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Deux conférences digitales de deux heures, ponctuées de « keynotes » de speakers prestigieux, de débats et de tables-rondes réunissant des experts de la finance européenne permettront de décrypter les tendances et les défis des prochains mois.

Nous évoquerons les nouveaux équilibres géopolitiques, dans un paysage mondial en totale redéfinition. Nous nous interrogerons sur les conséquences de l’inflation sur la consommation mondiale, sur les marchés obligataires et sur la solidité du système bancaire international. Nous regarderons aussi l’avenir du secteur financier : un avenir qui semble se dessiner « plus vert » et plus « techno ». Mais, concrètement, que faut-il comprendre derrière ces deux évolutions ?

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00:00 [Musique]
00:05 Eh bien me voilà avec mes débatteurs, mes trois débatteurs sur le thème de notre table ronde.
00:10 Après les faillites américaines, les banques européennes peuvent-elles être en difficulté, en danger ?
00:17 Alors à ma gauche, Camille Folle.
00:19 Donc vous avez une grande expérience dans la banque au sein du groupe Fortis et de BNP Paribas
00:25 où vous avez réalisé l'essentiel de votre carrière
00:27 et vous êtes aujourd'hui président du conseil d'administration de la Banque et Caisse d'Épargne de l'État Luxembourg,
00:34 qui est la supercaisse en abrégé, qui est une banque universelle et systémique.
00:39 À côté de vous, Étienne Barrel, vous êtes directeur général délégué de la Fédération bancaire française
00:44 qui est en quelque sorte le syndicat professionnel des banques.
00:47 Et Pierre-Charles Pradié, vous êtes d'abord économiste et doyen en horaire de l'école d'économie de la Sorbonne.
00:55 Alors merci à vous de participer à ce débat.
00:58 Première question assez concrète, je vais commencer avec vous Camille Folle,
01:02 justement parce que vous êtes président d'une banque systémique.
01:05 Est-ce qu'à un moment, on revient sur les thèmes abordés avec Christian Boissieu,
01:10 est-ce qu'à un moment au mois de mars, quand il y a eu pratiquement en même temps les faillites de ces banques américaines
01:15 et puis ensuite la défaillance du Mammouth Credit Suisse,
01:18 vous avez eu peur ? Est-ce que vous avez eu un sentiment de retour en arrière 2008 ?
01:26 Ou alors au contraire, est-ce que vous vous êtes un peu pincé le nez en disant
01:29 "Oh là là, tout ça est très loin du système bancaire de la zone euro, ça ne nous concerne pas".
01:34 Quel était votre état d'esprit ?
01:36 Je crois que le métier de banquier, c'est de gérer les risques.
01:39 Et si vous faites bien ce métier, vous savez que les zéros risques n'existent pas.
01:43 Donc chaque fois qu'il y a une crise quelque part, il faut effectivement en prendre connaissance.
01:48 Ça c'est un. De deux, les finances, c'est global.
01:51 Donc ce qui se passe à un coin du globe, ça va être transmis par la communication
01:57 et par les réseaux très vite sur les autres globes.
02:00 Donc il faut bien asseoir d'abord quelles sont les raisons des crises,
02:04 quelles sont les raisons de ces difficultés.
02:06 Ils ont été bien expliqués par le professeur de Boissieu.
02:09 Pourquoi ces banques régionales aux États-Unis, face aux remontées de taux, avaient tant de problèmes.
02:15 Et c'est alors au métier de banquier de regarder chez lui,
02:18 est-ce qu'au moins, au niveau de ce qui s'est passé,
02:22 est-ce que ce sont des risques que je maîtrise bien dans la gestion de la banque que je fais.
02:27 Donc ça c'est une chose.
02:29 Deuxième chose, c'est également que ça peut avoir des effets dominos.
02:32 Des effets dominos directs qui sont une logique et une conséquence logique.
02:38 Et des dominos indirects simplement par la réputation, par la communication,
02:43 par la réputation et par la perte de confiance de la clientèle.
02:47 Et ce sont également ces éléments-là qu'il faut gérer.
02:51 Il faut penser qu'est-ce qui peut arriver sur le continent européen,
02:56 qu'est-ce qui peut arriver ailleurs,
02:58 quelles sont les banques vulnérables à ce genre de questions.
03:02 Comment est-ce que vous gérez bien votre interest rate risk in the banking book.
