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Dans son édito du 16/09/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur l'intrusion d'un homme vêtu d’un sac-poubelle qui s'est invité à la Fashion Week à New York.

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Transcription
00:00 C'est une scène, on l'a vu, elle a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux.
00:03 C'est un homme qui défile à la Fashion Week, dans l'indifférence générale.
00:08 Il porte un bonnet de douche.
00:10 On va la voir d'ailleurs en émission.
00:12 Et un sac poubelle, et des chaussures de course.
00:17 Il est habillé véritablement de la manière absolument atroce.
00:21 Et il défile et personne ne se rend compte de rien.
00:24 Comme si ça allait de soi.
00:25 Comme si c'était une scène naturelle.
00:28 Et on se rend compte qu'il y a un problème seulement quand les gardiens de sécurité
00:31 arrivent et le chassent.
00:33 Et là on se dit, il y a peut-être un problème.
00:35 Mais jusqu'alors, le commode...
00:36 Enfin, le commode est mortel, c'est pas le commode immortel qui était à la Fashion Week.
00:39 Le public trouve que cette tenue en bonnet de douche et en sac poubelle,
00:44 c'est une tenue qui va de soi, qui est normale.
00:47 Alors c'est une scène qui est merveilleuse pour moi, c'est du génie.
00:50 Le type s'appelle Fred Beyer, c'est un YouTuber, comme on dit.
00:53 C'est un spécialiste du canular.
00:54 Donc il y a l'art de provoquer des situations comme ça pour tourner en ridicule
00:58 ce qui doit être ridiculisé.
01:00 Et on le sait, aujourd'hui, la mode est un lieu qui fonctionne à la déconstruction esthétique.
01:06 C'est le paradoxe, ça devrait être l'industrie du beau,
01:08 mais trop souvent, trop souvent, c'est l'industrie de la déconstruction esthétique,
01:11 de l'enlaidissement volontaire.
01:14 Ou non, justement, c'est l'industrie qui célèbre le cheveu bleu,
01:17 la déconstruction de tous les sexes.
01:19 Et dans cet univers, lorsqu'on se prend avec un sac poubelle et un bonnet de douche,
01:23 eh bien, on peut être pris au sérieux, on est simplement un mannequin comme les autres.
01:27 Donc il voulait dénoncer une supercherie.
01:29 Ça n'est pas sans lien, si je peux me permettre, avec ce qu'on voit dans certains musées.
01:32 Vous savez, c'est des scènes qui arrivent quelquefois dans des musées
01:34 où il y a une installation d'art contemporain.
01:36 Le concierge passe à la fin, il ramasse le tout parce qu'il croyait que c'était des déchets.
01:39 Il n'était pas au courant que c'est une installation artistique qui valait des millions de dollars.
01:42 C'est formidable.
01:43 Ou avec l'art public qui, quelquefois, on décide de placer quelque chose de très laid
01:47 au milieu de quelque chose de très beau.
01:49 Et on nous dit, admirez, c'est beau,
01:51 alors que quelquefois, c'est une horreur qui relève de l'art public tel qu'on le connaît aujourd'hui.
01:55 Donc cette scène, qui peut sembler loufoque,
01:57 en dit beaucoup sur l'époque, c'est une dénonciation légitime de la supercherie.
02:01 Et de ce point de vue, parce que toute époque, toute esthétique a une dimension politique,
02:05 eh bien, ce type a fait un travail, je dirais, salvateur et apprécié.
02:08 - Arthur. - Mais en attendant un instant, si je peux me permettre une dernière chose,
02:11 parce que cette question, elle est politique aussi.
02:14 Et de ce point de vue, il y a une forme de démarche en sens inverse qui existe et qui est légitime.
02:19 Et on le voit aussi, c'est tout ce qui touche aujourd'hui à l'esthétique masculine.
02:23 C'est assez intéressant de voir comment d'un côté, il y a la déconstruction.
02:26 Il y a la célébration du yel au cheveu bleu.
02:29 Il y a la célébration du non-genré revendiqué qui va pousser la déconstruction jusqu'au bout.
02:34 Mais au même moment, on voit dans la jeune génération,
02:36 c'est un mouvement qui n'est pas encore dominant, on s'entend,
02:39 mais qui est présent.
02:40 Une jeune partie de la jeune génération qui cherche à se réapproprier les codes de l'élégance classique.
02:45 Et ça, on le voit de quelle manière?
02:46 Rappelez-vous, on a reçu ici Hugo Jacomet l'an passé, qui a eu un beau succès d'audience.
02:50 Pourquoi? Parce qu'il explique aux gens que se réapproprier cette tradition esthétique,
02:54 donc l'élégance masculine, la cravate, la veste, tout ça,
02:57 ça veut dire que c'est décider de faire le choix du beau
03:00 dans le monde de la déconstruction, du relâchement et de l'avachissement.
03:03 Cette semaine, jeudi, si je ne me trompe pas,
03:05 il y aura un grand dîner de la revue Dandy,
03:08 cette revue qui décide de mettre de l'avant les codes de l'esthétique masculine classique,
03:13 qui va rassembler des gens avec cette idée, encore une fois,
03:15 que le vêtement, ce n'est pas que du chiffon.
03:17 Le vêtement, ce n'est pas que du chiffon, c'est aussi une manière d'habiter le monde.
03:20 C'est aussi une manière d'envoyer un signal de quelle est notre conception du beau.
03:25 C'est aussi une manière de s'opposer au relâchement tel qu'on le connaît aujourd'hui.
03:28 C'est une dissidence à porter tous.
03:30 Chacun peut décider aujourd'hui, devant l'empire des, je dirais, des relâchés aux cheveux mauves,
03:34 chacun peut décider d'incarner une dissidence esthétique.
03:37 Alors, ce type était formidable.
03:39 [Musique]
03:43 [SILENCE]

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