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Transcription
00:00 * Extrait de « La vie de la vie » de Nicolas Herbeau *
00:19 Et c'est la dernière table critique de la semaine de quoi vous donner des idées de sortie ce week-end ou pour les prochaines semaines
00:25 car les deux expositions dont on vous parle ce midi sont visibles jusqu'au mois de janvier prochain.
00:30 Voilà, on a le temps d'y aller et de se déplacer.
00:32 A ma droite, une rétrospective du peintre Nicolas Destel.
00:36 A ma gauche, une exposition qui vous raconte, et c'est assez rare, les liens et les influences entre Maudit Gliani et son marchand parisien.
00:43 On vous explique tout dans quelques minutes.
00:46 - Et on en parle avec vous, Sarah Hiller-Meyer. Bonjour ! - Bonjour !
00:49 - Vous êtes critique d'art et commissaire d'exposition indépendante et avec vous Stéphane Corrière. Bonjour !
00:55 Vous êtes critique d'art et commissaire d'exposition. Bienvenue à tous les deux dans les Midis de culture.
01:00 * Extrait de « La vie de la vie » de Nicolas Herbeau *
01:05 - Et nous commençons cette table critique par une grande rétrospective au musée d'art moderne de la ville de Paris consacré à Nicolas Destel.
01:11 - Il a toujours été en proie à cette angoisse et je crois qu'elle ne l'a jamais abandonnée
01:16 depuis le jour où il a pris un pinceau vraisemblablement pour la première fois.
01:19 Dès qu'il quittait son atelier, il devenait tout à fait vivant, ouvert, sympathique.
01:26 Et puis à d'autres moments, quand il travaillait, il se refermait sur lui-même et...
01:30 - Et il ne pensait plus qu'à la toile qu'il était en train de composer. - Il ne pensait plus qu'à la toile qu'il était en train de composer.
01:35 - Et parmi ces toiles, 200 sont donc exposées à Paris jusqu'au 25 janvier,
01:39 dont une cinquantaine qui n'ont jamais été montrées en France,
01:42 20 ans après la grande rétrospective du Centre Pompidou, c'est au tour du musée d'art moderne de la ville de Paris
01:47 de consacrer une exposition au peintre Nicolas Destel, rétrospective chronologique,
01:52 qui nous permet de découvrir son tout premier tableau figuratif
01:55 avant de se laisser emporter par les évolutions successives de l'artiste.
02:00 On voit ainsi défiler devant nos yeux ses premiers pas, donc, ses œuvres les plus sombres,
02:03 ses jeux sur les formes avec ses dessins, ses études exposées aussi,
02:07 à côté d'œuvres réalisées et de son travail sur la lumière.
02:12 Nicolas Destel qui peint des paysages, des natures mortes, des bouteilles, un match de foot...
02:16 Bref, Sarah, il est leur meilleur, est-ce que vous vous êtes laissée prendre au jeu par ce parcours chronologique ?
02:24 - Oui, disons que ce parcours chronologique, ce qui est intéressant, c'est qu'il permet de se concentrer sur le travail de Nicolas Destel
02:31 en écartant un peu la légende qui s'est constituée autour de lui suite à son suicide à l'âge de 41 ans,
02:37 qui en a fait presque immédiatement un archétype de l'artiste tourmenté,
02:41 au parcours de Comet qui plus est d'une très grande beauté,
02:44 dont les portraits photographiques sont parfois plus connus que ses peintures.
02:47 Le mythe aurait voulu que soit mis en scène un geste inspiré qui, du premier coup, donnerait lieu à des chefs-d'œuvre.
02:53 Or, ce qu'on voit, c'est un artiste qui ne cesse d'être au travail,
02:55 qui sacrifie tout à la peinture, qui cherche des solutions picturales qu'il défait dès lors qu'il les trouve,
03:00 pour en chercher une nouvelle, y compris à la fin de sa vie, quelques semaines avant de se donner la mort.
03:06 Et ce dont on prend, je trouve, la mesure à travers ce parcours,
03:09 c'est que la manière qu'il a rendue célèbre,
03:11 et qui consiste donc à synthétiser des paysages en quelques lignes de force et masse colorée,
03:17 elle est tout sauf quelque chose de facile à atteindre,
03:20 contrairement à ce que cette simplicité et sa force d'impact visuel pourrait donner à penser.
03:25 Elle n'est jamais atteinte, justement, de manière immédiate.
03:28 Au contraire, ce qu'on voit, c'est que Nicolas Destel en passe toujours par un long cheminement,
03:32 avec de nombreuses études, des esquisses, qu'ensuite il va condenser et déplacer dans de grandes compositions.
03:37 Et puis par ailleurs, ce que permet de voir ce parcours chronologique,
03:40 c'est qu'il a mis plus de dix ans à élaborer cette manière,
03:45 en passant par des périodes stylistiques d'un an ou deux.
03:47 Chez lui, un an ou deux fait période, ce qui est quand même remarquable.
03:49 - Oui, c'est ça, on est à chaque fois amené dans une période très courte de sa vie.
03:54 - Chaque salle est quasiment une exposition.
