SMART BOURSE - Planète marché(s) du jeudi 23 novembre 2023

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Jeudi 23 novembre 2023, SMART BOURSE reçoit Bastien Drut (Responsable de la stratégie et de la recherche économique, CPR AM) , Florian Ielpo (Responsable Macro au sein de l'équipe Multi-Asset, Lombard Odier IM) et Véronique Riches-Flores (Économiste indépendante, RF Research)
Transcript
00:00 (Générique)
00:10 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13 Véronique Richelaurès est avec nous, économiste indépendante et présidente de RF Research.
00:17 Bonsoir Véronique.
00:18 Bonsoir.
00:19 Merci d'être là. Merci à Bastien Dru d'être avec nous en plateau également.
00:21 Bonsoir Bastien.
00:22 Bonsoir.
00:23 Responsable de la stratégie et de la recherche économique de CPR Asset Management.
00:26 Et nous accueillons également Florian Hielpaut.
00:28 Bonsoir Florian.
00:29 Bonsoir.
00:30 Responsable de la macro chez Lombard, Odier, IM.
00:32 Je vous propose l'exercice traditionnel des perspectives pour l'année suivante, 2024 en l'occurrence.
00:38 L'idée étant pas d'être exhaustif forcément sur le scénario Véronique, si je commence avec vous,
00:42 mais comprendre un peu ce qui anime vos réflexions dans cet environnement complexe,
00:48 sur le plan macro, sur le plan des marchés, sur le plan politique également.
00:52 Le facteur politique sera peut-être un facteur clé déterminant tout au long de l'année 2024.
00:57 Qu'est-ce qui anime vos réflexions ? Quels sont pour vous les points saillants qui retiennent votre attention ?
01:02 Et peut-être, là aussi, question ouverte à tous, où est-ce que vous vous sentez peut-être le plus en dehors du consensus
01:10 ou du scénario consensuel qui se dessine chez les économistes pour 2024 ?
01:14 Alors si on prend les principaux points, les principales questions et interrogations pour nous-mêmes économistes,
01:22 je crois qu'on est obligé de commencer par l'économie américaine. Encore une fois, récession par récession,
01:27 ça tient, ça repart, qu'est-ce qui se passe et que fait la Fed ?
01:31 Je suis sans doute un peu moins optimiste que ce que je sens des économistes de marché sur l'économie américaine.
01:39 On a eu un chiffre spectaculaire, troisième trimestre, 4,9% au rythme annualisé.
01:44 Et du coup, on a l'impression que ça a évincé toutes les problématiques ou la ritornelle sur une éventuelle récession.
01:50 Alors gardons en tête qu'il n'est pas rare dans l'histoire américaine d'avoir un dernier trimestre avant la récession qui soit excellent,
01:56 voire même d'ailleurs un premier trimestre de récession parce que ce n'est pas la même méthode de calcul.
02:01 Mais ceci dit, et mis à part, on a des tas d'indicateurs qui continuent à se détériorer aux États-Unis,
02:07 dont pas mal sont en train d'accélérer leur détérioration.
02:10 Si vous regardez le marché de l'emploi qui paraît excellent...
02:14 Robuste !
02:15 Robuste !
02:16 Mais en fait, depuis le début de l'année, l'économie américaine n'a quasiment pas créé d'emplois,
02:21 d'emplois dans les services privés, dans les secteurs qui font traditionnellement la dynamique conjoncturelle.
02:28 On a fait de l'emploi public, et de la santé.
02:32 Si on enlève la santé déjà, sur les six derniers mois, il y a zéro création d'emplois.
02:39 À ce point-là ?
02:40 Oui.
02:41 J'ai pas encore enlevé le secteur public de ces chiffres-là, mais du coup...
02:46 Et quand on regarde ces choses-là, on se dit "Tiens, c'est quand même pas aussi sympathique".
02:51 Deuxièmement, il y a pléthore de petits indicateurs.
02:53 L'taux de chômage qui est légèrement remonté.
02:56 Mais ce qu'on voit bien, c'est que ce n'est pas la seule chose.
03:00 Côté immobilier, c'est lent.
03:03 Ça fait longtemps qu'on a un retournement, mais qui n'est pas plus virulent que cela.
03:08 Donc on se dit "Allez, on peut le mettre de côté".
03:11 J'ai envie de dire "Attention, la dernière hausse des taux peut faire mal".
03:17 Le marché est très...
03:19 Il y a des distorsions.
03:21 Le marché tient grâce aux ventes de plus de 500 000 dollars, payées largement par cash.
03:27 Donc effectivement, c'est toute cette population qui passe à travers la fourche codeine de la politique monétaire.
03:31 Mais il y a toujours cet équilibre à trouver qui est très incertain.
03:35 À partir de quand risque-t-on de basculer ?
03:39 À partir de quand tous ceux qui sont exclus risquent de peser davantage sur ce marché-là ?
03:44 On a l'impression qu'on n'en est plus loin.
03:46 Alors très prudent, parce qu'on s'est fait ramasser tellement de fois depuis un an.
03:51 Je crois que personne n'a envie de se remettre à crier "Houloul" premier.
03:54 Mais là, ce qui me semble important, c'est qu'on a une multiplication de signaux qui vont dans le même sens.
04:01 Mais en même temps, il y a eu les grèves dans l'automobile.
04:05 Ça va repartir. Le mois prochain, on aura 30 000 créations d'emplois qui viendront en compenser.
04:11 Il y a beaucoup d'incertitudes. C'est indéniable.
04:14 Il me semble, dans la balance, que les signaux négatifs s'accumulent.
04:17 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il n'y a plus de problème d'inflation.
04:20 En tout cas, conjoncturel.
04:22 Je reste convaincue qu'on n'a pas sorti de l'auberge d'un point de vue structurel.
04:26 Mais, voilà, le 12, 9 ou 12 prochain mois, il n'y a plus de problème d'inflation.
04:30 Je pense que la Fed retrouve de la marge de manoeuvre.
04:33 Du coup, je me dis qu'est-ce qui la retient d'agir contre ces signaux négatifs ?
04:39 Je reprends mes tablettes.
04:42 Ce que je vois, c'est qu'à chaque fois qu'on est arrivé sur un point haut des taux directeurs,
04:46 ce qui me semble correct comme hypothèse aujourd'hui,
04:49 la Fed n'a pas attendu qu'on rentre en récession.
04:52 Elle n'a pas attendu qu'on ait un point de hausse du taux de chômage pour agir.
04:56 En réalité, elle a fait, avec plus ou moins de décalage, mais en moyenne, 250 points de basse.
05:01 De bestes, ces taux directeurs, le temps que le taux de chômage prenne un demi-point.
