GAULLISME - Arthur Chevallier est l'invité de Yves Calvi

  • il y a 5 mois
Hommage à Philippe de Gaulle : qu'est ce que représente le Gaullisme ? Arthur Chevallier, historien, chroniqueur histoire pour le journal Le Point est l'invité de Yves Calvi dans RTL Matin.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 20 mars 2024 avec Yves Calvi.
Transcript
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h-9h, RTL Matin.
00:06 Il est 8h23, bonjour Arthur Chevalier.
00:09 Bonjour Yves Callier.
00:10 Merci de nous rejoindre ce matin sur RTL, vous êtes historien, on retrouve notamment vos chroniques chez nos confrères du point.
00:14 Un hommage national est rendu à l'amiral Philippe de Gaulle aujourd'hui même aux Invalides, il sera midi.
00:18 Les obsèques ont lieu cet après-midi au cimetière de Colombel et les deux églises.
00:22 Philippe va donc y rejoindre Charles. Nous allons parler gaullisme, mais quand même Philippe, quelle vie et quel personnage, non Arthur Chevalier ?
00:28 Oui, quelle vie, quel personnage, évidemment il n'a pas pu éviter de suivre les traces de son père, en tout cas les voyages de son père,
00:33 puisque Philippe de Gaulle a rejoint avec la famille du général Londres dès juin 1940, le 18 juin d'ailleurs, il n'a pas entendu l'appel.
00:40 Il est arrivé à Londres et il a appris que l'appel avait eu lieu.
00:42 Et très naturellement il s'engagera dans les forces navales de la France libre, qui sont en fait l'ancêtre des forces de la France libre du général de Gaulle,
00:48 l'armée que de Gaulle a créée et qui deviendra ensuite l'armée de la libération avec la résidence française.
00:56 Il poursuivra d'ailleurs au sein de ces forces navales de la France libre sa carrière de marin, qu'il avait commencé en France à l'école navale de Brest,
01:02 interrompue évidemment par les événements, par la guerre et par le départ.
01:06 Alors, il n'avait pas le charme de son père, mais l'homme a une carrière et des engagements exceptionnels, vous venez de le rappeler.
01:13 On ajoutera qu'en 1940, lui il a fait la guerre, il ne parlait pas à lui, enfin à la radio à Londres, je dis ça c'est une provocation,
01:18 non mais je le dis volontairement parce que je me suis demandé parfois s'il ne le suggérait pas dans ses interviews.
01:24 Philippe de Gaulle, j'ai fait la guerre, pendant ce temps-là mon père parlait à la radio.
01:30 Je ne vois pas d'une telle mesquinerie de sa part, en tout cas je n'ai pas d'informations décisives là-dessus,
01:36 mais Philippe de Gaulle à mon sens ce n'est pas si...
01:38 J'ai tort de l'aborder comme ça.
01:40 Je pense que oui, je pense que ce n'est pas ainsi qu'il faut le voir.
01:43 Peut-être que ses rapports n'ont pas toujours été faciles avec le général de Gaulle, dans la mesure où imaginez un peu être le fils du général de Gaulle ce que ça pourrait donner.
01:47 Ce n'est pas facile facile.
01:48 Ce n'est pas facile facile, mais en fin de compte le général de Gaulle a aussi bien rempli son devoir quoi qu'il en soit.
01:52 - Ah oui, auparavant. Alors revenons à Papounet si je puis dire.
01:55 "Tout le monde a été ou sera gaulliste", affirmait André Malraux.
01:57 Alors ce n'est pas compliqué, tout le monde s'en réclame.
02:00 Est-ce qu'on frôle pas parfois le ridicule ?
02:02 - Bien sûr qu'on frôle le ridicule, puisque comme tous les ismes c'est par définition ridicule.
02:06 Le gaullisme c'est d'abord un homme, ça ne peut pas être pensé sans lui, le général de Gaulle, une vie et surtout des circonstances.
02:13 Ce que je veux dire par là si vous voulez c'est que tous les ismes sont une forme d'anachronisme.
02:16 C'est-à-dire qu'évaluer le gaullisme aujourd'hui, ce qu'aurait fait le général de Gaulle,
02:20 ce qui serait de bon ton relativement à sa carrière, ça n'a absolument aucun sens puisque l'histoire n'est pas la même,
02:24 l'homme n'est pas le même, la France elle-même a beaucoup changé.
02:26 - Donc on ne peut pas donner aujourd'hui de définition du gaullisme claire et précise,
02:29 appliquée à la situation qu'on connaît, bien entendu, c'est ce que vous venez de nous dire.
02:32 On sait ce qu'il a fait, on sait ce qu'il pensait, mais aujourd'hui on ne peut pas utiliser sa mémoire d'une certaine façon.
02:37 - On ne peut pas la détourner ou la dévoyer, en revanche il y a évidemment des intuitions,
02:41 des invariables relativement à ce qu'est la France selon le général de Gaulle,
02:44 il faudrait les moduler en fonction de ce qui constitue aujourd'hui notre actualité.
02:48 - Pourquoi tout le monde la revendique ?
02:50 - Tout simplement parce que le général de Gaulle a réussi à procéder à ce qu'André Malraux appelait la simplification romaine,
02:56 c'est-à-dire ce moment où les détails de son œuvre n'ont plus la moindre importance,
03:00 dans la mesure où il s'est imposé aux yeux de l'histoire avec une telle force, une telle puissance,
03:05 que de toute façon il est là, c'est un fait, et puis les commentateurs pourront bien parler, ça ne changera plus rien à sa postérité.
