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Alors que la situation est toujours tendue au Proche-Orient, Guillaume Ancel, ancien officier et écrivain, auteur du blog "Ne pas subir", répond aux questions de Yves Calvi.
Regardez Le débat du 17 octobre 2023 avec Yves Calvi et Amandine Bégot.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h, RTL matin.
00:05 RTL il est 8h21, bonjour Guillaume Ancel.
00:11 Bonjour.
00:13 Merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes ancien officier spécialiste des questions de défense.
00:16 Je renvoie à votre blog très informé intitulé "Ne pas subir". On va revenir avec vous ce matin sur cette opération militaire terrestre
00:23 que prépare Israël sur la bande de Gaza.
00:26 Depuis samedi, Israël demande aux Palestiniens de quitter Gazaville pour se rendre plus au sud, mais l'attaque n'a toujours pas commencé.
00:32 Guillaume Ancel, qu'attendent les Israéliens ?
00:34 En fait ils hésitent et je pense qu'ils ont raison d'hésiter. La première chose c'est que
00:43 dans l'art de la guerre, on ne mène jamais un combat là où l'ennemi nous attend.
00:48 Or en fait l'armée israélienne réalise que la provocation du Hamas était d'abord destinée à la faire sur-réagir
00:55 et que leur idée initiale d'aller envahir la bande de Gaza
00:59 pour lutter contre le Hamas, mais je rappelle que le Hamas c'est quelques milliers de combattants et que la bande de Gaza c'est 2 300 000
01:07 palestiniens qui sont entassés dans un camp de réfugiés qui est une véritable prison à ciel ouvert.
01:12 Cette idée là n'a pas de sens. D'abord parce que le Hamas est une cible molle, il n'y a pas d'installation en dur,
01:19 ils n'ont pas d'armée, ils n'ont pas de char, ils n'ont pas d'avion et que d'autre part en attaquant la bande de Gaza
01:25 ils vont commettre des milliers de victimes collatérales qui seront en nombre
01:28 dix fois plus importantes que les combattants du Hamas qu'ils peuvent espérer neutraliser.
01:33 - Ça veut dire, pardonnez-moi, je vous interromps, qu'Israël essaye d'éviter un piège, une forme de piège ?
01:37 - Ah oui, je pense qu'Israël a pris conscience, alors beaucoup sous la pression internationale,
01:42 notamment des États-Unis, qui est leur principal allié, mais on le voit bien, Joe Biden a annoncé qu'il viendrait mercredi en Israël,
01:49 que les États-Unis essaient de montrer à Israël que bien sûr
01:53 les États-Unis seront toujours leur soutien, mais qu'en même temps ils ne peuvent pas les laisser commettre
01:59 ce qui serait un crime de guerre, parce que si les Israéliens tuent des dizaines de milliers de Palestiniens pour neutraliser le Hamas,
02:06 ça n'a aucun sens. Or, les bombardements qu'ils ont commencé à faire contre la bande palestinienne
02:11 ont été dévastateurs, ces bombardements. Il faut imaginer juste une chose,
02:18 chaque fois qu'on fait un tir d'artillerie, avec une simple batterie, qui est vraiment un truc de base, les Israéliens l'ont fait des milliers de fois maintenant,
02:25 on détruit l'équivalent d'un terrain de football.
02:28 Donc dans une zone aussi urbanisée et dense que la bande de Gaza, c'est un massacre à chaque bombardement. Or, il y a eu plus de
02:36 5000 bombardements aériens et terrestres faits par les Israéliens. Donc oui, c'est une catastrophe
02:42 de vouloir frapper la bande de Gaza pour détruire le Hamas. C'est une non-stratégie.
02:48 Et ça, les Israéliens le réalisent. - Vous nous dites qu'en fait, l'armée israélienne et les dirigeants israéliens
02:53 sont tenus de contenir leur désir de vengeance,
02:58 car c'est une forme de piège. - Oui,
03:01 tout à fait. Je pense qu'ils réalisent, avec le temps, on voit bien qu'ils avaient l'intention de rentrer
03:08 dans les trois ou quatre jours, c'est-à-dire en fait au milieu de la semaine dernière,
03:11 ils avaient tout préparé pour rentrer dans la bande de Gaza.
03:15 Et ils se sont retenus. Alors, il faut rappeler que, bien sûr, c'est une décision
03:19 politique de rentrer, c'est pas l'armée israélienne qui décide de rentrer, c'est le gouvernement Netanyahou.
