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Chaque matin de l'été, à 8h15, Alexandre Le Mer en juillet et Lionel Gougelot en août reçoivent une personnalité au centre de l'actualité. Ce lundi, Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la Ville, revient sur les émeutes qui ont secoué le pays et du rattachement des politiques de la ville au ministère de l'Intérieur.

Retrouvez "L'invité du 8h13" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-politique-de-8h20
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Transcription
00:00 Europe 1, 8h13. Votre invité ce matin, Lionel Sabrina Agresti-Roubach, secrétaire d'état chargé de la ville.
00:07 - Bonjour Sabrina Agresti-Roubach. - Bonjour Lionel.
00:09 - Bienvenue sur Europe 1, bienvenue dans les studios d'Europe 1.
00:12 Vous faites partie, si j'ai bien compris, des ministres du gouvernement qui ne prennent pas de vacances.
00:16 Surtout après la période de tension qu'ont connue beaucoup de quartiers sensibles des grandes villes ou des villes moyennes.
00:22 D'ailleurs on va reparler dans le cadre des émeutes le mois dernier.
00:24 Vous avez chiffré à un milliard d'euros le bilan des dégâts provoqués par ces nuits de violence.
00:28 Vous avez assuré que l'état sera aux côtés des élus pour réparer les dégâts. Comment, en quelques mots concrètement ?
00:34 - Alors comment... On a fait quelque chose d'assez simple à l'Assemblée nationale.
00:40 C'est qu'on a fait un PJL reconstruction, donc un projet de loi reconstruction basé sur trois axes.
00:46 Il fallait aller vite, donc permettre des solutions dérogataires aux droits, aux droits communs.
00:52 Par exemple, permettre aux maires, qui ont été touchés sur des bâtiments publics,
00:57 permettre aux écoles, permettre aux crèches, permettre aux centres sociaux d'être reconstruits rapidement.
01:03 Mais si on passe par la phase appel d'offres, si on passe par la phase on va dire traditionnelle, ça va prendre des années.
01:09 - Des années, oui. - Des mois, des années.
01:11 Donc on a permis dans ce projet de loi, qui s'appelle le projet de loi reconstruction, ça a été fait en deux semaines.
01:18 Donc ça veut dire quand même quelque chose de notre capacité de réagir vite à situations exceptionnelles, réponses exceptionnelles,
01:25 par le droit, faire des choses dérogataires et leur permettre tout de suite,
01:28 donc déjà de fractionner, d'alotir, c'est ce qu'on appelle alotir, les appels d'offres,
01:33 parce que ce sont des travaux publics, donc pour aller plus vite, donc ça veut dire découper les marchés.
01:39 Aller vite sur les marchés, c'est-à-dire ne plus avoir toutes les publicités, tout ce qu'on doit faire dans un appel d'offres classique, traditionnel.
01:47 Donc ça c'est la première chose, travailler avec les assureurs, c'est-à-dire demander tout de suite aux assureurs de prendre leur part sur des avances en trésorerie.
01:54 Parce que si pareil, on prend un processus normal, ça prend des mois, donc ça c'est la troisième chose.
01:59 Et l'autre partie sur ce PJL reconstruction, c'est aussi de laisser les communes, donc les maires, décider de prioriser, de faire, c'est à leur main.
02:11 - Parce qu'elles ont une vision du terrain, une vision concrète de ce qui s'est passé dans tel ou tel quartier.
02:14 - Absolument, et ça a été très bien perçu, alors moi qui ai été cinq ans élue à la Chambre de Commerce, on s'est beaucoup appuyé,
02:19 donc Bruno Le Maire s'est beaucoup appuyé avec Olivier Grégoire sur les réseaux consulaires.
02:23 Parce qu'on pense pas aux chambres de commerce, mais c'est elles en réalité qui ont tous les liens avec les artisans et toutes les entreprises.
02:28 - Quelle lecture vous faites de ces événements un mois après Sabrina Agasté-Roubach ?
02:32 - La lecture c'est que cette immense violence a été perçue très... les gens ont été choqués de ce qu'ils ont vu.
02:44 Moi je vous prends l'exemple de Marseille, Marseille on n'a jamais été touché ni par les émeutes, que ce soit en 98,
02:49 je fais juste une digression marseillaise, c'est qu'en 98 quand on a un match contre la Angleterre,
02:54 où on a les hooligans sur le Vieux-Port, ce sont nous, c'est nous, moi, les jeunes des quartiers Nord,
02:59 qui sommes descendus sur le Vieux-Port pour prêter main forte aux forces de l'ordre, pour empêcher justement les hooligans de tout casser.
03:05 Donc la lecture c'est que les 13-18 ans ont été formatés beaucoup par les réseaux sociaux.
03:10 En tout cas c'est ma lecture personnelle. Là où les petits Marseillais étaient à part, on va dire,
03:16 on était une exception culturelle, on ne l'a plus.
03:19 C'est-à-dire que les jeunes se ressemblent du Havre à Marseille, de Lyon en passant par New York.
