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Le débat sur l'écriture inclusive a été relancé par le texte défendu par la sénatrice Les Républicains Pascale Gruny, voté par le Sénat. Éliane Viennot, chercheuse en littérature, est l'invitée de RTL Matin.
Regardez Le débat du 30 octobre 2023 avec Yves Calvi et Amandine Bégot.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h - 9h, RTL Matin.
00:05 Avec des mots superbes
00:11 qui portent son histoire à travers ses accents
00:15 où l'on sent la musique et le parfum des airs
00:19 le fromage de chèvre et le pain de frogo.
00:23 Bonjour Eliane Viennot. Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur RTL. Vous êtes historienne, linguiste,
00:29 professeure à mérite de littérature.
00:31 Emmanuel Macron inaugure donc aujourd'hui à Villers-Cotterêts dans l'Aisne son grand projet culturel. Lancé en 2017, la Cité internationale de la langue française.
00:38 L'ouverture au public est prévue pour mercredi. Une maison commune offerte à tous les francophones, nous dit l'Elysée. Est-ce que ça vous semble utile ?
00:45 Ah oui oui, moi je trouve l'idée très bonne. Évidemment j'ai pas vu à quoi ça ressemble
00:51 mais je trouve que l'idée est très bonne parce que nous avons des idées
00:55 tout à fait fausses en général sur la langue française. Nous n'apprenons pas, nous ne connaissons pas l'histoire de la langue française
01:01 y compris les gens qui l'enseignent en général à l'école ne connaissent pas cette histoire. Donc oui oui c'est très utile.
01:07 Le sous-entendu de la création de cette Cité internationale de langue française
01:11 est-il que notre langue est en danger ? Ce qui est quelque chose qu'on entend très régulièrement et je veux bien avoir votre avis là-dessus.
01:17 Alors non, le français n'est pas en danger.
01:19 L'ONU
01:21 publie régulièrement un atlas des langues en danger.
01:24 Le français n'en fait pas partie. Il y a des langues en France qui en font partie. Le gascon est une langue en danger,
01:31 l'occitan est une langue en danger, le breton est une langue en danger. Il y a une définition très précise des langues en danger, ce sont les
01:39 langues que les enfants n'apprennent plus comme langue maternelle. Donc ce sont des langues qui sont évidemment en danger de disparaître
01:48 si on ne fait pas quelque chose pour qu'elles ne disparaissent pas.
01:52 Donc vous nous dites qu'on en est bien loin en ce qui concerne le français à l'échelle du pays.
01:55 C'est une plaisanterie de parler que non seulement à l'échelle du pays mais à l'échelle du monde.
02:00 C'est ce que j'allais vous demander, la francophonie ça existe encore ?
02:02 Bien entendu, il y a plus de 280 millions de gens qui parlent ou qui écrivent le français, soit comme langue maternelle
02:10 et rien d'autre comme nous en général, soit
02:14 bilingue, trilingue, etc.
02:16 Et pourtant Eliane Viennot, on observe et on commente en permanence une baisse continue du niveau de français
02:21 de nos jeunes élèves depuis des années. Est-ce qu'il faut être inquiet ? Est-ce que c'est une réalité ?
02:26 Et d'ailleurs est-ce que cette baisse continue est d'une certaine façon une sorte de fantasme d'invasion ? Comment percevez-vous les choses ?
02:33 Alors il faut être inquiet parce que les autorités ne se décident pas à
02:39 changer les choses et à faire qu'elles soient un peu plus simples. Par exemple en Italie,
02:44 en Espagne, on a
02:46 modernisé, on a simplifié l'orthographe parce que notre orthographe est beaucoup trop compliquée.
02:52 C'est pas vrai qu'elle est rationnelle, ce n'est pas vrai qu'elle est étymologique, elle est pleine d'irrationalité.
02:58 Mais elle est historique non ? Et là on peut essayer de la préserver ?
03:01 Non, non, c'est pas historique, c'est simplement que les
03:05 les nettoyages n'ont pas eu lieu.
03:08 On a eu une grande réforme orthographique au milieu du 19e siècle et depuis on attend d'autres réformes orthographiques.
03:16 La dernière, celle de 1990, n'est pratiquement pas appliquée. En général la presse ne la connaît pas.
03:21 Moi-même qui était enseignante à l'époque, je n'ai jamais été avertie qu'il y avait eu une
03:27 réforme orthographique. Voilà, il faut la faire.
03:30 Excusez-moi mais en termes de marine, vous êtes en train de nous dire qu'il faut nettoyer le pont.
