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Deux conférences digitales de deux heures, ponctuées de « keynotes » de speakers prestigieux, de débats et de tables-rondes réunissant des experts de la finance européenne permettront de décrypter les tendances et les défis des prochains mois.

Nous évoquerons les nouveaux équilibres géopolitiques, dans un paysage mondial en totale redéfinition. Nous nous interrogerons sur les conséquences de l’inflation sur la consommation mondiale, sur les marchés obligataires et sur la solidité du système bancaire international. Nous regarderons aussi l’avenir du secteur financier : un avenir qui semble se dessiner « plus vert » et plus « techno ». Mais, concrètement, que faut-il comprendre derrière ces deux évolutions ?

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00:00 [Musique]
00:05 +3,8°C par rapport à l'air pré-industriel.
00:09 C'est la hausse que devraient connaître les températures en France d'ici à 2100
00:13 selon une étude du CNRS et de Météo France.
00:16 Un chiffre nettement supérieur à l'objectif de 1,5°C fixé par l'accord de Paris en 2015.
00:23 L'accord de Paris pour le climat est accepté.
00:27 Selon le dernier rapport du GIEC, 8% des terres agricoles actuelles
00:31 deviendront climatiquement inadaptées d'ici à la fin du siècle.
00:36 Les experts du GIEC estiment que les pertes de récolte liées aux sécheresses et aux canicules
00:41 ont triplé ces 50 dernières années en Europe.
00:45 Face à l'urgence climatique et portée par un cadre réglementaire renforcé,
00:50 les enjeux ESG sont devenus incontournables dans le monde de la finance.
00:55 Au premier trimestre, 150 milliards d'euros de nouvelles obligations vertes ont été placés dans le monde,
01:01 soit 32% de plus qu'à la même période en 2022.
01:05 Selon l'Association française de la gestion financière, en 2023,
01:09 la moitié des actifs gérés est en gestion durable.
01:13 Des chiffres encourageants, mais insuffisants selon le groupe de recherche InfluenceMap.
01:18 D'après l'ONG, 95% des portefeuilles des 45 gérants d'actifs mondiaux les plus importants
01:24 ne seraient pas alignés avec l'objectif d'une neutralité carbone d'ici à 2050.
01:29 En cause notamment, une disparité entre les stratégies adoptées par les gérants au niveau mondial
01:35 et une certaine défiance vis-à-vis des messages pro-ESG.
01:39 En juin dernier, Larry Fink, patron de BlackRock, a d'ailleurs annoncé qu'il n'utilisera plus le terme ESG,
01:45 qu'il trouve trop politisé.
01:47 Bonjour à tous, je suis ravie d'entamer cette séquence dédiée à la finance durable
01:52 avec mes trois invités que je vais m'empresser de vous présenter.
01:56 Jean-Jacques Barberis, vous êtes directeur du pôle client institutionnel et corporate ESG chez Amundi.
02:02 Anne-Catherine Husson-Traoré, vous êtes la directrice générale de Novetic.
02:06 Bonjour, merci d'être avec nous.
02:08 Et Nathalie Wallace, vous êtes Global Head Sustainable Investment chez Natexis IM.
02:12 Bonjour également.
02:13 Merci à tous les trois d'être ici pour évoquer la finance verte, la finance durable,
02:18 les termes chacun choisit celui qu'il préfère.
02:21 Nous sommes deux ans après le pacte de Glasgow conclu dans le cadre de la COP26,
02:27 qui avait laissé quand même un goût amer à beaucoup d'observateurs,
02:31 beaucoup d'États participants.
02:33 Ça va un petit peu accoucher d'une souris selon certains.
02:36 J'ai déjà envie de vous demander quels avancées on a pu voir en matière de finance durable,
02:41 et même plus globalement, le prix de conscience sur ces enjeux ESG en deux ans.
02:46 Est-ce qu'on tient toujours le rythme ? Vous peut-être déjà pour commencer Anne-Catherine.
02:51 Alors finalement, on peut dire que Glasgow a été le point culminant d'un mouvement
02:55 qui s'est amorcé en 2015, qui a fait du secteur financier finalement le leader de la prise en compte,
03:03 en particulier du changement climatique dans tous les modèles financiers,
03:07 et surtout des engagements climat.
03:09 C'est-à-dire qu'il y a eu vraiment un mouvement global d'investisseurs,
03:13 qui progressivement, au départ, annonçaient qu'ils sortaient du charbon,
03:16 ensuite annonçaient qu'ils voulaient avoir des portefeuilles avec moins de temps d'émission de CO2,
03:20 et puis petit à petit, neutralité carbone.
03:22 Et en fait, ça a culminé à Glasgow, parce que là, il y a eu ce fameux pacte de Glasgow,
03:27 lancé par Marc Carnet, qui était signé en gros par la Terre entière financière,
03:31 et qui annonçait que du coup, des dizaines de millions de milliards étaient en train d'être décarbonés.
03:37 Et en fait, le backlash est arrivé tout de suite,
03:39 puisque finalement, ça a été le point d'ordre de ce qu'on appelle les engagements climat,
03:44 puisque la question, c'était de dire, mais finalement, vous en êtes comptable.
03:47 C'est-à-dire, est-ce que finalement, tous ces engagements ont produit,
03:50 dans la réalité des émissions de CO2, une réduction drastique ?
03:54 Est-ce que ça a suffi à faire pression sur les plus grands émetteurs ?
03:58 Il y a un mouvement, par exemple, de coalition, qui s'appelle Climate Action 100+,
04:02 qui rassemble tous les grands investisseurs ayant pris des engagements climat,
04:05 et dont l'objectif est clairement de faire réduire drastiquement les émissions de CO2
04:10 des plus gros émetteurs mondiaux.
04:11 Et ça, ça n'a pas marché.
04:12 Eux-mêmes l'ont reconnu.
04:13 Ça a été lancé en 2017, et en 2022, ils ont admis qu'au mieux,
04:17 ils avaient obtenu des engagements climat des entreprises,
04:20 mais pas la réduction drastique dont on a besoin.
04:22 Donc, c'est vrai qu'on est sur à la fois un paradoxe, finalement,
04:26 et on va y revenir, j'imagine, sur le fait que la finance durable,
04:28 la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance,
04:31 est revendue un peu partout, en tout cas dans la finance, on va dire, occidentale,
04:35 en particulier aux États-Unis et en Europe.