05:05 On est à un 4/10 de hausse du taux de chômage depuis le point bas, qui était en avril.
05:10 On a une multiplication des signaux, plus de risque inflationniste.
05:13 Je pense que la Fed, contrairement à ce qu'elle nous dit, a de la marge de manoeuvre pour agir.
05:18 Et j'ai l'impression que c'est là qu'on va avoir peut-être une bonne surprise.
05:21 Alors, une bonne surprise, elle ne vient jamais seule.
05:23 Une bonne surprise, ce serait une Fed...
05:26 Conjoncturelle, un peu plus marquée que la Fed.
05:28 Il faudra un déclencheur, quand même, pour la réserve fédérale américaine.
05:31 Tout à fait. Et ce déclencheur, je crois qu'il est du côté de l'immobilier, quand même.
05:35 Mais c'est également dans ce secteur-là qu'elle n'a pas envie de faire une fausse note.
05:39 Parce que c'est potentiellement là qu'effectivement, comme après la crise bancaire,
05:44 les taux à 10 ans perdent 50 points de basse, le marché immobilier repart pendant 14 ans.
05:48 Et tout de suite, les loyers repartent.
05:50 Donc, elle n'a pas le droit de se tromper.
05:52 Parce que quand on a un écart aussi important entre la hausse des loyers et les salaires,
05:56 on sait bien que si ça continue, dans un an, dans deux ans, on aura un problème de salaire.
06:01 C'est inévitable. Et ils ne peuvent pas se tromper.
06:04 Et je pense également que c'est pour ça qu'ils ne supportent pas que les taux longs baissent trop vite.
06:08 Et qu'il y a tout de suite un rétro-pédalage sur les positions antérieures.
06:12 On nous dit « Non, non, non, mais vous savez, on n'a pas fini. »
06:14 Et où il y a encore de l'inflation, c'est la garde des César.
06:16 Donc, on navigue comme cela avec quelque chose qui n'est absolument pas confortable pour des économistes.
06:22 C'est-à-dire qu'on est dans l'épaisseur du trait.
06:24 Il nous semble que la banque centrale américaine va trouver les moyens d'agir,
06:30 probablement plus que ce qui est pricé aujourd'hui.
06:33 On va avoir du stress conjoncturel, mais finalement, on a des acquis de croissance qui sont aussi assez solides.
06:40 On arrive à passer à travers.
06:42 Ça nous fait quoi ? Un scénario de croissance de 1,5% ?
06:46 Il faut qu'on affine, on n'a pas fini.
06:48 Avec un semblant de récession, quelque chose qui stimule la Fed.
06:53 Et l'autre question, c'est la partie longue de la courbe des taux.
07:02 Est-ce qu'on a là aussi quelque chose qui se met en marche, en ordre de marche,
07:08 par rapport à ce que je viens de dire sur la Fed ?
07:10 Dans ce cas, c'est quand même une sacrée marche d'escalier.
07:13 Elle n'est pas intégrée.
07:15 On comprend.
07:17 Même nous, on n'a pas envie de communiquer là-dessus.
07:19 On a plutôt envie de dire "attention, il y a de la place pour un apaisement".
07:22 Mais derrière, ça va repartir très vite, surtout si on n'a pas de récession.
07:26 Il faut faire attention à sa communication.
07:29 En l'occurrence, ce qu'on voit aujourd'hui, c'est beaucoup de raisons pour une pontification de la courbe des taux.
07:35 Et ça, ça tient le marché.
07:37 Et derrière, cycliquement, on n'a pas de quoi alimenter un cycle.
07:40 On voit bien.
07:42 La courbe n'est pas encore positive, ou à peine.
07:45 Elle tourne autour.
07:47 Mais on n'a vraiment pas un appel d'air tel qu'on a d'habitude.
07:50 Et ça suffit à maintenir le marché à flot et à faire que les 7 merveilles fassent des merveilles.
07:57 C'est ce que vous racontez, Florence.
08:00 Vous êtes convaincue qu'on est dans une fin de cycle.
08:04 Mais comme le cycle est atypique, la fin de cycle est aussi atypique.
08:09 Et c'est une fin de cycle qui peut s'étendre dans le temps.
08:13 En tout cas, c'est le discours que vous avez porté jusqu'à présent.
08:16 J'aime bien le terme de "inconfortable".
08:19 J'ai commencé ma carrière en 2005.
08:24 Et je me souviens distinctement de ce qui s'était passé entre 2007 et 2008.
08:28 C'est justement cette phase de fin de cycle.
08:30 Ce que les Américains appellent "late cycle".
08:32 C'est-à-dire que la Banque centrale arrête de monter ses taux.
08:35 Elle les garde inchangés pendant un certain temps.
08:38 Et cette période-là est généralement plus longue qu'on ne le pense.
08:42 Et on commence à prendre des paris dans une direction ou dans l'autre.
08:46 Pas assez de hausses, trop de hausses.
08:48 Du coup, on est long action ou on est défensif vis-à-vis des actions.
08:50 Et en général, on se rend pas mal les doigts.
08:52 Est-ce que cette fin de cycle est atypique ?
08:54 Pas tant que ça.
08:56 Une fin de cycle, en général, c'est 4 traites de marché.
08:59 C'est les taux qui montent.
09:00 C'est les émergents qui surplaforment les développés.
09:02 Les matières premières qui montent.
09:03 Et le dollar qui baisse.
09:05 On tique quand même pas mal de cases aujourd'hui.
09:07 Avec de la volatilité.
09:09 D'où l'inconfort aussi.
09:10 C'est qu'on essaie de reconnaître un phénomène.
09:14 Et on n'en voit qu'un bout.
09:16 Et on est un petit peu...
09:17 Oui, et puis c'est assez récent quand même.
09:18 La baisse du dollar, c'est pas ce qu'on voyait en début d'année.
09:23 Les émergents, ça fait quelques semaines, sur fond de baisse du dollar,
09:27 on voit des actifs émergents reprendre un peu de leadership.
09:30 Mais c'est très récent quand même.
09:32 Là où on va être hors consensus, c'est justement de dire
09:34 si ça se trouve, on vient de commencer cette phase de cycle,
09:37 cette phase de stabilisation.
09:38 Et ça pourrait durer plus longtemps qu'on ne le pense.
09:40 Ça pourrait nous porter assez loin dans 2024.
09:43 Et si c'est le cas, attention aux prises de pari.
09:48 Notamment en termes de durations.
09:51 Les gens qui sont en chute de durations pourront avoir des surprises.
09:53 Entre autres choses.
09:55 Pour nous, le scénario, pour la faire très courte,
09:57 le scénario principal consiste à dire
09:59 soft lending, ça reste notre working assumption, notre cas de base.