03:06 Est-ce que vous le gérez bien, est-ce que vos actifs sont bien à la valeur de marché, etc.
03:11 Donc c'est ça ce qu'on regarde.
03:13 Donc je ne dirais pas qu'il ne faut pas dormir pendant la nuit,
03:16 mais il faut être alerte.
03:18 La gestion des banquiers c'est d'être alerte sur tout ce qui peut arriver.
03:22 Et donc du moment qu'il y a des perturbations de marché,
03:25 chaque banquier doit être alerte et doit voir si directement ou indirectement
03:30 il a bien géré, il a bien ce contrôle, ce qui peut se passer.
03:34 On a quand même parlé du problème de supervision aux Etats-Unis.
03:37 Est-ce que la supervision européenne, les stress tests, etc.
03:41 tout ce qu'on sait, BAL3 appliqué au Cordeau,
03:45 est-ce que tout ça nous met quand même à l'abri de mauvaises surprises
03:50 et de contagions finalement ?
03:53 Je pense qu'il y a, comme le disait Camille, plusieurs éléments.
03:57 Il y a la supervision, le gendarme.
03:59 Le gendarme fonctionne de manière sans doute plus forte en Europe
04:04 qu'il ne fonctionnait aux Etats-Unis,
04:06 puisque les défaillances, vous avez cité SVB,
04:09 avaient été vues par le superviseur en l'occurrence à San Francisco.
04:14 Il n'y avait pas eu pour autant de remédiations mises en place.
04:18 La deuxième chose, c'est le code de la route, les règles.
04:22 Et là les règles, elles s'appliquent à toutes les banques importantes en Europe
04:26 et elles s'appliquaient à une très petite part de banques aux Etats-Unis.
04:31 Et puis il y a quand même la supervision, les règles, ça ne suffit pas.
04:35 Vous avez pris l'exemple du Crédit Suisse.
04:37 Il y avait une supervision, il y avait des règles qui s'appliquaient.
04:40 Ensuite, c'est la manière dont vous gérez votre banque,
04:43 la manière dont le conducteur a bien appris et respecte correctement les règles.
04:48 Et là, les banques en France ont un modèle très diversifié,
04:54 un business model qui ne ressemble à rien à ce que l'on a pu voir aux Etats-Unis ou en Suisse.
05:01 Et c'est aussi un élément de protection, je pense, qui donne confiance.
05:05 Et comme je crois que la BCE a décidé de…
05:08 elle demande maintenant la publication hebdomadaire de l'état des liquidités.
05:12 Ça, c'est une bonne chose parce qu'on voit souvent que la crise,
05:15 elle vient par la fuite des liquidités.
05:17 C'est quand même… elle a pris cette décision suite à ce qui s'est passé au printemps.
05:21 Ça, ça ne peut que rassurer. C'est une bonne chose.
05:24 Je pense que tous les éléments qui permettent de mesurer correctement
05:28 des grandeurs importantes et la liquidité en est clairement une,
05:32 sont une chose utile si le superviseur le souhaite.
05:36 Donc là, les banques n'étaient demandeuses de rien.
05:39 Mais si le superviseur estime que c'est un élément important
05:43 et ça envoie aussi un message que cette grandeur est surveillée de près,
05:47 je pense que c'est utile.
05:49 Et on a vu également les stress tests, le résultat des stress tests qui s'est passé,
05:54 a montré que toutes les banques européennes, malgré un scénario extrêmement dur,
05:59 extrêmement défavorable, encore pire que celui que la Fed avait fait
06:03 pour son propre stress test, avaient une force et une résilience tout à fait remarquables.
06:09 Alors Pierre-Charles Pradié, l'autre jour, un grand banquier de Laplace,
06:13 c'est la formule qu'on utilise, m'a dit "oui, les banques européennes sont mieux supervisées,
06:17 mais le problème de l'Europe, c'est qu'elle est une économie moins puissante.
06:21 Est-ce que les problèmes de l'Europe pourraient venir de là ?
06:26 C'est-à-dire qu'on est dans un environnement économique, financier différent,
06:30 une économie moins puissante, les problèmes immobiliers,
06:34 on en parlait avec Christian de Boissier tout à l'heure,
06:36 est-ce que le modèle économique des banques européennes vous semble solide
06:40 ou est-ce que c'est par là qu'on pourrait venir à petites fissures ?
