Tandis que le conflit fait rage au Proche-Orient, Rima Hassan, juriste et présidente fondatrice de l'Observatoire des camps de réfugiés, est l'invitée d'Yves Calvi.
Regardez Le débat du 26 octobre 2023 avec Yves Calvi et Amandine Bégot.
Regardez Le débat du 26 octobre 2023 avec Yves Calvi et Amandine Bégot.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h-9h, RTL Matin.
00:05 RTL, il est 8h22. Bonjour Rima Hassan.
00:10 Bonjour Yves Calvi.
00:13 Vous êtes juriste en droit international, présidente fondatrice de l'Observatoire des camps de réfugiés.
00:17 Merci beaucoup d'être en ligne avec nous ce matin depuis Amman en Jordanie.
00:20 Rima Hassan, nous en parlions dès notre journal de 8h.
00:23 L'armée israélienne a donc mené dans la nuit des opérations ciblées avec des tanks dans le nord de la bande de Gaza.
00:29 Quelle est votre réaction ?
00:31 Ma réaction c'est de recontextualiser éventuellement toutes
00:34 ces attaques dans les 19 jours de conflit qui eux-mêmes doivent être contextualisés dans
00:44 ce que beaucoup de médias ont envie de faire dans un conflit qui dure depuis 75 ans.
00:48 Si vous voulez, le conflit n'a pas ressurgi de façon explosive
00:52 que depuis le 7 octobre. Il y a une urgence vraiment de resituer tout ça dans un contexte qui est beaucoup plus large.
00:58 Et on peut juste déplorer que le cessez-le-feu immédiat,
01:04 qui est quand même demandé par énormément de pays, énormément d'opinions publiques aussi,
01:08 je pense qu'il faut aussi regarder les mobilisations à l'échelle internationale dans la rue,
01:14 qui demandent un cessez-le-feu immédiat pour que des négociations puissent se jouer dans la politique entre Israël et les païssiens.
01:22 La reine Rania de Jordanie dénonce elle, je cite,
01:24 "un silence assourdissant, un monde occidental complice de la situation dramatique dans laquelle se trouvent les Gazaouis".
01:30 Elle a raison ?
01:33 Elle a tout à fait raison. Je pense que les Palestiniens disent depuis très très longtemps
01:37 qu'effectivement il y a un deux poids deux mesures. On peut quand même rappeler des données
01:41 dont tout le monde peut s'y saisir. Israël a bafoué 104 résolutions de l'ONU depuis 1947 à 2019.
01:50 Il n'y a eu aucune conséquence du point de vue de la mobilisation de la communauté internationale.
01:55 Et les Palestiniens, il faut aussi le dire, ont toujours été perçus quand même comme un sujet dominé, colonisé.
02:01 Et si vous voulez, on a le sentiment en Occident, puisque moi je vis essentiellement en France,
02:05 que l'empathie qu'on va mobiliser pour les Palestiniens demande beaucoup plus d'efforts
02:10 que l'empathie qu'on peut mobiliser pour les civils israéliens.
02:13 Alors qu'on a le cesse de le rappeler, qu'une vie vaut une vie,
02:18 et qu'un civil israélien mérite autant d'empathie qu'un civil palestinien.
02:23 A n'en pas douter, mais je vous pose cette question très simplement.
02:25 Les Palestiniens sont-ils victimes d'Israël aujourd'hui, ou du Hamas qui se protège derrière eux ?
02:31 Le Hamas, il est quand même au pouvoir depuis 2006.
02:36 Encore une fois, c'est très important de rappeler les revendications des Palestiniens
02:41 qui s'inscrivent dans un contexte qui est quand même vieux de 75 ans.
02:44 Et ça a été aussi rappelé par certains de vos confrères dans plusieurs médias,
02:49 que le Hamas a aussi été nourri initialement,
02:52 c'est important que les téléspectateurs aussi le sachent,
02:55 que les auditeurs, pardon, que le Hamas a aussi été nourri par les autorités israéliennes,
03:02 puisqu'il représentait un opposant et un rival au Fatah,
03:06 qui était lui en partie laïque, et le tout pour empêcher la création d'un État palestinien.
03:11 Et si vous voulez, aujourd'hui on se retrouve piégés par quelque chose qui est devenu assez monstrueux.
03:18 Effectivement, le Hamas aujourd'hui a beaucoup plus d'influence parfois
03:21 dans certains endroits comme Gaza auprès des Palestiniens qu'un parti laïque comme le Fatah,
03:26 mais il faut aussi le recontextualiser dans ce qu'est l'histoire palestinienne,
03:29 dans les revendications palestiniennes qui sont, pardon,
03:32 qui sont quand même initialement portées par un parti laïque,
03:36 et qui a été, où tout a été fait par Israël pour l'empêcher d'arriver à ses objectifs,
03:40 à savoir la création d'un État palestinien.
03:42 Je comprends tout à fait ce que vous nous dites depuis le début de cette intervention,
03:45 qui consiste à dire qu'on doit reprendre le contexte historique de tout ce qui s'est passé dans cette région,
03:49 et d'ailleurs vous avez raison,
03:51 mais on est confronté en ce moment tout simplement à des choses extrêmement violentes,
03:54 qui sont un état de guerre d'une façon ou d'une autre.
03:57 Comment qualifiez-vous, vous personnellement, la récente attaque du Hamas,
04:00 quel que soit le contexte historique dans lequel il se situe ?
04:04 Alors vous l'avez introduit, je suis juriste, donc si vous voulez j'ai des boussoles qui sont très claires,
04:10 notamment la communauté internationale,
04:14 la façon dont les États se positionnent sur certains sujets,
04:17 et effectivement le Hamas est qualifié de groupe terroriste au sein de l'Union Européenne.
