épaisseur suffisamment importante, c'est là qu'on peut avoir des poches
03:05 de H2S qui peuvent se développer en interne.
03:07 Dès lors que vous êtes amené à marcher, vous n'êtes pas au risque d'avoir un
03:12 malaise ou voir plus.
03:15 Alors sur le sable, c'est souvent une course contre la montre pour retirer les algues.
03:22 La municipalité a 48 heures après échouage pour les ramasser avant qu'elles n'entrent
03:27 en putréfaction.
03:29 - Salut Thomas.
03:30 - Bonjour Mickaël.
03:31 - Ça va ?
03:32 - Ça va, ça va.
03:33 - Je vois que le sable est...
03:34 - Un maglot a ramassé.
03:37 - Oui.
03:38 - Ils reviennent là, non ?
03:41 - Eh ben, je ne sais pas trop s'ils ont ramassé ce matin, s'ils reviennent cet après-midi.
03:46 L'ancien maire, devenu député, assiste à ce balai de tracteur depuis des années.
03:53 - En fait, le tracteur, typiquement, il ramasse sur les zones sur lesquelles il peut aller
04:03 les algues fraîches qui se sont échouées après le retrait de la mer.
04:06 Donc là, vous voyez, ça fonctionne parfaitement, le sol est bien meuble, donc derrière, ça
04:12 ne s'enfonce pas et il peut ainsi, en quelques minutes, ramasser ce qui s'est échoué.
04:19 Par contre, il est tenu dans un périmètre entre des vasières et puis des rochers.
04:24 10% des côtes seulement sont accessibles au tracteur.
04:29 D'ailleurs, ce jour-là, il ne ramasse que 15 mètres cubes.
04:34 - Pour l'instant, on a ramassé, depuis le début de la saison, à peu près 200 tonnes.
04:38 Et puis l'an dernier, on était arrivé à 5 000 tonnes.
04:41 Et en 2021, année record, 11 000 tonnes ont été récoltées à Ilion.
04:48 Et c'est l'Etat qui finance ce ramassage.
04:51 - Une année forte comme 2021, ça peut représenter un million d'euros pour l'Etat.
04:56 Là, on met un million d'euros, mais on ferme quand même nos plages.
04:59 Donc ça veut dire qu'on n'a pas résolu le problème.
05:03 Alors, Mickaël Causson aimerait bien ne plus voir ses tracteurs sur ses plages.
05:08 - Ces engins, ils sont, vous voyez, c'est quand même des engins d'assez grande importance.
05:11 Il n'y a rien de naturel d'avoir un tracteur et une remorque sur une plage.
05:15 On préférait justement qu'on ait d'autres types d'engins qui ne viennent pas enlever ce sable,
05:20 parce que les algues qui sont transportées, elles sont composées de sable.
05:23 Et à un moment, en fait, du coup, on est en train de dégrader quelque part le milieu naturel.
05:27 Donc, il faut absolument qu'on évolue sur nos techniques de ramassage,
05:30 qu'on fasse en sorte que des zones comme celle-ci,
05:32 eh bien, on ne laisse pas s'amonceler des algues vertes, casser une marée verte.
05:38 Et imaginez si c'était une marée noire.
05:40 On considérait qu'aujourd'hui, on aurait ces nappes de mazoutes qui viennent s'échouer.
05:47 Mais on dirait non, surtout pas ramasser en mer. On crierait au scandale.
05:50 Cependant, c'est ce scandale auquel on assiste depuis de nombreuses années.
05:53 Donc, il nous faut évoluer.
05:54 Il faut faire en sorte que ce ramassage soit fait avant échoage pour qu'on puisse accéder à nos plages.
06:02 En clair, que ces algues soient récoltées en mer.
06:06 8 ans que le député se bat pour ça.
06:09 Et ce matin, il teste ce nouvel engin.
06:13 Cette barge un peu spéciale est en phase d'expérimentation depuis 4 mois.
06:20 - Ce bateau a été pensé et construit uniquement pour la collecte des algues vertes.
06:24 Donc, c'est le premier en France, c'est évident, certainement au monde,
06:27 qui est dédié à la collecte des algues vertes.
06:32 - Le tapis, là, il va jusqu'à une profondeur ?
06:35 - Là, on va à peu près à -50, -60 cm.
06:37 - Dans l'eau ? - Oui, voilà.