06:43 On vient d'évoquer les tests de résistance que l'Autorité bancaire européenne a menés au printemps,
06:48 dont les résultats ont été publiés fin juillet.
06:50 Si on les regarde d'un tout petit peu plus près, ce qu'on voit, c'est que le scénario adverse,
06:54 c'est une baisse forte du PIB en 2024 et 2025.
06:58 Et ça, ça a un effet très puissant sur, tout simplement, sur la profitabilité des banques.
07:03 Concrètement, aujourd'hui, ce qui fait que les banques ne perdent pas d'argent,
07:07 c'est que la BCE a mis en place une espèce de financement de pont
07:11 qui permet aux banques d'avoir des placements de court terme bien rémunérés.
07:16 Donc ça couvre à la fois le risque de liquidité et le problème de l'écrasement de la marge nette d'intérêt.
07:20 Mais on attend que la demande du secteur privé prenne la relève.
07:25 Il y a des signaux inquiétants du côté de l'immobilier.
07:28 Elle va plutôt ralentir, la demande du secteur privé.
07:30 Oui, mais il faut qu'elle prenne la relève quand même.
07:32 Elle a déjà ralenti.
07:35 On a moins de prêts immobiliers.
07:38 Les entreprises ont l'air de faire moins de demandes de financement.
07:43 La question, c'est quand est-ce que ça va repartir.
07:45 Ça, c'est une question purement macro.
07:47 Et ça, c'est une question de réglage du policy mix.
07:50 De fait, la Banque centrale augmente les taux pour lutter contre l'inflation.
07:55 Il faut qu'il y ait une compensation du point de vue de la politique budgétaire.
07:58 Sinon, on va avoir un problème d'atterrissage de la demande qui va poser des problèmes aussi aux banques.
08:02 Bon, et puis il y a des problèmes, peut-être un peu plus long terme, sur le modèle économique des banques
08:07 qui sont liés au fait que, par exemple, si on rouvrait dans l'opinion la question de la rémunération des comptes bancaires,
08:12 question qui n'était pas posée quand les taux étaient bas,
08:14 je ne suis pas sûr que ce serait très intéressant pour les déposants,
08:17 mais je suis sûr que ce serait très problématique pour tout le monde.
08:20 D'ailleurs, en fait, aux États-Unis, ce qu'on a oublié de dire, c'est que la cause de la faillite de SVB,
08:24 c'est quand même que SVB a dû augmenter les taux qu'elle versait aux déposants.
08:29 Pour retenir la liquidité.
08:31 Voilà, pour retenir les déposants qui allaient au plus haut franc.
08:34 Et que finalement, c'est ça qui les a plombés.
08:37 Est-ce qu'il y a un problème de modèle économique des banques européennes,
08:40 effectivement, le coût de la ressource qui augmente, mais qui pourrait augmenter plus
08:44 s'il y avait tout d'un coup une revendication sur la rémunération des dépôts ?
08:47 Est-ce qu'il y a des fragilités à ce niveau-là ?
08:49 Je pense que, justement, le modèle économique est très différent en France et en Europe.
08:53 Je parlais pour la France, et Camille sûrement pour Luxembourg connaît très bien.
08:58 On n'est pas du tout dans la situation américaine.
09:00 Et je pense à plusieurs degrés.
09:03 D'abord, le modèle européen et français, c'est un modèle de banque relationnelle universelle.
09:09 C'est-à-dire que vous ne changez pas de banque pour un point de base ou deux points de base
09:13 de rémunération des dépôts.
09:15 D'abord, en France, il y a une épargne réglementée, rémunérée importante.
09:19 Le Livret A, le Livret de développement durable et solidaire, le Livret d'épargne populaire.
09:24 Ce sont des modes de rémunération importants de l'épargne sécurisée, liquide,
09:30 qui, d'une certaine manière, alors qu'il n'y a pas de rémunération des dépôts,
09:34 font quand même que les dépôts des épargnants sont à la fois sûrs et bien rémunérés.
09:40 La deuxième chose, c'est que, quand on regarde ce que vous faites avec votre banque,
09:46 vous gérez votre épargne, vous faites des crédits, vous faites de l'assurance-vie,
09:51 vous assurez votre maison, vous assurez votre voiture, vous faites de la protection pour l'avenir.
09:56 Vous avez un certain nombre de services qui font que...