04:37 En revanche, sa capacité transformationnelle,
04:40 telle qu'on aimerait qu'elle se passe, en particulier sur le climat, mais pas que,
04:43 alors ça, aujourd'hui, on est vraiment dans un...
04:47 Ça montre ses limites.
04:48 Et ça montre d'autant plus ses limites que les énergies fossiles,
04:51 ayant repris de très bonnes couleurs sur le plan des marchés,
04:55 globalement, des gens qui ne regardent que leur performance financière
04:59 et pas forcément leur performance environnementale et sociale,
05:02 commencent à remettre en cause, et en plus, dans le cas des Américains,
05:05 et on peut nommer BlackRock, la pression phénoménale des États républicains
05:10 sur le fait d'arrêter de prendre des engagements climat.
05:12 Donc, d'arrêter de limiter son exposition aux énergies fossiles
05:16 fait qu'il y a un recul.
05:17 Alors, on n'est pas revenus à la même place,
05:19 mais c'est vrai qu'il y a des inquiétudes à avoir sur la capacité de ce mouvement
05:23 à transformer l'économie radicalement et à décarboner massivement l'économie.
05:27 Jacques Berbéry, je vous voyais haucher de la tête au propos d'Anne Catherine du Centre AORÉ.
05:31 Vous êtes d'accord ? Est-ce qu'on a finalement là une phase un peu de dessoufflement,
05:36 de stagnation ? Je ne sais pas comment vous la qualifieriez.
05:38 Je ne sais pas si je la qualifierais de stagnation, mais pour revenir à ce que disait Anne Catherine,
05:41 je pense que ce qui est très important d'avoir en tête,
05:44 c'est qu'il faut se rappeler quel est l'objectif qui est à la fin d'essayer de décarboner les économies
05:48 et pas seulement de décarboner les portefeuilles financiers.
05:51 D'une certaine manière, c'est beaucoup plus facile de décarboner les portefeuilles
05:54 que de décarboner l'économie.
05:55 Je pense qu'il faut toujours rappeler que le secteur financier, c'est d'abord un levier,
05:59 c'est d'abord un outil, mais au service d'une ambition qui est plus globale
06:02 et qui engage tous les secteurs.
06:04 Et d'une certaine manière, si certains ont pu croire que c'était le secteur financier
06:07 qui a lui tout seul, à l'aide du fait de son rôle,
06:10 transformé la totalité de l'économie réelle via son action,
06:13 je pense que là, de facto, c'est une vision qui était très optimiste.
06:16 Néanmoins, si on essaie de voir un tout petit peu aussi une partie du verre
06:20 qui est un petit peu plus plein, la question que vous posez
06:24 et qui est de savoir aujourd'hui, est-ce qu'il y a une pause
06:27 ou est-ce qu'il y a en effet des oppositions, Nicolas le disait tout à l'heure,
06:30 qui se manifestent, je pense que oui.
06:32 Et je pense que c'est pour une bonne raison, si vous me passez l'expression,
06:35 c'est parce que ça commence à mordre.
06:37 C'est-à-dire, si l'intégration de ces questions dans les investissements
06:41 ne produisait pas d'effet, si elle n'avait pas d'effet sur les valorisations,
06:45 si elle n'avait pas d'effet sur le coût de financement des entreprises,
06:49 d'une certaine manière, les oppositions ne se réveilleraient pas.
06:52 Si on n'aboutissait pas de plus en plus à exclure certaines valeurs des portefeuilles,
06:57 vous ne verriez pas certains États républicains, typiquement,
07:00 qui accueillent certaines des activités en question, se réveiller
07:04 et d'ailleurs légitimement manifester une opposition très clairement politique
07:08 à ce projet de transformation.
07:10 Donc le fait qu'aujourd'hui, on atteigne un moment de questionnement un peu fort,
07:15 je pense qu'il correspond aussi au fait que l'action qui a commencé
07:20 à être engagée depuis Glasgow, qui n'est pas suffisante,
07:23 je pense qu'on sera tous d'accord, elle commence à produire des effets.
07:26 Et en fait, je pense qu'aujourd'hui, la question de la finance verte,
07:29 elle est un peu prise dans un étau, ça peut être douloureux, un étau,
07:34 mais en tout cas, qui est d'un côté, comme elle commence à produire des effets,
07:38 elle réveille des oppositions, et donc vous avez de plus en plus de gens
07:42 qui s'y opposent, d'une certaine manière, et de l'autre côté,
07:45 toute une autre partie des opinions, des stakeholders,
07:49 comme on dit en mots français, qui lui demandent d'aller plus vite.
07:52 Et donc on voit bien qu'on est exactement sur une ligne de crête en ce moment,
07:55 qui explique probablement, non pas ce moment de pause de mon point de vue,
07:59 mais un moment où en fait, comme on commence à faire vraiment les choses
08:04 en profondeur et produisant des effets, pas assez vite ceci étant dit,
08:08 mécaniquement, on aboutit à ce moment-là où les oppositions se cristallisent.
08:12 Nathalie Bolas, vous êtes d'accord avec cette analyse ?
08:15 On commence à avoir des dessins encourageants.
08:17 Alors, desssins encourageants, moi je rebondis sur ce qui a été dit,
08:22 et je suis entièrement d'accord qu'on atteint la réalité,
08:25 le cœur du réacteur, si je peux me permettre.
08:28 Donc, le constat, nous sommes 30 ans en retard, soyons clairs.
08:33 On aurait dû avoir ce genre de conversation il y a 30 ans, on n'y est pas.
08:37 Deuxième point, et je rebondis sur exactement ce point,
08:40 c'est-à-dire que l'EVG est devenu mainstream.
08:44 Je caricature...
08:46 Je crois que je crois que je peux dire exactement.
08:48 Voilà, et donc, comme c'est devenu mainstream,
08:51 certains des partis qui pourraient opposer ce genre d'intégration,
08:56 de considération, je dirais, qu'ils considèrent non financière, ont émergé.
09:02 Ce qui est très bien, ça veut dire que, comme vous l'avez dit,
09:06 c'est devenu un sujet de débat politique, surtout aux États-Unis.
09:11 Ceci étant dit, il faut faire attention à tout ordre de grandeur.