03:56 On voit dans un premier temps des tableaux abstraits, au ton charbonneux,
04:02 avec une touche très empathée, sinon grumeleuse,
04:05 avec aussi des enchevêtrements de lignes qui finissent par se desserrer et s'éclaircir,
04:09 pour finalement laisser place à des formes beaucoup plus amples et calmes,
04:12 avec un rapport au monde concret aussi qui devient manifeste en 1952.
04:16 Et c'est à ce moment-là, c'est justement en 1952 qu'il élabore sa conception du paysage,
04:22 qu'on peut qualifier de paysagisme abstrait ou synthétique.
04:25 Alors juste une chose, parce que je sais que Stéphane n'a pas aimé...
04:28 - Ah justement !
04:29 - Non mais justement, ce que je sais, c'est que c'est une oeuvre qui a été victime de son succès,
04:33 dans la mesure où suite à sa mort, cette manière a justement été beaucoup imitée,
04:38 voire caricaturée et s'est transformée en formule facilement transposable,
04:42 pseudo-moderniste pour des tableaux vendus dans des galeries touristiques.
04:45 Et cette exposition, elle permet justement de se rappeler de la qualité de l'original.
04:49 - Ça c'est un bon point pour vous.
04:51 - Et un bon spoil aussi quand même.
04:52 Stéphane Coréard, on nous a promis un nouveau regard sur Nicolas d'Eustal avec cette rétrospective.
04:58 Est-ce que vous, vous l'avez vu, ce nouveau regard ?
05:01 - Alors je ne dirais pas que je n'ai pas aimé l'exposition,
05:04 mais j'y suis effectivement allé pour changer mon point de vue.
05:06 J'ai vu, comme je suis plus âgé que Sarah Hilaire-Mayer, l'exposition de 2003 au Centre Pompidou,
05:11 je pensais bien connaître le travail de Nicolas d'Eustal,
05:14 et l'exposition m'a plutôt conforté dans cette impression,
05:18 dans le sens où c'est vrai que ces salles sont extrêmement fragmentées.
05:20 Alors d'abord, le génie de la programmation de cette émission, il faut quand même le dire,
05:23 c'est deux parallèles, parce que Modigliani et Nicolas d'Eustal,
05:27 c'est deux beaux gosses efflanqués, immigrés, qui viennent à Paris attirer pas.
05:30 Par les colles de Paris, 10 ans de travail à peu près chacun,
05:34 et deux parties-pris radicalement différents dans les deux expositions.
05:37 Celle du Musée d'art moderne réunit plus de 250 œuvres, presque le quart de la production.
05:43 Alors les commissaires, paraît-il, ont fait un travail de fourmi
05:46 pour essayer de rechercher des tableaux jamais vus, etc.
05:48 Mais même si chaque salle nous promet cette révolution dans sa production,
05:53 en gros, il y a quand même trois périodes.
05:55 Il y a la première période, effectivement, un peu à l'époque,
05:57 très proche de ce que fait Soulages ou de ce que fait André Landskoi,
06:00 c'est-à-dire ces masses charbonneuses, ces lignes de force, dont parlait Sarah Lermayer.
06:03 Ensuite, il y a le paysage abstrait à la truelle, on va dire, puisque...
06:08 - Alors pourquoi la truelle ?
06:09 - Ben, c'est pas avec une truelle, en fait.
06:11 Il peint d'abord avec un couteau, puis carrément avec une truelle.
06:13 Donc c'est des tableaux vraiment maçonnés.
06:14 - C'est plus fluide, quand même, il faut le noter.
06:15 La touche est de plus en plus fluide et de moins en moins empâtée.
06:17 - J'en reviens à la troisième période, effectivement,
06:19 c'est la toute dernière année où il peint avec du coton ou de la gaze,
06:23 et non plus avec la truelle, et où il arrive vers quelque chose de beaucoup plus éthéré.
06:27 On y reviendra.
06:28 Moi, ce qui m'a le plus frappé dans cette exposition, c'est deux choses.
06:31 La première, d'abord, c'est qu'on a vraiment de la peine à percevoir
06:34 en quoi le modèle ou le processus de peinture influence le tableau qu'il est en train de faire.
06:39 Parce que si on ne regarde pas les titres, pour moi en tout cas,
06:41 je n'arrive pas à distinguer s'il peint une contrebasse ou une poire,
06:45 un nu ou un paysage.
06:46 Je trouve qu'il peint les nuages comme des maisons, les pommes comme des pavés,
06:51 gentil, devient agrégante et réciproquement.
06:54 - C'est pas très grave.
06:54 - Moi, je trouve que c'est grave parce que je ne vois pas...
06:55 - Il y a de la peinture abstraite et qu'on a hâte de deviner ce qui est en jeu.
06:59 - Je crois que le mot "sensible" ou "hypersensible" revient 120 fois dans l'exposition.
07:03 Donc, il est censé être devant son modèle et s'imprégner et restituer ça.
07:08 Moi, je vois le contraire.
07:09 Par exemple, il y a une salle de paysage, justement,
07:10 où il distingue ceux qui ont été peints sur le motif et ceux qui ont été peints à l'atelier.
07:14 Personnellement, je n'ai vu aucune différence.
07:16 Les grands tableaux et les petits tableaux sont peints exactement de la même manière.
