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Chercheuse en écologie comportementale, Élise Verrier est une véritable spécialiste des abeilles. Lauréate du prix Jeunes Talents « pour les femmes et la science », titulaire d'un doctorat en biologie à l’Université de Paris-Saclay et podcasteuse à ses heures, elle est l'invitée de Mathilde Serrel.

Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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Transcription
00:00 Mathilde Serrel, ce matin, votre nouvelle tête, c'est une tête chercheuse, spécialiste
00:05 des abeilles.
00:06 Élise Verdier est dans le studio d'Inter.
00:09 Portrait sonore.
00:10 Au départ, elle se voyait bien vétérinaire.
00:16 Mais cet enfant du pays de Valois, dans les Hauts-de-France, va se découvrir une fascination
00:22 plus large pour le monde du vivant en cours de SVT.
00:25 À l'arrivée de l'été, les millions de tétards pondus se préparent progressivement
00:30 à quitter le monde aquatique.
00:31 Parvenu au terme de ses métamorphoses, tout ce petit monde, crapelets ou grenouillettes,
00:36 a acquis sa forme définitive.
00:38 Le tétard, comment pouvait-il vivre dans l'eau et se transformer en grenouille qui
00:45 vit parfaitement à l'air libre ? Sa passion de chercheuse en écologie comportementale
00:50 commence là.
00:51 Mais plus que les batraciens, elle choisira les insectes comme sujet d'étude, puis dans
00:55 un second temps, les pollinisateurs.
00:57 Doctorante en biologie à l'université de Paris-Saclay, elle fait sa thèse encadrée
01:04 de deux femmes.
01:05 Dans un monde majoritairement masculin, elle se construit autour de références scientifiques
01:09 féminins.
01:10 L'une de ses modèles, la biologiste Rachel Carlson, dénonce les dangers des pesticides
01:15 dès 1962.
01:16 "On a parlé des bienfaits des pesticides, mais on a très peu parlé de leurs risques,
01:24 des échecs et de leurs limites.
01:26 Et pourtant, on a demandé au public d'accepter leur usage sans vraiment en connaître toutes
01:34 les conséquences."
01:35 Modèle à son tour pour inspirer de nouvelles générations de femmes scientifiques, son
01:41 travail sur la disparition des pollinisateurs lui vaut à 30 ans le prix jeune talent pour
01:46 les femmes et la science à l'Institut de France.
01:48 Élise Verrier, bonjour !
01:49 Oui, alors désolé, j'ai dit Élise Verdier, ma langue à français, c'est bien Élise
01:54 Verrier, je m'en excuse.
01:55 Voilà, mais merci, merci Simon.
01:58 C'est important.
01:59 Il est important aussi de comprendre ce que vous faites, Élise Verrier.
02:04 Vous décryptez le comportement des abeilles, en quoi ça consiste ? Il y a des timides,
02:09 d'autres plus extraverties.
02:11 C'est quoi l'analyse comportementale des abeilles ?
02:14 Alors là, il n'y a pas de timide ou d'extravertie ou ce genre de choses.
02:19 Nous, ce qu'on essaye de comprendre, c'est comment se comportent les abeilles en hiver
02:24 et comment elles évoluent.
02:26 Donc, par exemple, comment elles vont se déplacer dans la ruche ? Comment elles vont consommer
02:29 leurs ressources ? Et ce type de comportement qu'on analyse.
02:32 Vous analysez donc le comportement des abeilles et des abeilles en hiver.
02:36 Pourquoi ? C'est une précision très importante.
02:39 Alors, ce qu'il faut savoir, c'est qu'en hiver, les abeilles se regroupent, elles forment
02:44 une grappe et elles thermorégulent, c'est-à-dire qu'elles maintiennent une température constante.
02:48 On a une température moyenne autour de la grappe qui est à 11 degrés et à l'intérieur
02:52 de la grappe, d'une vingtaine de degrés.
02:53 Même si dehors, il fait -5 ou -6.