09:16 Si je prends juste les États-Unis comme exemple,
09:19 aujourd'hui, 1 500 milliards de dollars se sont engagés sur,
09:27 et surtout après la COP 21, sur des critères climat.
09:33 Donc, ont commencé à non seulement faire des allocations pour la transition,
09:38 mais également à regarder comment s'engager dans des actions de décarbonation.
09:44 Ceci étant dit, sans regarder ou sans utiliser l'outil de divestment,
09:51 de réduire les portefeuilles par rapport au secteur.
09:55 Et ça, c'est très important.
09:56 Ils ont souligné que l'engagement, au travers de coalitions d'investisseurs,
10:02 mais surtout en étant une pression sur les sociétés en portefeuille,
10:06 était la voie.
10:08 Avec les limites qu'on connaît à ce genre de projet,
10:14 surtout dans un environnement où le secteur, comme Christine l'a dit,
10:19 a été bien évidemment encouragé à dépenser plus ou à investir plus,
10:24 vu les cours du pétrole.
10:27 1 500 milliards, c'est comparer ça à 300 milliards que représentent les États républicains
10:33 qui sont en opposition à ce genre d'engagement.
10:36 – Il ne faut pas mettre la loupe non plus sur ce phénomène-là.
10:39 – Voilà, donc il y a un effet médiatique, un effet politique qui est là, clairement.
10:42 Mais quand on regarde la réalité, je dirais financière celle-ci,
10:45 ensuite deuxième point, quand on regarde la réalité économique,
10:48 même un État comme le Texas est au même niveau que la Californie
10:53 dans le pourcentage d'énergie renouvelable dans son système.
10:57 Vous voyez bien qu'au niveau économique, la voie est toute tracée,
11:01 elle est en train d'arriver, la transition est là, sur le terrain.
11:06 Et donc nous, en tant que financiers et au travers de nos affiliés,
11:10 c'est d'accompagner cette transition, de regarder à 10 ans,
11:15 comme nous sommes des gérants actifs, à 10 ans, quel sera l'environnement
11:19 et comment participer dans cette transition.
11:22 La finance pourrait être durable et elle est en train de le devenir de plus en plus,
11:26 c'est ce que j'entends et on a envie de retenir le positif de ces échanges.
11:30 Elle a aussi besoin d'outils, alors il y a des dispositifs comme le SBTI,
11:35 qui accompagne un peu les entreprises vers ce chemin-là.
11:39 Il y a des labels, des indices, du scoring, etc.
11:42 pour les aider à faire les bons choix avec des produits plutôt EG-compliant,
11:46 en rond français. Anne-Catherine, du Centre AORE,
11:50 est-ce que ces outils ont le mérite d'exister ?
11:53 Est-ce que selon vous, ils sont suffisants pour aller encore plus loin ?
11:57 Alors en fait, ce qui est important, c'est justement, on est dans le Far West finalement.
12:02 C'est-à-dire que Jean-Jacques a raison, aujourd'hui, il y a un mouvement, il est là,
12:07 et si ça commence de façon familière, castagné autant,
12:11 c'est parce qu'on est dans le dur de la transformation, etc.
12:14 C'est la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c'est que comme on est dans le Far West,
12:17 tout le monde est en train de construire son salon, de faire un certain nombre de choses.
12:21 Et en gros, on a un big data de données USG non normées,
12:25 pas vraiment utile pour les investisseurs parce que très difficile à comparer.
12:29 Alors déjà, les entreprises au sein d'un même secteur,
12:31 ne serait-ce qu'en termes d'émission de CO2, mais même les entreprises d'un exercice à l'autre.
12:35 Donc à partir de ce moment-là, on a un vrai sujet de choix discriminant
12:39 sur la qualité de la stratégie USG.
12:42 Autre problème numéro un, pour avoir vraiment une allocation d'actifs investie
12:48 vers les entreprises en transition, il faut être capable d'avoir en face de soi
12:54 des entreprises qui font des scénarios de transition.
12:56 Et c'est vraiment une révolution culturelle.
12:58 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la donnée financière, elle est solide,
13:01 on n'a pas besoin de se questionner sur comment elle a été obtenue,
13:04 mais de toute façon, elle regarde le passé,
13:06 et on sait très bien qu'elle n'est pas censée prévoir l'avenir.
13:09 Or, sur la donnée USG, c'est exactement l'inverse qu'on devrait faire,
13:12 ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
13:13 C'est-à-dire qu'on a au mieux de la donnée de l'an dernier,
13:15 qui n'est pas normée, on ne sait pas très bien que l'entreprise repatouille souvent.
13:19 En revanche, ce qu'on aurait besoin d'avoir, c'est secteur par secteur,
13:23 les scénarios de transition sont là, l'ADEME, par exemple, a des scénarios très solides,
13:27 et de pouvoir benchmarker la stratégie de l'entreprise sur justement les scénarios,
13:32 parce qu'elle fait face déjà maintenant à des risques climatiques, environnementaux,
13:37 de perte de biodiversité, de problèmes d'approvisionnement en eau, en énergie.
13:41 On a vu des entreprises s'arrêter l'hiver dernier, parce qu'elles produisaient perte.
13:45 Donc, on est déjà dans ces sujets-là, et on a un décalage aujourd'hui
13:49 entre les capacités d'analyse, on a plein d'outils, mais ces outils ont le mérite d'exister,
13:53 donc ils aident beaucoup les investisseurs, et j'imagine que vous le direz tous les deux,
13:57 à construire de l'analyse USG, mais on manque encore vraiment de données de qualité.
14:02 Et en fait, l'autre énorme problème de mon point de vue, l'éléphant dans la pièce,
14:06 c'est que finalement, on ne parle que d'énergie.
14:08 Donc oui, on a compris, les énergies marrons, c'est les énergies fossiles,
14:11 les énergies vertes, c'est les énergies renouvelables, mais c'est une partie du problème.
14:14 Le vrai sujet, c'est donc de baisser drastiquement les curseurs sur l'économie marron,
14:18 d'augmenter massivement les curseurs sur l'économie verte,
14:20 mais la question, c'est qu'est-ce qu'on fait de toute l'économie grise ?
14:23 Tout ce qu'il y a entre les deux, tout ce qui n'est pas ni de l'énergie fossile,
14:26 ni de l'énergie renouvelable.
