Aujourd’hui, une question brûlante suite aux révélations de Betharram : comment une institution qui se veut éducative peut-elle devenir un véritable broyeur d’enfants ? Début de réponse avec Anne-Cécile Mailfert.
Retrouvez « En toute subjectivité » avec Anne-Cécile Mailfert sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite
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00:00En toute subjectivité, tous les vendredis c'est avec vous, bonjour Anne-Cécile Meyfer.
00:09Aujourd'hui une question brûlante suite aux révélations de Betaram, comment une
00:14institution qui se veut éducative peut-elle devenir un véritable broyeur d'enfants ?
00:19Nous sommes en 2025 et on ne peut plus faire comme si on ne savait pas.
00:22Des coups qui s'entendaient à travers les murs, des enfants contraints, des douches
00:25glacées, à dormir dehors, par zéro degré, à subir les viols de la part des surveillants
00:29et des punitions des plus grands.
00:30Alexandre, Olivier, Adrien, Marc, Pascal, Patrice, Julien, Francis, des décennies
00:36de témoignages étouffés mais qui disent tous la même chose.
00:38A Betaram, la violence n'était pas un dérapage, elle était la règle, elle était
00:42sue et elle était voulue.
00:44Dans la région, des parents disaient « si tu ne progresses pas en maths, je t'envoie
00:48à Betaram ». Et ce n'est pas un hasard.
00:49Ce n'était pas seulement une institution stricte, c'était une machine à briser
00:52les enfants, à en faire des hommes, des hommes qui auraient appris par la peur l'obéissance.
00:57Et cette violence devient un modèle, car la domination c'est aussi ça, apprendre
01:01à être soumis pour mieux soumettre ensuite.
01:03Et dans cette machine, les violences sexuelles jouent un rôle central.
01:06Les violences sexuelles sont l'ultime outil d'asservissement.
01:10Les coups marquent la chair, mais les violences sexuelles anéantissent l'intégrité d'un
01:13enfant, son rapport à lui-même, sa dignité.
01:16Elles ne sont pas des dérives, elles sont la leçon d'humiliation absolue.
01:19Ceux qui passent par là en sortent brisés, on peut y survivre, mais on reste marqués.
01:24Nous sommes en 2025 et on ne peut plus faire comme si on ne savait pas.
01:28Ce que vous décrivez, Anne-Cécile, ce n'est donc pas seulement l'histoire de Bétharame,
01:32c'est celle de toute une société.
01:33Exactement.
01:34Ouvrir les yeux sur Bétharame, c'est ouvrir les yeux sur la société entière.
01:37Ce n'est pas une exception, c'est un miroir grossissant.
01:39Nous vivons dans une société qui maintient encore cette confusion entre autorité et
01:44domination, entre discipline et brutalité, entre violence et fermeté, entre éducation
01:49et destruction.
01:50C'est le cas partout où l'on prétend faire des hommes ou des champions ou des
01:53championnes d'ailleurs, en les matant d'abord.
01:55Créer des petits soldats dociles, insensibles et accoutumés à l'ordre, un rêve pour
01:59tous ceux qui souhaitent un réarmement.
02:01Contre les violences qui n'ont jamais rien d'éducative, en 2019 il y a eu une loi,
02:05mais contre les violences sexuelles.
02:06Les plaintes explosent, les condamnations stagnent, on tente des ajustements par-ci
02:10par-là.
02:11Nous sommes en 2025 et on ne peut plus faire comme si on ne savait pas, d'autant plus
02:15qu'on sait.
02:16En novembre 2023, la civise, suite aux dizaines de milliers de témoignages récoltés, a
02:20remis un rapport de 800 pages avec 82 recommandations.
02:23Elles sont restées lettres mortes à peu de choses près.
02:25Déni.
02:26Silence.
02:27Impunité.
02:28Pourtant, nul besoin d'avoir peur d'agir, 82% des Français considèrent que la lutte
02:32contre les violences sexuelles doit être une priorité nationale.
02:35Nous sommes en 2025 et on ne peut plus faire comme si on ne savait pas.
02:38Oui, mais une loi cadre de protection intégrale contre les violences sexuelles, une loi qui
02:43reprenne les recommandations de la civise et les applique enfin, une loi globale qui
02:46s'attaque à la culture du viol à la racine, qui prévienne, protège, sanctionne et qui
02:50répare.
02:51Cette loi existe.
02:52Elle est portée par plus de 90 000 signataires, 60 associations, syndicats et collectifs.
02:56Elle bénéficie d'une coalition transpartisane de parlementaires et d'une ministre volontaire.
03:01Elle attend qu'un premier ministre s'en empare.
03:03Nous sommes en 2025 et définitivement, on ne peut plus faire comme si on ne savait pas.
03:13A dimanche prochain.