10:00 - Vous tiens le client.
10:01 - Voilà. Vous avez, tout au long de votre vie en général, beaucoup de phases.
10:06 Et vous pouvez changer de banque. Et ça se passe tout à fait.
10:09 Mais on remarque qu'il y a un vrai suivi dans la durée du client.
10:14 Et puis, la dernière chose peut-être sur l'immobilier, c'est que la situation là aussi est très différente.
10:18 En France, vous ne prêtez pas en fonction de la valeur de votre appartement ou de votre maison.
10:24 Vous prêtez en fonction de la valeur de vos revenus.
10:26 Et ça, ça fait une énorme différence.
10:28 Quand le marché de l'immobilier, on en parlait tout à l'heure,
10:31 le professeur François de Boissieu disait « il pourrait y avoir une crise immobilière »,
10:34 la sécurité n'est pas dans le fait qu'il y a une hypothèque.
10:38 La sécurité vient du fait qu'on vous a prêté avec à peu près un tiers de vos revenus maximum.
10:44 Et ce qui fait que, tant que vous pouvez rembourser, quelle que soit la valeur de votre actif,
10:49 eh bien, vous remboursez votre banque.
10:51 Et donc, c'est des taux de défaut extrêmement faibles,
10:54 même lorsque la valeur peut temporairement baisser pour le bien immobilier.
10:58 Je ne sais pas si vous voulez rajouter quelque chose ?
11:00 Je crois que dans chaque scénario, il y a des banques qui doivent repenser le modèle d'entreprise,
11:05 comment est-ce qu'on gagne de l'argent et comment est-ce qu'on crée une valeur jetée.
11:09 L'économie est une somme de valeur jetée.
11:11 Une banque doit créer une valeur jetée dans ce qu'elle fait.
11:13 C'était le moment où on avait hanté zéro au taux.
11:17 Donc, les banques ont dû revoir quelles sont maintenant des valeurs jetées qu'on peut offrir aux clients.
11:23 La proximité, le conseil, comment on peut effectivement utiliser les différents services de bancaire
11:31 dans la gestion des risques et dans la planification, dans la planification moyenne, long terme.
11:36 À nouveau, avec un environnement de taux qui est tout de même beaucoup plus élevé,
11:41 avec un environnement d'inflation qui est également encore très élevé,
11:45 c'est aux banques maintenant de voir à ce moment-là quels sont des éléments de services à valeur jetée
11:52 qu'elles peuvent offrir au niveau des clients.
11:54 On a parlé du service prêt immobilier.
11:57 Effectivement, en Europe, les banques prêtent contre la capacité de remboursement.
12:02 Et la capacité de remboursement, c'est le revenu, moins les charges qui sont de toute façon les charges de base.
12:08 Donc, il reste une capacité de remboursement.
12:11 Au Luxembourg, on a fait encore, on susse maintenant un stress test si jamais les taux augmentent.
12:17 Est-ce que les clients ont encore à même de rembourser?
12:20 Mais d'un autre côté, si vous avez une inflation très importante,
12:23 est-ce que cette capacité de remboursement peut être maintenue?
12:29 Donc, tous ces éléments-là, il faut les gérer constamment.
12:32 Et c'est pourquoi je ne dirais pas « oui, mais » mais je dirais qu'il y a certains éléments qui demandent des ajustements,
12:39 il y aura d'autres qui demandent de nouvelles opportunités.
12:44 Le financement de la transition écologique, le financement de la transition énergétique,
12:50 c'est également un élément très important pour l'économie européenne.
12:54 Les banques ne peuvent pas, elles seules, le faire.
12:56 Il faut avoir, et la ministre des Finances l'a bien dit ce matin,
13:00 il faut avoir un marché des capitaux européens pour financer cet effort colossal.
13:06 Les banques ne peuvent pas le faire, mais les banques doivent s'impliquer à ce dégât-là
13:11 pour offrir une valeur ajoutée, que ce soit aux entreprises, que ce soit aux particuliers,
13:16 que ce soit au secteur public, dans la transition.
13:19 Et ce sont des modèles qui, surtout pour des marchés qui sont des marchés matures,
13:25 peuvent devenir également de nouvelles initiatives, produits, services qui sont porteurs
13:33 et qui peuvent à nouveau renforcer la valeur ajoutée de la banque.