03:23 Le gouvernement Netanyahou voulait surtout faire oublier tout de suite son échec, parce que c'est un échec sanglant
03:29 pour un gouvernement d'extrême droite qui avait promis une sécurité absolue aux Israéliens,
03:34 d'avoir subi une attaque aussi bestiale du Hamas, qui, je le rappelle, a fait au moins 1300 morts du côté israélien, et à chaque fois,
03:41 il faut multiplier par quatre le nombre de blessés. Une attaque qui est toujours en cours, parce que le Hamas continue à tirer tous les jours
03:48 sur Israël, donc la sécurité d'Israël n'est pas assurée. Et puis de l'autre côté,
03:52 vous avez une armée israélienne qui allait foncer dans le tas, et qui, heureusement, a été retenue,
03:57 encore une fois, sans doute beaucoup du fait des alliés, mais aussi de l'Union européenne, qui n'a pas hésité à dire
04:03 "Attendez, le fait que vous vouliez
04:05 détruire le Hamas, c'est légitime,
04:07 mais vous pouvez pas détruire le Hamas en détruisant la bande de Gaza, qui est d'abord un camp de réfugiés palestiniens. Et en plus, le monde
04:14 arabe, lui, bien sûr, soutient non pas le Hamas, mais soutient les Palestiniens, et dit "Finalement,
04:19 si aujourd'hui il y a une telle tension autour de la bande de Gaza, c'est aussi parce que c'est un camp qui a été mis sous
04:26 blocus depuis
04:28 2007, et ça, c'est inacceptable. Comment on a pu fermer les yeux sur une telle chose ? C'est une erreur collective,
04:34 ce qui se passe aujourd'hui au sud d'Israël." - Donc, vous nous dites aussi que le Hamas a tendu un piège à Israël,
04:40 mais en acceptant, pour le coup, le prix de quantité de morts dans les rangs palestiniens ?
04:45 - Alors, vous savez, le Hamas est un, comment dire, un monstre de cynisme.
04:52 Le dirigeant du Hamas est au Qatar,
04:55 et c'est lui qui dit à ses troupes "Il faut vous sacrifier jusqu'au dernier pour lutter contre Israël."
04:59 Bon, enfin, lui au Qatar, il risque rien pour l'instant. Donc, voilà, je vais pas m'arrêter à ça. Par contre,
05:05 ce qui est sûr, c'est que les Israéliens
05:09 ont besoin d'un petit peu de temps pour réfléchir à comment ils peuvent surprendre le Hamas,
05:14 pour ne surtout pas tomber dans l'embuscade qu'ont leur temps. Et il y a une question intermédiaire qui se pose, bien sûr, c'est celle des otages,
05:20 parce que si vous rentrez frontalement contre le Hamas,
05:23 la première chose que le Hamas va faire, c'est sacrifier les otages en les mettant devant et en montrant que ce sont les Israéliens,
05:29 quelque part, qui les ont tués. Donc, on pense, on n'est pas très sûr du nombre d'otages, on pense qu'il y en a entre
05:34 100 et 200. Ça tient au fait que les Israéliens n'ont pas encore pu identifier
05:39 toutes les victimes des corps qu'ils ont ramassés sur le territoire d'Israël. Il y a des corps qui sont tellement abîmés
05:45 que les Israéliens n'arrivent pas à savoir à coup sûr qui est-ce. Donc, du coup, il y a encore beaucoup de
05:52 victimes qui sont disparues, dont on ne sait pas très bien s'ils font malheureusement partie des gens qui ont déjà été tués ou s'ils ont
05:57 été pris en otage par le Hamas. Donc, cette question-là, elle est d'autant plus importante
06:02 que ce sont souvent des gens qui ont une double nationalité.
06:04 Et donc, forcément, les autres pays, comme la France, comme les États-Unis, disent "mais vous ne pouvez pas sacrifier les otages
06:11 d'un coup de crayon, vous êtes obligés de réfléchir". Et pendant ce temps, il y a des discussions avec le Hamas, qui sont faits par des tiers
06:17 dans la Croix-Rouge internationale, dans l'espoir
06:20 de faire libérer un certain nombre d'otages. Je pense que le Hamas ne le fera jamais sans une concession
06:25 massive d'Israël. Et donc, c'est peut-être ça aussi qui se négocie aujourd'hui.
06:30 - C'est quoi une concession massive d'Israël ?
06:32 - Ce serait soit un cessez-le-feu,
06:37 soit la possibilité pour les Palestiniens de pouvoir partir du côté égyptien. Parce que c'est vrai qu'aujourd'hui,
06:43 quand l'armée israélienne dit aux Palestiniens "descendez tous dans le sud de la bande de Gaza",
06:50 c'est aussi d'un cynisme total, puisqu'ils bombardent aussi le sud de Gaza. Donc,
06:54 on ne peut pas demander à des prisonniers de s'abriter dans un camp qui, de toute façon, est matraqué de tous les côtés.
07:00 Pour l'instant, les Palestiniens n'ont aucune échappatoire. Ils n'ont pas la possibilité
07:04 de sortir de ce camp qui fait une quarantaine de kilomètres de long sur quelques kilomètres de large.
07:09 C'est très peu pour 2 millions 300 mille personnes. Et tout le monde se tourne du côté de l'Egypte
07:14 en disant "mais ouvrez le passage vers l'Egypte, comme ça l'aide humanitaire pourra arriver".
07:18 Et puis il y a un flot de réfugiés qui pourra partir vers l'Egypte. Mais l'Egypte ne souhaite absolument pas
07:23 récupérer cette population palestinienne, parce qu'elle estime qu'elle est contrôlée par les frères musulmans.
07:28 Pour faire simple, le Hama, ce sont des héritiers des frères musulmans. Et que l'Egypte est en guerre contre les frères musulmans.
07:34 Donc, ils ne souhaitent pas voir arriver ce flot de réfugiés, tandis que les Israéliens ne seraient peut-être pas mécontents que
07:42 cette...
07:44 comment dire... que la bande de Gaza se vide du côté égyptien. Parce qu'ils savent très bien que les Palestiniens ne reviendraient sans doute pas.
07:51 !

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