14:28 Et ça, ça concerne absolument tous les secteurs, les problématiques de plastique
14:32 à peu près partout, dans les secteurs industriels, les problématiques de produits polluants,
14:38 les problématiques d'artificialisation des sols, les problématiques de bâtiments, etc.
14:42 Et d'adaptation, puisqu'on a à peine commencé.
14:44 Et donc toute cette vision globale est supposée être portée par la réglementation européenne,
14:50 et en particulier la taxonomie, mais qui, gangrénée par un travail de lobbying extrême,
14:54 en est arrivée au paradoxe de ne pas parler d'agriculture, mais de parler d'aviation.
14:58 Je vais passer à parole parce que...
15:02 On va vous laisser reprendre votre soup.
15:05 J'ai du besoin d'eau.
15:06 Oui, on va vous amener un verre d'eau.
15:09 Jean-Jacques, j'en profite en attendant qu'on vous apporte un verre d'eau.
15:12 Anne-Catherine, on ne va pas vous laisser comme ça.
15:14 Jean-Jacques, est-ce que vous êtes d'accord ?
15:17 Vous, chez Amundi, vous utilisez quels outils ?
15:19 Alors pas forcément des outils, mais des labels, des indices.
15:22 Merci beaucoup.
15:24 Merci beaucoup.
15:26 Voilà.
15:28 Comment vous travaillez, en gros, pour développer, affiner des produits qui sont,
15:33 j'ai compris, conformes à ces enjeux ?
15:35 Vous vous appuyez sur quoi ?
15:37 Et est-ce que vous êtes d'accord avec Anne-Catherine ?
15:38 Il y a quand même beaucoup de trous dans la raquette, encore.
15:40 Oui, moi, la plupart du temps, je n'aime pas trop me cacher derrière l'absence de données,
15:44 pour être tout à fait franc, parce que je pense que si on attend le fait d'avoir...
15:47 Je ne dis pas du tout ce que disait Anne-Catherine.
15:49 Si on attend le fait d'avoir des données qui sont parfaites,
15:53 qui permettent de faire typiquement de la prévision ou de la prédiction,
15:56 de facto, si on attend ça, il ne se passera rien et on ne fera rien.
15:59 Et pour reprendre l'expression d'Anne-Catherine,
16:01 j'aime bien si on considère qu'on est un peu dans le Far West, aujourd'hui.
16:04 C'est dans le bon, la brute et le truand, c'est le monde se divise en deux catégories.
16:08 Il y a ceux qui font et ceux qui ne font pas.
16:10 Donc la manière dont nous, on essaie de faire,
16:12 aujourd'hui, nous, on pense qu'on sait,
16:14 dans toutes choses étant égales par ailleurs,
16:16 typiquement fabriquer des portefeuilles qui sont...
16:19 Alors désolé, on adore jargonner sur ces sujets-là.
16:21 Sous contrainte d'alignement, c'est-à-dire qui ont une pente de réduction
16:26 des émissions de CO2 qui sont embarquées dans le portefeuille,
16:30 qui sont en ligne avec les accords de Paris.
16:33 Donc on sait fabriquer ça, on sait mesurer en 2019,
16:37 l'intensité carbone du portefeuille était de X.
16:40 En 2025, pour être sur la bonne pente, elle devra être à 32 moins.
16:44 Et en 2030, elle devra être à 62 moins.
16:47 Et ça, aujourd'hui, c'est quelque chose qu'on sait mesurer pour une partie des émissions,
16:52 pas la totalité aujourd'hui, ça c'est une réalité.
16:54 Sur le scope 3 dans son entier, pardon pour le jargon,
16:57 là typiquement c'est quelque chose qu'on a encore du mal à faire.
16:59 Mais ça, on y arrive.
17:01 Et on y arrive de plus en plus, ce qui fait qu'on le fabrique.
17:04 Donc on le fabrique pour des clients qui nous demandent
17:08 de gérer leur portefeuille sous contrainte d'aliment.
17:11 On le fabrique aussi maintenant de plus en plus à destination de notre clientèle de détails.
17:15 Je pense qu'on a créé aujourd'hui la gamme de fonds ouverts dites net zéro la plus large du marché.
17:21 Donc ça, on sait le faire.
17:23 Et donc, de mon point de vue, évidemment on peut s'améliorer,
17:26 évidemment on a une vision qui est probablement un peu trop tournée vers le passé
17:30 et pas assez vers l'avenir.
17:31 Ceci étant dit, on commence à avoir des outils qui permettent de faire de la gestion alignée en vrai.
17:37 Par ailleurs, moi ce que j'observe quand même,
17:39 et je suis d'accord, il y a des limites aux coalitions internationales,
17:41 à l'impact qu'elles ont pu avoir vis-à-vis des émetteurs.
17:44 Si vous regardez un indicateur qui est le nombre d'entreprises dans l'univers,
17:50 on va dire ce qu'on appelle le MSCI World, c'est-à-dire l'univers des grandes sociétés côté mondial,
17:54 qui dans les trois dernières années ont pris des engagements science-based target initiative, SBTI, etc.,
18:01 que vous avez employés d'objectifs alignés à 1,5 degré, la pente est quand même comme ça.
18:07 Et donc, vous en avez quand même de plus en plus qui y vont.
18:10 Et ça, ça va nous aider de plus en plus aussi à fabriquer de la gestion alignée.
18:14 Après, je partage totalement un certain nombre des limites qui ont été mentionnées par Inditec.
18:17 Mais je pense qu'aujourd'hui, on ne peut plus dire, et on ne peut pas dire,
18:21 qu'on n'a pas les moyens de fabriquer de la gestion sous contrainte de neutralité carbone.
18:27 La question pour moi, c'est plutôt de savoir si c'est les clients qui le demandent.
18:31 Vous parlez de produits de plus en plus accessibles, etc.,
18:36 mais finalement, les fonds proposent ces produits-là, mais pas forcément pour répondre à des attentes de clients.
18:43 C'est une des grandes questions qu'on a. Mais ça, d'une certaine manière, tous les secteurs ont la même question.
18:47 C'est-à-dire, fondamentalement, si je prends un petit pas de recul, une politique de transition,
18:53 elle a forcément deux jambes. C'est d'une part, elle doit contraindre l'offre.