07:18 Si on regarde la reproduction dans le catalogue,
07:19 on est bien en peine de dire si le tableau fait 3 mètres ou s'il fait 30 cm.
07:23 Donc, moi, j'ai vu au contraire qu'il paraissait très étranger à son art.
07:27 Il est sans cesse dans le regard qu'on va porter sur son œuvre.
07:30 D'ailleurs, son dernier mot, ce qui est très frappant,
07:32 juste au moment où il se suicide à son marchand du bourg,
07:35 c'est qu'il dit "je n'ai pas la force de parachever mes tableaux".
07:37 Ce mot "parachever" m'a vraiment intrigué parce qu'on dirait de terminer,
07:40 "achever" quand on va mourir dans quelques minutes.
07:43 Parachever, ça veut dire le porter à un haut degré de perfection.
07:47 Ce qui est quand même une prétention assez forte.
07:49 J'ai rarement vu des artistes qui parlent de perfection à propos de leur travail.
07:53 Ou d'humilité, s'il dit qu'il n'y est pas.
07:55 Non, parce qu'il a dit qu'il n'a plus la force.
07:57 Il ne dit pas qu'il ne veut pas le faire.
07:58 C'est une forme d'humilité.
07:59 Et en 1946, il y a un grand tableau qui est une composition en noir,
08:02 qui justement est très proche de Van Schooy et de Soulages.
08:04 C'est avant sa mort, il se suicide en 1955.
08:05 Oui, c'est avant sa mort.
08:07 Et là, il parle déjà d'un point culminant.
08:09 Il est sans arrêt dans le regard qu'on va porter sur son travail.
08:11 C'est ce qui ressort aussi, je trouve, du journal de Pierre Lecuir,
08:14 qui est une des grandes redécouvertes scientifiques, paraît-il, de l'exposition
08:17 et qui occupe le cœur du catalogue.
08:19 En fait, j'ai relu l'article qu'il y avait eu dans Le Monde à la mort de Nicolas Destal
08:23 et qui parle de maniaco-dépression, de ce qu'on dirait de bipolarité aujourd'hui,
08:29 qui est quelque chose qui est assez évacué, je trouve, dans l'exposition.
08:32 Alors que dans le journal de Lecuir, justement, effectivement,
08:35 je trouve qu'on sent une extrême instabilité, même dans le regard
08:38 que lui-même porte sur sa peinture, parfois désespéré, effectivement, parfois euphorique.
08:42 Pourtant, par rapport à l'extrait qu'on entendait, qui parle d'une grande angoisse,
08:46 je crois qu'il y a une grande reconstruction, à postériori, en fait,
08:49 du regard qu'on porte sur cette œuvre.
08:50 La preuve, c'est que, dans la lignée un peu de ce que je disais,
08:53 il y a déjà la moitié des historiens d'art qui disent que
08:56 chaque tableau est marqué d'une angoisse existentielle terrible.
08:59 Et puis, il y en a d'autres, comme l'historien Jean-Claude Marcadé,
09:01 qui dit que si on enferme ce travail dans une capsule temporelle
09:03 et qu'on le ressort sans savoir qu'il l'a fait,
09:05 on va y voir, au contraire, une joie de vivre de chaque instant et dans chaque tableau.
09:09 - Ça, c'est aussi peut-être la magie de ce peintre, ça va il amener ?
09:12 - Non, je ne suis pas d'accord avec ce que dit Stéphane.
09:15 Je pense que c'est un peintre qui est tout sauf satisfait de lui-même.
09:19 D'ailleurs, il y a des citations dans le catalogue.
09:21 Il y en a une en particulier, je pense, qui pointe le fait qu'il est tout le temps
09:25 en train de chercher et ne se satisfait pas de ce qu'il trouve.
09:29 Il dit, alors, "Dieu, si je pouvais changer, devenir plus simple, plus simple,
09:33 et passer toute une lutte et sans profit immédiat,
09:35 je pense que ça montre le fait que s'il s'intéressait simplement
09:39 au regard qui est porté de son travail, il se serait arrêté à son paysagisme abstrait
09:44 qu'il révoque à la fin de sa vie, ce qui est quand même très étonnant.
09:48 À ce moment-là, il atteint le sommet de son art,
09:50 et c'est à ce moment-là qu'il décide à nouveau de tout bousculer.
09:54 Ce qui rentre en contradiction, il me semble, avec ce que dit Stéphane.
09:58 - Non, je pense qu'il y a deux moments qui se juxtaposent.
10:01 Moi, ce qui au fond m'a le plus dérangé dans ce travail,
10:04 c'est que j'y ai vu une espèce de quintessence du bon goût à la française,
10:07 qui d'ailleurs transparaît d'une part dans le journal de Le Cuir, justement,
10:11 où il raconte que d'Austal il lui parle de vâteau, de coraux,
10:14 enfin vraiment de ce goût bourgeois français.
10:17 Et d'ailleurs, il a été adoubé par Georges Braque,
10:21 ce qui pour moi veut tout dire dans le genre "bon goût à la française".
10:24 Et effectivement, il faisait partie, vous avez parlé de paysagisme abstrait,
10:27 on parlait aussi à l'époque, dans les années 40, de peinture de tradition française.