03:24 Donc la lecture c'est que déjà la déconnexion, parce que vous savez c'est jeunes sur les réseaux sociaux,
03:30 et on l'a vu puisque tout est passé par les réseaux sociaux, vous vous rappelez bien de l'idée de dire à un moment donné on coupe.
03:36 C'est qu'ils ont été formatés mais ils sont dans une immense solitude avec les autres.
03:41 La réalité c'est ça, c'est qu'on a une jeunesse qui se sent seule et qui n'a pas la conscience de ce qu'elle fait.
03:47 Et encore une fois, par rapport aux forces de l'ordre, par rapport à la police, qu'est-ce que m'ont dit les gens ?
03:52 On veut plus de police et mieux de police.
03:55 Et la lecture que je fais aussi c'est que la demande, parce que c'est basique de dire on veut du bleu, non.
04:00 On veut une police plus proche, à côté de nous, mais parce que la police protège les mamans dans les quartiers.
04:05 Elles vous disent quoi les parents ? Ils vous disent "je préfère avoir affaire à la police parce qu'elle nous protège plutôt qu'avoir affaire à des casseurs violents qui sont capables de faire n'importe quoi".
04:12 C'est la raison pour laquelle votre secrétariat d'Etat à la Ville est rattaché au ministère de l'Intérieur.
04:16 Ça veut dire qu'il faut aussi que tout cela doit passer par la nécessité d'un retour à l'ordre plus affirmé ?
04:22 Pas de retour à l'ordre ? Comment vous voulez que le pays tienne et que notre République tienne s'il n'y a pas un retour à l'ordre ?
04:28 L'ordre républicain c'est ce qui protège les gens.
04:31 Vous savez, moi j'ai entendu beaucoup, moi qui viens de là, d'un quartier, je suis en visite officielle dans le quartier de mon enfance,
04:38 c'est qu'on a fait une lecture très basique.
04:41 "Oh mon Dieu, un rattachement à Gérald Darmanin, donc au ministère de l'Intérieur, signifie autorité ?"
04:47 Non, c'était une demande en fait de la population en disant "les politiques de la Ville".
04:52 Vous voyez bien quand même parfois le décalage et l'éloignement des uns et des autres,
04:56 de la police envers les citoyens et des citoyens envers la police.
05:00 Donc rattacher les politiques de la Ville, entre autres, au ministère de l'Intérieur, était une nécessité.
05:05 Parce que tout commence par là, la sécurité, le calme...
05:08 C'est tout ce que les gens vous demandent.
05:09 Les gens vous savez, ils ont trois sujets, la sécurité, le pouvoir d'achat et l'éducation.
05:14 Donc vous savez, c'est assez basique et j'ai un ministère très transversal justement,
05:18 qui me permet de travailler avec tous les ministères sans qu'aucun ministère se fasse concurrence.
05:23 On a souvent tendance à réduire la politique de la Ville, Sabrina, Gresti Roubach,
05:27 à l'action dans les quartiers sensibles des grandes agglomérations.
05:30 Est-ce que vous allez également orienter vos actions sur les quartiers des villes moyennes ?
05:34 - C'est la première chose que j'ai dite, que ce soit en séminaire avec la Première ministre.
05:39 Ma première sortie média, c'était ça.
05:41 C'était de dire "est-ce que vous pensez que les jeunes qui sont éloignés de tout,
05:45 dans les petites villes et les villes moyennes, on l'a vu sur les violences urbaines qu'on a subies,
05:49 sont moins malheureux qu'un jeune dans le 9-3 ou dans les quartiers nord de Marseille ?
05:54 C'est pas vrai. La misère est la même de partout. La colère est la même de partout.
05:58 Et le manque de services publics, l'éloignement de tout, est le même de partout.
06:02 Donc je l'ai dit, je vous le redis à votre antenne, je ne serai pas uniquement à la ministre
06:07 des quartiers nord de Marseille, des banlieues parisiennes, mais bien à la ministre.
06:12 La preuve, je fais beaucoup de déplacements dans des petites villes, dans les villes moyennes.
06:15 J'ai déjà vu, ville et banlieue par exemple, tous les maires, on s'est connectés,
06:19 on a fait une visio où je leur ai parlé et je leur ai tenu ce discours.
06:22 Et en plus de ça, c'est là aussi où il y a beaucoup de demandes.
06:25 Les attentes sont immenses dans ces zones. Donc je serai bien la ministre de toutes les villes.
06:30 C'est pour ça que je parle des politiques, c'est les politiques de la ville, et pas la politique de la ville.
06:35 Vous vous souvenez que Jean-Louis Borloo, en 2002, il avait été lui aussi ministre de la ville,
06:41 et il disait que la politique de la ville, c'était pas une question de moyens ou de budget,
06:45 mais de savoir comment bien utiliser les moyens. Est-ce que c'est votre philosophie ?
06:49 Non seulement c'est ma philosophie, je l'ai dit, je serai pas...
06:52 Moi la politique du chéquier, je connais pas, les milliards je sais pas compter,
06:56 j'ai dit, ça sera en tout cas sur mon ministère, la politique non pas du chéquier mais bien du porte-monnaie.