02:57 Du coup, les apiculteurs, si jamais ils vont ouvrir leur ruche en hiver, ils risquent de
03:02 faire rentrer du froid dans la ruche et perturber cette thermorégulation.
03:06 Et du coup, les abeilles vont attraper froid et elles peuvent mourir.
03:09 Donc on ne peut pas ouvrir la ruche.
03:10 Pourtant, elles y meurent massivement chaque hiver.
03:14 Exactement.
03:15 Ce qui se passe, c'est que les apiculteurs, à la fin de l'été, début de l'automne,
03:19 ils vont vérifier une dernière fois leur colonie, ils referment la ruche et ils reviennent
03:22 au début du printemps quand les températures sont adéquates et ils constatent une forte
03:28 mortalité de leur colonie, qui peuvent atteindre jusqu'à 50% du cheptel, ce qui est énorme.
03:34 Et ils sont incapables de savoir ce qui se passe à l'intérieur de la ruche parce qu'ils
03:38 ne peuvent pas ouvrir la ruche.
03:39 Et c'est une mentalité qui est en augmentation ?
03:41 En augmentation, ça va être variable selon les années, mais en gros, ces dernières
03:47 décennies, on observe 25 à 50% de mortalité, ce qui est beaucoup plus important qu'il
03:51 y a une centaine d'années.
03:53 Vous faites partie du programme européen Be Connected, qui n'a rien à voir avec des
03:56 fans de Beyoncé.
03:57 Peut-être que vous êtes les deux.
04:01 Et vous allez donc analyser avec vos confrères, vos consoeurs européens, ce comportement
04:06 des abeilles, cette boîte noire de ce qu'il se passe dans cette ruche grâce à des ruches
04:10 connectées.
04:11 En fait, vous, vous n'êtes pas vraiment près de la ruche, vous êtes derrière votre
04:15 ordinateur en train d'analyser des données.
04:18 Il ne faut pas vous imaginer en costume d'apicultrice et tout ça.
04:21 Alors, je suis allée un peu sur le terrain quand même, surtout pour voir comment les
04:25 apiculteurs fonctionnaient.
04:26 Mais effectivement, ma spécialité, c'est l'analyse de données.
04:30 Donc, on a des capteurs qui enregistrent, par exemple, le poids de la ruche avec les
04:34 abeilles dedans toutes les cinq minutes durant tout l'hiver.
04:37 Mais la gestion de la colonie, à proprement parler, et le travail d'apiculture, on travaille
04:43 en collaboration avec des apiculteurs professionnels.
04:45 Et du coup, c'est leur colonie et c'est leur pratique.
04:49 Et je pense que les apiculteurs feront un bien meilleur travail que des chercheurs.
04:53 Mais en tout cas, cette analyse de données, elle est importante aujourd'hui.
04:56 Peut-être qu'il faut le redire.
04:58 Pourquoi les abeilles sont si importantes ? On connaît peut-être tous la phrase d'Einstein
05:01 "Si les abeilles venaient à disparaître, l'humanité n'aurait plus que quatre ans
05:05 devant elle".
05:06 Il faut expliquer cette situation.
05:08 On a 35% des pollinisateurs qui sont invertébrés, qui sont en voie de disparition.
05:12 Et les abeilles et les pollinisateurs permettent de produire tout ce que l'on mange.
05:17 Peut-être 80% de l'alimentation mondiale.
05:20 Alors, les chiffres qu'on a en estimation...
05:23 Là, vous donnez ceux de l'ONU à peu près, quand ils font leur journée mondiale de la
05:26 bête.
05:27 Du coup, ce qu'on dit, c'est qu'il y a 35% du volume de production mondiale qui dépend
05:33 de la pollinisation.
05:34 Mais ce qu'il faut voir derrière, c'est que la pollinisation permet de produire notamment
05:39 des fruits qui vont avoir des micronutriments, des vitamines que, par exemple, il n'y a pas
05:44 dans le blé.