03:10 - Pour le biographe du général de Gaulle, Jean-Luc Barré, la mémoire de de Gaulle est tellement revendiquée qu'elle s'en retrouve pillée,
03:16 n'ont plus à ce terme, vous êtes d'accord avec cette analyse ?
03:18 - Oui, je suis assez d'accord avec ça, parce que, bon, on peut essayer d'imaginer en permanence ce qu'aurait fait le général de Gaulle,
03:23 d'ailleurs c'est un jeu assez amusant, mais dans le même temps, on ne peut pas se revendiquer du général de Gaulle
03:28 quand on croche certaines lignes morales, ou certaines lignes qui sont vraiment beaucoup trop contradictoires avec ce que lui aurait fait,
03:32 et tout de même il y avait quand même des tendances assez claires.
03:35 - La référence à l'œuvre du général de Gaulle n'a jamais été si fréquente et pourtant si approximative,
03:40 et parfois même délibérément abusive jusqu'au mensonge, je rappelle la fondation Charles de Gaulle. Ça résume tout ?
03:44 - Ça résume assez bien les choses, et on peut le comprendre aussi relativement au contexte international dans une France qui cherche à nouveau
03:49 à créer son indépendance stratégique, un contexte de retour de la guerre,
03:52 tout cela fait qu'évidemment les grands thèmes gaulliens sont d'actualité, et qui font qu'on cherche à se raccrocher à lui.
03:58 - Je cherchais une image, est-ce qu'on pourrait dire aujourd'hui, on comprend très bien la référence au général de Gaulle,
04:02 elle nous fait du bien à nous français, et d'une certaine façon elle nous rassure,
04:04 mais est-ce que le gaullisme n'est pas une boussole cassée ? Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire,
04:09 on lui demande de nous apporter des réponses à des questions qui ne sont plus celles que le général de Gaulle aurait sans doute abordées.
04:15 - C'est en fait que l'histoire pose des questions au passé qu'elle se pose elle-même, donc par définition elle attend,
04:19 mais cela étant, c'est-à-dire que le gaullisme avait un intérêt dans un contexte très particulier,
04:25 qui tout de même, il ne faut pas l'oublier, de Gaulle n'avait pas peur d'aller parfois contre des évidences,
04:30 et contre des doxas sur lesquels tout le monde s'accordait, et donc la notion de courage politique,
04:34 de courage tout court au fond, c'est-à-dire savoir dire non quand on a envie de le dire non,
04:37 ne pas avoir peur d'être faible par rapport à des adversaires qui ont l'air plus puissants,
04:41 ne pas avoir peur d'affirmer l'indépendance de la France, tout ça sont des grands thèmes gaulliens
04:44 qu'aujourd'hui sont franchement d'actualité et qui constituent la plupart des polémiques.
04:47 - Vous venez de décrire un homme libre avec une pensée elle aussi libre ?
04:50 - Absolument, la liberté à l'image sans doute de l'image qu'il avait lui-même de son pays,
04:54 c'est-à-dire un pays qui vit essentiellement, et là encore c'est le fruit de ces conversations avec Malraux qui nous le disent,
04:59 un pays qui devait vivre par sa réputation, c'est ça la France pour De Gaulle,
05:03 c'est quand il a le mot réputation et le sien, c'est-à-dire que c'est un pays qui doit vivre aussi de façon théâtrale,
05:08 avec des déclarations qui correspondent à sa réputation dans le monde,
05:11 et comme il le disait lui-même, il y a un rapport permanent et à travers les siècles
05:16 entre la liberté du monde et la France qui doit être un phare pour ces pays-là.
05:19 - Alors ça amène une dernière question probablement, c'est comment est perçu le général De Gaulle à l'étranger aujourd'hui ?
05:24 - Il est globalement excessivement populaire puisqu'il a fait très attention à ce qu'on appelle le multilatéralisme,
05:30 je ne veux pas employer ce mot en le dévoyant de son sens à l'époque,
05:33 mais enfin c'est-à-dire que le général De Gaulle, tout en affirmant son indépendance relativement aux États-Unis
05:37 en quittant le commandement intégré de l'OTAN, avait noué des relations diplomatiques avec la Chine,
05:43 on le sait, ça a été un moment très fort pour la Chine communiste,
05:46 ce qui fait qu'aujourd'hui on a peut-être des rapports un peu moins dégradés avec la Chine que d'autres pays occidentaux,
05:50 on le sait, il n'a pas hésité à parler à l'Union soviétique, n'est-ce pas ?
05:53 Puisque dans le grand jeu, dans l'affrontement bloc contre bloc de la guerre froide,
05:57 le général De Gaulle avait fait un choix, je parle à tout le monde afin de montrer que je ne suis au service de personne.
06:02 Mais ça voulait dire aussi, et c'est là où c'est très intéressant,
06:05 c'est que le gaullisme c'est un grand pragmatisme, c'est-à-dire qu'on ne vit pas de rêve, on ne vit pas sans réalité,
06:09 d'ailleurs De Gaulle l'a dit, il n'y a pas de politique concrète, efficiente, qui pourrait avancer sans prendre en compte la réalité.
06:15 La France n'était pas l'URSS, elle n'était pas les États-Unis, elle n'en avait pas la capacité.
06:18 Mais néanmoins, l'idée c'était de lui donner une indépendance en s'appuyant sur toutes ses puissances,
06:23 sans jamais se rattacher à une, et sa position relativement à l'Union Européenne d'ailleurs, est tout à fait représentative de ça,
06:28 puisqu'il était pour, ce sont ses mots, une solidarité des nations,
06:32 dans une Union Européenne qui n'aurait pas été contraignante d'un point de vue fédéral.
06:35 C'était ça sa vision des choses.
06:37 par les histoires.
06:38 Merci à tous !

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