• il y a 2 ans
A chaque fois, le mécanisme est le même. D’abord, le trauma. Charlie Hebdo, en janvier 2015. Samuel Paty, en octobre 2020. L’émotion est immense et sincère.

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Transcription
00:00 En toute subjectivité avec la directrice déléguée de la rédaction de L'Express, Anne Rosancher, bonjour !
00:05 Bonjour Nicolas, bonjour à tous !
00:06 Ce matin, Anne, vous vous interrogez sur le jour d'après, non pas au Proche-Orient mais en France.
00:12 Sur quoi la situation que nous vivons ces dernières semaines va-t-elle déboucher ?
00:17 A chaque fois, le mécanisme est le même. D'abord, le trauma.
00:21 Charlie Hebdo en janvier 2015, Samuel Paty en octobre 2020.
00:25 L'émotion est immense et sincère.
00:27 Le coup de projecteur donné sur la majorité silencieuse rassure.
00:31 On pense assister à un sursaut.
00:33 En vérité, à l'échelle individuelle, la terreur accomplit son travail.
00:37 À l'échelle individuelle, la trouille s'installe et on l'appelle résilience.
00:42 Depuis Charlie, soyons lucides, le droit au blasphème n'existe plus qu'en théorie.
00:46 Et depuis Paty, de plus en plus de professeurs disent s'être autocensurés.
00:50 Jusqu'à 64% des profs d'histoire-géo, selon l'IFOP.
00:54 Personne ne veut s'effacer.
00:56 Mais personne ne veut subir des menaces, ni se faire traiter injustement d'islamophobe.
01:01 Et personne, croyez-moi, ne veut passer des nuits à se demander
01:05 « à partir de quand faut-il que je m'inquiète ? »
01:09 C'est ainsi qu'à chaque trauma collectif, la peur progresse.
01:13 Et je crains que nous soyons encore en train de vivre un de ces moments.
01:16 - Expliquez-nous Anne, c'est-à-dire ?
01:18 - La flambée inédite d'actes antisémites que nous vivons depuis le 7 octobre
01:22 est en train d'entraîner un effacement de beaucoup de Français juifs.
01:25 Ils cachent tout ce qui pourrait leur attirer des menaces, des coups, voire pire.
01:30 Et je ne vous parle pas seulement de signes d'appartenance religieuse.
01:33 Non, ils retirent jusqu'à leur nom de famille des boîtes aux lettres
01:36 ou des applications commerçantes.
01:39 Écoutez cette info que nous avons publiée dans l'Express.
01:42 Chez Grasset, une rescapée des camps de la mort a fait retirer le mot « juive »
01:46 du titre de son livre à paraître.
01:48 Elle était trop terrorisée pour associer son nom et sa photo à ce qualificatif.
01:54 J'espère me tromper, mais je pense que cet effacement restera en grande partie.
01:59 À chaque fois que la peur se diffuse, elle ne repart pas.
02:02 Et c'est ainsi que la norme des plus belliqueux progresse.
02:06 Car tous les combats culturels sont des combats normatifs.
02:10 Les minorités vindicatives font l'histoire, non par la force du nombre,
02:14 mais par l'intimidation qu'elles exercent sur les plus nombreux.
02:18 Alors que faire face à cela ?
02:20 Être chaque fois plus, d'abord, à faire entendre la voix de la majorité.
02:23 Sur ce point, l'optimisme est permis.
02:26 Politiques, professeurs, citoyens, la société ronde de plus en plus le silence.
02:31 Ensuite, et c'est peut-être le point le plus important,
02:34 il faut parler aux enfants, aux ados.
02:37 Il faut leur apprendre nos lois, nos principes et nos mœurs.
02:40 Il faut leur expliquer la laïcité et l'universalisme sans s'excuser,
02:44 sans avoir honte et sans se reposer uniquement sur l'école.
02:48 Nous, les adultes, nous avons la responsabilité d'éduquer.
02:51 Ça paraît peut-être intruisme dit comme ça,
02:54 mais j'ai l'impression que ça ne coule plus toujours de source.
02:57 Les enfants sont notre avenir, ne le gâchons pas.
03:00 À nos renchers, merci.

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