10:30 Et effectivement, c'est un artiste qui n'est pas un artiste de rupture.
10:33 D'ailleurs, il n'y a pas d'expérimentation dans son travail.
10:35 Il arrive quasiment directement dans l'abstraction des années 40.
10:38 - Alors, qu'est-ce qu'apporte par exemple, puisqu'il y a des peintures d'accord,
10:42 il y a aussi des dessins, ces dessins au feutre,
10:45 où on voit en fait sa technique apparaître.
10:47 Pour des gens qui connaîtraient un peu moins son travail
10:49 et qui connaîtraient un peu moins le peintre,
10:51 tout de même, cette rétrospective, elle nous donne des clés sur sa façon de travailler,
10:55 sur comment il compose son tableau, comment est-ce qu'il travaille,
10:59 - Oui, mais par rapport à ce que dit Stéphane, il y a deux choses.
11:03 Enfin, Stéphane dit que c'est une peinture finalement facile, plutôt bourgeoise.
11:08 Ce qu'il faut quand même se rappeler, c'est que,
11:10 à l'époque où il peint de la manière dont il peint, ça n'a rien d'une évidence.
11:13 Donc, c'est dans les années 50.
11:15 Pour comprendre ça, il faut revenir sur le contexte dans lequel il évolue.
11:18 Donc, c'est celui de l'après-guerre en France,
11:20 où se dispute, ça peut paraître un peu ridicule aujourd'hui,
11:22 mais l'étonnant de la figuration et les défenseurs de l'abstraction,
11:25 avec une abstraction qui est elle-même divisée à l'époque
11:28 entre les géométriques et les lyriques.
11:30 Donc, Nicolas d'Eustal, lui, dit se moquer de ces étiquettes.
11:33 Néanmoins, il se positionne quand même à l'intérieur de cette querelle,
11:36 en affirmant que la non-figuration n'existe pas,
11:39 dans la mesure où, selon lui, il y a toujours un référent,
11:41 qu'il soit loin ou près des yeux, c'est ce qu'il dit.
11:44 Et ce qui est notable, c'est que, alors que cette querelle, quand même,
11:46 elle est gagnée par les abstraits au début des années 50,
11:48 Nicolas d'Eustal choisit, pile à ce moment-là,
11:50 après dix ans de peinture abstraite pure,
11:53 de revenir à la figuration et de prendre une voie oblique,
11:56 en inventant un langage, justement, Nicolas qui lui épreuve,
11:59 qui est une sorte de synthèse entre figuration et abstraction,
12:02 comme si elles se résorbaient l'une dans l'autre.
12:05 D'une certaine manière, aussi, c'est une voie médiane
12:07 entre les lyriques et les géométriques,
12:09 qui consiste non pas à mettre en scène des effusions lyriques, façon…
12:12 - Est-ce que ça, l'exposition le raconte bien ?
12:14 Pour ceux qui ne connaissent pas Nicolas d'Eustal, est-ce qu'on le sait bien ?
12:17 - On est bien d'accord, ça, le problème, c'est que ce n'est pas dit dans l'exposition.
12:19 Le contexte n'est pas suffisamment…
12:20 - Comme vous, Sarah Hiller-Meyer, vous connaissez bien le peintre, c'est votre domaine,
12:24 donc vous pouvez restituer ça quand…
12:26 - Tout à fait, je suis… effectivement, c'est ce qu'on apprend.
12:28 - Donc, est-ce que ce n'est pas une des limites de l'expo, en fait,
12:30 de ne pas réussir à convaincre quelqu'un qui n'est pas convaincu, comme vous, Stéphane Corréard ?
12:33 - Mais la condition est totalement hors-sol, c'est-à-dire que,
12:35 non seulement il n'y a pas ce contexte français,
12:37 mais qui, après tout, pourrait paraître totalement dépassé,
12:39 puisqu'il faut quand même voir qu'il se donne la mort en 1955.
12:41 C'est le chant du cygne, d'ailleurs, ce sera interprété comme ça
12:44 par toute la presse internationale, c'est-à-dire que c'est la fin d'une époque,
12:47 parce que c'est la fin de la suprématie de Paris,
12:49 parce qu'on peut parler, oui, de Bazaine, de Manetier,
12:51 de tous ces peintres, effectivement, de tradition française,
12:54 paysagistes abstraits, mais enfin, je voudrais quand même rappeler,
12:56 même si ça pourrait être grossier, mais entre 1950 et 1955,
12:59 à New York, c'est de De Kooning, c'est Pollock, c'est Rodko qui sont là,
13:03 et même à Paris, je suis désolé, c'est les premiers monochromes de Klein,
13:06 donc pour moi, Nicolas de Stael, effectivement, c'est…
13:08 et je n'ai pas jamais dit que c'était facile,
13:10 je pense simplement que c'est un artiste hyper traditionnel.
13:13 - C'est ça, mais est-ce que cette exposition aurait pu vous convaincre du contraire ?