18:59 Et d'autre part, il doit d'une manière ou d'une autre, à un moment, y avoir une forme de contrainte sur la demande.
19:04 Aujourd'hui, si je schématise un peu, l'essentiel de la réglementation, pas seulement dans le secteur financier,
19:09 elle est légèrement hypocrite, puisqu'elle vise principalement à contraindre l'offre,
19:13 mais elle ne dit rien du tout de la demande.
19:16 Et en fait, nous, ce qu'on essaie de faire maintenant, c'est effectivement de travailler sur la demande de nos clients.
19:22 Donc, je peux vous dire la manière dont on le fait très pratiquement.
19:24 Ça veut dire, Amundi est un gérant qui gère pour beaucoup de clients institutionnels,
19:28 des caisses de retraite, des assureurs.
19:31 Donc, ce qu'on fait maintenant, on est en train de prendre littéralement un par un
19:35 tous les clients institutionnels d'Amundi, et d'aller leur proposer de gérer les fonds qu'ils nous confient
19:41 sous contrainte d'aliment.
19:43 On essaie de leur expliquer les implications que ça peut avoir, ce qu'on sait, ce qu'on ne sait pas.
19:47 Mais on fait cette démarche active.
19:49 - Dans ce sens-là.
19:51 - Alors, ça commence heureusement à venir aussi dans l'autre sens.
19:53 - Mais de la part des institutions, il y a quand même maintenant...
19:57 - Oui, aujourd'hui, je ne vais pas être provocateur, mais vous êtes quand même dans un rapport
20:02 qui est beaucoup plus du côté du gérant qui va promouvoir, plutôt que des clients qui le demandent.
20:08 On espère que ça va se renverser, et aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
20:10 - D'accord. Catherine, je vous en prie.
20:12 - Sur le fait que l'un des principaux freins, c'est le fait qu'aujourd'hui,
20:15 les clients institutionnels ont une seule et unique manière de mesurer leur performance financière,
20:20 c'est la comparaison à un benchmark.
20:22 Et ça, c'est un point clé qui est décideur de tout sur ce qu'évoquait Jean-Jacques,
20:27 c'est-à-dire la contrainte de la demande.
20:29 C'est-à-dire que quand on mesure sa performance financière,
20:31 ce qui est une convention, ça n'a rien d'obligatoire,
20:33 avec des indices qui, par nature, ne sont pas spécialement performants
20:36 d'un point de vue d'alignement climatique, à ce moment-là, le problème est complet.
20:41 Et donc, il faut arriver à ce que ces institutionnels lâchent la rampe
20:44 et se disent "finalement, je regarde ma performance financière à un horizon de moyen long terme,
20:49 et surtout, je mets aussi ma performance climatique, je lui donne le même point".
20:53 Et quand on est aujourd'hui un investisseur de long terme, ça devrait être la norme.
20:56 Et ce n'est pas du tout la norme.
20:58 Et donc, grâce à ce travail, on progresse.
21:00 Mais c'est vrai que mettre sur le même plan, parce que si vous ne le faites pas,
21:04 alors dans 10, 20, 30 ans, vous ne serez pas en capacité de payer vos assurés,
21:09 vous ne serez pas en capacité de payer vos pensions.
21:11 C'est ça la réalité dans laquelle on est, et elle tarde à être comprise
21:14 par assez d'acteurs, en particulier les clients institutionnels, par exemple.
21:18 Je vous en prie, vous allez vous donner le reste.
21:21 Non, mais parce que ces problèmes d'index ou d'indices en français, c'est vraiment un gros sujet.
21:26 On a refait, comme tous les ans, nous faisons nos calculs pour savoir quelle est la température
21:32 de nos portefeuilles, avec énormément d'outils et de données.
21:36 Donc, l'accès à la donnée, après, on connaît tous les problèmes autour de la donnée, scope 3,
21:41 je ne vais pas aller dans les détails.
21:42 Mais il est clair, et ça je veux insister, nous avons aujourd'hui suffisamment d'informations
21:47 pour prendre des décisions d'investissement pour nos clients, soyons clairs.
21:51 Après, nous n'utilisons pas de score MSCI ou de score ISG, nous allons à la donnée brute.
21:58 Nous sommes des gérants actifs et donc nous aimons l'information.
22:01 Nous sommes constamment en contact avec les sociétés en portefeuille pour bien comprendre
22:06 quelles sont les données extra-financières qui sont importantes pour prendre des décisions.
22:12 Mais sur le point des indices, le MSCI, qui représente l'économie mondiale,
22:20 on peut encore débattre ce point, au cours des trois dernières années,
22:25 la température de ces indices a diminué.
22:29 Et là, je me suis révoltée en me disant que ce n'est pas possible,
22:31 on a eu un déconnect par rapport à l'économie réelle, puisque les émissions de CO2
22:36 ont augmenté au cours des deux dernières années, d'ailleurs au cours des dix dernières années.
22:42 Et donc, vous voyez que là déjà, on se base sur notre univers d'investissement,
22:47 qui est déjà, pour des raisons x, y, cette température des portefeuilles
22:52 regarde les engagements que les sociétés ont faits dans ces index,
22:56 et donc un forward-looking, et je me dis, mais moi, je ne suis absolument pas à l'aise avec ça.
23:00 Je ne suis pas à l'aise, on a un vrai disconnect.
23:03 Donc, il faut revenir à la réalité.
23:06 Si je peux me permettre l'absent dans ce domaine de la donnée, c'est la réglementation.
23:15 Alors voilà, moi, je vis aux États-Unis, je suis plutôt en général pour une réglementation light.
23:21 Mais dans ce cas-là, il nous manque quand même, nous, en tant que décideurs,
23:26 d'allouer nos investissements, encore une fois, pour nos clients.
23:32 Il nous manque des données qui soient auditées, validées, un peu normatées,
23:37 un peu, je dirais, beaucoup même.
23:41 Je vais me mettre dans les chaussures d'un vrai gérant,
23:46 un gérant en face de lui, des comptes qui ont été audités, qui ont été vérifiés, financiers,
23:52 et on n'a toujours pas ça pour l'extra-financier, que je n'aime pas ce terme,
23:57 mais pour tout ce qui est des données comme la tienne Christine,
24:00 qui sont essentielles pour prendre des décisions aujourd'hui.
