Médecin, Hélène Rossinot publie "Ma famille, mon job et moi", un guide pratique pour tous ceux qui aident un proche, chez Robert Laffont.
Regardez L'invité de RTL du 06 octobre 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:05 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bécaud vous recevez donc ce matin le docteur Hélène Rossinot.
00:12 Hélène Rossinot, vous êtes médecin, experte de la vie de tous, de la question des aidants et vous publiez donc je le disais "Ma
00:19 famille, mon job et moi", un guide pratique pour tous ceux qui êtes un proche. Le livre est sorti hier et s'est publié chez Robert
00:24 Laffont. On va évoquer bien sûr
00:25 tous ces conseils très pratiques, très concrets que vous donnez mais je voudrais d'abord qu'on rappelle les chiffres que vous rappelez d'ailleurs dans ce
00:31 livre. 11 millions d'aidants aujourd'hui en France, un français sur six, 6 millions d'entre eux qui travaillent et d'ici
00:37 2030 avec le vieillissement de la population, on estime qu'un quart des salariés seront des aidants.
00:42 Ça nous concerne tous cette affaire. Ça nous concerne tous, on sera tous un jour aidant ou aidé, voire les deux, c'est possible
00:49 et on peut être aidant plusieurs fois aussi dans sa vie. Autre chiffre qui devrait nous interpeller,
00:53 la moitié des aidants décèdent avant la personne qu'ils aident.
00:57 Alors soyons honnêtes, c'est un chiffre que j'ai vu dans l'interview de la ministre ce matin.
01:02 J'ai pas trouvé le fondement scientifique exactement à ce chiffre.
01:06 Il y a plein de petits sondages d'observatoires qui s'amusent à sortir des chiffres depuis quelques années mais des vraies études scientifiques, on en manque.
01:14 La dernière du ministère, elle date de 2008, qu'il soit sérieuse. Donc j'aurais envie de dire que plutôt que sortir des chiffres comme ça pour frapper,
01:21 faisons une vraie enquête en profondeur sur l'état des aidants en France.
01:24 Faisons une vraie enquête et occupons-nous des aidants. J'entends ça depuis des années et des années.
01:30 Alors la ministre, vous la citez, Aurore Berger, ministre des Solidarités, elle annonce ce matin la création de 6000 places de répit
01:36 pour permettre aux personnes aidantes de souffler. Alors je sais que vous n'aimez pas ce terme de répit, vous l'écrivez dans le livre,
01:42 mais est-ce que ça va dans le bon sens ?
01:44 Ça, ça va dans le bon sens. C'est toujours important de pousser le répit. Alors c'est vrai que j'aime pas le terme
01:48 parce que répit c'est assez négatif, ça sous-entend que
01:51 on a besoin de faire une pause de quelque chose qui est lourd.
01:54 Et parfois, quand c'est dans les familles, on n'a pas envie d'utiliser ce mot, on peut avoir du repos.
01:59 Tout ce qui pousse à ce que l'aidant puisse se reposer, prendre une pause et souffler, c'est bien. Ma seule problématique, elle est que ce répit
02:05 touche les aidants qui s'occupent d'une personne porteuse de handicap ou d'une personne vieillissante.
02:10 Au milieu, vous vous occupez de quelqu'un qui a une maladie chronique, par exemple votre enfant a un diabète,
02:15 ou conjoint a un diabète, et vous êtes épuisé, il n'y a rien qui sera prévu pour vous parce que vous êtes hors des cases, en plein milieu.
02:21 Bon, et ça ne s'appliquerait que... enfin ça ne s'applique que... l'idée c'est 15 jours par an. Ça suffit 15 jours par an ? Non.
02:27 Enfin, je sais pas quand on s'occupe 24 heures... pas 24 heures sur 24, mais allez, même 12 heures par jour
02:32 de quelqu'un, 15 jours c'est pas beaucoup.
02:34 Ben disons qu'étant donné qu'on part de globalement zéro, on va dire que c'est mieux que rien, mais
02:39 on peut juste se réjouir d'un premier pas, pas d'avoir réglé le problème de manière générale.
02:45 Vous souhaiteriez que ce soit donc élargi, on l'a compris, à tous les aidants ?