13:37 La transition fait justement la transition.
13:38 Il y a une question que je me posais sur les nouveaux risques qui peuvent surgir.
13:43 Est-ce que, par exemple, l'activisme, le "see on climate", les ONG,
13:48 qui peuvent perturber des âgés de banque, mais pas seulement des âgés,
13:53 qui peuvent perturber la vie des banques,
13:55 est-ce que ça peut être un risque pour la stabilité d'une banque ?
14:01 On part après sur les réseaux sociaux, des fake news ou des chiffres qui…
14:06 Est-ce qu'il faut réagir différemment à ce nouvel environnement ?
14:12 Je pense qu'il faut être lucide, et vous avez raison.
14:15 Le risque réputationnel est un risque important.
14:19 Et dans ce risque réputationnel, vous avez des risques sur la solidité,
14:23 on l'a vu dans les exemples que vous donniez.
14:25 Vous avez aussi des risques sur votre comportement, tel qu'il est perçu,
14:29 soit par les ONG, soit par des gouvernants, soit par des clients.
14:33 Et il peut y avoir des conséquences pour votre propre solidité.
14:37 Et c'est pour ça que les banques le prennent très au sérieux.
14:41 Et très au sérieux en étant des éléments et des acteurs importants de cette transition.
14:47 C'est-à-dire que les banques sont dans un double rôle,
14:51 à la fois d'aider leurs clients à faire cette transition,
14:55 c'est-à-dire qu'elles le financent, que ce soit les entreprises, les ménages,
15:00 de l'isolation chez vous pour changer votre voiture,
15:03 pour les entreprises pour changer votre process de production,
15:06 et que ce soit moins carboné.
15:08 Et en même temps, de le faire de manière progressive.
15:12 C'est-à-dire que beaucoup d'activistes ou d'ONG souhaitent passer du monde tel qu'il est aujourd'hui
15:19 à un monde totalement décarboné immédiatement.
15:22 Et ce n'est pas possible, ce n'est pas comme ça que vous allez embarquer
15:26 tous les ménages, toutes les entreprises de manière inclusive.
15:29 Et donc, cette transition prend un peu de temps,
15:32 mais ce n'est pas parce qu'elle prend du temps qu'elle ne commence pas
15:35 et que les banques ne sont pas très déterminées là-dedans.
15:37 - Les activistes ont quand même les banquiers dans le nez, ou la finance dans le nez.
15:41 - Si je peux être un tout petit peu provocateur sur le sujet,
15:44 les activistes, ils ne vont pas embêter la banque postale.
15:46 Alors que la banque postale, elle finance comme les autres.
15:49 Ils vont embêter les banques cotées.
15:51 - Ah, c'est quand même étonnant.
15:53 Donc, concrètement, ils obligent les banques cotées à faire des efforts supplémentaires.
15:57 De la même façon que les pirates informatiques,
16:00 ils vont plutôt attaquer les banques qui vont pouvoir rensonner ensuite.
16:03 - Justement, sur les nouveaux risques, vous me parliez, vous, du risque cyber.
16:09 - Oui, oui, mais bon...
16:12 - Pour vous, où sont les nouveaux risques ?
16:14 - C'est un risque émergent, mais il n'est plus très nouveau.
16:17 Mais on sait que les hôpitaux, les tribunaux, les écoles se font attaquer tous les jours en France.
16:21 Les banques aussi.
16:22 La différence, c'est que les hôpitaux, ils sont obligés de payer les rançons
16:24 parce qu'ils ne savent pas se défendre.
16:26 Alors que si une banque dans l'Union européenne
16:29 devenait la cible d'une attaque réussie, on le saurait instantanément.
16:33 Parce que les clients qui se connectent à tous les instants
16:35 pour vérifier le contenu de leur compte, le sauraient.
16:38 Pour l'instant, on n'a rien vu.
16:39 Ce qui prouve que les banques se sont bien défendues.
16:41 Alors, je ne veux pas dire que la forteresse banque est imprenable.
16:46 Mais je pense qu'elles ont bien joué le coup.
16:48 - Parce que moi, j'essaie d'exprimer.
16:50 - C'est un cadre normatif également.
16:51 On va avoir au niveau de la Banque centrale, un stress test sur le sale risque en 2024.
