Le projet PAPEO : la communication engageante – pratiques pour accompagner le changement de comportement

  • l’année dernière
Changer le comportement des individus et des ménages pour répondre aux enjeux climatiques et préserver les ressources. Faire évoluer nos modes de vie vers plus de durabilité. Oui, mais comment ?

Découvrez ici le projet PAPE0 pour encourager les agents d’un conseil départemental à adopter des gestes écocitoyens sur leur lieu de travail, piloté par Auxilia Conseil.

Ce retour d’expérience fait partie de la collection « Pratiques pour accompagner le changement de comportement » réalisée par l’ADEME dans le cadre de ses travaux en sciences humaines et sociales et des actions de terrain identifiées avec ses équipes ou des partenaires. L’objectif est d’inspirer les acteurs qui travaillent sur l’accompagnement au changement de comportement des individus et des ménages dans le domaine de la transition écologique.

Ces retours d’expérience sont extraits de la formation « Acquérir les fondamentaux du changement de comportement : Espace Ressources ».
Transcript
00:00 [Musique]
00:13 Alors aujourd'hui je vais vous parler du projet PAPEO qui est un projet de recherche financé par l'ADEME
00:17 dans le cadre d'un appel à projets de recherche vers des bâtiments responsables à l'horizon 2020.
00:22 C'était l'édition 2015.
00:23 C'est un projet qu'on a mené en partenariat avec Auxilia, avec NCLIC, un bureau d'études sociologiques,
00:29 le LAPS, le Laboratoire parisien de psychologie sociale, qui est un laboratoire de l'université de Paris-Nanterre,
00:36 avec notamment Delphine Labouz-Henri.
00:38 Et également on a travaillé avec Acajoul, qui est un bureau d'études spécialisé dans l'énergie.
00:44 Le but de ce projet en fait était d'accompagner les agents d'un conseil départemental
00:50 à adopter des gestes éco-citoyens, plus spécifiquement en lien avec l'énergie, sur leur lieu de travail.
00:55 On a considéré que ces gestes éco-citoyens pouvaient être considérés comme étant des pratiques
01:00 de citoyenneté organisationnelle dirigées vers un longéronnement.
01:04 Ce qu'on entend par là, c'est que ce sont des comportements qu'on ne peut pas imposer,
01:08 enfin que la structure ne peut pas imposer à ses collaborateurs,
01:11 elle ne peut pas demander à ses collaborateurs de faire des éco-gestes.
01:14 Et pour autant, ces comportements vont contribuer à améliorer le fonctionnement de l'organisation.
01:19 Donc on partait de l'hypothèse que les pratiques d'éco-citoyenneté,
01:25 et donc de citoyenneté organisationnelle dirigée vers l'engironnement,
01:28 vont dépendre de trois catégories de facteurs.
01:31 Les facteurs individuels, donc mes attitudes, mes pensées, toutes mes valeurs,
01:37 mon rapport à l'engironnement, mes habitudes à domicile.
01:39 Et dans un deuxième temps, on s'est intéressé bien sûr aussi aux facteurs plutôt techniques et engironnementaux.
01:46 Est-ce qu'au sein de mon bâtiment de travail, est-ce que j'ai facilement accès à certaines caractéristiques
01:51 pour régler la température, pour gérer la luminosité, etc.
01:55 Et le dernier facteur qui nous intéressait particulièrement dans ce projet,
01:59 c'était la notion plutôt de contexte organisationnel et de contexte social
02:02 dans lequel les pratiques individuelles s'inscrivent.
02:05 Quand je suis à mon bureau, quand je suis sur mon lieu de travail,
02:08 je n'ai pas forcément les mêmes pratiques qu'à mon domicile
02:10 parce que mon environnement social n'est pas le même, mon entourage n'est pas le même,
02:14 et aussi on a tout un contexte organisationnel propre à un environnement de travail qui est très spécifique.
02:19 Le projet s'est organisé en quatre grandes étapes
02:27 pour répondre à cette question d'accompagnement des changements de comportement.
02:31 La première étape, ça consistait à réaliser un audit énergétique du bâtiment dans lequel le projet se déroulait.
02:36 Ça, c'est Acajoul qui a réalisé cet audit énergétique.
02:39 Ça nous a permis d'identifier où situer les marges de manœuvre individuelles en termes d'économie d'énergie.
02:45 Et donc ces marges de manœuvre se situent sur trois postes.
02:48 Les économies liées à la gestion du chauffage ou du froid dans le bâtiment,
02:53 les économies liées à l'éclairage, est-ce que j'éteins dans mon bureau, la plafonnie, etc.