13:17 - Non, pas du tout, je trouve que cette peinture n'a jamais…
13:20 En fait, il y a une chanson de Brel, où il dit, enfin,
13:22 "ils étaient vieux avant que d'être",
13:24 enfin, c'est une peinture qui est vieille avant que d'être,
13:26 et d'ailleurs, celui qui en a le mieux parlé, c'est Roland Barthes,
13:29 qui dit "tout Nicolas de Stael tient dans 3 cm² de Cézanne".
13:33 - Bon, ça veut dire qu'il fait toujours la même chose ?
13:35 - Ah non, non, je ne suis pas d'accord, mais par contre,
13:37 ce que dit Stéphane, effectivement, au même moment, aux Etats-Unis,
13:40 se développe la version américaine de l'expressionnisme abstrait,
13:43 avec Roscoe, Newman, Frankenthaler,
13:46 qui ont complètement, effectivement, invisibilisé
13:49 les artistes qu'on trouve au même moment en France,
13:51 qui sont ceux de l'école de Paris, dont a parlé Stéphane.
13:54 Donc, il ne s'agit pas de dire que Nicolas de Stael est un génie de la peinture,
13:58 que c'est un grand maître, non, c'est un bon peintre,
14:00 peut-être même un peintre moyen,
14:02 néanmoins, de dire que c'est aussi une peinture traditionnelle,
14:05 je dirais peut-être que oui, mais d'une tradition qui est celle de la modernité.
14:08 Et c'est ça aussi qu'il faut noter, je pense, avec Nicolas de Stael,
14:11 c'est que son ambition, c'est l'ambition d'un langage direct,
14:15 comme il le dit dans certains textes,
14:17 qui cherche à produire une ressemblance sensuelle,
14:21 qui passe par la sensation, quitte à ce que ce soit par des moyens non ressemblants.
14:25 C'est aussi l'ambition propre, cette ambition,
14:28 elle passe par la réduction du monde concret, visible,
14:32 à ses structures élémentaires, à son état vibratoire,
14:34 c'est ce qu'il cherche à produire.
14:36 Et je trouve que de ce point de vue-là,
14:38 on pourrait considérer que c'est une parodie, si vous voulez, de peinture moderne,
14:41 moi je dirais plutôt que c'est un précipité de modernité.
14:44 Voilà.
15:09 Nicolas de Stael rétrospectif, c'est jusqu'au 21 janvier au Musée d'art moderne de la ville de Paris.
15:14 Le catalogue est lui, disponible aux éditions Musée d'art moderne de Paris.
15:19 Allez, direction le Musée de l'Orangerie à Paris,
15:30 pour cette exposition consacrée à Modigliani, intitulée "Un peintre et son marchand".
15:35 - Jean Cocteau. - J'ai souvent entendu dire qu'il était fou,
15:38 et bien c'est peut-être parce qu'il donnait ses dessins au lieu de les vendre qu'il était fou,
15:42 mais il se promenait à la terrasse de la Rotonde, il faisait le portrait des uns et des autres,
15:46 il se promenait comme une tireuse de cartes gitane,
15:50 et il distribuait ses dessins, il les donnait.
15:52 Sacré portrait de Modigliani par Jean Cocteau,
15:55 et c'est peut-être pour qu'il évite justement de donner ses œuvres aux premiers venus
15:59 que le peintre italien avait besoin d'un marchand.
16:01 Et c'est cette relation entre Modigliani et son galeriste Paul Guillaume
16:05 que veut nous raconter le Musée de l'Orangerie.
16:07 Mais alors, pourquoi nous raconter cette relation ?
16:10 Peut-être parce que c'est ce marchand qui a aussi joué un rôle artistique auprès du peintre italien.
16:15 On posera la question à nos critiques dans un instant.
16:17 Modigliani, pour vous donner le contexte, arrive à Paris en 1906,
16:22 rapidement il rencontre Constantin Brancuzi,
16:25 et il se met à sculpter jusqu'en 1914,
16:28 et c'est à ce moment-là qu'il renoue avec la peinture et les portraits qu'on découvre dans cette exposition,
16:33 dont quatre portraits qui sont consacrés à Paul Guillaume,
16:37 présents aussi sur les photos du mur du musée Stéphane Coréard.
16:41 Est-ce que vous avez compris le rôle joué par Paul Guillaume auprès du peintre italien ?
16:46 - Absolument ! Parce que l'exposition me semble être l'antithèse exacte de celle de Nicolas de Stahl,
16:51 c'est-à-dire que c'est une exposition lumineuse, limpide,
16:54 et même j'ai pensé en la visitant cristalline.
16:56 - Ce n'est pas une rétrospective, là on est sur une période très courte.
16:59 - Oui, d'abord c'est la meilleure période de Modigliani, c'est vraiment l'âge d'or,
17:02 c'est les dix dernières années, c'est là où il est le plus inventif.
17:04 - C'est tous les portraits qu'on a en tête quand on pense à Modigliani.
17:07 - Absolument, mais il y a aussi les sculptures, qui sont quand même moins connues.
17:11 Et ce mot d'une exposition cristalline, c'est ce qui m'est venu en sortant de l'exposition,
17:16 et j'étais content de retrouver dans le catalogue une citation de Marc Jacob à propos de Modigliani,
17:21 qui parle d'une exigence absolue de pureté cristalline,
17:24 d'une sincérité sans compromis qu'il s'imposait à lui-même dans son art comme dans la vie.
