Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite
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00:00 En toute subjectivité, comme tous les vendredis avec vous Anne-Cécile Maïfert, bonjour !
00:04 Bonjour à toutes et tous !
00:05 Et ce matin, Anne-Cécile, vous nous parlez d'un hôpital !
00:08 A Montpellier, il existe un hôpital public d'excellence qui fait la fierté de la France
00:12 et dans lequel 40 femmes mènent une lutte courageuse contre l'indifférence.
00:16 Le CHU de Montpellier donc est un site de recherche hors normes où 40 000 personnes
00:20 se font opérer et 4 000 bébés naissent chaque année.
00:22 Le lieu, réparti sur plusieurs sites, est une ville à part entière.
00:25 Pour la faire tourner, ça grouille d'employés, 11 000 personnels hospitaliers.
00:29 Mais ce chiffre pourtant ne comprend pas 110 travailleuses de l'ombre sans qui rien ne
00:33 peut fonctionner, le personnel de nettoyage de l'hôpital et salariés d'un sous-traitant,
00:38 leader du secteur, l'entreprise Honnête.
00:40 Depuis le 13 septembre, 40 d'entre elles sont en grève.
00:42 Oui, vous avez bien compté ! 80 jours qu'elles ont posé leur balai se sont arrêtés et
00:47 n'ont plus été payés.
00:48 Et pourquoi font-elles grève ?
00:49 Claire et là, Kadija, les autres grévistes de la CGT se battent d'abord pour leur dignité.
00:54 Car si les salaires stagnent, les cadences ne cessent de s'accélérer.
00:57 Pour une même surface à nettoyer, le temps a été réduit de moitié.
00:59 Alors que les normes d'hygiène n'ont cessé de se renforcer, encore faut-il avoir
01:03 le temps de les respecter.
01:04 Et puis il y a ce système de traçage que l'entreprise Honnête veut imposer.
01:07 Il ne faut pas seulement pointer, mais scanner chaque pièce nettoyée, chaque tâche effectuée.
01:12 Outre le temps perdu, l'objectif est connu, analysé pour mieux rentabiliser chaque salarié.
01:18 Et toujours ces contrats de travail précaires, et presque toujours à temps partiel imposés,
01:22 qui dans le meilleur des cas, leur permettent de gagner 1400 euros net.
01:25 Mais pour l'entreprise Honnête, il faudrait encore gratter quelques miettes, quelques
01:29 minutes, quelques euros sur leur dos.
01:30 Il n'est pas anodin que cette grève ait lieu dans l'un des meilleurs hôpitaux.
01:34 Car à l'hôpital, une pièce nettoyée, c'est autant de maladies évitées.
01:37 Les femmes de ménage doivent être reconnues pour ce qu'elles apportent à notre système
01:41 de santé.
01:42 Et pourtant, le CHU de Montpellier n'a pas vraiment prévu de les aider.
01:45 Et Anne-Cécile, vous y voyez aussi une résonance politique ?
01:47 Les femmes de ménage sont les visages des invisibles qui apparaissent dans les médias
01:51 lorsqu'explose la crise.
01:53 Normal qu'on ne les voit pas, elles ont fait de la discrétion leur métier.
01:56 Souvent travailleuses isolées, envoyées sur site en horaire décalé, leur talent,
02:00 c'est de ne laisser aucune trace, pas une poussière.
02:03 Et que tout soit intact lorsque les autres salariés commencent leur journée.
02:06 Parfois maman solo, souvent en charge des enfants et de l'éducation, ce sont elles
02:10 aussi qui, au quotidien, paient l'inflation.
02:12 Qualifiées d'héroïnes de la première ligne au moment du Covid, elles ont été
02:16 les premières exposées et ont tout donné, mais n'y ont rien gagné.
02:19 Pas un centime du Ségur de la santé.
02:21 Elles sont le visage de cette France oubliée sur lequel le reste du pays ne cesse de s'essuyer
02:25 les pieds.
02:26 À part François Ruffin qui les a soutenus, elles n'intéressent pas nos élus.
02:29 Tandis que la gauche se perd en polémique, la droite ignore qu'elles existent et le
02:32 gouvernement est lui.
02:34 Toujours aussi cynique.
02:35 Mais voilà, 80 jours c'est beaucoup quand on n'a pas de sous.
02:38 Honnête sait que s'il lâche pour elle, ça pourrait donner des idées à ses 44 500
02:43 salariés alors il n'a pas prévu de céder.
02:45 Cet après-midi, ils se rencontrent à nouveau.
02:47 Je ne sais pas qui de Khadija ou de Goliad va gagner.
02:50 Mais je sais qu'il serait temps que nous prenions nos responsabilités.
02:53 Merci Anne-Cécile Maïfert, présidente de la Fondation des femmes et à vendredi prochain.