02:58 et la gestion de la bureautique, donc les ordinateurs
03:01 et aussi les appareils électriques qu'on peut utiliser dans un bureau.
03:04 La deuxième étape du projet s'appuyait sur un audit d'usage,
03:08 qui se décomposait elle-même en deux sous-étapes.
03:11 Une série d'entretiens auprès des agents du Conseil départemental.
03:15 On les interviewait sur leur rapport à leur travail,
03:18 sur leur rapport aux économies d'énergie au travail
03:21 et sur le contexte organisationnel dans lequel ils étaient.
03:24 À partir de ces entretiens, on a aussi réalisé une enquête par questionnaire.
03:28 On a diffusé par mail.
03:30 L'idée des entretiens était de voir si spontanément les agents faisaient le lien
03:35 entre leurs pratiques environnementales, leurs habitudes chez eux,
03:40 leur contexte professionnel, l'ambiance de travail au sein de leur équipe
03:45 et les caractéristiques techniques du bâtiment dans lequel ils étaient.
03:48 Sur cette base, on a fait une enquête par questionnaire,
03:50 donc c'est la troisième étape,
03:52 qui nous permettait de vérifier des corrélations entre les éléments qui nous intéressaient,
03:56 à quel point dans les réponses des participants,
03:58 on observe des liens statistiques entre, par exemple,
04:01 mon appropriation de mon lieu de travail
04:03 et le contexte organisationnel dans lequel je suis,
04:06 et mon appréciation de ce contexte organisationnel.
04:08 Sur la base de ces trois premières phases,
04:10 donc l'audit d'usage, avec l'enquête, les deux entretiens et l'audit énergétique,
04:15 on a réalisé un dispositif expérimental
04:17 pour encourager les agents à adopter de nouvelles pratiques sur leur lieu de travail.
04:21 Ça, ça constitue la quatrième étape,
04:23 qui est donc la phase de recherche-action plus empirique de notre projet.
04:32 Pour l'audit énergétique, c'est plus du ressort d'Acajoule,
04:37 donc j'ai moins de choses à apporter sur la dimension purement technique.
04:41 Tout ce que je peux dire, c'est qu'on s'est appuyé sur une série de capteurs
04:45 qui étaient déjà présents dans le bâtiment
04:47 pour mesurer la consommation d'énergie liée, par exemple, à l'éclairage,
04:50 liée au chauffage, liée à la bureautique.
04:52 On a ajouté certaines sondes de température dans certains bureaux,
04:55 plutôt pour l'expérimentation.
04:57 Je reviendrai dessus plus tard, je pense.
05:00 Pour la question de l'audit d'usage, avec les entretiens et l'enquête par questionnaire,
05:05 effectivement, on aurait pu utiliser d'autres approches,
05:08 notamment, c'est ce qu'on a fait avec NCLIC sur un autre projet,
05:11 c'est utiliser plutôt des méthodes de monographie,
05:13 d'observation participante dans les bâtiments.
05:15 Plutôt que de faire des entretiens,
05:17 on aurait pu observer directement, pendant un temps donné,
05:21 ce que les agents faisaient dans leur bureau,
05:23 leurs habitudes par rapport à l'énergie.
05:25 On a choisi de partir sur des méthodes d'entretien et d'enquête par questionnaire
05:29 parce que ce sont des méthodes relativement rigoureuses et cadrées
05:32 qui nous permettaient d'avoir des informations assez quantitatives
05:37 sur les réactions des agents, notamment dans l'enquête.
05:42 Et l'entretien nous permettait d'avoir des points de vue très différenciés.
05:46 On a remarqué, d'une part, que parmi les agents qu'on a interviewés
05:55 et dans l'enquête, que plusieurs agents déclaraient avoir une envie
05:59 d'engager un peu plus dans l'écocitoyenneté sur leur lieu de travail.
06:03 Et d'autre part, que ces agents relevaient aussi un besoin
06:07 de cohérence d'ensemble et d'exemplarité de la part du Conseil départemental.
06:12 Et aussi un manque de normes sociales sur cette question
06:15 des enjeux environnementaux sur le bâtiment de travail.
06:18 Donc, à partir de ces différents éléments,
06:20 on a co-construit avec des agents une démarche de sensibilisation
06:24 et d'accompagnement au changement de comportement.
06:27 Pour ça, on a recruté 10 agents volontaires
06:31 qui se sont organisés par binôme.
06:33 Donc, on avait 5 binômes d'agents volontaires.
06:35 On a fait une journée de formation/action avec eux,
06:38 pendant laquelle on a co-construit la démarche de sensibilisation.
06:42 À la fin de la journée, ils se sont eux-mêmes nommés les éconautes.