06:39 On a un abreuve-té système, parce que la concurrence peut arriver, quand même.
06:42 Donc, oui, oui, donc c'est ça.
06:43 Les tapis frontaux remontent les algues sur 2 tapis transverses,
06:46 qui, eux, les concentrent dans un tapis central,
06:49 qui, après, vient déverser dans un ou plusieurs big bags selon les moyens de déchargement.
06:55 À terme, le bateau pourrait récolter jusqu'à 30 tonnes d'algues par jour.
07:01 - Une tonne d'algues collectée en dehors de la période estivale
07:03 donnera 10 tonnes pendant la période estivale.
07:06 Donc, l'idée est double.
07:07 C'est curatif.
07:09 En période estivale, on ramasse toutes les algues qu'on trouve, bien sûr,
07:11 pour éviter qu'elles arrivent à terre,
07:13 et préventif, en amont et en aval de cette période estivale,
07:16 c'est d'en ramasser peut-être un peu moins,
07:18 mais du coup, il y a un facteur 10 entre ce qu'on va ramasser en septembre, par exemple,
07:22 donnerait peut-être 10 tonnes l'année prochaine, en plein mois d'août.
07:27 Mais le ramassage en mer a un coût.
07:29 900 000 euros d'investissement pour l'entreprise.
07:33 Les futures sorties seront financées par l'Etat,
07:36 qui s'est engagé sur 3 ans.
07:39 - Ce principe d'appel d'offres et d'accord de 3 ans
07:42 nous a permis, nous et FIDOR, d'envisager un financement sur fonds propres.
07:45 Parce que sinon, on ne se serait pas lancé.
07:47 Il y a quand même une réalité économique derrière.
07:49 Donc cet appel d'offres a permis...
07:50 Voilà, nous, on s'est engagé parce que l'Etat s'est engagé derrière
07:53 et que du coup, on a la proximité du chantier naval qui est à Paimpol.
07:56 Tous les hivers, on rentre et on fait les améliorations nécessaires.
07:59 - Cet engin, quand en 2015, j'étais tout seul à le réclamer,
08:03 on n'était pas beaucoup à vouloir soutenir ce type de projet.
08:07 Et aujourd'hui, les mentalités changent au fur et à mesure.
08:10 Et on se rend compte que, bah oui, une algue échouée,
08:13 ça veut dire qu'on a échoué.
08:15 Donc maintenant, ce processus, moi, je suis satisfait.
08:20 On en sera encore plus quand on pourra aller partout
08:22 et qu'on aura obtenu les autorisations.
08:24 Car pour le moment, le bateau est limité au large.
08:29 Le fond de la baie est une zone environnementale protégée.
08:34 Le député le sait, la partie n'est pas gagnée.
08:36 Elle va se jouer à terre.
08:39 Une réunion est organisée par le sous-préfet aux algues vertes.
08:44 Un poste unique en France, créé il y a un an et demi
08:49 pour trouver des solutions aux marées vertes.
08:52 - OK.
08:53 Cette fois, il s'agit de rassurer les mythiliculteurs.
08:55 La traversée du bateau n'abîmera pas leur moule de bouchons.
09:00 - Le bateau qui collecte, il va évidemment faire marcher son tapis.
09:04 Donc ce qu'il ne faudrait pas, c'est qu'il soit trop près des bouchons.
09:09 Donc je pense que là, ce qu'il faut, c'est que vous visiez vraiment
09:11 le milieu de l'allée.
09:12 Quitte à ce qu'il ne ramasse pas toutes les algues vertes
09:14 qui sont proches des moules, parce qu'il ne pourra pas.
09:17 Et c'est le député qui va jouer les intermédiaires
09:20 entre cet éleveur de moules et le responsable du bateau.
09:24 - Déjà que vous rencontriez avec votre capitaine
09:27 l'ensemble des mythiliculteurs et de voir à peu près
09:30 justement les modalités, je pense que c'est le plus simple
09:33 parce que là, ils sont en pleine saison.
09:34 - Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous balader dans les bouchons.
09:38 - Non, je ne suis pas allé sur le site des bouchons.
09:40 - Vous venez avec nous, vous ne l'avez plus sur un véhicule.
09:42 - Déjà, on va échanger notre numéro pour s'organiser une visite comme ça.
