• il y a 2 ans
Ecrivain et lanceur d’alerte, Philippe Pichon a été, dans une autre vie, un très médiatique commandant de police, auteur du très remarqué "Journal d’un flic". Il publie dans un tout autre domaine, un pamphlet érudit sur les vaches sacrées du féminisme : "Pourquoi la littérature (du vagin) respire mal - Les daltoniennes de l’écriture inclusive". L’ouvrage en forme de brûlot est né d’une déclaration du député Sandrine Rousseau à l’Assemblée nationale : "Lâchez-nous l’utérus!". Philippe Pichon a alors entrepris de pourfendre les "thuriféraires du vaginalement correct" ou des grandes patronnesses du XXème siècle comme Simone de Beauvoir ou Marguerite Duras. La vraie question de l’ouvrage se résume en une phrase : Existe-t-il une écriture féminine ? Ou des écrits de femmes ? La littérature a-t-elle un sexe ? Les réponses sont ébouriffantes et ne manqueront pas de faire débat. A chacun de juger…

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Transcription
00:00 La liberté a un prix.
00:02 Pour vivre sans liberté, il faut 8 techniciens.
00:05 La liberté a un prix.
00:09 La liberté a un prix.
00:37 Écrivain et lanceur d'alerte, Philippe Pichon a été dans une autre vie,
00:40 commandant de police médiatique d'ailleurs,
00:43 puisqu'auteur du très remarqué à l'époque journal d'un flic.
00:46 Et il est aujourd'hui l'invité de TVL pour défendre son dernier ouvrage en date.
00:51 Je cite "Pourquoi la littérature du vagin respire mal",
00:54 c'est aux éditions du Verbe-O et c'est en vente sur le site tvl.fr
00:59 à la rubrique boutique, juste à côté de la rubrique don.
01:03 Bonjour Philippe Pichon.
01:04 Bonjour, merci de votre invitation.
01:05 Je pense qu'il est nécessaire avant toute chose d'expliquer le titre de l'ouvrage.
01:08 Alors sous-titré, en plus les daltoniennes de l'écriture inclusive.
01:13 Alors sur le titre, pardon de l'inélégance du crochet,
01:19 mais comme vous le savez "Pourquoi la littérature respire mal"
01:21 est une conférence donnée par Julien Gracq dans les années 50,
01:24 extraite de ce petit texte de José Corti, de l'éditeur José Corti,
01:29 qui s'appelle "Préférences et conférences".
01:31 Et pour encore rajouter le vagin, parce qu'on en parlera,
01:35 il me semble que l'écriture dite féminine n'existe pas.
01:39 Et les daltoniennes de l'écriture inclusive ?
01:41 Parce que l'écriture inclusive, vous savez, je ne suis ni en colère ni nostalgique,
01:44 j'écris après, il me semble que l'écriture et la civilisation française
01:48 n'existent plus en tous les cas sous certaines plumes.
01:51 Alors entre pamphlet et ouvrage érudit, parce que vous avez beaucoup lu,
01:55 beaucoup, beaucoup, vous souhaitez pour fendre les, je vous cite,
01:59 "les turiféraires du vaginalement correct, tant la littérature féminine
02:04 vous pèse à l'estomac". Vous n'ajoutez pas un peu ?
02:07 Non, je récuse le pamphlet, c'est pour moi, comme vous l'avez dit,
02:10 l'érudit, j'en sais rien, mais un essai littéraire,
02:12 et le vaginalement correct, parce que comme il existe le politiquement correct,
02:16 il me semble qu'il existe des écritures symptomatiques de notre époque.
02:21 Peut-être aurons-nous l'occasion de le développer avec des auteurs particuliers.
02:26 Le pamphlet est né d'une déclaration de Sandrine Rousseau,
02:29 véritablement elle aspire beaucoup de monde, semble-t-il,
02:32 vous aussi, c'était à l'Assemblée nationale, où elle s'était écriée
02:36 "Lâchez-nous l'utérus", et Sandrine Rousseau est encore,
02:39 en quelque sorte, votre muse.
02:41 Oui, envie de lui dire "Lâchez-nous la grappe, cul de basse gauche",
02:46 parce que je trouve ça inadmissible de genre de propos dans l'Assemblée nationale,
02:50 même si la liberté est de mise, et parce que je suis à peu près sûr
02:53 que Sandrine Rousseau n'a pas lu grand-chose.
02:56 Oui, mais ça ne donne pas le droit de dire un mot comme "utérus" ?
02:59 Alors, donc on a le droit de parler du leur, et donc de lui répondre,
03:03 mais il me semble que "Lâchez-nous l'utérus" est une déclaration
03:06 qu'on aurait pu en avoir dans les années 50,
03:08 mais l'objet "femme" dans les années 2023, j'y crois plus du tout.
03:11 Voilà ce que je voulais vous dire.
03:13 Ce genre de gauloiserie, ça vous choque ?
03:15 Dans ma bouche, non, dans la sienne, si.
03:18 Alors, votre ouvrage vise exclusivement à faire un panorama complet
03:22 de la littérature féminine depuis 1950, on va dire,
03:25 et jusqu'à la fin des années 80.
03:28 C'est un pari audacieux, mais pourquoi se focaliser précisément sur cette période ?
03:32 Alors, sans didactisme, j'ai essayé d'être un peu drôle.
03:35 Et pourquoi la période ? Parce que ça correspond à peu près,
03:38 ce me semble, aux trois périodes de ce qu'on appelait le féminisme.
03:42 Le féminisme des années 50, peu ou prou symbolisé par la Bible du féminisme,
03:46 le deuxième sexe de Beauvoir.
