Regardez Le débat avec Yves Calvi et Amandine Bégot du 16 février 2023
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h-9h, RTL Matin.
00:05 Bonjour Laure Bécaud.
00:08 Bonjour madame la procureure de Paris. Merci infiniment de prendre la parole ce matin sur RTL.
00:11 Commençons si vous le voulez bien, parce qu'il faut bien appeler l'affaire Palma.
00:14 Trois personnes sont ce matin en garde à vue.
00:16 Le comédien bien entendu, ainsi que les deux hommes soupçonnés d'être ces passagers
00:20 et d'avoir pris la fuite.
00:22 La banalisation de l'usage de la cocaïne est-elle une réalité que vous observez ?
00:26 En ce qui me concerne et de mon point de vue de procureure Paris, je ne peux parler de banalisation
00:32 et aucune consommation de produits stupéfiants n'est banale de mon point de vue.
00:37 Ne serait-ce que dans les conséquences que ça a en termes de santé publique, d'économie souterraine.
00:42 Les affaires se multiplient-elles ?
00:44 La présence de la cocaïne sur le territoire parisien, mais plus largement sur le ressort national
00:51 devient de plus en plus importante et bien sûr nous avons des grandes affaires,
00:57 vous l'avez sans doute constaté, de grandes saisies de drogue par les ports
01:00 et donc la cocaïne est présente sur le territoire français.
01:03 Alors si l'augmentation de l'usage est bien réelle, comment sont traitées ces cas ?
01:06 Des poursuites sont-elles effectivement engagées ? Et quelles sont les peines encourues ?
01:10 Alors la multiplicité des réponses pénales se déploie sur l'usage de stupéfiants.
01:15 D'abord il y a ce qu'on appelle les amendes forfaitaires délictuelles.
01:19 C'est-à-dire en matière de cocaïne, systématiquement...
01:22 Pour les consommateurs ?
01:23 Pour les consommateurs, oui bien sûr.
01:25 Et donc ils relèvent de cette amende et puis ensuite il y a ce qu'on appelle les injonctions thérapeutiques.
01:31 Donc là, injonctions thérapeutiques, rien qu'à Paris, l'année dernière, 900 injonctions thérapeutiques ont été décidées.
01:38 38% sur les phénomènes de krach.
01:41 Et puis ensuite, il y a des poursuites pénales qui peuvent s'exercer par la voie de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
01:48 sous la forme de peine d'amende.
01:50 Et lorsque les obligations de soins doivent véritablement être relayées sur un caractère obligatoire,
01:55 ça peut être la comparution par procès verbal avec contrôle judiciaire et obligations de soins.
02:00 Certains s'inquiètent d'une sorte de traitement de faveur du comédien dû à sa notoriété.
02:04 Pouvez-vous nous dire clairement, ce matin, sur RTL, que Pierre Palmat sera jugé comme n'importe quel Français ?
02:09 Alors bien sûr qu'il sera jugé comme n'importe quel Français.
02:13 Et d'ailleurs, des opérations de contrôle de produits stupéfiants s'effectuent régulièrement sur la plaque parisienne à la sortie de soirées festives.
02:22 Et donc, il n'y a absolument aucun traitement de faveur au regard du produit utilisé
02:29 ou de la personnalité qui pourrait être concernée par cet usage de produits stupéfiants.
02:35 Nous venons de recevoir Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national,
02:38 qui a brièvement évoqué les appels malveillants reçus par certains parlementaires, évoquant des proches hospitalisés.
02:43 Avez-vous des pistes sur l'origine de ces appels ?
02:46 Alors, l'enquête débute, puisque les plaintes ont été reçues au parquet de Paris le 5 février,
02:51 que l'enquête a été ouverte le 8 février.
02:53 Elle a été confiée à la brigade de répression des violences faites aux personnes.
02:58 Et donc, bien sûr, toutes les pistes seront explorées.
03:02 Lesquelles ?
03:03 Eh bien, on va évidemment faire une exploitation des lignes téléphoniques
03:07 et d'identification des potentiels auteurs de ces appels malveillants.
03:11 Ce qui peut inclure des personnalités politiques ?
03:13 Bien sûr.
03:14 Alors, votre parquet, le parquet de Paris, est connu pour être en pointe sur les questions de violences conjugales.
03:18 Vous avez notamment mis en place un logiciel qui permet de savoir
03:22 si le portable d'une femme est espionné par son compagnon ou par son ex.