09:46 - J'avais donc cette contrainte sur les mythiliculteurs
09:49 parce que je m'étais engagé à ne pas le faire
09:50 tant qu'on ne voyait pas après les choses sur le bateau.
09:53 Maintenant, le projet, c'est d'exergir la zone mythicole.
09:57 Et puis, un jour, si tout se passe bien,
10:00 - Prochain.
10:01 - On espère, le chef de la députée, madame la maire.
10:03 - Très prochain.
10:03 - Très prochain, le plus vite possible, c'est de pouvoir accéder à la réserve.
10:06 Voilà, mais ça, c'est dans un troisième temps.
10:09 Voilà, chaque extension est une conquête,
10:12 mais qui est nécessaire.
10:15 On fait des choses.
10:16 - OK.
10:18 Là, on voit bien qu'il nous faut trouver un consensus, un équilibre
10:21 et savoir comment on fait pour mettre en danger le moins de personnes possible.
10:26 Et c'est là toute la difficulté.
10:28 - Merci à tous.
10:29 Mais dans la baie, d'autres sont plus difficiles à convaincre.
10:36 Si les algues prolifèrent en bord de mer, c'est qu'elles se nourrissent de nitrates
10:41 qui proviennent des fuites d'azote des agriculteurs.
10:46 Certains ont fait des efforts, réduit les engrais.
10:50 Et depuis 40 ans, les taux de nitrate dans les eaux diminuent, certes,
10:55 mais trop peu et pas assez vite.
10:58 - Bonjour, Monsieur le député.
11:02 - Ça va ?
11:03 - Oui, ça va.
11:04 Pierre-Yves Collet est éleveur de porcs et de vaches laitières.
11:08 L'étiquette de pollueur la gasse, depuis plusieurs années,
11:13 il a fait évoluer ses méthodes.
11:16 - Depuis deux ans, on a encore changé quelques pratiques
11:21 pour encore avoir moins de fuites d'azote.
11:25 C'est-à-dire que là, on utilise un produit qui s'appelle Z-Fix.
11:29 On l'épend sur les aires d'exercice ici, parce que les vaches vont venir ici manger.
11:34 Elles bousent ici.
11:34 Ça fait travailler le fumier naturellement, sans composter.
11:38 Il travaille naturellement.
11:40 Et il évite aussi la perte d'azote par volatilisation.
11:45 Mais l'État veut que les agriculteurs de la région s'engagent plus fortement.
11:51 - En tout, il y a 73, 75 vaches.
11:54 L'objectif est de réduire les flux de nitrate dans les eaux de 30%.
12:00 - Moi, ce qu'on me demande aujourd'hui, c'est, il faut que je mette moins de maïs
12:05 et que je mette plus d'herbes.
12:07 Sauf que si je mets moins de maïs et plus d'herbes, avec le climat,
12:11 en plus, qu'on a ici, la baie, en plus, qui repousse souvent l'eau,
12:15 il pleut à 10 kilomètres, il ne pleut pas ici.
12:17 Et bien, moi, c'est sûr que demain, je ne vais pas nourrir mes 75 vaches
12:23 avec plus d'herbes et moins de maïs.
12:24 C'est impossible.
12:25 Sur la commune, tout le monde travaille dans le bon sens.
12:30 Tout le monde a fait des efforts très importants depuis au moins 25 ans.
12:35 Et je le prends mal parce qu'à chaque fois, on nous met ça sur le dos.
12:41 Les efforts qu'on a faits ont été porteurs, mais on est arrivé quand même,
12:45 je crois, je vois, enfin, personnellement, on n'arrivera pas à diminuer beaucoup plus.
12:51 Il y a encore des améliorations à faire, mais effectivement,
12:53 le niveau escompté est peut-être difficile à atteindre.
12:56 C'est pour ça qu'il nous faut évoluer en amont, mais il faut aussi évoluer en aval.
13:00 Si c'est quelque chose que vous ne pouvez jamais atteindre, on fait comment ?
13:02 On met la Bretagne sous la chair et on part vivre à Paris.
13:07 Actuellement, les taux de nitrate dans les cours d'eau bretons
13:12 stagnent à 30 mg par litre.
13:15 Pour diminuer de moitié les algues vertes, il faudrait redescendre sous 10 mg.
13:22 Un chiffre jamais atteint en Bretagne depuis 1976
13:26 et le début de l'agriculture intensive.
13:29 [Musique]