10:05 La désinflation, on y croit également, mais avec volatilité.
10:08 Il y a des hauts, il y a des bas.
10:09 Le prix du baril se met à progresser parce qu'il y a un petit excès de demande
10:13 qu'on n'a pas vu venir.
10:14 Vu les valorisations, vu les stocks, vu les niveaux de production,
10:17 ça pourrait être assez douloureux.
10:19 Donc désinflation, oui.
10:20 Et puis pivot banque centrale, oui, pivot banque centrale l'an prochain.
10:23 On n'y est pas encore, la Fed n'a pas pivoté aujourd'hui.
10:25 Ça reste encore quelque chose qui fera partie pour nous du paysage de 2024.
10:29 Là, on est dans le consensus.
10:30 Qu'est-ce qui déclenche la réaction de la Fed à la baisse ?
10:35 Dans ce cycle, dans ce lui qu'on vit.
10:38 Pour nous, une validation de ce que Véronique décrivait,
10:41 c'est-à-dire qu'il y a un affaissement conjoncturel qui se poursuit
10:44 et qui finit par inquiéter réellement la Fed.
10:47 Et là, il y a pivot.
10:48 Le pivot, pour nous, il se fera davantage.
10:50 L'histoire de l'inflation semble être plutôt derrière nous.
10:53 L'inflation cyclique, l'inflation qu'on maîtrise,
10:55 c'est plutôt derrière nous.
10:56 Ce qu'on voit aujourd'hui, c'est plutôt une progression des coûts.
10:58 Et c'est pour moi pas en tout cas ce que la Fed va regarder,
11:01 ce qui va faire bouger la Fed.
11:02 Ça fera bouger peut-être la BCE historiquement.
11:03 La progression du prix des matières premières,
11:05 ça a été une stimulation, ça a été une épine dans le pied de la BCE.
11:09 Beaucoup moins dans celui de la Fed.
11:11 Donc plutôt un argumentaire en termes de croissance.
11:14 L'an prochain, c'est une question de croissance des bénéfices.
11:17 C'est une question de croissance réelle.
11:19 Si on veut avoir le bon scénario sur l'année, c'est ça.
11:22 Et ce n'est plus un scénario d'inflation qui fera la différence pour nous.
11:25 Et cette réaction de la Fed, telle que vous l'imaginez,
11:28 ça permet de préserver, oui, le cas d'un soft lending.
11:31 C'est-à-dire un trou d'air, on vient flirter,
11:33 sous le potentiel bien sûr, on vient flirter avec l'idée d'une récession.
11:38 Mais derrière, la réaction de la Fed permet de sortir de ce trou d'air assez vite.
11:43 Et de ne pas plonger dans une récession endogène,
11:46 plutôt entretenue, qui durerait plus que ce qu'on imagine.
11:49 Ça, c'est l'essence du soft lending.
11:51 C'est vraiment la définition du soft lending.
11:53 On va se retrouver dans un moment où la décélération sera suffisante
11:56 pour que la Fed pivote réellement.
11:58 Et là, garde aux gens qui seront défensifs en action.
12:01 Parce que là, en général, le marché monte très vite.
12:04 Maintenant, avec le risque à côté de ça,
12:08 qui est une réelle décélération,
12:10 une réelle récession endogène plus forte qu'on ne l'attendait.
12:14 Et là, quand la Fed coupe sur une récession endogène,
12:16 ce n'est pas le moment d'avoir des réactions.
12:18 Donc on va avoir des bifurcations en prochain.
12:20 On a des vraies bifurcations qui s'amènent devant nous.
12:22 Je ne sais pas ce qu'en pensent les gens autour de la table, évidemment.
12:25 Mais c'est une partie de notre scénario de risque pour le moment.
12:28 Aujourd'hui, on reste soft lending, désinflation, pivot à venir.
12:31 Ce n'est pas un environnement dans lequel on n'a pas envie d'être investi.
12:35 Bastien, sur ces réflexions macro 2024,
12:39 on est parti très fort sur les US, mais ça semble être le sujet.
12:42 Donc allons-y.
12:44 Je vous voyais acaisser quand Véronique listait des indicateurs avancés
12:49 qui montrent que les choses se dégradent sous la surface,
12:52 peut-être plus profondément que ce qu'on imagine aux Etats-Unis.
12:56 C'est difficile d'ajouter quelque chose après ce que vous venez de dire.
13:00 On va ajouter la politique américaine à la réflexion.
13:03 Allez-y, Bastien.
13:05 Juste avant, une chose que je peux ajouter par rapport à ce que vous venez de dire,
13:09 c'est la fiabilité des statistiques.
13:11 Quand on regarde les trois grandes variables macro-économiques,
13:15 croissance, inflation, chômage,
13:17 tout est à peu près mal calculé ou très peu fiable actuellement aux Etats-Unis.
13:21 C'est inhabituellement peu fiable.
13:25 Si on regarde les chiffres de croissance,
13:27 le 4/9 dont on parlait tout à l'heure au troisième trimestre,
13:29 personnellement, je n'y crois pas du tout.
13:31 Il y a eu d'énormes problèmes de désaisonnalisation
13:34 qui font que ce chiffre n'est probablement pas bon.
13:38 D'ailleurs, quand on regarde la communication des entreprises,
13:41 on a un nombre d'entreprises qui communiquent sur la faiblesse de la demande
13:47 qui a très fortement augmenté sur les derniers mois.
13:50 Je trouve ça très contradictoire avec des chiffres de croissance
13:53 qui seraient très bons au troisième trimestre.
13:55 Je pense que les entreprises connaissent à peu près leur marché
13:58 et savent à peu près de quoi elles parlent.
14:00 Donc, il y a plutôt tendance à faire confiance aux entreprises.
14:03 Donc, sur la croissance, déjà, c'est une chose.
14:05 Ensuite, sur le marché du travail, les statistiques sont particulièrement infiables.
14:11 Déjà, de manière générale, sur la méthodologie du BLS
14:15 pour calculer les créations d'emplois, on peut se poser beaucoup de questions.
14:19 C'est un des chiffres les plus révisés au monde.
14:21 Oui, c'est ça. Tous les chiffres ont été revus pour cette année.
14:25 Et en plus, c'est révision, oui.
14:27 Il y a aussi des hypothèses qui sont faites sur le taux de survie des entreprises.
14:31 En fin de cycle, c'est un peu la tarte à la crème. On sait que c'est relativement peu fiable.
14:36 Donc, ça, c'est en plus de ça.
14:38 On a la croissance qui est relativement peu fiable.
14:40 On a le marché du travail qui est relativement peu fiable.