17:28 Et je trouve que c'est ce qui m'a stupéfié dans cette exposition,
17:31 c'est un artiste Modigliani qu'on croit tous connaître,
17:34 qui exprime à la fois totalement son époque, puisqu'il est à la croisée du cubisme,
17:39 d'une forme de primitivisme, d'art naïf aussi,
17:42 et je trouve que là l'exposition montre au contraire le côté totalement intemporel de sa peinture.
17:47 On pense au portrait du Fayoum, qui date du tout début de notre ère après Jésus-Christ,
17:52 mais aussi au primitif italien, à la Renaissance, à Jean-Cloé,
17:56 enfin c'est des portraits en fait.
17:58 Ce qui manque totalement à Nicolas d'Eustal, c'est cette incarnation...
18:01 - On va continuer sur Nicolas d'Eustal !
18:03 - ...que Nicolas d'Eustal revendique, puisque le cuir dit qu'il n'en avait rien à faire des gens qui pour lui étaient des fantômes,
18:07 il ne pensait qu'à son art.
18:08 Mais Modigliani c'est le contraire, c'est parce qu'il ne pense qu'aux gens que son art a cette intensité.
18:13 C'est visible notamment dans les salles de portrait, il y a quatre salles,
18:17 c'est une exposition très courte, mais absolument remarquable.
18:20 - On va les décrire évidemment. Sarah, il est remédiére.
18:22 - Alors non, je ne suis pas du tout d'accord.
18:24 Il se trouve que déjà, on ne peut pas du tout se rendre compte dans l'exposition de l'influence qu'a eue Guillaume sur Modigliani.
18:31 Pourquoi ? Parce que ça, ça relève de données historiques, textuelles, qui de fait ne peuvent pas être mises en espace.
18:37 Par ailleurs, la seule chose qui arrive à démontrer cette exposition, c'est que voir un Modigliani, c'est les avoir tous vus.
18:43 Et en l'occurrence, ce qu'on voit là, c'est en fait, pardonnez-moi, mais un ersatz de modernité,
18:47 mou, lisse, élégant, confortable, en somme bourgeois, mais on pourra y revenir.
18:53 A mon avis, ce qui est le plus intéressant dans cette exposition, c'est son implicite.
18:56 - Je signale quand même que Stéphane Corriant est bon presque.
18:59 - Mon cœur saigne.
19:00 - Ce qui est le plus intéressant dans cette exposition, c'est ce qui est implicite,
19:03 mais qui est quand même explicité dans un portrait de Paul Guillaume peint par Modigliani,
19:08 et qu'on voit à l'entrée de l'exposition, sur lequel l'artiste a écrit en italien "Le nouveau pilote", à propos de Guillaume.
19:14 Ce qui revient à dire, en fait, que le marchand d'art, au-delà de Paul Guillaume et de Modigliani,
19:19 est l'un des pilotes de la modernité artistique.
19:21 Et en effet, ce dont cette exposition permet de se rappeler, c'est que les avant-gardes artistiques ont partie liée avec les marchands d'art.
19:27 Ce sont ces derniers qui les accompagnent dès la fin du XIXe siècle,
19:30 avec par exemple Durand-Ruel pour les impressionnistes, Cannevaler pour les cubistes.
19:33 Et ce sont ces alliances entre marchands et artistes qui font contre-pouvoir face à l'académie et aux institutions officielles,
19:39 qui quand même, pour rappel, rejettent dans un premier temps systématiquement les avant-gardes.
19:43 Alors apparemment, Modigliani l'a bien compris.
19:46 Ce qu'on apprend ici dans le catalogue, c'est qu'il abandonne la sculpture au profit de la peinture,
19:49 l'année de sa rencontre avec Guillaume, qu'il a vivement encouragée dans cette direction.
19:52 - Mais ça c'est vrai, c'est un mythe ! - Alors on sait pas trop, mais c'est pas le plus important.
19:55 Le plus important, à mon avis, ce sont les circuits de reconnaissance intellectuels, artistiques et mandins,
20:00 dans lesquels Guillaume a introduit Modigliani, de manière à lui assurer une très bonne position au sein des avant-gardes.
20:06 Alors il se débrouille pour qu'il soit exposé aux côtés de Picasso, de Derain, de Van Degen, de Matisse,
20:10 qui sont déjà reconnus à l'époque. - Il a bien fait son travail !
20:13 - Oui, bien sûr ! Et par ailleurs, autre chose, Guillaume présente Modigliani aux côtés de sculptures africaines,
20:18 qu'il collectionne comme Modigliani.
20:20 Or, en réalisant ce type d'accrochage, Guillaume inscrit délibérément Modigliani dans une histoire
20:26 qui est déjà en train de s'écrire, à l'époque, qui est celle d'une modernité qui s'est libérée des canons académiques,
20:31 en puisant du côté des arts extra-occidentaux.
20:34 Cette histoire-là, elle a débuté avant Modigliani, elle a débuté avec la révolution cubiste en 1907, au moins,
20:39 et il se trouve que dès 1915, quand Guillaume expose Modigliani, il y a déjà aussi des théoriciens sur ce sujet,
20:47 tels que, par exemple, Carl Einstein.
