Gaza, crise au Proche-Orient : l'Arabie saoudite de Mohammed ben Salmane peut-elle aider à faire la paix ? Christian Chesnot et Georges Malbrunot, ex-otages en Irak, auteurs du livre "MBS confidentiel, enquête exclusive : le nouveau maître du Moyen-Orient" sont les invités de Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 27 mars 2024 avec Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 27 mars 2024 avec Yves Calvi.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h
00:06 RTL matin.
00:08 RTL 8h20 depuis le 7 octobre dernier et l'attaque d'Israël par le Hamas, les yeux de la communauté internationale sont largement tournés vers le Proche-Orient.
00:15 Une région du monde par définition en surchauffe, Syrie, Irak, Liban, Yémen et au milieu de ces pays en guerre ou gravement perturbés,
00:22 un pays, l'Arabie Saoudite et un homme, Mohammed Ben Salman, dit MBS.
00:26 C'est à ce nouveau maître du Moyen-Orient que vous consacrez votre livre et une enquête passionnante, Christian Cheneau, Georges Balbruno.
00:32 MBS est-il vraiment ce nouveau maître de la région ?
00:36 Il est en passe de devenir le nouveau maître parce que l'Arabie Saoudite d'ailleurs est le pays le plus important,
00:42 notamment de Golfe, par sa puissance financière, sa puissance énergétique et il a révolutionné, je dirais, sa diplomatie en se réconciliant avec l'Iran,
00:51 en voulant normaliser sa relation avec Israël et en révolutionnant la société saoudienne qui était une société archaïque,
01:01 en remettant les religieux à leur place.
01:04 Donc c'est quelqu'un qui n'a pas encore le pouvoir, même s'il l'exerce pratiquement,
01:08 qui va changer la face de l'Arabie Saoudite et probablement du Moyen-Orient.
01:13 Christian Cheneau, vous décrivez un leader à la fois moderne et en même temps totalement archaïque,
01:18 je ne sais pas comment qualifier les choses, en tout cas sur nos critères de pays démocratiques.
01:22 Oui, c'est un bédouin, il n'a pas étudié à l'étranger, au début il ne parlait pas l'anglais,
01:25 donc il est vraiment un produit de l'Arabie Saoudite très local et puis en même temps,
01:29 c'est un type qui est branché sur l'hyper-modernité, il adore par exemple l'art numérique,
01:34 il est aussi, alors avant il aimait la junk food, maintenant il aime les huîtres gilardo et le boeuf wagyu,
01:39 il a un train de vie exceptionnel et donc c'est quelqu'un qui est dans l'hyper-modernité et en même temps qui est brutal à l'intérieur,
01:45 parce qu'effectivement avec lui c'est un peu le calife et aucune tête ne doit dépasser.
01:49 Je vais revenir sur cette brutalité, mais quand on dit c'est un bédouin, il a une culture, il a fait des études, enfin vous prenez ma question ?
01:56 Oui, tout à fait, paradoxalement c'est le seul pratiquement des fils du roi Salmane qui n'a pas étudié à l'étranger,
02:01 lui il est resté en Arabie Saoudite, il est resté en Arabie Saoudite et il a toujours été dans le sillage de son père,
02:08 et alors on peut se poser la question pourquoi justement son père a choisi ce type-là ?
02:12 Et la réponse elle est tienne probablement dans les propos que tenait le fondateur de l'Arabie moderne, le roi Ibn Saoud,
02:19 qui est aussi le modèle de MBS qui disait "pour diriger des bédouins il faut un bédouin pour bien les comprendre"
02:25 et effectivement... - C'est le terroir !
02:27 C'est le terroir, en tout cas il a bien fait le ménage parce qu'il a éliminé tout ce qui l'empêche d'accéder au pouvoir, Christian Cheneau.
02:33 Oui, il a d'abord éliminé le prince héritier, Mohamed Ben Danyef en 2017,
02:37 et puis il a éliminé les princes lors de la rafle du Ritz-Carlton, il a éliminé aussi des opposants comme Jamal Khashoggi.
02:45 Oui, il fait le ménage parce qu'il veut révolutionner son pays et pour ça il faut qu'il n'y ait pas d'opposition.