14:42 Et en plus de ça, sur l'inflation, pour terminer sur la troisième variable,
14:48 on a aujourd'hui 4% d'inflation sous-jacente,
14:51 dont trois quarts en contribution du logement, des loyers,
14:55 grosso modo, en grosse approximation, dont on sait que dans la vraie vie,
14:58 ils ont déjà aujourd'hui une croissance de zéro.
15:01 Donc, l'inflation est sans doute largement en dessous, dans la vraie vie,
15:05 de ce qui est affiché par le BLS, pour le CPI.
15:10 Donc, pour ces trois grandes variables, c'est très peu fiable.
15:15 Donc là, on est dans une phase où la Fed, pour boucler,
15:18 elle est vraiment dans le "judgmental".
15:20 Donc là, c'est vraiment, elle va pouvoir prendre ses décisions
15:24 sans vrais chiffres très très fiables.
15:27 - Ils vont sur le terrain, j'ai vu ça l'autre jour,
15:30 je ne sais plus quel membre de la Fed était sur le terrain,
15:32 face à des entrepreneurs...
15:34 Non mais, vote à main levée !
15:36 Qui voit les prix monter encore ?
15:38 Ils font des votes à main levée maintenant, pour essayer de sentir un peu...
15:41 Non mais c'est le "basebook", c'est les anecdotes de terrain,
15:43 c'est hyper utile, mais c'est vrai qu'on se dit,
15:46 ça ne peut pas être le seul paramètre pour décider d'une politique monétaire.
15:49 - C'est une opération qui compte depuis quelques années,
15:50 ça s'appelle "The Fed License", et voilà, ils vont écouter des salles en terre,
15:55 soit de ménage, d'entreprise, donc ils vont écouter tout un tas de personnes.
15:59 - Oui, ils ont conscience même que l'appareil statistique,
16:01 et pas qu'aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, c'est spectaculaire.
16:04 Les taux de réponse des enquêtes travail sont quasi nuls aujourd'hui.
16:09 Plus personne ne répond aux enquêtes, c'est déjà un premier problème.
16:11 - Oui, ça c'est un vrai problème.
16:12 - Bah oui !
16:13 - Et aussi en Allemagne, j'ai vu que les chiffres d'emploi
16:15 étaient extrêmement revus, à la baisse récemment.
16:19 Mais bon, tout ça pour dire que la Fed va devoir prendre des décisions
16:24 en ce moment de chiffres à peu près fiables.
16:27 Et ce qui va se passer, c'est qu'on devrait assister à la poursuite
16:31 de la montée du taux de chômage, en tout cas publié par le BLS,
16:36 c'est le seul qui existe, donc on est obligé de notifier.
16:38 Et à un moment donné, il va y avoir des pressions des politiques,
16:43 du Congrès, ou peut-être même de la Maison-Blanche,
16:45 qui vont faire que la Fed va devoir faire une marche arrière.
16:49 - C'est comme ça qu'histoire va se dénouer.
16:51 - C'est vraiment comme ça que ça va se passer.
16:53 Ça sera vraiment avec des pressions politiques.
16:55 Quand Powell ira au Congrès, c'est à ce moment-là qu'il va se faire cuisiner.
17:01 Ça va déjà commencer la dernière fois, et ça va être de plus en plus fort.
17:04 Et la pression sur la Fed va être vraiment de plus en plus forte,
17:07 avec notamment des articles de presse qui vont dire
17:09 "mais qu'est-ce que fait la Fed alors que le taux de chômage est en train de monter ?"
17:12 - Le tout en pleine campagne électorale, quoi.
17:14 - Oui.
17:15 - Non mais... oui.
17:16 - Et puis quand on connaît l'historique de Powell avec Trump,
17:20 je pense que ça va être assez savoureux de voir les commentaires de Trump sur Powell et la Fed.
17:28 Je rappelle quand même que quand il était président,
17:30 Trump avait qualifié Trump du plus grand ennemi du pays.
17:36 - Trump avait qualifié Powell de l'ennemi numéro un des États-Unis.
17:40 - Est-ce que le plus grand ennemi, c'est la Chine ou est-ce que c'est...
17:43 - Je ne me souvenais plus, il voulait quoi Trump ?
17:46 Il voulait un dollar fort, un dollar faible ?
17:48 - Ça, il ne savait pas.
17:49 - D'accord, ok.
17:50 - Mais en gros, il voulait des taux négatifs.
17:52 - Il aime ça.
17:53 - Comme en Europe, il aime les Japonais.
17:55 - C'est vrai qu'il a été fasciné par nos taux négatifs, j'ai oublié ça.
17:58 - Et puis là, ce qui aura beaucoup de conséquences aussi,
18:02 donc là, ce n'est pas encore vraiment dans les thèmes de marché qui sont joués,
18:06 mais les élections américaines, évidemment, auront des impacts extrêmement forts.
18:11 Là, c'est tous ces grands bazars, la politique américaine, ça a toujours été,
18:17 mais là, c'est encore plus que d'habitude.
18:20 Quand on voit ce qui s'est passé, notamment en Chambre des représentants,
18:23 ou par rapport à la possibilité d'un shutdown,
18:26 c'était quand même assez ahurissant avec Kevin McCarthy qui a été destitué par les siens.
18:32 Et pour cette année, on va avoir une présidentielle où on a déjà un candidat à déclarer,
18:38 à priori, on aura Biden, sans doute Trump,
18:42 on aura aussi Kennedy, le neveu de JFK, en candidat indépendant, mais personne n'en parle.
18:48 - Peut-être Joe Manchin également, qui est tenté visiblement.
18:51 - Tout à fait, et il est quand même très probable qu'il se présente,
18:54 donc ça sera une configuration qui va être complètement atypique.
18:57 Et tout le monde prend Kennedy à la rigolade, dans les intentions de vote, il est à 20%.
19:02 - Historiquement, les indépendants se sont toujours fait détruire
19:05 dans le paysage duopolistique de la politique américaine.
19:08 Là, peut-être que l'histoire peut être différente.
19:11 - Tout à fait, surtout que Biden est quand même assez mal aimé
19:15 par l'électorat démocrate de ces derniers temps, notamment par rapport à ce qui se passe au Proche-Orient.
19:20 Mais je pense que ça va être très particulier cette fin d'année.
19:24 - Il faut réfléchir à l'idée d'un Trump bis.
19:27 Encore une fois, les dernières élections montrent, et l'élection du jour aux Pays-Bas,
19:31 que la dynamique populiste est quand même toujours là, bien présente, etc.
19:36 - Oui, on a l'intention. Je reviendrai bien, si je peux.