24:02 Non seulement pour sauver la planète, mais pour faire attention aux risques,
24:05 pour être sûr que les sociétés en portefeuille sont bien prêtes pour l'adaptation,
24:08 parce qu'on y est, ça fait 5 ans qu'on y est, on ne va pas…
24:11 Maintenant, c'est l'adaptation qu'il faut regarder.
24:14 Comment les risques physiques vont impacter nos portefeuilles ?
24:17 Et ça, on n'a pas d'informations aujourd'hui.
24:20 – C'est le problème de data, parce que la réglementation, vous l'avez dit,
24:24 vous êtes plutôt pour, à l'anglo-saxonne, quelque chose d'un peu léger,
24:27 ce n'est pas forcément ce qu'on a en Europe, en tout cas,
24:29 ce n'est pas ce qu'on entend en Europe.
24:31 – Je crois qu'on a mis "the crowd before the host", comme on dit.
24:35 Donc le problème, c'est que moi j'aurais aimé, en tant qu'investisseur,
24:38 avoir "mandatory reporting" pour tous les émetteurs,
24:43 avec quelques données, une dizaine pour commencer, une vingtaine,
24:47 mais ça c'est important, et ça c'est basé sur la transparence.
24:51 Aujourd'hui, le marché, je dirais 80% du marché,
24:55 de l'investissement responsable, durable ou à impact,
24:59 est géré par des grandes sociétés de notation, ESG.
25:03 Et ça, ce n'est pas normal, puisqu'en plus,
25:06 ils regardent le risque plus tôt que la durabilité,
25:09 ils regardent plutôt les côtés "assessment" des considérations environnementales,
25:16 sociales et de gouvernance, mais pas forcément les activités des sociétés,
25:20 et comment elles impactent l'environnement et la société.
25:23 Donc on est vraiment dans un sujet de…
25:25 On n'a pas l'information au départ, on l'a vu avec la taxonomie,
25:29 ça s'embourbe dans des négociations politiques qui sont…
25:34 qui n'aident pas l'investisseur à faire des choix.
25:38 Donc moi je remets le curseur en disant,
25:40 voilà, il nous faut de l'information sur les émetteurs,
25:43 qui soit vérifiée, auditée, avec une certaine harmonisation globale,
25:47 à décider comment faire. Ensuite, il nous faut vraiment
25:51 comprendre la donnée brute pour faire des allocations et prendre ces risques.
25:55 Donc nous, au niveau de NETX6 Investment Managers,
25:58 l'idée c'est d'aider nos clients.
26:00 Deux tiers de nos clients sont institutionnels, c'est-à-dire, oui, des assureurs,
26:04 qui sont vraiment exposés non seulement aux risques de transition,
26:08 mais aux risques d'adaptation, et qui nous demandent
26:11 comment est-ce que je transitionne mon allocation d'actifs,
26:16 et stratégiquement, je pense aux prochaines 5 années,
26:21 et comment je transitionne de ces secteurs bruns,
26:26 de ces secteurs gris, et comment j'alloue plus d'investissements
26:30 aux secteurs qui sont vraiment ancrés dans la transition.
26:33 Donc peut-être un changement de méthodologie logicielle à revoir pour la data.
26:37 Il y a aussi la réglementation, vous l'avez un petit peu évoqué déjà,
26:40 Nathalie, on en parle beaucoup, la réglementation CSRD,
26:44 plus de transparence, un reporting extra-financier,
26:47 plus de transparence pour les entreprises,
26:50 qui sont au-dessus d'un certain seuil d'effectifs, de chiffres d'affaires,
26:53 SFDR niveau 2, la taxe numéropéenne, enfin, on entend aussi des voix s'élever beaucoup
26:57 pour dire "il y en a marre, on n'y comprend rien avec cette réglementation,
27:00 trop floue, pas assez stricte".
27:03 Où est-ce qu'il faudrait placer le curseur, selon vous, Jean-Jacques Barbéris ?
27:06 Alors, je n'ai pas forcément la réponse de savoir où on place le curseur.
27:10 Après, je pense que sur la réglementation, d'abord, il faut rappeler qu'on en a impérativement besoin.
27:15 Fondamentalement, la transition, c'est un sujet beaucoup trop sérieux
27:19 pour la confier au secteur privé et au secteur financier seul,
27:22 et donc on a besoin de réglementation en la matière,
27:25 on a besoin de définition de ce que sont des activités qui, d'une certaine manière,
27:29 doivent disparaître et doivent se développer.
27:32 Contrairement, ce sont des décisions que seules les autorités publiques,
27:35 d'une certaine manière, sont légitimes à prendre.
27:38 Et moi, je suis toujours extrêmement réservé, pour ne pas dire énervé,
27:41 quand je vois une légère tendance qui existe d'autorités publiques
27:45 à essayer de se débarrasser de ce type de décision vers le secteur privé,
27:49 qui est encore un peu dans la même situation.
27:52 Ceci étant dit, aujourd'hui, je pense que la réglementation,
27:55 principalement européenne, sur les questions d'investissement responsable,
27:59 elle a permis des progrès indéniables, il faut le noter,
28:02 mais elle s'ouvre quand même de deux choses.
28:04 Une impasse, c'est une impasse de compréhension par le client final.
28:09 La cathédrale de la réglementation européenne qui est érigée,
28:12 elle avait pour objectif de permettre au client final,
28:15 c'est-à-dire vous, moi, face à votre conseiller dans votre agence,
28:20 de pouvoir prendre des décisions en pleine connaissance de cause
28:24 et de comprendre les types de produits qui étaient face à lui.
28:26 Aujourd'hui, je pense que la réglementation n'y parvient pas,
28:29 simplement parce qu'elle est trop complexe,
28:31 qu'elle joue avec des complexes qui sont peu compréhensibles,
28:34 déjà pour des gens qui ont un BAC+4 en ESG,
28:38 mais donc en pratique c'est vraiment extraordinairement compliqué.
28:40 Le retour qu'on commence à avoir de la part de nos réseaux
28:43 sur la manière dont les nouveaux questionnaires sur la durabilité
28:47 vis-à-vis des clients finaux sont mis en œuvre,
28:49 est un retour que je qualifierais publiquement de modéré,
28:53 c'est-à-dire en pratique c'est trop complexe,
28:56 les questions qu'on pose ne permettent pas effectivement,
28:59 de mon point de vue, aux clients finaux d'exprimer clairement leurs préférences.