16:57 Nous avons tout le contexte d'Aura qui va se mettre en place
17:01 pour voir notamment comment la banque est organisée opérationnellement,
17:05 mais également en gouvernance et en scénario de fallback
17:09 pour pouvoir assurer une certaine résilience par rapport à ces attaques-là.
17:14 Donc, c'est un cadre normatif qui devient très occupé, je crois, du risque du cyber.
17:20 Et comme les finances sont interconnectées, c'est un sérieux risque
17:25 si jamais effectivement ce risque est mal géré.
17:28 Si on le gère bien, on peut le gérer, zéro risque n'existe pas.
17:32 Mais il faut l'attaquer, il faut investir,
17:35 il faut avoir une vue sur les différentes facettes de ce risque pour bien le voir.
17:40 - Et l'euro digital, est-ce que c'est quelque chose qui pourrait fragiliser les monnaies digitales,
17:46 fragiliser les systèmes financiers ?
17:48 Comment vous sentez cette émergence potentielle ?
17:54 - L'euro digital est un projet mené par la Banque centrale européenne
17:59 et très différent des stable coins privés qui peuvent exister.
18:04 Pour nous, en tant que Banque française, on est interrogatif sur l'euro digital.
18:08 C'est-à-dire qu'on ne perçoit pas immédiatement quelle est la valeur ajoutée
18:14 qu'il pourrait donner par rapport à ce qui existe aujourd'hui dans votre téléphone portable
18:19 pour payer de manière complètement démétérialisée, immédiate.
18:24 Il y a en plus des projets comme Europe Payment Initiative
18:28 qui sont des projets européens qui permettent de se passer de schémes américains
18:34 pour aller payer à travers l'Europe.
18:37 Donc à ce stade, on a plutôt des questions que des réponses directes
18:44 sur l'euro digital et son utilité.
18:47 - Si je puis me permettre, si on peut faire un petit détour outre-Atlantique,
18:52 parce que ça permet de comprendre un peu les rapports de force et les questions qui se posent.
18:56 Aux États-Unis, il y a 25 États dans lesquels il y a des projets de loi
18:59 qui ont été déposés pour interdire l'utilisation d'une monnaie numérique du Banque centrale.
19:03 C'est assez étonnant.
19:05 D'autant plus que c'est les États républicains qui d'habitude sont très laissez-faire.
19:09 Et là, on veut interdire une monnaie numérique du Banque centrale.
19:12 Ce n'est pas un secret que ceux qui ont déposé les projets,
19:15 c'est le fauné des opérateurs de paiement.
19:17 Parce qu'aux États-Unis, il y a des opérateurs de paiement
19:20 qui sont pour l'essentiel des entreprises privées,
19:23 qui pour l'essentiel gagnent beaucoup d'argent
19:25 et qui auraient un petit problème de modèle économique
19:27 s'il y avait une solution de paiement fiable et de fait soutenue par la Banque centrale.
19:32 En Europe, ce n'est pas exactement le cas dans les mêmes termes.
19:35 Mais c'est vrai que je comprends que les banques considèrent
19:39 qu'il n'y a pas besoin d'une monnaie numérique
19:41 dans la mesure où on a déjà un système de paiement qui fonctionne bien.
19:44 Néanmoins, on voit le potentiel qu'il y a dans le fait d'avoir un opérateur de paiement unique
19:51 qui offrirait une espèce de service minimal.
19:55 Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui en France,
19:58 si on prend l'exemple français, qui est-ce qui offre le service minimal ?
20:01 C'est la Banque postale.
20:03 La Banque postale, ça fait deux fois plus la cité.
20:05 Oui, mais parce que qu'est-ce que c'est la conséquence d'offrir le service minimal ?
20:07 C'est que vous avez les clients qui n'intéressent personne.
20:10 Si je peux me permettre.
20:12 L'ensemble des banques propose, au-delà de la Banque postale,
20:15 qui est un service spécifique, si je peux dire, d'accessibilité bancaire,
20:20 l'ensemble des banques propose une formule pour les clients les plus fragiles
20:24 avec des frais extrêmement limités, l'impossibilité de passer en négatif
20:30 et donc on ne paye pas d'ajout, et ainsi de suite.
20:33 Donc il y a vraiment une offre, quelles que soient les banques,
20:36 qui permet d'accueillir des publics fragiles,
20:39 et ils ne sont pas tous à la Banque postale en France.
20:42 Peut-être un mot sur l'eurodigital pour finir.