20:49 - Vous nous dites, Sarah El Abidjan, qu'on n'apprend rien de nouveau, peut-être sur l'art, mais peut-être sur sa pratique à Modigliani,
20:55 est-ce que cette rencontre a été vraiment importante ? Est-ce que les influences, ou est-ce que leur affinité,
21:00 par exemple, pour l'art africain, qui est mis en avant dans la seconde salle, si je ne dis pas de bêtises,
21:04 avec des statues africaines et des peintures de Modigliani qui sont évidentes quand on les voit dans cette exposition, Stéphane ?
21:12 - Absolument. Alors, je suis désolé, pour moi, l'exposition raconte exactement l'inverse de ce que Sarah El Amayer vient de dire.
21:17 C'est-à-dire que d'abord, effectivement, Paul Guillaume a tout à fait reconnu avoir incité Modigliani à revenir à la peinture,
21:23 après cette parenthèse de sculpture qui doit notamment à son amitié avec Brancuzi,
21:27 mais il ajoute, et ce qui me semble toute la finesse du personnage, pour le meilleur ou pour le pire.
21:31 Donc il ne dit pas forcément qu'il a eu raison, même si les tableaux qui sont là, à mon avis, le prouvent amplement.
21:36 Sa relation, évidemment, avec Modigliani n'est pas du tout intéressante du point de vue commercial. Ce n'est pas ça qui est frappant.
21:42 Ce qui est frappant, déjà, c'est la personnalité même de Paul Guillaume.
21:45 Il vient déjà à l'art, comment il travaille chez un garagiste de luxe, qui vend des voitures de luxe,
21:49 et dans une cargaison de caoutchouc, il tombe sur une sculpture du Gabon, une sculpture traditionnelle d'art primitif,
21:56 et il est ébloui, et c'est ça le point de départ de son intérêt pour l'art.
21:59 Donc ce n'est quand même pas banal.
22:01 C'est effectivement un intérêt qu'il partage avec Modigliani, qui, comme tous les artistes de l'époque,
22:05 beaucoup d'artistes de l'époque s'intéressent à cet art, mais notamment à travers Brancousi, à son influence sur la sculpture.
22:11 Et ce qui est au-delà de la rencontre entre ces deux personnages, c'est aussi la rencontre avec une époque
22:16 dans laquelle ils jouent tous les deux un rôle majeur, et les figures qui viennent immédiatement derrière,
22:21 c'est Max Jacob, le poète Max Jacob, Apollinaire, qui est le conseiller de Paul Guillaume.
22:26 Et c'est évidemment cette histoire qui est racontée, et c'est une histoire qui est racontée...
22:29 - Et comment c'est racontée justement à travers des oeuvres ? Parce que c'est compliqué quand on a un portrait de se figurer...
22:32 - Non, justement, l'exposition, c'est pour ça que je disais qu'elle est limpide et cristalline,
22:36 puisqu'il y a effectivement quatre salles. La première c'est Amédée au Modigliani et Paul Guillaume.
22:40 - Ils cherchent à périodiciser un parcours, en fait, qui est strictement...
22:44 C'est six ans de carrière, c'est toujours le même tableau.
22:47 - Non mais là, on arrive... Pour raconter, quand on rentre dans cette exposition,
22:50 on voit des photos des portraits de Paul Guillaume, des portraits peints par Modigliani de Paul Guillaume,
22:56 et là on comprend qu'il se passe quelque chose entre eux, qu'il y a en tout cas un début de relation, et ensuite ?
23:00 - Ah ben ensuite, on rentre dans cette deuxième salle, qui s'appelle Mask Zetet,
23:04 qui confronte l'art de Modigliani avec de la sculpture traditionnelle du Gabon.
23:09 Il y a trois sculptures de Modigliani qui sont absolument stupéfiantes,
23:12 et il faut absolument les voir en vrai, parce que quand on les voit en image, de face,
23:16 ça a la frontalité d'un dessin, mais en réalité c'est beaucoup plus proche de l'art du Moyen-Âge.
23:20 Il y a quelque chose de complètement démesuré dans la chevelure, qui prend une présence incroyable.
23:24 C'est mis en tête en relation, effectivement, avec des sculptures africaines.
23:28 Il y a la femme au turban de velours, qui est sur le même mur qu'un masque feng du XVIIIe,
23:31 qui appartenait à Jacques Doucet, le grand couturier et collectionneur,
23:34 encore une personnalité majeure de cette époque.
23:37 Et c'est ce qui introduit la troisième salle, qui s'appelle Milieu parisien, infinité artistique et littéraire,
23:41 qui est une remarquable galerie de portraits, où il y a des portraits, pour moi, d'une beauté,
23:45 d'une sensibilité effroyable. Il y a un tout petit portrait de Kissling, un artiste de l'école de Paris,
23:49 qui fait 40 cm par 30, et qui est sublime,
23:54 qui est vraiment comme un Pierrot de la Francesca, pour moi, c'est vraiment de ce niveau-là.
23:58 - Ça ne vous plaît pas, ça arrive mieux, mais pourquoi ? Dites-moi pourquoi c'est effroyable.