02:50 Oui. Non seulement il faut que ce soit élargi, mais surtout il faut que ça rentre dans les mœurs aujourd'hui.
02:54 Parce qu'on a du mal à aborder la question du répit,
02:57 les professionnels de santé ne sont pas formés, la majorité des aidants ne savent pas encore qu'ils sont aidants, ne connaissent même pas le
03:02 terme, donc c'est bien de mettre en place des plateformes de répit, etc.
03:05 Mais si les gens ne savent pas qu'ils y ont droit, parce qu'ils ne connaissent même pas le terme,
03:08 on va dire que si vous avez déjà essayé de faire une campagne de pub pour quelqu'un qui ignore qu'il est la cible de la
03:13 campagne de pub, disons que je pense que c'est le cauchemar de tous les marketeurs.
03:17 Donc il faut commencer d'abord par changer le regard de la société, par changer le regard des aidants sur eux-mêmes.
03:23 Ça passe par les entreprises, ça passe par les professionnels de santé,
03:26 et ça passe par les politiques, s'ils daignent y mettre un peu de bonne volonté.
03:30 Bon, parce qu'en même temps, être aidant, j'allais dire, c'est une évidence.
03:33 Votre conjoint tombe malade, vous n'allez pas lui dire "Salut, vous vous en occupez".
03:38 Alors pas pour tout le monde. Moi j'ai plutôt tendance à dire que c'est un choix, même si ça peut choquer,
03:43 parce que quand on regarde une étude qui montrait, elle regardait les couples,
03:46 les couples dont quelqu'un était atteint d'une maladie grave dans le couple, le fait d'être une femme
03:51 multipliée par six le risque de se faire quitter pendant la maladie. Donc non, certaines personnes font le choix de partir.
03:58 Malheureusement, donc ce n'est pas une évidence, c'est le reflet de vos valeurs, c'est le reflet de votre éducation, de ce que vous avez envie de faire,
04:04 d'être plutôt quelqu'un de bien. Bon, sauf que l'aidant au quotidien, pour lui c'est une évidence que d'aider,
04:13 la priorité, écrivez-vous, c'est de ne pas s'oublier, de prendre soin de soi et surtout de ne pas
04:17 culpabiliser, ne pas se dire "je pourrais en faire beaucoup plus, il y a pire que moi,
04:20 il y a pire que lui". Ça part évident du bon sens tout ça, mais non.
04:25 Alors non, et c'est vrai que je peux compter sur le doigt des deux mains, je pense,
04:29 le nombre d'aidants qui m'ont dit ces huit dernières années "je ne culpabilise pas".
04:33 En fait, il y a énormément de solutions qui existent de plus en plus, mais elles sont souvent très peu, voire pas du tout utilisées,
04:38 parce que pour beaucoup, alors on a ceux qui sont perfectionnistes, qui veulent toujours quelque chose
04:42 de parfait, mais rien n'est jamais parfait, le domicile n'est pas parfait, l'hôpital n'est pas parfait, l'HEPAD est loin d'être parfait.
04:47 Il y a ceux qui se disent
04:49 "regardez mon proche est tellement malade, moi je suis juste un peu fatiguée, je peux pas me plaindre, il ne faut pas exagérer non plus".
04:55 Et ceux qui se disent "ils n'en font pas encore assez pour se considérer aidant et donc pour avoir droit à tous les dispositifs".
04:59 Vous parlez du syndrome de l'imposteur de l'aidant. Exactement.
05:03 Beaucoup de gens me disent "écoutez docteur, je pense que je ne suis pas encore aidante parce que d'accord,
05:09 j'aide un petit peu tous les jours, mais regardez, j'ai une amie, sa maman a Alzheimer, elle y est 24 heures sur 24, elle elle est aidante,
05:15 vous aussi vous êtes aidant, c'est pas parce que à côté de vous, prenez les urgences, moi en tant que médecin.
05:21 Il y a un patient qui arrive avec une jambe cassée, il y a un patient qui est juste à côté avec deux jambes cassées.
05:27 Si jamais en tant que médecin j'allais voir celui qui a une jambe cassée et que je lui disais "prenez sur vous quand même, regardez le voisin,
05:32 il a les deux jambes cassées",
05:33 je vous mets du doliprane et de l'autre côté je vous mets de la morphine.