20:46 Je pense qu'aux États-Unis, il y a une vraie question de population qu'on dit "underbanked",
20:52 c'est-à-dire une grande part de la population américaine n'a pas accès au compte bancaire
20:56 parce que justement il n'y a pas ce système d'offres pas chères
21:01 qui permet à chacun d'avoir son compte.
21:04 Ce n'est absolument pas le cas en France où 99% de la population a son compte bancaire
21:11 et je suis sûr que c'est le cas également par exemple au Luxembourg.
21:16 Pour revenir sur le thème de la conférence générale vers de nouveaux équilibres,
21:21 on a presque le sentiment que tout ce qui s'est passé en mars
21:25 et qui a pu faire peur à un moment, n'a pas bousculé profondément le système financier
21:32 qui continue sa vie et en fait ça n'a pas été déséquilibré.
21:37 Je ne dirais pas parce que ça a tout de même mis en relief qu'il y a des risques
21:42 et qu'il faut regarder les risques d'une façon beaucoup plus sérieuse.
21:46 Je crois que c'est les "interest rates" que vous avez vus,
21:49 que la Banque centrale regarde et dans un souci de transparence
21:53 et la transparence sert également à bien gérer toute la réputation.
21:58 Donc avec la transparence, elle indique comment les banques gèrent ces risques.
22:02 Deuxièmement, ce qu'on a vu également,
22:04 que le retrait de liquidité va avec une vitesse extraordinaire.
22:10 Il y a 15, 15, 15 années, on n'a pas vu.
22:14 Donc là, est-ce qu'il faut revoir certains cadres normatifs au niveau de la gestion de liquidité
22:22 sur la qualité de ces liquidités, sur la concentration de ces liquidités,
22:27 sur la durée du "outflow" qui est aujourd'hui encore assez longue.
22:32 Et alors comment est-ce qu'on peut mettre là un cadre normatif éventuellement adapté.
22:37 Je crois que ce sont des discussions.
22:39 Je ne dirais pas que la crise maintenant pour les banques régionales de Mars n'a eu aucun effet.
22:47 Il y a eu des effets, pas maintenant directs qu'il y a autant de banques qui sont entrées dans des difficultés,
22:53 mais ça aura un impact certain sur la gestion, sur les cadres de gestion,
23:00 que ce soit interne dans la banque, qu'on se fait, je peux vous dire chez nous,
23:04 on a regardé d'autres éléments qu'on n'avait pas regardé auparavant,
23:08 que ce soit maintenant au régulateur, que ce soit également dans la prise de conscience à l'externe.
23:14 Je crois que les banques, où les risques de réputation sont tellement grands,
23:18 et on le voit avec l'activisme, les banques doivent mieux encore expliquer le modèle d'entreprise.
23:25 On explique le modèle d'entreprise, est-ce qu'il est connu par tout le monde,
23:29 est-ce qu'on compare encore les banques avec les requins à Haïda, de Wall Street.
23:34 Donc à cet égard-là, les banques doivent faire un effort très important de communication sur le modèle d'entreprise,
23:41 la vraie valeur ajoutée que les banques apportent au niveau de l'économie.
23:46 Vous avez parlé de ESG, écologie, etc. Je crois que si vous regardez la taxonomie,
23:52 si vous regardez les ratios qui en découlent, le GAR, le TAR, voilà, bonne chance si vous réussissez à expliquer à quelqu'un,
24:00 en disant demi-heure, à quelqu'un qui est de l'intérieur. Je peux vous dire, ça c'est impossible.
24:06 Et donc c'est ces efforts-là que nous devons faire pour rebâtir cette confiance et non pas parce que les gens regardent
24:14 les communications des banques seulement comme des messages marketing qui sont très fragiles et très artificiels.
24:21 Et est-ce qu'il y a plus qu'il y a 15 ans quand même, je reviens à une question sur les banques centrales,
24:25 ce sentiment que les banques centrales seront toujours là pour sauver parce qu'on ne peut pas se permettre à nouveau
24:30 Lehman Brothers, Too Big Too Fell, etc. Est-ce qu'une partie de la confiance qui ne quitte pas le système financier
24:38 est liée au fait qu'on peut se reposer, on se dit maintenant mais les banques centrales sont toujours là ?
