Abdellah Benzamia, photographe et Tiktokeur, est l'invité de Mathilde Serrell.
Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
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00:00 Place aux nouvelles têtes, Mathilde Serrel, il est 9h50 ce matin, créateur de contenu anti-haine,
00:06 Abdéla Benzamia est dans notre studio.
00:09 Portrait sonore !
00:10 Enfant, il est bercé par le ronronnement des tourterelles sous ses fenêtres, il avale
00:17 ces tondeuses à gazon des jardiniers de sa résidence à Nice.
00:21 D'aussi longtemps qu'il se souvienne, il a toujours eu envie de comprendre ce qu'il
00:26 se passait sous le capot.
00:27 Découvre la malaise de construction mécano ! Avec plus de 400 pièces, assemble tout
00:32 ce que tu veux ! Voyage à travers le monde ou là où ton imagination te mènera ! Avec
00:37 Mécano, construit et reconstruit à l'infini !
00:39 En toute logique, il fait une prépa pour intégrer l'école des arts et métiers, devenu développeur
00:45 informatique.
00:46 Il expérimente une grande solitude avec le confinement en 2020 et le besoin de nouvelles
00:52 formes de contact humain.
00:54 Chaque fois qu'il y a eu une épidémie ou une guerre, une catastrophe culturelle, il
00:59 y a un changement culturel.
01:01 On est obligé, après le trauma, de découvrir de nouvelles règles, de nouvelles manières
01:08 de vivre ensemble.
01:09 La voix à distance du neurologue Boris Cyrulnik sur notre antenne, le 16 mars 2020, le jour
01:15 de l'annonce de cette épreuve collective qui nous a tous changés, ici aussi, à la
01:19 radio.
01:20 Pour lui, c'est le déclic !
01:21 Non mais le vrai, c'est décidé ! Il va rencontrer les gens, les photographier, leur
01:27 parler !
01:28 Est-ce que je peux vous prendre en photo ?
01:29 Oui, vous pouvez !
01:30 Ça ne vous dérange pas ?
01:31 Oui, je vais vous faire une photo !
01:32 Vous êtes sûr ?
01:33 Oui !
01:34 Je suis coiffeuse !
01:35 Et tu t'es dit que vous êtes coiffeuse ?
01:36 Oui !
01:37 C'est incroyable !
01:38 C'est une belle histoire !
01:39 Coiffeuse de père en fille ! A 28 ans, il est parti sur les routes de France à la
01:45 rencontre de tous les métiers pour construire une mosaïque de vie sur Instagram et TikTok.
01:50 Abdéla Benzamia, Elias Benzprod, bonjour !
01:53 Bonjour !
01:54 Alors, vous cumulez, on annonce les chiffres, plus de 800 000 abonnés, c'est beaucoup !
01:58 Mais on ne vous voit pas, quasiment pas ! Ça, c'est rare sur les réseaux ! Pourquoi ?
02:03 Je me cache derrière ma caméra !
02:05 En fait, ce qui est assez rigolo, c'est que je prends en photo des gens qui sont un
02:12 petit peu comme moi, qui aiment l'ombre, et du coup, je me cache derrière ma caméra.
02:17 Mais c'est un usage qui a rebours de la forme narcissique, ambiante, et qui est aussi un
02:22 usage des réseaux pour en faire quelque chose de positif.
02:25 Dès le départ, ça s'est imposé à vous.
02:27 Vous n'alliez pas vous montrer, vous alliez utiliser en même temps les réseaux pour
02:31 faire quelque chose.
02:32 Oui, et c'est un peu aussi, presque, pas absurde, mais c'est un peu paradoxal vis-à-vis
02:37 des réseaux sociaux, qui en général mettent en avant les gens, notre propre être, à
02:43 travers des photos, etc. et en fait, j'ai pris le contre-pied en prenant en photo des
02:47 autres personnes.
02:48 Alors, comment ça se passe ? Parce qu'on a entendu, là, on est dans un salon de coiffure,
02:53 il y a deux dames qui sont les filles d'un coiffeur, et elles ont repris le salon de
02:57 coiffure de leur père.
02:58 Vous allez leur parler, mais je crois qu'au début, vous étiez très timide, vous ne
03:01 photographiez que les bâtisses, que les paysages, vous n'osiez pas parler aux gens ?
03:05 Oui, en fait, ça s'est fait petit à petit.
03:08 Le but, c'était vraiment d'aller à la rencontre des gens, et je pense que c'était
03:12 aussi un challenge d'aller voir des gens encore plus pendant qu'ils travaillent, parce
03:16 qu'elle est en train de coiffer quelqu'un, et il ne faut pas qu'elle se rate, en plus
03:19 elle coupe au rasoir cette dame, c'est un peu à l'ancienne, donc il ne faut pas
03:22 qu'elle se rate, et du coup, si ça touche l'oreille, ce n'est pas bon.
03:26 Mais oui, du coup, c'est ça, c'est très…
03:28 Ah oui, attention, attention, Van Gogh, bien joué Léa !
03:32 On en parlait juste avant, en plus.
03:34 Il y a aussi une scène très belle, c'est une vidéo qui a été postée le 17 octobre,
03:39 donc 10 jours après les attaques du Hamas, les massacres, les bombardements ensuite de
03:43 l'armée israélienne à Gaza, et vous êtes sur un bateau de pêche en Méditerranée,
03:47 du coup, ça vous parle, ça résonne, vous écrivez un long texte pour expliquer à vos
03:52 parents pourquoi vous êtes partis, ça fait un an que vous êtes partis, vous prenez
03:54 ces photos, vous dites qu'il faut aller contre cette peur qui se transforme petit
03:58 à petit en haine, et que vous voulez offrir votre livre au président de la République,
04:03 vous voulez que ça ait un impact sur nos cœurs serrés par la haine.