04:23 Donc si vous voulez on est obligés en France, en Europe aussi,
04:26 de parler de là où les États européens se positionnent,
04:29 c'est très important d'avoir cette boussole.
04:31 Mais encore une fois, vous parlez de violence,
04:35 mais si vous prenez le cas de la séjour d'Ami,
04:38 il y a eu depuis le 7 octobre près d'une centaine de morts
04:41 du côté palestinien par l'armée ou par des colons,
04:45 là où il n'y a pas le Hamas.
04:47 Il y a eu des centaines et des centaines de morts en séjour d'Ami,
04:51 précisément sur des territoires où le Hamas n'est pas implanté depuis le début de l'année.
04:55 C'est l'année la plus meurtrière pour les palestiniens en termes d'attaques par l'armée ou par les colons.
04:59 Donc si vous voulez, cette violence-là, elle est vécue du côté palestinien depuis très longtemps,
05:04 précisément parce qu'il n'y a pas de perspectives politiques,
05:07 et qu'on a une colonisation, une occupation qui est rampante,
05:10 et une injustice auxquelles font face aussi les palestiniens,
05:13 et qui est le terreau qui a toujours été, dans l'histoire de l'humanité,
05:17 cette injustice, et a toujours été, si vous voulez, le terreau quand même,
05:20 un terreau pour l'installation, pour le développement de groupes comme celui du Hamas.
05:25 Il suffit quand même de recontextualiser, encore une fois,
05:29 le récit palestinien dans ce que sont aussi des luttes décoloniales.
05:34 On parle quand même d'un état de fait aujourd'hui,
05:36 qui est la colonisation des territoires palestiniens,
05:39 de l'occupation par une armée aussi coloniale des territoires palestiniens.
05:44 Gaza, il faut aussi rappeler que c'est un territoire qui a été sous blocus de façon illégale depuis 16 ans,
05:50 et on aurait pu attendre légitimement que la Comité internationale, si vous voulez, agisse avant,
05:54 avant que le Hamas se saisisse de ces territoires,
05:56 se saisisse de cette souffrance, de cette misère, pour se développer.
06:00 - Vous avez l'impression que les pays arabes voisins soutiennent effectivement les Palestiniens ?
06:05 - Je ne sais pas de qui on parle. Est-ce qu'on parle des états ?
06:10 Est-ce qu'on parle de l'opinion publique ?
06:11 - Je vous parle des états, parce que ce sont eux qui prennent des décisions.
06:14 L'opinion publique, on peut toujours lui faire dire ce que l'on veut.
06:17 C'est très compliqué.
06:19 - Non, je ne suis pas d'accord.
06:21 Parce que si vous regardez les mobilisations précisément,
06:24 les mobilisations de l'opinion publique, elles sont sans précédent.
06:27 Il y a eu des millions et des millions de personnes qui sont descendues dans les rues,
06:30 dans tous les pays arabes, et pas que dans les pays arabes.
06:31 D'ailleurs, vous avez vu aux États-Unis, à Londres, dans toutes les capitales européennes,
06:35 en France aussi, quand cette manifestation a été autorisée,
06:37 on a vu qu'elle a été quand même assez massive en termes de mobilisation.
06:41 - Et ces pays accueillent à bras ouverts, dont vous nous parlez,
06:45 les Palestiniens qui souffrent en ce moment, notamment,
06:47 et qui pourraient pour 10 000 raisons fuir Gaza ?
06:52 - Alors justement, ce qui est important de dire, c'est que les Palestiniens,
06:55 si vous voulez, vous l'appréhendez de la mauvaise manière, cette question.
07:00 On est en train de dire qu'il faudrait expulser 2,2 millions de personnes
07:06 pour défaire, si vous voulez, un groupe terroriste
07:09 avec des bombardements sans précédent.
07:11 Je ne suis pas sûre que ce soit la bonne solution.
07:13 Il faut aussi rappeler qu'à Gaza, les populations qui vivent à Gaza,
07:16 c'est 70 % de réfugiés de 1948.
07:20 Donc les Palestiniens qui ont été déjà déplacés et expulsés de leur terre en 1948.
07:25 Ce sont des Palestiniens qui ont déjà, si vous voulez,
07:27 un héritage traumatique de la Nakba, donc de ce déplacement forcé.
07:33 Et pour beaucoup, pour beaucoup, on oublie de le dire,
07:35 parce qu'on dit souvent que c'est le Hamas qui retient les Gazaouis,
07:39 pour beaucoup, ce sont des Palestiniens eux-mêmes qui refusent de partir.
07:44 Pour certains, ils sont prêts à rester dans leur logement,
07:46 quitte à mourir dans les bombardements, précisément parce que c'est
07:51 revivre pour eux un deuxième déracinement et une deuxième Nakba.
07:55 Donc la question, si vous voulez, elle n'est pas sur
07:58 est-ce que les États voisins doivent ou peuvent accueillir.
08:01 La question, c'est comment on empêche Israël de continuer quand même,
08:05 on est au 19e jour de bombardement sans précédent de cette bande de Gaza,
08:09 puisqu'il y a une prison à ciel ouvert.
08:10 La question, c'est comment on empêche Israël de continuer ses bombardements
08:14 sur 2,2 millions de civils, encore une fois,
08:17 et comment on reprend des négociations qui permettent aux Palestiniens
08:20 d'avoir une perspective politique.
08:22 Merci beaucoup Rima Hassan, excusez-moi de vous interrompre.
08:25 Merci en tout cas d'avoir été en ligne avec nous ce matin depuis Amman en Jordanie.
08:30 de la France.
08:31 Merci à vous.
08:31 [SILENCE]