19:42 Je pense que ce qui est important, me semble-t-il, pour les investisseurs,
19:47 on a envie de dire "soft lending", oui, même moi, finalement, j'arrive à peu près à cette configuration.
19:55 Sauf que c'est quoi pour l'investisseur et pour l'économie, un soft lending ?
19:59 C'est un truc où on ne purge pas les déséquilibres,
20:02 ou derrière, on atterrit en douceur, mais on n'a pas l'effet d'électricité pour rebondir.
20:08 Et c'est là qu'on a encore plus d'inconfort, parce que finalement,
20:12 on voit bien l'effet positif de communiquer sur le mot "soft lending",
20:18 que je n'utilise pas, de fait, parce que j'ai l'impression que ça trompe,
20:21 qui est un appel d'air, si en plus je rajoute "pantification de facto" de la courbe des taux,
20:27 surtout si je pense que la Fed va faire plus que ce qu'on attend,
20:31 c'est une communication très favorable pour un investisseur.
20:36 Mais en fait, et du coup, j'ai surtout envie de lui dire "mais attention, soft lending, derrière, il n'y a pas de rebond".
20:42 Et on est embêté, et donc on n'en sort pas, et même les banques centrales ne vont pas en sortir.
20:47 Et ça me paraît une partie importante, je ne veux pas gâcher la première moitié de l'intervention,
20:53 qui est plutôt sympathique, mais pour nous, plus économistes qu'investisseurs,
20:58 c'est un peu les efforts de langage qu'on essaye d'avoir pour donner une communication...
21:04 Pour qu'il y ait un vrai nouveau cycle, il faut que le cycle se termine, quoi !
21:07 Exactement, même si on comprend bien que la seule possibilité de baisse des taux,
21:11 avec des primes de risque qu'on a complètement écrasées, c'est ça.
21:14 L'autre chose, et juste entre parenthèses, il y a également des données plus ou moins fiables,
21:20 ça je le conçois, mais il y a aussi des changements de comportement qu'on n'arrive pas à aborder,
21:25 parce qu'on n'a pas de données.
21:26 Notamment, ce qui se dessine, qu'on sent bien, on le sent partout,
21:30 c'est qu'est-ce qui a fait la croissance ces derniers trimestres ?
21:33 Essentiellement, me semble-t-il, ce sont les jeunes retraités qui sont partis un petit peu avant l'heure,
21:41 avec le Covid, qui ont plutôt bien traversé les dix dernières années,
21:48 enfin depuis la crise 2008, parce qu'il n'y a pas eu trop d'accidents sur leur propriété,
21:52 ils ont pu devenir multipropriétaires, ils louent leur bien,
21:56 ils ont des rentrées de loyer 7% lents, et ils vont se promener,
22:02 et ils vont au cinéma, ils vont à l'étranger, ils font le tour du monde,
22:09 et c'est ça, mais on le sent, et du coup, nous, économistes,
22:15 qu'est-ce qu'on regarde d'habitude, comme indiquait Torrencé, les ventes d'automobiles ?
22:19 Ils achètent de biens durables, mais non, ils n'ont plus besoin d'automobiles,
22:23 ils partent à l'étranger, ils en ont déjà trois, qu'ils vont donner à leurs enfants éventuellement.
22:29 Et ça, je pense que c'est quelque chose, on n'a pas les moyens de l'aborder,
22:33 on a très peu de statistiques par catégorie, par âge,
22:37 encore plus quand ce sont des statistiques détaillées, mais on sent...
22:40 La composition de la consommation...
22:42 En fait, c'est la silver economy, mais pas celle qu'on avait imaginée
22:46 les 12 ou 15 dernières années, c'est une autre silver economy.
22:49 Alors, un mot rapide, Bastien, je passe la parole à Florian.
22:51 On voit bien d'ailleurs que dans les taux de défaut sur les pré-auto et sur les cartes de crédit,
22:55 c'est vraiment les jeunes pour lesquels les taux de défaut explosent.
22:58 Oui, bien sûr.
22:59 Et pas du tout pour les potes de la société.
23:00 Ah ben non, ils sont cash rich, évidemment.
23:02 Il y a vraiment une fracture générationnelle très forte.
23:04 Si je reviens au marché, Florian, comment on peut donner quelques repères
23:09 sur les grands paramètres de marché, que ce soit dollars, que ce soit les taulons américains,
23:15 dans le scénario que vous avez décrit, avec une Fed qui à un moment
23:19 ressentirait le besoin quand même d'accommoder un petit peu la situation
23:24 sur ses taux directeurs.
23:26 Comment vous voyez la partie longue des marchés obligataires réagir ?
23:30 Est-ce qu'on peut avoir un vrai mouvement de rallye obligataire ?
23:34 Là, on en a eu les prémices, peut-être, 50 points de base,
23:37 60 points de base de baisse de taulons en un mois.
23:40 C'est un mouvement qui peut aller jusqu'où ?
23:44 Et où est-ce que c'est un mouvement qui restera forcément plus restreint,
23:48 plus contenu que ce qu'on a eu l'habitude de voir ?
23:51 Alors, c'est une très longue question.
23:53 Mais notre point de départ consiste simplement à réfléchir structurellement
23:58 où est-ce qu'on va.
23:59 On en a déjà échangé à ce sujet-là il y a quelques mois, je pense.
24:05 Taux réel, prime d'inflation ?
24:07 Taux réel, aujourd'hui, avec la dynamique d'épargne qu'on a,
24:11 je ne parle même pas de la dynamique de politique monétaire,
24:13 avec la dynamique d'épargne, on a asséché une grande partie de l'épargne disponible.
24:17 Cet assèchement, mécaniquement, il fait monter les taux réels.
24:21 On a des taux réels aujourd'hui entre 2 et 2,25.
24:24 Pour nous, ça me semble un point d'ancrage qui devrait rester avec nous
24:28 pendant un certain temps, en tout cas, ça va assez loin
24:31 vis-à-vis de notre horizon de prévision.
24:33 Si on rajoute 2% d'inflation par-dessus, anticipée, on est à 4,25.
24:37 C'est rigolo.
24:38 C'est plus ou moins l'endroit où on est aujourd'hui.
24:41 Pour nous, la fenêtre de tir, disons 4,25, 4,75,
24:45 c'est un point de stabilisation intéressant sur le taux de 10 ans à long terme,
24:49 aussi longtemps qu'on n'a pas un accident conjoncturel.
24:51 Ça, c'est quelque chose qui nous va relativement bien.
24:54 Est-ce que ça veut dire qu'on est défensif par rapport à la duration ?
24:57 Non, on ne pense pas du tout.