02:52 Et il avance à marche forcée, comme on l'a dit, il a mis les religieux au pas, la famille au pas,
02:56 et maintenant il se lance dans ses grands projets et il veut que l'Arabie finalement se reconnecte au monde,
03:02 se reconnecte à la mondialisation et que ce soit un hub mondial.
03:04 Alors on va revenir là-dessus parce que c'est ce qui est passionnant,
03:07 mais enfin je voudrais quand même qu'on rappelle qu'il est capable de commanditer des meurtres,
03:10 notamment le journaliste vous venez de nous le dire, enfin ça pose pas de problème dans la communauté internationale ?
03:15 Ça en a posé.
03:16 Il y a des aspects monstrueux dans le personnage.
03:18 On a interrogé un grand patron du CAC 40 qu'il a fréquenté au début en 2015, 2016, 2017,
03:26 il m'a dit "je l'ai trouvé effrayant".
03:28 Est-ce qu'aujourd'hui MBS est toujours effrayant ?
03:31 Je pense qu'il en joue, il l'est moins, mais il impose une espèce de terreur.
03:35 On a vu des gens qui travaillent avec lui, des consulteurs américains qui nous disent
03:39 "on est tétanisés, terrorisés lorsqu'on va présenter notre projet"
03:42 parce qu'il a joué, il a fait ses exemples.
03:45 Et il en joue ? Il en joue aussi dans les rapports interpersonnels ?
03:48 Oui parce que physiquement il est très grand, il est comme le roi Ibn Saoud, il fait presque 1m90,
03:52 un colosse, et donc quand il voit Emmanuel Macron, il y a une espèce de face à face.
03:58 Et puis surtout il a survécu à l'opprobre mondial après Khashoggi.
04:02 Donc imaginez-vous aujourd'hui une personne dont Joe Biden disait "on va en faire un paria",
04:07 Emmanuel Macron la même chose, ils sont tous allés à Kanosa, à Jeddah,
04:11 pour, si vous me permettez l'expression, lui baiser les babouches.
04:13 Alors le prince héritier reçoit sur son yacht, visiblement, pour réparer l'avenir de son pays,
04:17 le fils Trump, les émissaires du Premier ministre israélien,
04:20 on dit qu'il peut participer à un apaisement du conflit israélo-palestinien.
04:26 C'est une vue de l'esprit ou est-ce que c'est quelque chose qui vous paraît raisonnable et consoble ?
04:29 Est-ce qu'il va jouer un rôle là-dedans ?
04:31 Oui il va jouer un rôle, c'était déjà en préparation avant le 7 octobre,
04:35 il y avait des négociations, des discussions pour qu'il normalise avec Israël,
04:39 là évidemment le 7 octobre a un peu tout cassé, mais c'est pas terminé, c'est une pause.
04:43 Et à un moment donné il y aura une normalisation, il y a aussi son projet de grande riviera,
04:47 comme la côte d'Azur saoudienne, forcément il y aura un aspect israélien.
04:52 Vous savez, on a expliqué parfois que cette attaque du 7 octobre était faite aussi pour empêcher ce rapprochement,
04:58 est-ce que vous l'intégrez dans votre vision des choses ?
05:00 Oui, c'est un effet collatéral, je ne pense pas de la part du Hamas, c'était pas l'objectif principal,
05:04 mais effectivement c'est un effet collatéral parce que ça a forcé l'Arabie Saoudite,
05:08 sous la pression de la population qui aujourd'hui est très hostile à Israël,
05:11 de cesser, en tout cas de geler cette normalisation avec Israël.
05:15 Vous avez demandé à le rencontrer ?
05:16 Non on n'a pas demandé à le rencontrer parce que...
05:18 Pourquoi ? Ça peut surprendre.
05:19 La probabilité qu'ils disent oui était faible, mais en revanche la probabilité que ça éveille ces soupçons était forte.
05:26 Et par conséquent, on a préféré, parce que quand même l'Arabie c'est ouverte,
05:31 mais ça reste un pays difficile d'accès, on a eu surtout, ce que je trouve, moi qui suis,
05:35 on suit cette région depuis 25 ans, l'intimité de Mohamed Bin Salman dans ses palais, son majordome, etc.