06:46 Et leur but était d'aller à la rencontre de leurs collègues
06:50 pour les sensibiliser, pour créer une culture commune
06:53 sur ces questions de changement de comportement
06:55 et d'économie d'énergie au travail.
06:57 Et aussi pour les engager à adopter certains éco-gestes au quotidien.
07:02 Donc, il suivait un certain nombre de leviers de psychologie sociale
07:05 et de sociologie qui sont déjà connus.
07:08 Notamment, on s'est appuyé sur la théorie de l'engagement
07:10 qui consiste à dire que pour amener quelqu'un à changer de comportement,
07:13 il faut l'amener à prendre position par rapport à ce changement,
07:17 l'amener à prendre des décisions qui vont l'engager dans une certaine direction.
07:21 Et on s'est aussi beaucoup appuyé sur des notions
07:23 plutôt de sociologie des organisations et de normes sociales.
07:26 Le but étant de faire en sorte que les agents n'aient pas l'impression
07:30 de faire des gestes isolés dans leurs coins,
07:32 mais plutôt que ce qu'ils faisaient, ce à quoi ils s'engageaient,
07:35 contribuait à une action plus commune.
07:37 Ce qu'on observe à In Fine, c'est qu'effectivement,
07:45 on observe un changement de pratique et aussi de mentalité
07:48 pour évaluer cette dimension de changement de comportement.
07:53 On s'est appuyé sur deux principales sources de mesure.
07:56 On faisait un quiz qu'on envoyait aux participants,
07:59 aux agents qui étaient dans des bureaux équipés d'une sonde de température.
08:03 On leur envoyait un quiz avant le passage des éconotes,
08:07 pendant, quelques mois après le début de la démarche
08:11 et à la fin de la démarche.
08:13 C'était exactement le même quiz dans les trois cas.
08:15 On envoyait ce quiz à la fois aux agents qui étaient rencontrés par les éconotes
08:19 et aux agents qui constituaient notre groupe contrôle,
08:22 qui n'étaient pas rencontrés par les éconotes.
08:25 Ça, c'était plutôt pour avoir des mesures à la fois sur les mentalités,
08:28 l'évolution des mentalités et l'évolution des pratiques déclarées.
08:31 Et d'autre part, à Cajoule, relever les modifications
08:35 en termes de consommation énergétique dans le bâtiment
08:38 et plus spécifiquement dans les bureaux qui étaient équipés d'une sonde.
08:41 Et ce qu'on observe effectivement, c'est que dans le groupe contrôle,
08:44 les mentalités n'évoluent pas significativement.
08:47 A priori, statistiquement, elles ne changent pas par rapport à avant ou après,
08:51 ce qui est notre hypothèse normale.
08:53 En fait, il n'y a pas de changement dans ce groupe-là.
08:56 À l'inverse, dans les deux groupes qui étaient rencontrés par des éconotes,
09:00 on observe des changements de mentalités et des changements de pratiques déclarées.
09:04 Sur plusieurs niveaux, d'une part, la fréquence des écogestes
09:07 déclarés par les agents rencontrés par les éconotes augmente.
09:12 Les agents déclarent faire plus fréquemment un certain nombre d'écogestes
09:15 sur leur lieu de travail, sur la bureautique, l'énergie,
09:18 enfin sur l'éclairage et le chauffage.
09:21 On observe aussi un changement en termes d'attitude à l'égard
09:24 de la question de l'énergie sur le lieu de travail.
09:27 Ils sont plus favorables à la préservation aux économies d'énergie
09:30 sur leur lieu de travail après le passage des éconotes.
09:33 Et enfin, on observe aussi un changement en termes de normes sociales.
09:37 Ils déclarent que la question de l'énergie sur le lieu de travail
09:40 est plus une question débattue entre leurs collègues qu'avant le passage des éconotes.
09:46 Et sur la question des relevés énergétiques réalisés par Acajoul,
09:51 on observe aussi des changements, des évolutions
09:54 entre avant le passage et après le passage.
09:57 Et ces évolutions sont plus marquées dans les groupes expérimentaux
10:01 rencontrés par nos éconotes que dans le groupe contrôle
10:06 où on n'observe pas de variation significative.
10:08 [Musique]
10:13 On avait cette question du lien entre l'éco-citoyenneté au travail
10:16 et le contexte organisationnel.
10:18 Puisque mon organisation ne peut pas m'imposer certains gestes,
10:22 réciproquement, qu'est-ce qu'elle me fournit
10:25 si elle me demande de les faire sans me les imposer ?
10:28 Et aussi, dans quelle mesure mon contexte organisationnel
10:31 va favoriser ou non l'appropriation de certains gestes ?