24:58 On pense au contraire que si votre horizon d'investissement, c'est 3, 4, 10 ans,
25:02 c'est une occasion...
25:03 Profiter de ce rendement.
25:04 Exactement.
25:05 On a un gérant qui nous dit que c'est une "lifetime opportunity".
25:08 C'est une opportunité qu'on ne verra qu'une seule fois dans sa vie.
25:12 Oui, s'il y a effectivement vrai désinflation,
25:15 et une inflation structurelle qui n'explose pas,
25:17 c'est-à-dire que la régionalisation et le vieillissement de la population
25:20 n'ont pas raison de l'inflation qu'on a pu connaître à 2% depuis quelque temps.
25:27 Pour nous, le cas sur le monde obligataire est redevenu très positif.
25:31 Là où on a des anticipations de rendement positif sur l'année qui vient,
25:34 c'est justement sur la partie obligataire.
25:36 Parce que s'il y a pivot, s'il y a soft landing,
25:38 c'est difficile de voir vraiment quelque chose de négatif arriver.
25:42 Ce sera "Year of the Bond" cette fois ?
25:44 (Rires)
25:46 Bondis back !
25:48 Bondis back !
25:49 C'est plus sur les équities.
25:51 Alors voilà, sur la partie action.
25:52 Des petites montées d'angoisse.
25:53 Moi j'aime beaucoup l'idée que ce qu'on appelle l'upside,
25:58 c'est-à-dire la capacité de rebond que vont avoir les actions,
26:01 devrait rester limitée.
26:03 En plus de tout ce qui vient d'être évoqué,
26:05 l'une des raisons qui fait que 2023, on a vu des rebonds aussi forts,
26:11 c'est le sentiment de marché.
26:13 C'est-à-dire qu'on a des investisseurs dont le sentiment a profondément bougé,
26:17 rapidement, fortement, sur quelques valeurs notamment.
26:20 Simplement, aujourd'hui, on est dans une situation qui est très différente
26:24 de ce qu'on avait en décembre dernier.
26:26 En décembre dernier, on avait à la fois l'argent retail,
26:29 donc l'argent privé des particuliers, qui était peu positionné,
26:32 voire même qui était très défensif.
26:34 On sortait de l'histoire du bitcoin,
26:37 on sortait du bain de sang lié à la première vague de remontée des taux,
26:41 sur justement les valeurs technologiques.
26:43 Cet argent-là, aujourd'hui, il est confortablement retourné dans le marché action.
26:47 Nous, les grands institutionnels, on est aussi retourné dans le marché action,
26:51 et on n'y est pas retourné principalement par les valeurs US,
26:54 par les actions américaines, mais globalement par les émergents et l'Europe,
26:58 c'est-à-dire l'endroit qui n'a pas beaucoup monté cette année.
27:01 Donc, tout ce qu'on appelle ce dry powder, cette poudre sèche,
27:05 aujourd'hui, elle est déjà dans le marché.
27:07 Le vent dans les voiles, il est déjà derrière nous, on ne l'aura pas pour 2024.
27:11 Donc 2024, si on veut que les actions montent...
27:13 Les flux, c'est fait, quoi.
27:14 Les flux, c'est fait. Si on veut que 2024, les actions montent,
27:16 il nous faut de la vraie croissance réelle,
27:18 il nous faut des earnings qui progressent, il nous faut des résultats
27:20 qui soient devant les attentes, qui sont déjà, mine de rien, assez élevés.
27:25 Donc, à 4523 points, le S&P, il est cher,
27:31 il est cher avec des taux à 4,5, 4,20, c'est cher.
27:34 Comme à 4600, il était cher avec des taux à 3,5.
27:37 Il y a une notion de cherté aujourd'hui, le sentiment de marché
27:40 a rendu l'argument de cherté sur les marchés actions particulièrement important
27:44 pour votre scénario 2024.
27:45 Pour nous, s'il y a quelque chose de cher aujourd'hui, c'est les actions,
27:48 s'il y a quelque chose de pas cher aujourd'hui, c'est les obligations.
27:50 Maintenant, si vous avez le luxe du cash, c'est encore mieux.
27:53 Toujours ?
27:54 Oui, un petit peu.
27:55 Oui, bien sûr. Et dans le monde d'action, qui vous paraît cher,
27:59 évidemment, c'est aux États-Unis que c'est le plus cher.
28:01 Il n'y a pas de doute là-dessus.
28:02 La chère se concentre sur un certain nombre de trucs,
28:04 dont les earnings sont très difficiles à prévoir.
28:06 Et donc, en termes de positionnement, il faut privilégier l'idée de marchés
28:10 qui ont encore de la valeur de ce point de vue-là.
28:12 Fin de cycle, ce qui surperforme, c'est justement plutôt les choses
28:15 qui sont value, plutôt les émergents, plutôt les choses qui sont déjà...
28:19 qui sont de les laisser pour compte du cycle précédent.
28:23 C'est-à-dire, ce n'est pas les financières en 2007,
28:26 et ce n'est pas la tech aujourd'hui probablement.
28:31 Mais voilà, à voir.
28:33 Et vous estimez que le consensus bénéficiaire pour 2024
28:36 est déjà presque trop ambitieux ?
28:39 On est revenu très vite, très agressivement sur des idées
28:42 de bénéfices, de progression à deux chiffres aux Etats-Unis notamment.
28:47 Oui, alors c'est "low double digit", c'est-à-dire à deux chiffres,
28:51 mais au début des deux chiffres, ça reste néanmoins assez ambitieux
28:56 si on est en "soft landing".
28:57 "Soft landing", ça ne veut pas dire croissance forte.
28:59 Ça veut dire une récession de faible envergure
29:02 dont on arrive à se débarrasser rapidement en l'espace d'un ou deux trimestres.
29:06 12-13% de croissance, c'est les résultats.
29:09 Ça semble assez difficile.
29:10 Et donc ce qu'on voit sur cette fin d'année,
29:13 c'est au mieux un rallye d'automne ou de Noël, j'en sais rien,
29:16 mais ce n'est pas le redémarrage d'un cycle positif encore pour les actions.
29:22 En tout cas, on n'a pas toutes les évidences qui permettent de le dire.
29:25 Sauf dans le cas où, d'un coup, magiquement,
29:28 les taux de lot baissent de 150 points de base.
29:30 Et ça, ça suffirait à réveiller le marché actions et à le faire grimper.
29:34 On l'a déjà vu plusieurs fois.
29:35 Depuis 2020, tous les gérants actions ont appris ce qu'était la sensibilité taux.
29:41 Il faut être très clair, en 2020, si vous aviez raté l'impact de la montée
29:45 et des baisses des taux sur vos actions, globalement, vous étiez derrière vos indices.