05:36 Je pense que lors des médecins, il y aurait quelque chose à redire, je me ferais jeter en vitesse,
05:40 ça n'aurait aucun sens. C'est pas parce qu'il y en a un qui souffre avec deux jambes cassées que celui qui en a qu'une ne souffre pas.
05:46 Donc là, les aidants s'infligent en fait la même chose à eux-mêmes en diminuant leur souffrance.
05:51 C'est vraiment pour ça que dans mon livre j'ai mis le chapitre sur la culpabilité en premier,
05:55 parce que je me suis rendu compte que si on n'arrivait pas à travailler sur ça d'abord,
05:58 je pouvais donner tous les conseils que je voulais, ils seraient lus, certes, mais jamais appliqués.
06:05 Il faut changer le regard de la société, c'est bien que les politiques s'y intéressent, il faut aussi que les entreprises s'y intéressent.
06:10 Vous vous adressez d'ailleurs au patron et au DRH dans votre livre,
06:13 vous leur dites "c'est une chance, une formidable opportunité que d'avoir des aidants parmi ses salariés aujourd'hui".
06:19 Et il faut être sincère, je pense que tous les chefs d'entreprise qui nous écoutent,
06:22 quand quelqu'un leur dit "il faut que je m'occupe de mon proche", tout de suite ils se disent "mince,
06:26 il va être absent, plus concentré dans son travail".
06:29 Sauf que c'est une richesse, vraiment.
06:31 Non seulement c'est une richesse, mais déjà c'est hypocrite de penser ça comme ça.
06:34 Parce que je ne connais pas un humain qui soit à 100% tous les jours au travail.
06:38 Et si on prend un parallèle,
06:40 quand quelqu'un divorce, se fait larguer, est en pleine bagarre pour la garde de ses enfants,
06:44 il n'est pas forcément super concentré au travail non plus, et pourtant son patron ne va pas se dire
06:48 "oh là là non, je ne vais pas le mettre sur les dossiers, ça ne va pas, là là, quel boulet".
06:51 Non, c'est humain, c'est normal.
06:53 Parce qu'on s'est tous fait larguer, au moins une fois, on compatit.
06:56 Et tous les chefs d'entreprise, par contre, n'ont pas été aidants,
06:59 et donc ils ne comprennent pas forcément ce que ça veut dire.
07:01 Et non seulement c'est une richesse, parce que vous avez quand même des salariés qui sont des gens bien, de un,
07:07 mais en plus ils développent toute une flopée de compétences en faisant ce qu'ils font auprès de leurs proches,
07:11 que dans le monde de l'entreprise on appelle des "soft skills", des compétences interpersonnelles,
07:15 qui fait que quand, au fur et à mesure du temps,
07:17 vous aurez besoin d'eux dans des projets,
07:20 et bien vous aurez ces nouvelles compétences qui vont arriver.
07:22 On peut les mettre en valeur sur des CV, dans des entretiens d'embauche, sur des nouveaux projets.
07:27 Donc oui, c'est une chance d'avoir des salariés d'ends aujourd'hui, j'insiste.
07:31 D'un mot, docteur Rossino, sans ces aidants, c'est tout notre système de santé, on est d'accord, qui s'écroule ?
07:36 Complètement.
07:37 Et donc notre société en fait ?
07:38 Complètement, exactement. Moi je les appelle la colonne vertébrale des systèmes de santé,
07:41 parce que tout le monde nous parle du domicile et de l'ambulatoire,
07:44 mais il reste comment les gens à domicile s'il n'y a pas quelqu'un pour prendre soin d'eux ?
07:48 Même sur des hospitalisations à domicile, il y a 2, 3, 4 passages de soignants par jour,
07:52 mais sur 24 heures, ça représente quoi ? Une heure ou deux, quand max ?
07:56 Au milieu qui y a, les proches aidants.
07:58 Merci beaucoup docteur Rossino.
08:00 Je rappelle donc le titre de votre livre "Ma famille, mon job et moi",
08:02 c'est sorti hier et c'est publié chez Robert Lafont.
08:05 Merci à tous !