05:43 On a réussi à trouver des gens qui ont travaillé dans ses palais,
05:46 et donc il fallait qu'on soit extrêmement discret parce que ces gens-là sont tenus au secret.
05:50 Donc on n'a pas voulu du tout éveiller la moindre curiosité.
05:53 Je vous vois sourire Christian Cheneau, ça en dit long quand même.
05:57 Oui, parce que Mohamed Bin Salman il ne parle pas à la presse quasiment,
06:01 il y a quelques interviews avec les Américains, il parle aux Américains,
06:03 il est fasciné par les Américains, mais à la presse européenne il ne parle pas du tout.
06:07 Et maintenant il est devenu quand même paranoïaque,
06:09 on décrit dans le livre les mesures de sécurité autour de lui, il a un goûteur,
06:13 même quand il vient à l'Elysée voir Emmanuel Macron, il envoie quelqu'un des services dans les cuisines de l'Elysée,
06:18 vérifier que les plats, il n'y a pas de problème.
06:20 Il ne fait pas confiance à la République française avant de...
06:23 Il ne fait confiance à personne.
06:24 Il ne fait confiance à personne, il impose effectivement quelqu'un.
06:26 Et il demande lorsqu'il vient déjeuner avec Emmanuel Macron en juillet 2022,
06:31 il vient en visite de travail, et à cette époque la justice française
06:36 souhaite l'arrêter en raison de Khashoggi, de l'assassinat de Khashoggi.
06:40 Donc il demande que sa visite soit rehaussée en visite d'État.
06:44 Alors l'Elysée lui dit "c'est pas possible", mais ils accèdent à sa demande et il est en visite officielle.
06:51 - Alors pour l'ÉGIO il a demandé une tente ?
06:53 - Oui.
06:54 - On va la lui donner ?
06:56 - Je pense qu'on va la lui donner.
06:57 - Nicolas Sarkozy l'avait fait avec Kadhafi, dans l'autre côté de l'Elysée.
07:02 - Lui il a demandé aux Invalides apparemment.
07:04 - Ce serait énorme.
07:05 - On révèle aussi qu'Emmanuel Macron avait marchandé l'appui français à l'obtention par l'Arabie de l'exposition universelle,
07:14 en échange d'un appui saoudien au Liban qui n'est jamais venu.
07:17 - Avec Emmanuel Macron c'est pas facile facile.
07:19 - Non, il n'y a pas d'alchimie.
07:21 - Il y a eu tout de suite un bug, c'était au moment où Mohamed Melsalman avait kidnappé le Premier ministre libanais,
07:28 Saad Hairi, et il y avait eu un face à face tendu qu'on décrit dans le livre, où effectivement là c'est un peu deux coques qui se picorent,
07:35 j'allais dire qui se chicane, et là il y a une espèce d'affrontement, et depuis il y a une forme de malaise, c'est aigredou, il n'y a pas vraiment d'alchimie.
07:44 - Alors qu'ils se ressemblent, ils sont jeunes, ils sont réformateurs, ils travaillent 20 heures par jour,
07:49 mais Emmanuel Macron a voulu comme il le fait d'habitude, le jauger, le prendre un peu de haut,
07:54 et finalement ça n'a pas marché, et l'Arabie Saoudite est probablement plus incontournable que ne l'est la France aujourd'hui.
07:59 - Un oui, un non avant de nous séparer, vous nous avez dit très clairement pourquoi vous n'aviez pas souhaité le rencontrer,
08:03 est-ce que vous avez subi des pressions en écrivant ce livre ?
08:06 - Non, parce qu'on était un peu quand même "clandestins", on a essayé de voir des gens un petit peu sous coulisses,
08:13 parce que sinon, dès que vous vous affichez, vous pouvez avoir des pressions.
08:16 - Et ça n'est pas un livre à charge aussi, on décrit le modernisateur autocrate,
08:20 je crois que c'est une des meilleures définitions qu'on puisse faire de modernisation.
08:23 - En tout cas, il faut bon travailler pour lui, puisque vous révélez que son majordome brésilien gagne 300 000 euros par mois.
08:28 par mois.
08:29 [SILENCE]