Pour lutter contre les agressions, verbales voire physiques de nombreux élus, Solène Le Monnier vient de créer l'Unel, l'Union nationale des élus locaux. Elle répond aux questions de Stéphane Carpentier.
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00:00 6h, 9h15, RTL Matin, avec Stéphane Carpentier.
00:04 Merci d'être avec nous à 8h48.
00:06 Nous allons nous arrêter ensemble sur un vrai sujet d'inquiétude au cœur de cette année 2023.
00:10 Je veux parler de ces élus qui n'en peuvent plus et qui jettent l'éponge en plein mandat.
00:14 Ces élus locaux que vous côtoyez dans vos villes, dans vos villages.
00:17 Plus de 12 600 ont démissionné ces trois dernières années.
00:21 Et pire encore, dans les départements comme la Loire-Atlantique ou le Morbihan,
00:25 on estime qu'un élu local sur cinq a renoncé depuis 2020.
00:29 Alors pourquoi ? Posons les questions pour comprendre à une élue locale de Béric en Bretagne.
00:34 C'est Solène Lemoynier qui est en direct avec nous depuis le Morbihan. Bonjour à vous.
00:39 Bonjour.
00:40 Vous venez de créer l'UNEL, l'Union Nationale des Élus Locaux
00:43 pour que les conseillers municipaux ne soient plus les oubliés de la République.
00:47 Oubliés de la République, on en est vraiment là aujourd'hui ?
00:52 Il faut savoir qu'en France, il y a 520 000 élus locaux,
00:57 mais plus de 460 000 sont conseillers municipaux.
01:01 Et aujourd'hui, ils n'étaient pas représentés.
01:05 Et c'est eux les démissionnaires majoritaires.
01:10 Il fallait donc se pencher un peu sur la question,
01:12 et puis leur donner aussi l'accès à un interlocuteur
01:16 et les représenter auprès des travaux qui vont être engagés par le gouvernement.
01:21 Alors pourquoi ils jettent l'éponge ? Pourquoi ils démissionnent ?
01:23 Pourquoi ils renoncent finalement ?
01:24 Ils ont le sentiment de ne servir à rien concrètement ?
01:29 C'est ça. C'est tout à fait ça.
01:31 On a une forme de désillusion entre ce qu'on pensait pouvoir faire
01:35 et ce que concrètement on peut faire quand on est conseiller municipal.
01:38 On arrive avec des idées plein la tête,
01:41 et on n'est pas forcément prévenus que les pouvoirs que possède un conseiller municipal
01:46 sont extrêmement limités.
01:49 Et aujourd'hui, les communes ont de moins en moins de pouvoir d'action
01:53 sur leur territoire.
01:55 C'est beaucoup maintenant les communautés de communes qui gèrent.
01:59 Et donc un conseiller municipal aujourd'hui se rend compte
02:03 qu'il ne peut pas mener les projets qu'il avait prévus lorsqu'il s'est engagé.
02:07 Ça veut dire que quoi ? Que le maire est trop présent, omnipotent ?
02:11 Ils ont sentiment, ces conseillers municipaux, d'être un peu sur la touche,
02:14 souvent pas dans la confidence ou pas associés aux décisions ?
02:18 Il y a de ça, effectivement.
02:20 Alors ce n'est pas forcément de la faute des maires.
02:22 C'est la faute de la répartition des pouvoirs.
02:24 Aujourd'hui, les maires ont quasiment tout pouvoir sur leur commune,
02:29 et les conseillers municipaux n'en ont aucun, si ce n'est le vote en conseil municipal
02:33 sur des décisions qui ont déjà été prises, auxquelles ils n'ont pas forcément été associés.
02:37 Et il va falloir à tout prix travailler là-dessus
02:41 pour redonner un petit peu de raison à s'engager,
02:45 et de raison aussi à poursuivre le mandat.
02:48 Ça veut dire quoi ? Que l'État, par exemple, il ne joue pas son rôle
02:50 pour aider ses élus locaux, ses adjoints, ses conseillers municipaux ?
02:53 Parce que les préfets, ils ne doivent pas soutenir les élus, concrètement ?
02:57 Les préfets ont aussi perdu un peu de pouvoir à ce niveau-là.
03:02 Aujourd'hui, les préfectures ne sont là que pour contrôler à postériori
03:06 les délibérations qui ont été prises en conseil municipal.