03:25 Expliquez-nous ça en quelques mots.
03:27 C'est un système extrêmement simple qui est mis en place au bureau des deux victimes du tribunal judiciaire de Paris.
03:32 C'est un petit boîtier où la personne qui le souhaite peut venir déposer son téléphone
03:38 et en l'espace de quelques minutes, on va pouvoir lui révéler si son téléphone est infecté par un logiciel espion
03:44 d'où l'appellation de ce dispositif d'éloge.
03:48 Donc ça veut dire que les femmes qui ont des doutes peuvent venir faire tester leur portable ?
03:51 Bien sûr. Et depuis sa mise en place à la fin de l'année dernière,
03:55 nous avons déjà eu 139 personnes qui se sont présentées au bureau des deux victimes.
03:59 Et pour le moment, aucun test ne s'est avéré positif.
04:02 Donc pour l'instant, elles s'inquiétaient de quelque chose qui n'existe pas ?
04:06 Absolument. Mais ça permet d'éloigner les phénomènes d'emprise.
04:10 En tout cas de rassurer celles qui souhaiteraient déposer plainte et qu'ils l'auraient fait.
04:14 Alors si l'une d'entre elles avait effectivement découvert qu'elle était en quelque sorte écoutée par son ex ou par son compagnon,
04:20 qu'auriez-vous pu faire en plus de lui signaler ?
04:24 Est-ce que vous l'accompagnez ? Est-ce que vous lancez les procédures ?
04:27 Bien sûr, parce qu'en soit, installer un tel logiciel sur un téléphone
04:31 est d'ores et déjà une infraction.
04:33 Donc ça permet l'ouverture d'une enquête pénale
04:36 et puis ensuite un accompagnement par le bureau des deux victimes
04:40 dans le parcours du dépôt de plainte
04:42 dont on sait combien il peut être délicat en matière de violence conjugale ou de violence sexiste et sexuelle.
04:47 Une réponse très courte, je pense à toutes celles qui nous écoutent.
04:49 La première démarche se fait au commissariat et ensuite on vous dirige pour le téléphone portable ?
04:55 Non, elles se présentent directement au tribunal judiciaire de Paris,
04:58 elles sont reçues au bureau des deux victimes.
05:00 Autre dossier, il faut évoquer les violences sexuelles et sexistes,
05:03 bref les viols ou les agressions sexuelles, notamment à Paris.
05:06 Vous avez annoncé en septembre une hausse de 30% des plaintes, la tendance reste-t-elle la même ?
05:11 Au terme de l'année, on a pu évoluer et dire que selon les violences sexuelles ou sexistes,
05:18 la hausse se situe entre 15% et 30%.
05:22 Mais cette tendance à la hausse se confirme.
05:24 Comment expliquez-vous cette augmentation, si tant est qu'on puisse l'analyser ?
05:27 Il y a forcément une suite du mouvement #MeToo
05:29 qui a permis de développer les dépôts de plaintes,
05:33 soit pour plus réactifs, c'est-à-dire plus proches des faits perpétrés,
05:37 soit dans le temps et dans l'espace,
05:40 c'est-à-dire des plaintes déposées aujourd'hui pour des faits bien plus anciens.
05:43 Il y a aussi une libération de parole qui peut concerner des affaires déjà très antérieures, c'est bien cela ?
05:49 Tout à fait.
05:51 Et donc là on a évidemment le sentiment dans ces quatre figures-là
05:54 que notre justice peut être déceptive,
05:56 parce que notre parcours de recherche de la preuve va être complexifié.
06:01 Mais on essaye évidemment d'engager tous les moyens possibles
06:05 pour que la plainte intervienne le plus rapidement possible.
06:08 Alors parlons d'un dossier qui désormais vous occupe abondamment, la cybercriminalité.
06:13 Nos administrations, parfois nos hôbitaux, et bien sûr les entreprises sont attaquées.
06:17 Peut-on dire que les cyberattaques explosent ?
06:19 Les cyberattaques sont restées constantes cette année par rapport à l'année dernière,
06:24 mais elles ont explosé puisqu'en 2019,
06:27 les parquets de Paris étaient saisis de 60 dossiers, une soixantaine de dossiers.
06:32 Aujourd'hui, ils fonctionnent à 600 dossiers en moyenne par an.