29:02 Ça c'est quand même une grosse impasse,
29:03 et après il y a un gros impensé,
29:05 pour revenir exactement sur ce que disait Anne-Catherine tout à l'heure,
29:07 aujourd'hui la réglementation sur les sujets d'investissement responsable
29:10 a pris deux directions, en fait.
29:12 Elle a pris une direction qui est d'une certaine manière
29:13 de qualifier ce qui est déjà vert, pour la faire simple,
29:16 ça c'est effectivement la taxonomie,
29:19 qui fait que là, en pratique, vous déterminez des activités
29:22 qui sont en effet déjà d'une certaine manière au bout de leur transition,
29:25 et qui contribuent activement à la fabriquer,
29:27 qui représentent donc en fait une part très faible des univers d'investissement,
29:31 en moyenne c'est 5 à 6% des univers d'investissement pour l'avoir,
29:34 et de l'autre côté de plus en plus en effet d'aller vers la qualification
29:37 d'activités qui doivent disparaître, doivent être exclues.
29:39 Par contre elle laisse un énorme impensé au milieu,
29:41 c'est toute la finance de transition en fait,
29:44 et comment on fabrique ça,
29:46 et qu'est-ce qui permet effectivement d'engager toute la zone grise,
29:51 c'est-à-dire quand même une très grande partie de l'économie,
29:54 dans une dynamique de transition.
29:56 Et ça je pense que c'est le gros point qui aujourd'hui
29:59 manque très profondément dans la réglementation,
30:01 et où d'une certaine manière on est en train de rater quelque chose
30:05 si on ne le corrige pas rapidement,
30:07 parce que effectivement c'est quand même l'essentiel de notre travail.
30:10 L'essentiel de notre travail ça consiste quand même
30:12 à fabriquer des portefeuilles d'investissement
30:14 qui vont investir aussi dans des sociétés
30:17 qui sont en train de se décarboner.
30:19 C'est la réalité de l'économie qu'il faut affronter,
30:23 enfin pas forcément facile, pas forcément agréable,
30:25 mais il faut le faire.
30:26 Ça aujourd'hui c'est absent,
30:28 et vous avez une tendance que moi je trouve problématique,
30:32 qui est de plus en plus d'essayer de limiter la finance verte,
30:35 l'investissement responsable, à une finance de niche
30:38 qui n'investirait que dans les activités
30:41 qui sont aujourd'hui déjà vertes.
30:43 Ce qui encore une fois, je ne dis pas que c'est impossible,
30:45 on sait fabriquer des portefeuilles comme ça,
30:47 ils ont juste des caractéristiques différentes,
30:49 ils sont plus concentrés, ils ont peur d'avantages.
30:51 C'est faisable.
30:52 La question c'est, est-ce que c'est ça qui permet
30:55 de faire la transformation ?
30:57 Ça y participe,
30:59 mais ça ne permet pas de la faire totalement.
31:01 Donc il faut surtout traiter ce gros impensé
31:04 de toute l'activité en transition,
31:06 et aujourd'hui je pense que c'est l'enjeu principal
31:08 de la réglementation européenne à venir,
31:10 et notamment de la future commission.
31:12 Catherine, vous voulez réagir ?
31:14 Pour ajouter un point crucial,
31:16 on a totalement perdu de vue l'objectif
31:18 de cette réglementation,
31:20 qui était de mettre au service,
31:22 d'avoir un premier péché originel,
31:24 c'est une réglementation incitative.
31:26 C'est-à-dire qu'elle a copié le dispositif français,
31:28 le dispositif français qui a plus de 20 ans
31:30 d'expérience, et c'est une obligation soft.
31:34 Concrètement, en France,
31:36 les entreprises soumises au bilan de carbone,
31:38 il y en a que la moitié qui font ça bien,
31:40 alors qu'elles ont une réglementation
31:42 qui les oblige à le faire.
31:44 C'est pas très intelligent,
31:46 c'est quand même assez complexe à déconstiquer.
31:48 Il y a deux moyens de stopper une réglementation,
31:50 soit s'y opposer fermement,
31:52 ce qui devient difficile vu tout ce qu'on vient de dire,
31:54 en revanche on peut la noyer sous la complexité,
31:56 et c'est exactement ce qui s'est passé.
31:58 Et pourquoi ? Parce que finalement,
32:00 on a totalement perdu de vue l'objectif,
32:02 c'était de définir à travers le Green Deal,
32:04 l'Europe a un plan qui s'appelle le Green Deal
32:06 de transformation, et ça c'est le cap.
32:08 Comme on a un plan qui est l'accord de Paris,
32:10 on sait vers quoi on va,
32:12 comme depuis,
32:14 certes que fin 2022,
32:16 on a un accord sur la biodiversité
32:18 qui définit les 21 cibles,
32:20 les 23 cibles d'ailleurs,
32:22 sur lesquelles il faut agir,
32:24 donc en fait on a des plans, on a des caps.
32:26 Le seul problème c'est que tant qu'on décorelle
32:28 par une complexité qui la rend évidemment indigeste
32:30 la réglementation de ce cap,
32:32 à ce moment-là on se perd.
32:34 Et pourquoi on en est là ?
32:36 Exactement pour la raison que disait Jean-Jacques,
32:38 il n'y a pas de portage politique qui incarne
32:40 aujourd'hui au niveau européen. Quel État membre
32:42 s'est emparé du Green Deal
32:44 comme le cap ?
32:46 Ma grande crainte du moment,
32:48 c'est qu'alors qu'on a des élections en juin 2024,
32:50 donc ça devrait être le seul sujet,
32:52 comme ça, ça permet aux citoyens européens
32:54 de se prononcer, de comprendre le Green Deal
32:56 qui est honnêtement facile à comprendre.
32:58 Autant la réglementation, je suis complètement d'accord,
33:00 autant le Green Deal, on a bien compris.
33:02 Ça concerne tout, l'agriculture, le transport,
33:04 le climat, etc. Donc si ça
33:06 n'est pas débattu à l'échelle politique,
33:08 et ce qu'on voulait dans le groupe d'experts
33:10 qui a pensé un peu toute cette réglementation,
33:12 c'était vraiment embarquer les citoyens.