04:07 Comment ça avance, ce projet ?
04:10 J'apprends en fait tous les jours, à chaque rencontre que je fais, ça me conforte sur
04:16 l'idée que je me fais de base, bien sûr ça évolue, mais le but c'est ça, c'est
04:20 de vraiment combattre un petit peu les préjugés, les a priori que je peux avoir sur la vie,
04:25 vis-à-vis de ce que je reçois, comme je disais, à travers les différents médias,
04:31 etc.
04:32 On ressent tous ça, c'est pas de colère mais de peur qui se transforme en haine, et
04:39 à travers des rencontres anodines, juste donner ce que je peux donner, c'est-à-dire
04:43 juste mes compétences qui sont à la photo, et de les offrir comme ça, c'est ma façon
04:48 à moi de combattre cette haine.
04:50 Et après, le but c'est d'en faire un petit livre, donc si j'arrive à la fin à remplir
04:55 ce livre de 100 métiers, et à chaque personne écrire un mot au président, ça permet à
05:01 la fin de combler un petit peu tout ce que je veux, c'est-à-dire rencontrer des gens
05:06 et avoir un impact derrière, s'il y en a un, en fonction des mots que les gens vont
05:11 me mettre dans mon petit livre que j'ai ramené ici.
05:13 - C'est un cahier d'oléances, comme à l'époque de la révolution française, que
05:17 vous allez ramener ? - C'est un tout petit cahier d'oléances,
05:21 du coup.
05:22 - Ils vous parlent pas de leur demande, de leur souffrance, ils vous parlent simplement
05:26 de leur vie, mais c'est le fait de se parler en fait, on a le sentiment tout simplement
05:30 qu'ils changent tout.
05:31 - Oui, en fait, j'aime pas trop le mot cahier d'oléances, parce que c'est vraiment des
05:36 doléances là où en général, c'est un commentaire que j'ai eu récemment, où en fait ils sont
05:41 presque surpris de pas avoir de commentaires négatifs, ou de mots négatifs dans mon livre,
05:45 et en fait c'est parce qu'il y a toute une démarche positive qui a pour but d'élever
05:50 les consciences, donc c'est pas... comment dire... c'est positif quoi.
05:55 - Oui, alors c'est positif, et ce que j'aime bien aussi chez vous, c'est que vous dites
05:57 que le positif a des limites, c'est-à-dire qu'il faut pas en mettre partout, il faut
06:00 pas tout reformater pour que ce soit positif, et ce qui se passera devant votre caméra
06:05 ou votre appareil photo, ce sera là aussi.
06:08 Alors vous avez déjà rencontré Olivier Véran, vous avez franchi une marche vers Emmanuel
06:13 Macron.
06:14 C'est sujet libre.
06:15 À présent, Abdéla Benzamia, vous avez l'antenne pour vous, et vous nous proposez un portrait.
06:19 On vous écoute.
06:23 - Ce matin, je suis arrivé avant vous, Mathilde, à 6h50.
06:27 Mon appareil photo à la main, j'ai fait le tour des coulisses de France Inter, et on
06:32 a l'habitude de voir ces studios illuminés par les projecteurs, mais que se passe-t-il
06:36 à l'extérieur ? C'est une véritable fourmilière.
06:38 On y voit des gens aller, venir, papier à la main.
06:42 On communique de manière brève car le temps est compté.
06:44 En avançant dans ce chaos, je me retrouve dans une salle remplie de livres, une véritable
06:50 forteresse derrière laquelle se cache une dame, blonde, toute vêtue de noir, à l'allure
06:56 déterminée.
06:57 L'ambiance m'a tellement apaisée que je lui ai demandé si je pouvais capturer ce
07:02 moment.
07:03 Et un regard froid et doux se jette sur moi.
07:07 Elle est gênée de devoir sortir de ce cocon qu'elle s'est créée avec ses livres.
07:11 « Je suis pas photogénique » ou « Je suis mal coiffée », des phrases que j'entends
07:15 souvent quand je prends des photos de ses métiers à l'improviste.
07:18 Pour une fois, elle sortirait de l'ombre et c'est avec un petit hochement de la tête
07:23 qu'elle accepte.
07:24 Comme si c'était juste pour me faire plaisir.
07:26 Quelques minutes plus tard, en lui offrant les photos que j'ai imprimées, c'est tout
07:30 son visage qui a changé.
07:32 On y voit la surprise qui laisse transparaître son âme bienveillante, celle que j'ai pu
07:37 entrevoir dans le portrait que j'ai capturé.
07:39 Elle s'appelle Stéphanie Boutonna, rédactrice en chef.
07:42 Merci !
07:43 Et j'ai assisté à la scène ce matin, c'est-à-dire qu'il est venu lui demander, et sa première
07:49 réaction, il est venu dire « je peux faire une photo ? » et Stéphanie lui a dit « c'est
07:52 Léa Salamé que vous voulez prendre en photo ? » « Non, non, non, je m'en fous complètement,
07:55 c'est vous ! » Et elle était dans sa grotte.
07:58 C'était génial !
07:59 Merci beaucoup !
08:00 On trouve la photo sur le site de France Inter et sur votre Instagram Adela Benzamia.
08:04 Bonne route et bonne rencontre avec le président.
08:06 Je tiens à remercier l'équipe au-delà aussi de Stéphanie Boutonna, c'est Lucie
08:10 Lemarchand, la réalisation, et Marion Philippe à la préparation de nouvelles têtes.