06:35 600 dossiers en moyenne par an, mais vous avez les moyens de faire face ?
06:38 Nous nous mobilisons et les services de police ont déployé leurs effectifs
06:43 et j'espère bien que nous serons au rendez-vous.
06:45 Ce n'est pas parce que nous sommes inquiets que nous sommes passifs,
06:48 mais c'est vrai que nous avons des sources d'inquiétudes diverses et variées.
06:52 Vous en avez cité une, ces attaques sur les hôpitaux, une soixantaine de dossiers en 2022.
06:57 Ces attaques aussi qui créent des...
06:59 Soixantaines de dossiers.
07:00 Une soixantaine de dossiers sur des établissements de santé,
07:03 mais qui vont des hôpitaux, aux cliniques, aux EHPAD,
07:06 et puis également des attaques sur des laboratoires d'examens.
07:11 Et tout ça, ça impacte potentiellement la vie des gens.
07:15 Ça s'est passé en Allemagne d'ailleurs,
07:16 mais le législateur ne s'y est pas trompé car tout à fait récemment,
07:19 une circonstance aggravante a été créée.
07:22 Et lorsqu'une attaque cyber peut mettre en danger la vie d'autrui,
07:26 les peines encourues seront plus sévères.
07:28 Évoquons maintenant cette épouvantable enquête.
07:30 Après la découverte d'un corps démembré dans le parc des Buttes-Chaumont,
07:33 la victime a bien été identifiée.
07:35 C'est une femme dont la disparition avait été signalée par son époux.
07:38 Avez-vous des précisions à nous apporter sur cette enquête ?
07:41 Au-delà du fait que vous savez sans doute déjà que cette femme de 46 ans
07:47 était mariée, résidait en Seine-Saint-Denis,
07:50 ce que je peux vous dire c'est qu'elle était la mère de trois enfants
07:54 et qu'aujourd'hui les investigations de la brigade criminelle
07:57 se déploient dans toutes les orientations et vont être très nombreuses et complexes.
08:02 Police scientifique, anatomopathologie, recueil de témoignages.
08:06 Etant journaliste, avant de nous séparer,
08:08 j'aimerais que l'on puisse parler avec vous de ce qu'on pourrait appeler la justice spectacle.
08:12 Ce fut le cas récemment sur certains plateaux télévisés,
08:14 on pense notamment à l'émission de Cyril Hanouna.
08:16 Et au drame de l'affaire Lola.
08:18 Cette soi-disant justice télévisée vous inquiète-t-elle ?
08:21 Parfois les réseaux réclament un véritable lynchage.
08:24 Il est évident que les sous-entendus de ces prises de parole
08:27 c'est que notre justice, la vôtre, n'en fait pas assez et pas assez vite.
08:30 Que répondez-vous et comment voyez-vous se développer
08:32 cet état de fait et cet état d'esprit ?
08:35 - Moi je regrette évidemment ces assertions définitives
08:40 car je crois que tous autant que nous sommes,
08:42 nous sommes des justiciasses potentielles
08:44 et on voudrait avoir l'attention importée à notre dossier.
08:47 Alors après je crois que les politiques pénales qui sont déployées
08:51 sont des politiques pénales qui dans ces affaires
08:55 mobilisent les services de haut niveau
08:57 et que nous cherchons à chaque fois à créer des dossiers
09:02 qui nous permettent de rendre une justice adaptée
09:04 où on est au soutien des victimes
09:06 mais aussi dans les recherches des personnalités
09:09 qui puissent aboutir à une réponse pénale d'une peine
09:13 qui soit, comme doit être toute peine,
09:16 une peine réparatrice pour la victime
09:18 mais aussi une peine qui puisse nous tourner vers l'avenir,
09:21 répondre aux troubles sociaux et puis empêcher la récidive.
09:24 - Nous sommes d'accord pour dire qu'au-delà des excès médiatiques
09:27 l'émotion suscitée en revanche est légitime
09:29 mais ce n'est pas l'émotion qui guide la justice, c'est la loi.
09:31 - Absolument et c'est d'ailleurs en cela que notre société a évolué.
09:36 Nous ne sommes plus dans une société de la vengeance
09:38 mais une société d'une vengeance qui n'est plus celle-là,
09:41 c'est celle de la justice.
09:42 Merci beaucoup Laure Bécot, procureur de...
09:44 [SILENCE]