03:33 Vous comprenez que la moitié de ceux qui nous écoutent là sont stupéfaits. Ils se disent "mais comment un professeur émérite de français peut-il nous
03:38 dire qu'il faut aujourd'hui à nouveau, en quelque sorte, refaire la coiffure du français ?"
03:43 Oui, donc c'est ça qui est inquiétant.
03:44 Parce que c'est ça qui est inquiétant. Parce que si on ne change pas ces choses-là, si on ne se décide pas à
03:51 simplifier ce qui pourrait être simplifié de manière raisonnable,
03:54 bien entendu, les Italiens, les Espagnols qui ont fait ça n'écrivent pas n'importe comment. Ils ont fait des réformes pensées.
04:00 Si nous ne faisons pas ça, nous savons ce qui va se passer. C'est-à-dire que l'écart
04:06 entre ce que font les francophones, les français, les françaises et la norme va continuer de
04:12 s'agrandir. Et nous allons continuer de nous désoler, année après année, de ce que le niveau baisse.
04:18 - Et si je vous dis que vous tirez le français vers le bas ?
04:20 Et que demain vous m'expliquez que pour le code de la route on n'est plus forcément obligé de respecter le rouge,
04:25 l'orange et le vert parce que d'une certaine façon on devrait trouver une sorte d'harmonie ?
04:28 - Non, c'est le contraire. C'est-à-dire que, au contraire, le code de la route
04:32 normalement est censé être rationnel. Et quand il y a des choses qui ne l'étaient pas, elles ont été
04:36 rationalisées. Donc c'est ça qu'il nous faut faire dans notre langue. Il ne s'agit pas de
04:41 d'écrire n'importe comment. Personne ne propose cela. Tous les gens qui sont favorables à des réformes
04:46 autographiques sont en général des gens très savants, qui sont très raisonnables.
04:50 Mais il faut y arriver. Il faut le faire.
04:53 - Eliane Viennot, une proposition de loi venant de la droite arrive aujourd'hui au Sénat. Elle prétend, je cite,
04:57 "protéger la langue française des dérives de l'écriture dite inclusive".
05:01 Comprenez-vous les réticences que cette forme d'écriture suscite ?
05:03 - Je les comprends dans la mesure où le débat est très mal parti, où le débat est très mal expliqué.
05:11 Je trouve qu'il y a, ce que je dis souvent, une sorte d'hystérisation autour de ce sujet qui n'en est pas vraiment un.
05:20 Et qui...
05:23 Je comprends absolument pas comment il se fait que les élus ne se renseignent pas sur le fait qu'il n'y a pratiquement pas de sujet.
05:30 Le seul sujet qui les inquiète en général, parce qu'ils ne se sont pas
05:33 demandé vraiment "qu'est-ce que c'est que le langage égalitaire ?" Nous voulons... Les gens comme moi
05:38 demandent à ce que le français devienne plus égalitaire.
05:42 Ce que nous savons faire, nous savons dire bonjour à tous et à toutes.
05:44 Vous voyez, on n'a pas besoin d'inventer le mot "toutes". Nous avons besoin d'apprendre à l'utiliser.
05:49 Ce qui est tout à fait autre chose. Donc c'est ça le langage égalitaire, c'est de dire il y a des joueurs et des joueuses, des auditeurs et des auditrices.
05:57 Il faudrait apprendre un petit peu à faire des accords comme le faisaient Racine ou Montaigne, etc. C'est-à-dire des accords de proximité, des accords égalitaires.
06:04 Mais l'histoire du point médian sur lequel tout le monde se focalise, c'est rien du tout.
06:10 - Si je vous dis que... - C'est rien du tout.
06:12 Je finis juste la phrase. En général, on ne se rend pas compte que c'est juste un
06:16 candidat, on va dire, qui a remplacé les "e", les parenthèses. Vous savez "marié" entre parenthèses "e".
06:23 Vous avez sur votre carte d'identité "né" entre parenthèses "e", "le".
06:27 Enfin, les anciennes cartes d'identité, ça a changé.
06:30 - Pardonnez-moi, mais si je vous dis que l'inclusif, c'est excluant pour ceux justement qui n'ont pas les codes.
06:34 - Alors ce qui est...
06:36 - On...
06:38 On dramatise leur situation.
06:40 - Ce qui est excluant, c'est de dire "bonjour à tous" quand il y a des "toutes" au bout du fil.
06:44 Ça exclut la moitié de la population.
06:47 - Merci beaucoup Eliane Viennot. Je rappelle que vous êtes professeure à mérite de littérature.
06:51 de l'environnement.
06:52 [SILENCE]

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