33:14 D'où les idées d'Ecolabel,
33:16 d'où les idées de rendre le plan
33:18 de transformation global, et honnêtement,
33:20 vous n'avez pas besoin d'avoir un BAC+22,
33:22 ni en ESG, ni en environnement,
33:24 ni quoi que ce soit. Mais il faut qu'on ait,
33:26 et c'est les autorités publiques,
33:28 c'est les autorités européennes, et ça doit être,
33:30 enfin j'espère encore, que ça puisse être
33:32 l'enjeu sur lequel se prononcent
33:34 les Européens.
33:36 Et malheureusement, ils débattent beaucoup
33:38 d'immigration, par exemple, mais on ne fait pas
33:40 de lien entre les événements.
33:42 Clairement, pourquoi il y a une arrivée massive aujourd'hui
33:44 de migrants à l'Empel-Voussard ? Mais parce que
33:46 en Libye, la ville de Derna a été submergée,
33:48 les migrants, ils passent par la Libye.
33:50 Et ça, on ne fait pas le lien dans ce genre de choses.
33:52 Donc quand on parle...
33:54 Voilà, c'est ça. Et donc, aujourd'hui,
33:56 on est dans un environnement de transformation globale,
33:58 on le subit, et en fait,
34:00 toute cette réglementation, toutes ces incitations
34:02 et le pacte vert, permet en fait
34:04 de s'aligner sur un projet de société.
34:06 – Un dernier mot, parce qu'on est
34:08 un petit peu en retard pour en parler des heures,
34:10 c'est assez passionnant, ces échanges.
34:12 Nathalie, voilà, je voulais vous laisser le mot de la fin.
34:14 En plus, vous avez une vision, vous, un peu internationale.
34:16 Vous dirigez, enfin vous êtes implantée,
34:18 vous ne vivez pas en France,
34:20 vous avez des portefeuilles internationaux.
34:22 Vous, comment vous percevez ça, cette réglementation
34:24 européenne, peut-être un peu usine à gaz
34:26 et en même temps, il en faut une.
34:28 Comment vous voyez ça ?
34:30 – Alors, j'aimerais dire, déjà, il y a les réglementations
34:32 et les tendances de gouvernement et les Green Deal.
34:34 Je voudrais vraiment faire une différence.
34:36 Premièrement, oui, pour la réglementation
34:38 des produits financiers, nous avons besoin de transparence.
34:40 Ceci étant dit, je ne sais pas pourquoi
34:42 on traiterait un produit ESG différemment
34:44 d'un produit financier normal.
34:46 Donc c'est à propos de la transparence, d'être clair
34:48 sur les objectifs du produit.
34:50 Est-ce que ce produit gère des risques ESG
34:52 ou est-ce qu'il a des intentions et des objectifs
34:54 de durabilité ou d'impact ? Soyons clairs.
34:56 Ça, c'est d'une simplicité, je dirais.
34:58 On n'avait pas besoin d'aller beaucoup, beaucoup plus loin.
35:00 – C'est ça, oui.
35:02 – Deuxième point, je suis, de temps en temps, un tout petit peu…
35:06 ça m'interpelle de dire que l'Europe est en avance.
35:10 Oui, elle est en avance sur la réglementation.
35:12 Oui, elle est en avance sur l'idéologie et la conception.
35:14 La société est là, alors que les autres sociétés, je dirais,
35:18 en Asie, les sociétés en Asie et aux États-Unis,
35:21 et j'insiste sur les sociétés aux États-Unis,
35:23 sont déjà dans la transition.
35:25 On le voit avec, bien sûr, le Inflation Reduction Act.
35:29 On le voit avec la Californie qui a annoncé
35:31 qu'elle voulait que les sociétés, les émetteurs,
35:33 fassent du reporting extra-financier.
35:35 On le voit avec Singapour qui a lancé une plateforme
35:37 pour, justement, avoir cette information.
35:39 On le voit avec l'Asie et surtout la Chine
35:41 qui déboule avec ces voitures électriques.
35:44 Et ça fait la une.
35:46 Sauf que pour développer une voiture électrique, ça prend 10 ans.
35:49 Donc vous voyez bien que là, on voit que la Chine
35:51 a pensé cette chaîne de valeur depuis un certain temps
35:55 et qu'ils sont déjà dans l'action.
35:57 Je vis aux États-Unis, un écosystème très particulier,
36:00 à Boston, au Massachusetts,
36:02 où la finance verte, ou l'investissement vert,
36:05 est là depuis longtemps.
36:07 Je suis sur le conseil de mon petit village, Cambridge,
36:10 où on ne pense plus transition,
36:12 on pense adaptation depuis 5 ans.
36:14 Parce qu'on sait que notre ville va être impactée
36:17 du point de vue de la chaleur.
36:19 Et donc comment on protège les parties des personnes
36:21 qui n'ont pas les moyens d'avoir de l'air conditionné ?
36:24 Tout ça, c'est déjà dans la société.
36:27 Et c'est ça qu'on ne voit pas avec ces effets d'annonce
36:31 anti-ESG ou backlash ESG.
36:33 C'est que d'autres sociétés y sont déjà,
36:35 avec des pactes entre l'État, les sociétés,
36:38 la finance et les citoyens.
36:41 Et c'est ça, un bottom-up.
36:43 Et c'est là où une volonté de gouvernement,
36:46 des gouvernements en Europe,
36:48 de mettre vraiment l'économie au centre,
36:50 avec les citoyens, avec la finance,
36:52 avec les entreprises, est essentielle.
36:54 Je suis désolée, je suis obligée de conclure ces échanges
36:57 qui étaient passionnants.
36:58 Un grand merci à tous les trois pour ces éclairages
37:00 qui nous ont permis quand même d'en savoir un petit peu plus
37:02 sur la finance durable, de faire un point d'étape.
37:04 Donc il n'y a pas que du négatif,
37:06 on voit aussi des signes encourageants.
37:07 C'est une bonne chose, c'est ce que j'ai envie de retenir
37:09 ce matin avec vous.
37:10 Merci beaucoup à tous les trois d'avoir été avec nous.
37:14 Et puis nous allons enchaîner avec une interview.
37:17 Je vais rester avec vous, avec Alain Lecord d'Accenture,
37:20 et réglementation encore. On continue.
37:22 [Musique]

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