05:45 C'est là où on monte à 80% de besoin des pollinisateurs pour pouvoir produire fruits,
05:51 légumes, noix, etc.
05:52 - Vous avez donc décidé de vous embarquer dans ce sauvetage des abeilles.
05:58 Et aussi, une autre mission pour vous, Élise Verrier, qui vous est inspirée par ça.
06:03 Le générique de C'est pas sorcier, que vous avez adoré avec Jamy Gourmaud, ça vous a
06:12 donné des idées.
06:13 Vous avez un podcast, ça s'appelle le journal de Tata Doc.
06:17 C'est vous, Tata Doc ?
06:18 - Oui, c'est moi.
06:19 - C'est une entreprise de vulgarisation de votre métier.
06:24 A quelle destination ?
06:25 - Mon objectif, c'est vraiment de toucher le grand public.
06:28 Ce que j'ai remarqué en discutant avec mes proches, c'est que le travail de chercheur,
06:33 c'est très obscur.
06:34 Généralement, on ne sait pas quoi mettre derrière comme activité, etc.
06:37 Donc l'objectif, c'était vraiment d'expliquer ce que je faisais, de vulgariser et de présenter
06:42 aussi des recherches d'autres personnes qui travaillent aussi en écologie.
06:46 En ce moment, je travaille avec les abeilles, mais en France, il y a plein de recherches
06:49 sur d'autres sujets.
06:50 - Qu'est-ce qui menace principalement les abeilles ?
06:52 - C'est assez multifactoriel.
06:55 On va avoir les pesticides, on va aussi avoir la destruction de l'habitat et du coup le
06:59 manque de ressources.
07:00 On peut avoir aussi les parasites, les espèces exotiques envahissantes, par exemple le frelon
07:03 asiatique.
07:04 Il y a beaucoup de choses.
07:05 - Vous avez également décidé, dans cette entreprise de vulgarisation, de remettre la
07:12 science à l'horizontale.
07:15 Au niveau des autres personnalités du monde, de la société civile, parce que cette montée
07:20 un peu anti-science vous a inquiétée.
07:23 C'est aussi votre mission, Alice Verrier.
07:25 - Oui, je pense que c'est important que les personnes aient confiance dans le processus
07:29 scientifique, dans la recherche scientifique.
07:31 J'espère, avec ce podcast, montrer qu'on fait les choses sérieusement, qu'effectivement,
07:37 il peut y avoir des chercheurs mal intentionnés, comme dans toutes les professions, il y a
07:40 des personnes qui sont mal intentionnées.
07:42 Mais l'immense majorité des chercheurs font leur travail avec grand sérieux.
07:48 C'est ce que j'aimerais montrer dans ce podcast.
07:50 - Vous avez obtenu 20 000 euros de cette bourse, une escoloreale pour les jeunes talents, les
07:54 femmes et la science.
07:55 Je pense que vous allez investir dans du matos, Eline Sverrier.
07:58 Pour finir, je vous propose de filer dans la nature, sur le terrain.
08:01 La spécialiste des pollinisateurs que vous êtes saura peut-être identifier ces différents
08:05 bourdonnements.
08:06 - C'est qui ?
08:07 - Je dirais une mouche, mais…
08:12 - Un moustique !
08:13 - Un moustique !
08:14 - Pas loin ! On y va !
08:15 - Vous pouvez jouer chez vous, un indice affiche sur vos enceintes.
08:20 - C'est un bourdon ?
08:21 - Un frolon !
08:22 - C'est des gros, des très gros.
08:25 - Et enfin, troisième bourdonnement.
08:27 - Ah ! C'est un piège, attention, ça n'est pas un insecte !
08:34 - Une fraiseuse de dentiste !
08:37 - Un dauphin tacheté !
08:40 - Merci d'avoir joué !
08:42 - Et merci beaucoup à vous, Elise Sverrier ! On suivra les résultats du programme Be
08:47 Connected et de votre podcast Tata Doc, bonne route !
08:50 - Merci beaucoup !

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