03:10 Mais je ne dirais pas que le gouvernement nous laisse de côté,
03:13 puisque là, Dominique Faure a pris la parole là-dessus,
03:16 Madame la ministre aux Collectivités Territoriales,
03:19 et nous a quand même annoncé qu'elle allait travailler
03:22 justement à améliorer les conditions d'exercice du mandat.
03:25 Donc, il y a une prise de conscience.
03:27 Il faut les former mieux, ces élus, selon vous ?
03:30 Je pense déjà qu'il faut les préparer au mandat.
03:33 On a tendance, quand on est extérieur au monde politique municipal,
03:39 de ne voir que les projets aboutis, puisqu'on ne va communiquer que là-dessus.
03:42 On ne sait pas vraiment comment fonctionne un conseil municipal.
03:45 Et donc, on s'imagine qu'on va pouvoir agir quand on s'engage,
03:50 et la réalité est toute autre.
03:52 Donc, il faut déjà former au préalable les conseillers municipaux,
03:56 les adjoints et les maires aussi, de façon à ce que chaque rôle soit bien défini,
04:00 et que chacun sache réellement dans quoi il s'engage.
04:04 Et cette formation doit se faire en début de mandat.
04:08 Il va falloir faire vite pour encourager les vocations,
04:10 parce que sinon ça va être compliqué d'établir des listes
04:12 pour les prochaines municipales en 2026, si on jette l'éponge ainsi régulièrement.
04:16 On va se retrouver dans la même situation.
04:20 On aura peut-être la possibilité de constituer des listes,
04:23 mais encore faut-il conserver les élus et qu'ils aillent jusqu'au bout de leur mandat.
04:28 Donc, il faut leur donner un réel intérêt et un réel pouvoir d'action.
04:32 On ne va pas s'engager bénévolement dans quelque chose qui ne nous apporte rien
04:35 et sur lequel on n'a aucun pouvoir d'agir.
04:38 Donc, il faut revoir les choses, effectivement.
04:41 Il faut aller très vite, puisque 2026, c'est demain.
04:44 - Solène Lemoynier, est-ce que les relations de plus en plus difficiles
04:46 avec les citoyens, avec les habitants, c'est aussi une cause de ces renoncements ?
04:50 Je parle là, par exemple, de la violence de ces élus qui sont pris pour cible régulièrement.
04:54 - Les faits d'agression physique ne sont pas aussi présents qu'on pourrait le croire,
05:05 même s'il y a une visibilité médiatique qui est donnée depuis quelques mois.
05:10 On a plutôt une forme de résignation de la part des citoyens
05:14 et pas forcément d'agressivité.
05:16 Ils ont plutôt tendance à subir ce qui se passe.
05:20 L'agressivité, elle ne vient vraiment que sur des cas par cas
05:24 quand la frustration se transforme en violence.
05:27 Après, il existe aussi, malheureusement, les dérives des réseaux sociaux
05:31 et de l'anonymat qui permettent à certains, qui s'autorisent des propos
05:39 qu'ils n'auraient jamais tenus face à face.
05:41 - Vous, en tant que femme, en tant qu'élu, vous avez vécu ça ?
05:44 Des pressions, des actes violents, des intimidations ?
05:47 On a encore vu en Moselle, hier matin, un maire agressé, notamment.
05:50 Il y en a quand même de plus en plus.
05:52 - Alors, il y en a, effectivement.
05:55 Moi, personnellement, je ne les ai jamais vécus.
05:57 Les conseillers municipaux ne sont pas forcément ceux qui sont le plus pris à partie
06:01 puisqu'aujourd'hui, le maire est mis en avant, la visibilité du maire est mise en avant
06:06 dans toutes les communes, parce que c'est le représentant de la commune.
06:09 Donc, ça va devenir l'interlocuteur privilégié.
06:12 Et ça invisibilise le reste du conseil municipal.
06:16 Et donc, c'est toujours le maire qui va subir
06:18 parce qu'on n'identifie pas forcément les autres participants au conseil municipal.
06:24 Donc, pour les conseillers municipaux, c'est vraiment plus...
06:28 C'est encore plus anecdotique.
06:30 - Merci à vous, Solène Lemoynez, de nous avoir expliqué les choses ce matin.
06:33 Élue locale de Béric, donc, dans le Morbihan, en Bretagne.
06:36 Et je rappelle que dans certains départements, on estime qu'un élu local sur cinq
06:39 a quand même renoncé depuis 2020.
06:42 Entretien qu'on peut retrouver sur notre site rtl.fr.