10:34 Bien sûr, en fait, ça impliquait que dans notre questionnaire,
10:38 on pose un certain nombre de questions sur le contexte du travail,
10:42 sur l'ambiance entre les équipes,
10:44 la question de la communication au sein de l'organisation,
10:46 le rapport à la hiérarchie, etc.
10:48 C'était des questions qui pouvaient être perçues comme problématiques
10:51 pour certaines instances du Conseil départemental
10:55 qui considéraient qu'elles n'avaient pas forcément de lien direct
10:58 avec l'éco-citoyenneté.
11:00 Donc la question de l'organisation du travail,
11:02 l'ambiance de travail, de contexte entre les collègues,
11:06 pour eux, était déconnectée de la question de l'éco-citoyenneté.
11:10 Et c'était aussi problématique, plus politiquement, bien sûr,
11:14 de poser ce genre de questions.
11:16 Donc on a eu un temps d'échange assez régulier
11:20 avec le Conseil départemental pour ajuster ce dispositif d'enquête
11:24 pour que nous, on puisse quand même poser des questions
11:26 sur l'organisation du travail
11:28 sans pour autant mettre en défaut, en quelque sorte,
11:32 le Conseil départemental.
11:34 Ça, c'était une première problématique qu'on a rencontrée
11:37 au cours du projet.
11:39 La deuxième chose, c'est que, bien sûr, assez spontanément,
11:43 on aurait tendance à penser que les mesures physiques
11:46 sont toujours plus objectives que les mesures plus issues
11:50 des sciences humaines.
11:52 Sauf que là, on était sur un bâtiment tertiaire
11:56 avec beaucoup d'agents qui pouvaient potentiellement
11:59 changer de service, changer de bureau, etc.,
12:02 voire quitter la structure.
12:04 Ce qui fait qu'en fait, entre le moment où on a installé
12:06 les sondes de température et le moment où l'expérimentation
12:08 a véritablement démarré, on a plusieurs personnes
12:11 qui avaient changé de bureau, ou alors des bureaux
12:14 qui avaient été scindés en deux, ou au contraire,
12:16 des bureaux qui étaient transformés en salles de réunion, etc.
12:19 Ce qui fait qu'on avait perdu la trace un petit peu
12:21 de certaines sondes, ce qui a été un petit peu difficile au début
12:24 et ce qui a mis un peu de ralentissement dans le projet.
12:28 Et ensuite aussi, le dernier point d'amélioration,
12:33 c'est que dans la démarche des éconotes,
12:36 on avait cinq binômes d'agents qu'on avait formés
12:40 ou avec qui on avait co-construit la démarche.
12:43 Mais pour autant, ces binômes avaient aussi
12:45 leur vie professionnelle, bien sûr, en dehors de la démarche
12:48 et aussi un certain nombre de contraintes
12:51 qui leur étaient propres.
12:53 Et le fait de ne pas être directement sur le terrain avec eux
12:56 rendait difficile le suivi de ce que pouvaient faire les éconotes.
13:02 On avait des psychologues sociaux, des sociologues
13:08 et des experts en énergie.
13:10 Et le fait de croiser les regards, ça nous permettait
13:12 déjà de mieux comprendre ce que les autres font,
13:15 de mieux comprendre aussi l'imbrication entre les niveaux
13:18 individuels, micro-sociaux et organisationnels,
13:22 et aussi de faire le lien plus facilement
13:24 avec des questions d'énergie qui étaient plus techniques.
13:27 Pour moi, c'était un premier aspect très intéressant dans le projet,
13:30 c'est cette approche pluridisciplinaire et sociotechnique
13:33 de cet enjeu de transition énergétique
13:35 et de sobriété énergétique sur le lieu de travail.
13:39 Pour moi, c'était un premier élément.
13:42 Le deuxième élément, c'était plutôt sur l'organisation
13:45 des éconotes en eux-mêmes.
13:48 C'était donc effectivement une aventure assez intéressante
13:51 d'échanger avec ces éconotes qu'on avait formées
13:54 et qu'on suivait régulièrement.
13:57 On se rend compte à l'issue de la démarche que eux-mêmes disent
14:00 avoir besoin d'une plus grande légitimité,
14:02 d'une plus grande reconnaissance de la part de leur hiérarchie
14:06 pour pouvoir plus facilement aller à la rencontre
14:08 des autres agents, ce qu'on comprend assez facilement.
14:11 Et par ailleurs, bien sûr, ça pose la question
14:14 du portage politique de ce type de démarche.
14:17 Et après, comme je vous le disais, il y a cette question
14:19 de la posture de facilitateur qui n'est finalement
14:23 pas si simple à tenir quand on n'est pas forcément
14:27 très familier avec ce type d'approche.
14:29 [Musique]

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