07:01 Parce que vous savez ce qu'on dit, vous connaissez le discours Fonzeny,
07:03 on dépense des milliards pour les quartiers et les problèmes demeurent.
07:05 C'est ce qu'on a dit au président de la République quand il a fait sa visite officielle à Marseille,
07:09 à la Busserine, sur le plan Marseille en grand, les gens de la Busserine ont dit
07:13 "Monsieur le Président, vous parlez de millions et de milliards mais nous on les voit pas,
07:16 donc je veux une politique à hauteur d'hommes, je veux parler sur des montants que moi je maîtrise,
07:21 c'est-à-dire des centaines de milliers d'euros, je veux des projets avec les élus,
07:24 notamment par les contrats de ville sur...".
07:26 Il y a quand même beaucoup d'argent parce que penser que les politiques de la ville sont dénuées, c'est pas vrai.
07:31 Dire que peut-être sur, par exemple, le sujet de l'écologie, j'ai dit je veux plus de bleu, d'accord,
07:36 mais plus de vert aussi, je veux de l'équité, c'est pas l'égalité, ça veut plus trop rien dire,
07:41 je veux de l'équité, je veux que tout le monde, que ce soit dans les petites villes, les villes moyennes,
07:46 les banlieues, les quartiers nord de Marseille, tout le monde ait accès à la même chose.
07:50 Mieux manger, mieux dormir, mieux se protéger, mieux apprendre, mieux être sécurisé...
07:54 - Mais justement, mieux apprendre, il y a aussi un problème fondamental, c'est celui de l'éducation,
07:58 tout commence à l'école, on pourrait aussi imaginer que le ministère de la ville soit rattaché au ministère de l'éducation nationale.
08:03 - Alors, vous savez quoi ? Le président de la République, il n'a pas attendu les émeutes pour venir lancer à Marseille,
08:08 par exemple, quartier 2030, et dans quartier 2030, il a annoncé une mesure toute simple,
08:13 et je vais beaucoup travailler avec Gabriel Attal, le ministre de l'éducation nationale,
08:16 le 8h-18h pour les collégiens sur l'accueil des jeunes, de dire plus aucun ado n'aura,
08:22 il aura plus, il aura toujours un prof, toujours un adulte en face de lui, de 8h à 18h,
08:27 parce qu'on travaille sur la famille monoparentale, donc ça, ça sera un sujet par exemple avec ma collègue
08:32 Aurore Berger, parce que l'éducation nationale sur le périscolaire et l'extrascolaire,
08:37 les gamins arrêtent l'école au 15 juin, ça c'est de l'extrascolaire, c'est plus du périscolaire,
08:41 donc avec Gabriel Attal, que j'ai vu hier, donc on est en train de travailler à des mesures,
08:45 mais je vous le redis, par exemple dans le quartier 2030, c'est ce qu'on a appelé comme ça,
08:49 la première mesure c'est là, et la deuxième, donc c'est le 8h-18h, le généralisé,
08:53 c'est l'une de mes missions de la rentrée, et l'accueil des enfants à partir de 2 ans.
08:57 - Le chantier est colossal ?
08:59 - Il est colossal, mais vous savez, qu'est-ce qu'on a à perdre à essayer de faire ?
09:04 - Comment vous voyez, je sais quand vous entendez les sceptiques qui vous disent "c'est perdu",
09:07 il y a des territoires qui sont abandonnés, qui sont en état de sécession pratiquement.
09:13 - Non, si vous pensez, moi je suis une enfant des quartiers, pauvre de Marseille,
09:17 vous imaginez ce que vous me dites et ce que les autres disent,
09:20 si on pense que c'est foutu, on arrête, non.
09:22 Moi ce que je pense c'est qu'il y a toujours de l'espoir, je viens de là,
09:25 je vois bien ce qui n'a pas marché pendant des années,
09:27 et surtout, on ne peut pas tenir ce discours, on est la France,
09:30 on est en France, on est la 6ème puissance mondiale,
09:33 est-ce que nous on peut, on a le droit de capituler ? Non.
09:36 J'ai beaucoup voyagé dans ma vie, j'ai fait beaucoup de films,
09:39 dans mon catalogue il y a un film qui s'appelle "Territoires perdus de la République",
09:42 mais on ne montre pas que ce qui ne va pas, on montre des solutions,
09:45 moi je suis une fille de solutions, et il ne faut pas grand-chose,
09:47 c'est pour ça que je reviens sur la politique du porte-monnaie et non pas celle du chéquier.
09:51 Borlo l'avait dit avant moi, hier je discutais,
09:54 je discutais avec Philippe Riau, maire de Grigny,
09:57 meilleur maire du monde, hier on s'en est amusé,
10:01 qu'est-ce qu'on se disait ? On sait que les moyens sont là,
10:04 mais sécuriser mieux, parce qu'on parlait du ministère de l'Intérieur,
10:07 mais dépenser mieux, ça c'est un axe.
10:10 - Merci Sabrina Agressi-Roubach, merci d'avoir été dans les studios d'Europe 1 ce matin,
10:13 secrétaire d'État chargée de la Ville, bonne journée. - Merci.

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