24:02 - La question de la valeur, parce qu'il y a un premier implicite de cette exposition,
24:05 qui consiste en fait à déromantiser la figure de Modigliani en pointant les conditions marchandes et institutionnelles
24:10 qui lui ont permis d'être considérées comme un artiste phare de la modernité.
24:13 Il y a un autre implicite qui est directement articulé à ce premier implicite,
24:16 c'est celui de la valeur de son œuvre, donc valeur au pluriel, qui n'existe jamais en soi,
24:21 mais ils sont toujours, en fait, collectivement institués.
24:24 Alors certes, aujourd'hui, et depuis de longues années, Modigliani est reconnu comme une figure phare de la modernité.
24:29 Tout le travail de Paul Guillaume aura justement consisté à y œuvrer.
24:33 Par ailleurs, il va sans dire qu'on reconnaît immédiatement à Modigliani.
24:35 Il a élaboré sa manière et sa signature dès 1914.
24:38 Il s'est confortablement tenu jusqu'à sa mort en répétant systématiquement la même formule.
24:43 C'est ce que montre cette exposition.
24:45 Et cette formule, ou plutôt cette recette, en fait, c'est celle d'une modernité qui est déjà consciente d'elle-même,
24:50 qui est réduite à deux de ses principales opérations formelles, à savoir schématiser et simplifier les formes,
24:55 peindre quasiment en aplats, sans profondeur spatiale, pour ce qui est en tout cas des arrière-plans de Modigliani.
25:00 Donc c'est là quasiment, en fait, je dirais même que c'est une méthode pour les nuls de peinture moderne.
25:04 Mais oui, et d'une modernité édulcorée.
25:08 Pourquoi ? Parce que là où les cubistes dont s'inspire Modigliani fragmentent les objets en une multitude de facettes parallèles au plan du tableau,
25:13 qui évacuent toute profondeur spatiale, Modigliani, lui, au contraire, il maintient une forme de volumétrie
25:18 avec des visages modelés par des dégradés de ton ocre, parsemés çà et là de quelques touches de verre pour faire moderne.
25:24 - C'est un problème qu'on fait à Modigliani, c'est un reproche qu'on peut faire à Modigliani, mais pas forcément à son rapport avec Guglielmo.
25:28 - En fait, ce que produit Modigliani, c'est une modernité qui est fondue dans les canons classiques.
25:31 Alors évidemment, ce que je dis là ne va pas faire chuter sa cote.
25:34 Néanmoins, je le dis, et je le dis avec Chirico, qui m'accompagne dans mon jugement.
25:38 Et voilà ce qu'il dit en 1915 à propos de Modigliani, il dit "c'est être stylisé, une banalité comme on en voit par milliers dans toutes les expositions d'art moderne".
25:45 - Bon, vous avez été lassé, on a bien compris, Sarah Hidamayer. Pour terminer, Stéphane Gourriard...
25:49 - Vous n'aimez pas Modigliani, mais en tout cas...
25:51 - Un mot sur cette relation entre eux. Elle était sincère, elle a fonctionné...
25:56 - Mais elle était plus que ça. C'est non seulement ce que Sarah Hidamayer a dit est faux, mais c'est parfaitement injuste.
26:00 Et pour ça, il suffit, l'exposition est courte, c'est vrai qu'elle prend une demi-heure.
26:03 Donc il faut absolument que nos auditeurs aillent ensuite visiter la collection de Paul Guillaume qui est à côté à l'orangerie.
26:09 Il y a toute une partie aussi sur sa revue "Les Arts à Paris".
26:12 Et on voit justement à quel point Modigliani, et c'est ça le point fort, c'est qu'il est le résumé, la synthèse de tout ce goût Paul Guillaume,
26:21 qui est absolument exceptionnel quand on voit les salles du Doigny-Rousseau, les salles de Soutine, les salles de Matisse, de Picasso.
26:27 Je veux quand même dire que Picasso en 1973 sur son "L'île mort", il appelle deux personnes, il appelle Apollinaire et Modigliani.
26:32 Il y a un Modigliani, une femme aux cheveux noirs dans l'exposition, qui appartenait à Picasso, qui est absolument sublime.
26:37 Et je pense que justement, il atteint... Il est à la fois totalement de son temps, totalement intemporel, et ce n'est pas du tout, à mon avis, une synthèse mièvre.
26:44 Au contraire, il se place dans cette grande tradition de la peinture, mais chez lui, c'est totalement intériorisé dans l'humain.
26:50 C'est ça qui est fascinant.
26:51 Et ce sera à nos auditeurs d'aller se faire leur avis en allant au musée de l'Orangerie.
26:55 Modigliani, un peintre et son marchand, à découvrir jusqu'au 15 janvier prochain.
26:59 C'est en partenariat avec France Culture. Je signale aussi que le catalogue de l'exposition est disponible aux éditions Flammarion.
27:04 Merci à tous les deux. On va boire un verre d'eau.
27:06 Sarah Hillermé, la critique d'art, rédactrice d'art d'exposition indépendante, et Stéphane Coréart, critique d'art également.
27:11 Vous nous reviendrez nous parler d'autres expositions dans cette midi de culture.
27:16 Et vous retrouvez évidemment les références sur le site de France Culture.

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