Anne Fulda reçoit Laurence Benaïm pour son livre «Christian Dior – Christian Bérard. La mélancolie joyeuse» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'Heure des livres, Laurence Benahim.
00:01 Alors, on vous connaît, vous êtes journaliste, vous êtes écrivain.
00:05 Vous avez écrit notamment des biographies, de nombreuses biographies,
00:09 notamment une de référence, comme on dit, sur Yves Saint-Laurent,
00:11 une autre sur Marie-Laure de Noailles.
00:14 Et là, vous venez de publier Christian Dior, Christian Bérard,
00:17 La mélancolie joyeuse, un livre qui est paru chez Gallimard.
00:21 Un très beau livre qui est publié en collaboration avec la Maison Dior
00:26 et qui est illustré d'oeuvres et de photographies parfois inédites
00:31 et écrit de votre jolie plume.
00:33 Alors, un livre qui, avant tout, lève le voile sur une amitié très singulière
00:38 et que c'est méconnu, celle qui y est, Christian Bérard et Christian Dior,
00:44 "Cris et tient", comme vous dites.
00:46 Après, Yoris, ces deux-là n'ont rien à voir.
00:49 Qu'est-ce qui les a rapprochés ?
00:50 - Alors, ils n'ont rien à voir.
00:52 C'est vrai que l'un est né à Paris, l'autre à Grandville.
00:57 En fait, ce qui les a rapprochés, c'est leurs affinités,
01:01 leur goût et peut-être leur faille aussi.
01:05 - Alors, Christian Dior, tout le monde connaît.
01:09 Christian Bérard, peut-être moins.
01:11 Il est un peu un touche-à-tout de génie.
01:16 Il fait des décors de théâtre, il fait des illustrations.
01:19 Parlez-nous un petit peu de lui.
01:21 - Alors, Christian Bérard, au départ, c'est un artiste, un dessinateur,
01:26 un peintre et qui, ensuite, va faire des costumes de théâtre,
01:31 beaucoup de décors aussi de théâtre.
01:36 Et on le voit vraiment comme un touche-à-tout,
01:39 un touche-à-tout génial qui fréquente tout le monde de la couture,
01:45 de l'art, du théâtre.
01:47 C'est vrai que Christian Dior est plus connu,
01:50 mais ce que j'ai cherché à montrer aussi,
01:51 ce sont les parts d'inconnus de ces deux personnages.
01:54 - Alors, vous écrivez, voilà, deux artistes que tout oppose
01:57 et que tout, pourtant, réunit.
01:58 Tout Dior est dans Bérard, tout Bérard est dans Dior.
02:00 Alors, qu'est-ce qui les réunit, justement, vraiment ?
02:03 - Ce qui les réunit, c'est leur goût, leur vision du monde,
02:06 leur envie et leur manière de ne pas appartenir à un groupe,
02:11 qu'il soit le groupe des avant-gardes
02:16 ou le monde plus réactionnaire
02:20 ou le monde qui a été celui de leur héritage.
02:24 Au fond, ils se sont affranchis en se révélant
02:28 et en même temps en étant, comme les derniers représentants
02:33 ou les ambassadeurs d'un art de vivre,
02:36 d'un art de s'émerveiller qui remonte au XVIIIe siècle.
02:42 Ils partagent le sens du merveilleux.
02:43 - Alors, vous racontez qu'ils se rencontrent, en fait,
02:46 à la fin des années 1920, dans une époque, justement,
02:49 qui est l'époque d'une certaine liberté,
02:52 une époque foisonnante, où il y a des talents très divers qui émergent.
02:56 C'est ça aussi qui les réunit ?
02:58 - Alors, ce qui les réunit, c'est bien sûr aussi, derrière
03:01 cet écran et cet écran que peuvent représenter les années folles.
03:08 C'est, au fond, leur manière de s'opposer à l'avant-garde,
03:12 à l'abstraction, au dictat de ceux qui veulent éliminer
03:17 tout ce qui s'est passé avant pour imposer une société nouvelle.
03:21 Au fond, ils ont envie de recommencement,
03:25 mais pour eux, le recommencement ne passe pas par la destruction,
03:29 mais par la continuité d'un art classique,
03:34 d'une sensibilité à la beauté, dont ils sont les défenseurs.
03:40 Et ils ne se rangent pas du côté de ceux qui veulent,
03:45 au nom de la modernité, abolir toute forme de mémoire.
03:49 - Alors, dernière question.
03:51 Dior et Bérard sont tous deux de grands créatifs.
03:54 L'un semble tout en retenue, Christian Dior,
03:57 l'autre plutôt tout en excès, en flamboyance.
03:59 Vous écrivez, leur amitié a été comme un révélateur au sens chimique.
04:03 En quoi ?
04:04 - Eh bien, sans doute parce que Christian Dior,
04:07 qui en fait n'a pas connu la guerre, mais qui a connu la belle époque
04:13 et puis qui s'est retrouvé comme ça propulsé dans les années 20,
04:18 qui n'avait pas véritablement de vocation au départ,
04:22 mais qui était extrêmement timide, extrêmement aussi engoncée
04:26 dans une éducation, dans des traditions,
04:31 a trouvé dans Bérard un autre lui-même,
04:35 quelqu'un qui lui a révélé la sensibilité,
04:38 sa propre sensibilité,
04:40 à travers ses tableaux qu'il a commencé à collectionner.
04:43 Et puis Bérard s'est retrouvé aussi dans Dior,
04:47 peut-être parce qu'à la fin des...
04:50 Enfin, dans les années 20, les années 30,
04:54 c'est vrai que Dior collectionnait Bérard,
04:57 mais surtout Bérard a aidé Christian Dior
05:00 à trouver sa propre vocation, lui qui n'en avait pas,
05:03 c'est lui qui l'a aidé via l'intermédiaire d'un cousin
05:07 qui lui a appris à dessiner.
05:09 Et au fond, il y a quelque chose d'extraordinaire
05:11 dans cet idéal de bonheur civilisé,
05:14 comme le disait Dior à propos de la mode,
05:17 qui les a fait s'unir, se rencontrer.
05:20 En tout cas, c'est à lire.
05:21 C'est vraiment un très beau livre.
05:22 Ça s'appelle Christian Dior, Christian Bérard,
05:24 la mélancolique joyeuse.
05:26 C'est paru chez Gallimard,
05:28 peut-être deux facettes de l'esprit français,
05:30 en fait, ou du génie français plutôt.
05:32 Merci beaucoup, Laurence Benahim.
05:33 Merci, Anne. Merci beaucoup.
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