Christian Signol : L'Heure des Livres (Émission du 07/12/2023)

  • l’année dernière
Anne Fulda reçoit Christian Signol pour son livre «Une famille française» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Christian Signol.
00:03 Vous êtes un écrivain qui vend énormément de livres.
00:06 On ne va pas vous définir uniquement par ça,
00:09 mais vous avez vendu depuis 40 ans plus de 10 millions de livres,
00:12 qui sont traduits dans une quinzaine de langues.
00:15 Ça pose un écrivain, tout de même.
00:17 Vous venez de publier votre nouveau roman,
00:19 "Une famille française",
00:21 publié chez Albain Michel, votre éditeur depuis des années.
00:24 C'est une belle fresque romanesque,
00:27 écrite dans une langue classique.
00:30 Je voulais vous demander,
00:31 puisque vous êtes un auteur populaire, très lu,
00:34 certains de vos livres ont été adaptés à la télévision,
00:37 comme "La rivière Espérance",
00:39 mais pourtant, jusqu'à maintenant,
00:41 vous étiez resté très discret,
00:44 notamment dans les médias nationaux.
00:46 C'était un choix ou c'était une forme de snobisme
00:49 des médias nationaux ?
00:51 -C'était les deux.
00:53 Je crois que c'était les deux.
00:56 Mais c'est vrai que ça fait 40 ans de longues années.
00:59 Mais comme disait...
01:01 Je n'ai jamais écrit de chef-d'œuvre,
01:03 mais comme disait Goethe,
01:05 le vrai chef-d'œuvre, c'est de durer.
01:07 Et donc, ça fait 40 ans que ça dure,
01:08 et je me réveille tous les matins en me demandant,
01:10 justement, si je rêve ou pas.
01:13 40 ans, d'abord chez Lafond,
01:15 ensuite chez Albain Michel,
01:16 qui est une grande maison d'édition qui me va très, très bien,
01:19 et dans laquelle j'ai pu écrire "Une famille française",
01:22 qui est l'histoire de trois générations,
01:25 finalement, depuis 1960 jusqu'en 2020.
01:29 Trois générations différentes,
01:31 puisque la première, c'est une génération de paysans,
01:33 la deuxième, une génération d'enseignants en banlieue parisienne,
01:35 pas facile,
01:37 et la troisième, c'est la génération des petits-enfants,
01:40 c'est-à-dire de la réussite dans les grandes métropoles d'aujourd'hui,
01:43 où la vie n'est pas si simple quand même non plus.
01:46 -Oui, parce que ce qui est intéressant,
01:47 et je ne sais pas si vous expliquez une part de votre succès par cela,
01:51 c'est que vous vous faites l'écho aussi d'un monde rural
01:55 dont on ne parle pas toujours beaucoup dans les littératures contemporaines,
02:00 et votre héros, Antoine Bastide,
02:03 choisit, malgré les idées ratables de son père,
02:07 finalement, de quitter la campagne,
02:09 de ne pas travailler la terre pour devenir enseignant.
02:12 Est-ce que vous pensez que cet attachement au monde rural,
02:14 ça explique votre popularité aussi,
02:17 parce que c'est quelque chose de présent chez vous ?
02:20 -Oui, le monde rural, le monde provincial,
02:22 mais moi j'appelle ça... -Ou l'attachement à la terre.
02:24 -Le monde du monde naturel, voilà.
02:27 Parce que je suis un adepte du "nature walking"
02:29 très cher à mon ami Guy Meister, par exemple,
02:31 qui a publié beaucoup d'écrivains américains à ce sujet,
02:34 et c'est vrai que ce contact avec le monde naturel est très important.
02:38 Il a été abandonné, ça ne date pas d'aujourd'hui,
02:40 parce que, par exemple, Corrine Lorenz disait que
02:43 le plus grand dame du 19e siècle, c'était justement
02:45 que l'humanité avait rompu ses liens avec le monde naturel,
02:48 et qu'en agissant ainsi, elle avait rompu l'équilibre
02:52 qui, pendant des siècles, avait assuré sa permanence.
02:55 Je crois que ce déséquilibre qui vient de si loin
02:57 et qui s'est accru au cours du 2e et surtout du 20e siècle,
03:02 joue beaucoup dans les problèmes contemporains.