24:45 Non, non. Je pense que la confiance tient à ce que vient de dire Camille avec ses mots, je dirais avec d'autres mots,
24:53 c'est au fait que les banques sont utiles, que les banques sont là pour servir l'économie et que la manière dont elles le servent
25:00 est compréhensible et que l'effort pédagogique que l'on doit faire a été un cran plus loin et que les personnes voient
25:09 à la fois comment ça fonctionne et comment derrière les banques sont utiles pour faire en sorte que la transition écologique,
25:17 la transition numérique, la transition sociétale se fasse dans de bonnes conditions. Et je pense que c'est ça qui est le plus protecteur
25:27 plutôt que de dire il y aura toujours en dernier ressort X ou Y, un état, une banque centrale. Je crois qu'il faut faire attention.
25:35 Peut-être le dernier point, la réglementation pour moi n'a pas été modifiée, c'est-à-dire que là on a la dernière transposition de balles
25:44 qui est en train d'arriver en Europe, qui donne un cadre qui convient bien même dans le cadre des événements que vous citiez au mois de mars.
25:53 Là où il faut faire attention, c'est la manière dont la supervision est mise en place et dont elle veille à ce que cette réglementation soit bien appliquée.
26:01 Monsieur Pradier.
26:02 Justement, on a l'impression qu'il faut venir au secours des banques parce que les pauvres nous font une crise financière tous les 15 ans.
26:08 Qui a sauvé l'économie française il y a deux ans pendant la Covid ?
26:12 L'État.
26:13 Oui, enfin si on veut, parce que certes l'État a garanti les prêts que les banques donnaient, certes l'État a minimisé le chômage partiel,
26:20 mais les prêts garantis par l'État, ce sont les banques qui les ont faits.
26:23 Et si on a utilisé les banques, c'est pas parce qu'il fallait leur donner du boulot, c'est parce que les banques savent à qui il faut prêter.
26:28 C'est ça leur expertise. Et de fait, elles ont su distribuer au compte-gouttes une aide qu'on n'allait pas déverser avec des seaux parce que c'était pas possible.
26:37 Et de la même façon, quand il va falloir préparer la transition, certes les banques vont pas faire les financements toutes seules,
26:42 mais quand il va falloir donner aux particuliers des prêts pour rénover leurs habitations, donner aux PME des prêts pour convertir leur mode d'utilisation de l'énergie ou leur flotte automobile, etc.
26:51 À qui valent les banques ? Et donc c'est pas seulement l'État ou la Banque centrale qui sauve les banques quand les banques en ont besoin.
26:58 Non, mais c'est pas seulement qu'elles se sauvent elles-mêmes, c'est qu'elles sauvent aussi les entreprises.
27:02 C'est-à-dire qu'elles font partie du modèle économique et social européen, qui est qu'on laisse pas les forces aveugles du marché aller dans le décor,
27:11 parce que, de fait, les banques c'est ce qui amène le crédit au plus près de là où on en a besoin pour y compris passer les crises économiques.
27:19 Parce que toutes les crises ne sont pas financières. Voilà.
27:22 Le mot d'affin ?
27:24 Le cadre normatif qui a été imposé aux banques et que les banques suivent est toujours tout éthique.
27:29 Nous avons aujourd'hui, et le test l'a montré bien, nous avons un coussin de capital en Core Tier 1 qui est à disposition pour faire face à des chocs.
27:39 Des chocs de -6% en conjoncture, augmentation du chômage, augmentation de l'inflation, taux d'intérêt et réduction de la valeur de l'immobilier.
27:50 Donc on a vu que ce coussin de capital qui était nécessaire pour en faire en sorte qu'après ce stress test des crises,
27:59 il y a tout de même encore la moyenne des banques qui se sont tout de même très bien sorties et sorties très honorablement.
28:06 Ça fait plus de 480 milliards, je crois, de ce coussin de capital qui est là et qui a été augmenté depuis 2014.
28:15 Donc depuis l'Union bancaire européenne, on a mis la barre beaucoup plus haute.
28:19 Ce qui fait également que c'est un capital que les banques doivent rémunérer.
28:23 Ils doivent rémunérer à l'auctionnaire.
28:25 Et donc la citation que vous avez dite, nous sommes dans un marché, parce que le marché est tellement porteur pour rémunérer bien ce capital.
28:34 Ce sera également un grand défi de modèle d'entreprise pour demain.
28:39 [Musique]

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