29:50 L'une des clés, c'est soit les earnings, mais c'est déjà quand même assez cher,
29:54 soit une baisse des taux marquée.
29:57 Sur la stratégie de marché ou les réflexions de marché que vous avez pour 2024,
30:01 est-ce que vous êtes d'accord avec l'idée qu'il faudra sortir,
30:05 être peut-être moins agressif sur les États-Unis, les Magnificent Seven,
30:10 et que c'est peut-être le moment de se positionner de manière un peu contrariante
30:13 par rapport aux tendances qu'on a vues, lourdes, Nvidia, etc.
30:17 On est encore dans une phase où on a le "bad news is good news".
30:21 On est vraiment encore là-dedans.
30:24 Je pense à ce que tu disais tout à l'heure sur la phase de 2007,
30:31 où les actions n'avaient pas du tout décroché à ce moment-là.
30:37 C'est à partir du moment où il y a une sorte de prise de conscience collective,
30:41 que le taux de chômage avait beaucoup monté d'un coup,
30:44 c'est à partir de cette prise de conscience que les marchés actions avaient complètement dévissé.
30:49 C'est vraiment ça qui avait déclenché cette phase de baisse pour les actions.
30:52 Et là, on n'y est pas encore à cet événement-là.
30:55 Donc ça peut durer encore un petit peu de temps, c'est ce qu'on disait tout à l'heure.
30:59 Mais je ne pense vraiment pas que ce soit le début d'un nouveau cycle sur les actions.
31:05 Il ne faut pas se méprendre sur la valeur et la qualité de ce rebond de fin d'année.
31:09 Prenons ce qui est bon à prendre, mais n'en tirons pas des conclusions trop lointaines pour l'instant.
31:14 C'était quoi le patron de Citi ? C'était l'histoire de la musique qui joue en 2007.
31:19 Tant que la musique joue, il faut continuer de danser.
31:22 Si on se replonge dans l'ambiance de 2007, c'est exactement ça.
31:26 Et là, aujourd'hui, c'est très difficile de ne pas être dans les actions.
31:29 De ne pas avoir d'action. C'est très coûteux.
31:32 Véronique, je voulais qu'on parle de l'Allemagne quand même.
31:36 Oui, on parle de l'Europe ?
31:40 Planche de salut ou planche pourrie ?
31:43 Non, mais moi je vois ça comme...
31:47 Enfin, quand même, il faut se mettre...
31:49 Ce qu'ils ont subi en trois ans maintenant, je veux dire...
31:52 La fermeture de... Enfin, la fermeture...
31:55 La réduction de la mondialisation et des échanges.
31:58 Quand même, gros premier coup dur.
32:00 Le modèle énergétique complètement mis à plat avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
32:05 Et là, c'est même le modèle budgétaire allemand qui est en train de vaciller, de trembler.
32:11 Avec à la fois une règle d'or budgétaire qui limite considérablement la capacité de s'endetter pour le budget fédéral.
32:18 Et en même temps, un hors-bilan qui n'a cessé d'exploser ces dernières années.
32:23 On est quasiment à un trillion d'euros de hors-bilan.
32:25 D'enveloppes cumulées de hors-bilan accumulé.
32:27 Chacune de ces enveloppes ayant des objets bien précis.
32:30 Et donc, le séisme du moment, c'est Karlsruhe qui dit "on ne peut pas réallouer des enveloppes hors-bilan comme ça, n'importe comment, dans le budget fédéral".
32:38 Même si c'est pour faire du bien à la planète, puisque le but était de financer des projets de transition énergétique.
32:44 Ce qui, a priori, coche quand même toutes les cases politiques du moment.
32:47 Tout à fait. Donc on rappelle pour quand même les auditeurs, il s'agissait d'une partie de l'enveloppe qui avait été votée pour lutter contre les effets du Covid en 2021.
32:56 Enfin, pour 2021.
32:58 Qui n'a pas été utilisée.
33:00 Que le gouvernement Scholz a fait glisser sur le budget 2022.
33:05 Et l'opposition a fait appel à la cour de Karlsruhe, qui effectivement considère que c'est inconstitutionnel.
33:14 Que l'argent voté pour une certaine utilité doit être utilisé non seulement pour cette utilité, mais ne peut pas bouger d'une année, glisser d'une année sur l'autre.
33:23 Et cet argent avait été notamment alloué au fonds de reconstruction et pour le climat, etc.
33:29 Donc, alors, vaste sujet, énorme sujet.
33:33 D'abord, l'incompréhension ou la sidération par rapport à l'Allemagne, à sa pratique budgétaire et là, politique,
33:42 qui donne le sentiment de se tirer des balles dans le pied en permanence.
33:46 Et surtout aujourd'hui, parce que l'Allemagne, vous l'avez dit, est à nu, en fait.
33:52 Tout le modèle allemand est tombé très bas. On ne sait pas où, d'ailleurs.
33:59 Mais industrie très mal portante. Dans les éléments qui sont également très mal vécus et qu'on sent bien qu'ils vont être très difficiles,
34:10 c'est que la reprise post-2008 en Allemagne, ça a été l'automobile à destination de la Chine.
34:19 Aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe ? Ce sont les Chinois qui sont en train de tailler des croupières aux constructeurs européens,
34:26 les Allemands en premier lieu, et de reprendre leur marché.
34:29 Donc, il n'y a pas beaucoup d'issues.
34:31 Alors, un, l'incompréhension totale. Deux, qu'est-ce qu'ils vont faire maintenant ?
34:36 Est-ce qu'il y a de la place pour un compromis politique si on ne trouve pas de compromis ?
34:42 Parce qu'on est d'accord, ce n'est pas une question d'argent. L'argent, ils l'ont. C'est ça le truc.
34:50 Oui, tout à fait. Donc, s'il n'y a pas de compromis, ça veut dire découpes budgétaires.
34:56 À hauteur de 60 milliards, oui.
34:58 On avait compté 60 milliards plus les autres, éventuellement une partie des autres fonds spéciaux.
35:04 Alors, il y en a des très anciens. Il y en a qui sont dans la date de Marshall.
35:07 Donc, ceux-là, on n'est pas très inquiets. Mais qui ont été utilisés ces derniers trimestres.
35:13 Quasiment un milliard, je crois, qui a été utilisé pour aider les entreprises et les start-up.
35:19 Des plus anciens fonds ?
35:21 Oui, dans lesquels on a...
35:22 Donc là, ils ont eu le droit, là ?
35:23 Ils ont utilisé, oui.
35:25 Donc, finalement, ça ne se limite pas à 60 milliards. Ça peut être beaucoup plus.
35:30 D'autres enveloppes peuvent être touchées.