03:06 -Alors on voit d'ailleurs que votre héros,
03:08 qui a préféré s'installer en ville et qui est devenu professeur,
03:14 de même que sa femme, en banlieue parisienne,
03:17 n'est pas très heureux.
03:18 Alors que pour vous, si j'ai bien compris,
03:21 le professeur a une place très particulière,
03:23 notamment dans votre vie personnelle.
03:25 Et finalement, ce métier n'est plus ce qu'il était.
03:27 Enfin, on le sait, hélas.
03:28 -Surtout en banlieue parisienne.
03:30 Ça a été quand même très, très difficile.
03:32 Et puis c'est une profession qui a subi beaucoup de réformes,
03:35 depuis la réforme Abyss ou Giscard,
03:37 ensuite le projet de loi Safari,
03:40 ensuite la réforme de Vaquay, enfin bref, beaucoup de réformes.
03:43 Et il s'est horté dans le monde contemporain,
03:46 évidemment, au problème d'aujourd'hui,
03:48 c'est-à-dire de discipline,
03:50 peut-être aussi de voile islamique et de harcèlement.
03:53 Donc c'était quand même une profession
03:55 qui est devenue une profession difficile,
03:56 alors qu'elle ne l'était pas forcément
03:59 il y a encore quelques années de cela.
04:01 Mais Antoine lui-même, il a choisi cette profession
04:03 parce que c'était le seul moyen, justement, de faire auture.
04:06 Il a voulu s'évader par rapport, non pas à la prison,
04:10 mais par rapport à l'étroitesse de ce monde rural
04:14 qui finalement lui pesait un peu.
04:16 - Alors vous venez d'évoquer par exemple la réforme Abyss,
04:18 et c'est ce qui est intéressant dans vos livres,
04:21 c'est qu'il y a toujours un lien entre la petite histoire
04:23 et la grande histoire, ou en tout cas le contexte politique, économique,
04:27 auquel vous faites souvent référence.
04:28 Alors je voulais savoir comment vous travaillez ?
04:30 Parce que là, on évoque 68, les attentats,
04:32 enfin, qui sont en toile de fond, comme ça.
04:34 - Mais j'y tiens beaucoup parce que j'ai beaucoup écrit de livres aussi
04:37 sur la guerre de 14, parce que c'était mon grand-père.
04:40 La Résistance, c'était mon père, dans le réseau Buckmaster.
04:43 J'avais un oncle qui est parti en Algérie, donc si vous voulez, ma vie,
04:46 moi, elle a été sans cesse imprégnée par cette présence de la guerre
04:52 et des hostilités, et donc j'en ai été imprégné,
04:56 et donc ça me vient, si vous voulez, naturellement,
04:57 et en même temps, je trouve que c'est très important,
04:59 parce que c'est dans la mémoire collective des Français quand même.
05:02 Tout le monde sait que des grands-parents, des parents,
05:05 ou même des oncles, ou des frères et sœurs,
05:07 ont vécu ce genre de situation.
05:09 C'est devenu encore plus difficile aujourd'hui,
05:12 parce qu'aujourd'hui, s'il n'y a pas de guerre en Europe,
05:14 il y a quand même un certain terrorisme islamiste.
05:18 Et moi, qui étais loin de tout ça, je me suis aperçu en 2015
05:21 que j'avais un ami qui s'appelait Bernard Maris,
05:25 qui était le compagnon de civil-jeune loi avec qui je travaillais chez Albain Michel,
05:29 qui restait dans les locaux de Charlie Hebdo,
05:33 et pour moi, si vous voulez, cette menace était vague,
05:36 elle était lointaine, et puis tout d'un coup, en 2015,
05:39 elle est devenue très très très présente, et ça a beaucoup changé ma vie.
05:43 Donc la grande histoire dans mes livres, elle est souvent présente.
05:46 La petite histoire est tout à côté de la grande.
05:48 – Et ça fait partie de ce qu'on aime justement dans vos livres,
05:53 et c'est ce qu'on retrouve donc dans "Une famille française",
05:55 ce livre qui vient de paraître chez Albain Michel,
05:57 "Grandes fresques romanesques", c'est à lire.
05:59 Merci beaucoup Christian Siré. – Merci à vous.
06:01 [Musique]
06:05 [SILENCE]

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