La suprématie du dollar menacée par l'endettement américain ? [Olivier Passet]
L’impunité américaine en matière d’endettement public, le fameux privilège exorbitant, serait-il en train de rencontrer ses limites ? L’idée que les États-Unis pourraient un jour faire défaut sur leur dette publique est tout autant un impensé qu’un impensable. Le marché des obligations d'Etat américaines est à ce jour le plus gros marché de dette au monde, avec plus de 26.000 milliards de dollars de titres en circulation. Il est sans discussion considéré comme le plus sûr et le plus liquide, servant de référence pour apprécier les rendements de tous les autres produits financiers. Servant surtout de support aux réserves privées et publiques de dollar à travers le monde. C’est parce que les besoins de dollars paraissent inextinguibles que le trésor américain semble en mesure de placer ses émissions sans limite. Et même si la dette américaine atteint aujourd’hui des niveaux inégalés, que la montée des charges d’intérêt augmente à très forte allure, la note de la dette US demeure à peine écornée, comprise entre AA+ et triple A. Pourtant les signes noirs ne cessent de s’accumuler autour d’un avantage qui pour être exorbitant n’est pas pour autant sans limite. [...]
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00:00 L'impunité américaine en matière d'endettement public, le fameux privilège exorbitant, serait-il en train de rencontrer ses limites ?
00:16 L'idée que les États-Unis pourraient un jour faire défaut sur leurs dettes publiques est tout autant un impensé qu'un impensable.
00:24 Le marché des obligations d'État américaine est à ce jour le plus gros marché de dette au monde, avec plus de 26 000 milliards de dollars de titres en circulation.
00:34 Il est sans discussion considéré comme le plus sûr et le plus liquide,
00:38 servant de référence pour apprécier les rendements de tous les autres produits financiers,
00:43 servant surtout de support aux réserves privées et publiques de dollars à travers le monde.
00:49 C'est parce que les besoins de dollars paraissent inextinguibles que le trésor américain semble en mesure de placer ses émissions sans limites.
00:57 Et même si la dette américaine atteint aujourd'hui des niveaux inégalés, que la montée des charges d'intérêt augmente à très forte allure,
01:04 la note de la dette US demeure à peine écornée, comprise entre AA+ et AAA.
01:11 Pourtant, les signes noirs ne cessent de s'amonceler autour d'un avantage qui, pour être exorbitant, n'est pas pour autant sans limites.
01:20 Premièrement, le gouvernement américain est loin d'être sur la voie d'une stabilisation financière, en dépit de deux années d'érosion inflationniste de sa dette.
01:29 Son déficit budgétaire s'est creusé en 2023 et devrait encore demeurer supérieur à 5% en 2024 dans un contexte préélectoral.
01:39 Facteur aggravant, le gouvernement composera avec des charges d'intérêt qui devraient converger vers 4,5-5% du PIB à horizon 2025.
01:48 Bref, le principal actif de réserve au monde est adossé à une dette publique qui n'est pas à l'abri d'une perte de contrôle par effet boule de neige,
01:58 notamment sous l'hypothèse d'une récession prolongée.
02:01 L'administration américaine traîne notamment le manque à gagner fiscal des années Trump.
02:06 Deuxièmement, le psychodrame répété du plafond de la dette, qui menace l'administration d'une cessation de paiement,
02:12 laquelle pourrait aller jusqu'à un défaut sur le remboursement ou le paiement des intérêts sur la dette obligataire,
02:19 crée une nervosité de plus en plus palpable sur les marchés internationaux.
02:23 Ce stress accroît la volatilité des taux, notamment sur les titres à court terme, et se solde par des primes de risque accrues, écornant la qualité des réserves en dollar.
02:34 Troisièmement, les perturbations occasionnées par l'adjudication de la dette américaine par la cyberattaque portée le 9 novembre dernier
02:42 sur une filiale américaine pourtant mineure du géant bancaire chinois ICBC, a révélé les failles préoccupantes du marché de la dette souveraine US.
02:52 Même circonscrite, la perturbation a fait entrevoir un nouveau risque susceptible de créer des désordres en cascade aux effets potentiellement désastreux,
03:01 notamment concernant de nombreux contrats de produits dérivés pour lesquels les obligations d'État américaines servent de garantie.
03:09 Cet épisode surligne une quatrième faiblesse.
03:12 Suite à la crise financière de 2008, la volonté de diminuer la prise de risque par les banques sur toutes leurs opérations pour compte propre a accru la diversification des intermédiaires.
03:24 Cet émiettement a affaibli la fonction stabilisatrice des grandes banques américaines et réparti le risque entre différents acteurs,
03:33 entraînant une détérioration de la liquidité et une augmentation de la volatilité sur le marché.
03:40 Les récentes variations des taux américains indisants sont comparables à celles observées lors de la crise du Covid et après la faillite de l'Eman.
03:48 La BRI a récemment surligné l'impact déstabilisant des hedge funds qui jouent avec effet de levier sur de micros écarts entre le prix des obligations US et le contrat à terme portant sur cette même obligation.
04:03 Des jeux à découvert qui peuvent entraîner des ventes massives et précipiter de bonds du trésor et qui accroissent encore la volatilité.
04:12 Résultat, cette belle assurance américaine sur le fait qu'un bond du trésor trouvera toujours preneur,
04:18 et qu'il n'y a pas d'autre plafond à la dette que celui que le Congrès autorise, est démentie par les faits.
04:25 La part de la détention internationale diminue tendanciellement depuis 10 ans.
04:30 Le privilège assez limite est pour les États-Unis aussi.
04:34 Rétablir la crédibilité budgétaire est devenue une astreinte dont ils ne peuvent se dispenser, au risque de dilapider l'avantage que leur confère la suprématie du dollar.
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