35:31 D'autres enveloppes touchées, parce que si la décision fait jurisprudence, à priori, ça s'applique à tout.
35:36 Et donc conséquences immédiates sur le budget, les finances publiques,
35:40 alors que l'économie allemande a été portée à flot par les dépenses publiques, les subventions aux entreprises.
35:46 Des tas de secteurs qui ont été très subventionnés, qu'on n'imagine pas pouvoir survivre aujourd'hui quasiment sans le maintien de ces subventions.
35:54 Donc, premier sujet.
35:56 Deuxièmement, s'il n'y a pas compromis, il y a forcément des élections, quelque part, anticipées.
36:03 Avec une extrême droite qui arrive au deuxième rang des sondages d'aujourd'hui.
36:09 Et donc, une menace politique, à la fois pour l'Allemagne et sans doute pour le reste de l'Europe.
36:16 Des implications sur ce qui se passe en Allemagne, sur la politique budgétaire européenne.
36:22 Parce que, bien évidemment, d'abord, on ouvre quelque chose, on dévoile un sujet qui est monstrueux, quelque part, politiquement.
36:32 C'est-à-dire que l'Allemagne chante de la rigueur budgétaire, modèle de ce qu'il faut faire, etc.
36:38 Dont on découvre qu'hors budget, il y a un cinquième du PIB, un peu plus d'ailleurs.
36:44 C'est colossal, c'est une bombe politique, potentiellement.
36:49 Ce ne sera peut-être pas le cas, parce que d'abord, on ne va pas trop ébrouiter, mais quand même...
36:55 Enfin, ceux qui vont négocier le futur cadre budgétaire européen, ils seront au courant.
36:59 On pourrait se dire que l'Allemagne va compter, peut-être, relâcher un peu les brides sur ses voisins.
37:05 Mais non, c'est tout l'inverse qu'ils vont faire.
37:09 Linder, qui est le ministre libéral des Finances, quand on lui dit qu'il faut assouplir la règle d'or, le debt break...
37:15 Ah non, c'est l'occasion historique de renforcer le debt break.
37:19 Voilà. Donc, on est face à une impasse, en réalité, face à une véritable angoisse.
37:24 C'est un sujet qui ne concerne pas que l'Allemagne. On pourrait presque en rire, si c'était que ça.
37:29 Parce que ça ne tourne pas vers la caricature.
37:31 Non, ça rend triste. Ça rend triste sans joie.
37:34 Avec des implications européennes qu'on mesure mal encore, mais qui sont très inquiétantes, fondamentalement.
37:40 Et in fine, avec un risque politique à la clé.
37:44 Il y a quand même des échéances électorales qui se préparent, et on aimerait bien qu'en Allemagne...
37:49 On s'entend bien. Ce qui est dramatique et qui ne fait pas rire, c'est que l'Allemagne a les moyens de se reconstruire comme jamais.
37:56 Oui, oui, tout à fait.
37:57 C'est ça que je trouve terrible, vu de ce côté durin, où on n'a pas de leçons à donner à personne, et certainement pas l'Allemagne.
38:03 Ce qui est un peu original, c'est que si on tient un peu le trait, c'est qu'on pourrait avoir une crise de la zone euro.
38:10 Cette fois-ci, qu'il y a un épicentre qui est en Allemagne, parce que c'est vraiment ce scandale, ce problème de comptabilité...
38:19 Cette révélation.
38:20 Cette révélation qui pourrait bloquer un certain nombre de discussions en Europe pour les futurs budgets, pour les futurs plans d'investissement.
38:27 Et en fait, on aurait vraiment cette nouvelle crise de la zone euro.
38:31 On n'y est pas encore, mais on pourrait imaginer que ça aille jusqu'à une crise de la zone euro.
38:34 Alors qu'on croyait justement avoir fait des pas de géant suffisants pour écarter le risque existentiel qui a plané depuis sa naissance sur l'euro.
38:43 Florian, si vous voulez conclure sur le risque budgétaire, le risque des finances publiques, moi je note juste qu'on attend toujours la dégradation du vendredi soir, etc.
38:52 Pour l'instant, c'est Portugal relevé de deux crans, Italie stabilisée en termes de perspectives, la France la semaine prochaine, la Grèce retour en investment grade également.
39:03 Pour l'instant, les agences et le marché ne nous disent pas qu'il y a une urgence immédiate sur les finances publiques.
39:10 C'est peut-être la solution pour arriver à boucler notre histoire de soft landing.
39:14 C'est que jusqu'à présent, ce qui a empêché qu'on sombre rapidement dans une récession, c'est l'étendue de l'aide publique.
39:20 Il faut rappeler la taille des plans qui ont été déployés depuis le Covid.
39:24 On parle aux Etats-Unis de plus de 40% de déficit sur PIB.
39:28 C'est-à-dire ?
39:29 Cumulé.
39:30 C'est prodigieux, c'est monstrueux de la part de la grande économie libérale qui a pu tourner en 2020 à plus de 50% de PIB de dépenses.
39:40 C'est assez monstrueux.
39:41 On critique beaucoup Powell, j'entends les critiques formulées contre la Fed.
39:46 Pour autant, eux poussent d'un côté et de l'autre côté, il y a l'administration, le Trésor américain qui pousse de l'autre côté.
39:52 C'est la même chose en Europe.
39:54 C'est un danger global pour le dérapage.
39:58 L'Inde de côté va pousser plus fort que l'autre.
40:01 Bastien, pour remonter rapidement.
40:03 Très court.
40:04 On parle de l'Allemagne et ça arrive quand même au pire moment par rapport à la politique de la BCE.
40:09 On parle vraiment beaucoup des taux directeurs.
40:11 On ne parle que de ça.
40:12 Mais tout le monde oublie le quantitative tightening.
40:14 Ce qui est quand même très probable, c'est qu'en 2024, on ait un renforcement du quantitative tightening avec l'inclusion du PEPP dans le quantitative tightening.
40:22 Donc en fait, on aura un problème de finances publiques à un moment où la BCE va être encore plus dure sur ce plan-là.
40:29 Encore plus absente du marché des obligations souveraines.
40:33 Encore une fois, l'Allemagne a les moyens de se reconstruire.
40:36 L'Allemagne n'a pas de problème d'argent, pour dire les choses.
40:38 On a que des problèmes virtuels.
40:40 Oui.
40:41 Bon, ben, wake up l'Allemagne.
40:46 Merci beaucoup à vous trois d'avoir été les invités de Planète Marché.
40:48 Ce soir, Bastien Drus, CPR Asset Management, Véronique Rifflores, RF Research et Florian Hielpaut, Lombardodier IM.

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