03:48 Le féminisme des années 70,
03:50 un féminisme plus radical, plus va-t-en-guerre,
03:53 féminisme de rue, si on peut dire.
03:55 Et le féminisme actuel, qui ne dit pas son nom,
03:58 qui est encore un peu plus idéologiste, selon moi,
04:01 et qui va vers le yel, c'est-à-dire vers le wokisme et le transgenreisme,
04:06 le neo-humanitas, comme disent certains.
04:08 Et donc, il était nécessaire, à mon avis, de voir comment, peut-être,
04:11 il y avait un fil conducteur entre ces trois féminismes.
04:14 Dès le début du livre, vous faites part de vos choix,
04:17 parmi les femmes écrivains, et on trouve ça mauvais,
04:20 on n'a pas lu, on trouve ça bien, on aime, on admire.
04:23 Ce sont des choix, donc, personnels, donc forcément sujettis.
04:27 – Absolument, c'est un petit dictionnaire égoïste de la littérature,
04:31 non pas féminine, mais féministe.
04:34 Et donc, en effet, vous l'avez cité, ce sont des rubriques
04:37 que j'ai empruntées à mon ami François Cereza,
04:39 dans un petit journal que vous devez connaître,
04:41 qui s'appelle "Service littéraire", pour faire un petit clin d'œil,
04:43 pour aller très très vite sur une sorte de sommaire un peu rigolo
04:47 que je voulais annoncer au lecteur.
04:49 – Mais quand je vous dis que ce sont des choix personnels…
04:53 – Liés à ma scolarité.
04:55 – Liés à votre scolarité, mais c'est-à-dire,
04:57 ce sont des choix que vous faites à partir de vos lectures,
05:00 c'est-à-dire que vous avez lu les ouvrages que vous évoquez dans votre ouvrage.
05:04 – Oui, pour le téléspectateur, puisque vous l'avez lu,
05:07 j'avais deux profs, une prof de lettres, une prof de philo,
05:10 qui était l'amante de Marguerite Duras,
05:12 et l'autre est la fille adoptive de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre.
05:15 Elles nous ont tellement dégoûtés, mettons, dégoûtés,
05:18 de l'une et de l'autre, qu'il y a une petite vengeance,
05:21 mais si vous vouliez qu'on développe…
05:23 – Non mais ce n'est pas une vengeance, je ne vais pas développer,
05:25 vous dites détestation, vous parlez de détestation.
05:27 – Oui, c'est fort. – Oui, je trouve ça fort.
05:29 – Pour Simone de Beauvoir et Marguerite Duras,
05:31 elles ont une œuvre, elles ont un style, une écriture, une personnalité.
05:35 – On peut avoir une œuvre et ne pas être écrivain,
05:38 c'est la grande différence.
05:40 Pour Duras, il me semble qu'on a suivi un courant et que vous verrez,
05:43 hélas, ou tant mieux, l'histoire fera le tri
05:47 et il ne restera pas grand-chose de Marguerite Duras.
05:50 Et de Beauvoir, on retiendra, me semble-t-il, la compagne de Sartre
05:53 et peut-être plus la philosophe de l'existentialisme
05:57 que l'écrivain au sens de romancière ou d'essayiste.
06:01 – Oui, mais un fils pichon, pardonnez-moi de vous dire, ça ne va pas,
06:05 si vous dites, c'est détestation, certes, moi je vous laisse,
06:07 vous avez compris, ce sont des choix personnels et sujetifs,
06:09 donc par définition, vous avez des choses que vous adorez,
06:11 des choses que vous détestez et vous en faites part à votre lecteur.
06:14 Tout ça me va bien, jusqu'à ce que vous indiquiez
06:17 que cette détestation ne provient pas de leurs écrits,
06:20 on parle de Beauvoir et de Duras, mais du fait, comme vous l'avez dit,
06:23 qu'on vous a obligé à les lire en classe.
06:25 Alors, à l'aune de ça, je me dis que moi, je n'aime pas Balzac,
06:27 j'adore Balzac, mais c'est vrai que quand j'étais en classe,
06:29 on m'obligeait à lire Balzac, et tant d'autres.
06:32 – Alors, je dépasse la détestation, je crois que l'étude que je fais
06:36 avec les deux auteurs montre qu'on se rapporche vers le féminisme
06:39 que je dénonce un petit peu, c'est-à-dire que pour moi,
06:42 la littérature se veut non genrée, et il me semble que la littérature
06:47 de Duras et de Beauvoir est genrée, et c'est ça qui me déplait
06:53 dans la littérature des deux femmes.
06:55 – Mais est-ce que vous ne focalisez pas non plus votre attention
06:57 sur les gens que vous détestez ? – Non, pardon.
07:00 – Non, mais je vais vous poser quand même la question,
07:02 vous avez raison, mais ce n'est pas forcément clair.
07:04 – Non, parce qu'il me semble, pardon de vous interrompre,
07:07 je donne des exemples de femmes que j'adore, et même que je mets
07:12 sur un piédestal, à peu près dans la même période,
07:15 Jure-Sonard, un peu plus tard Muriel Serf, etc.
07:18 et donc ce n'est ni lié à un sexe, ni lié éventuellement à un parcours,
07:22 mais plutôt vraiment à des œuvres, et l'explication des œuvres
07:25 qui me sont tombées des mains pour tout vous dire.
07:27 Le deuxième sexe que vous avez lu, ce n'est pas très bon littérairement parlant.
07:32 – Non, mais c'est parce qu'on me l'a posé à l'école que je ne l'aime pas.
07:34 Alors il manque quelques noms, je pense à, par exemple, à Geneviève Dorman,
07:37 voilà ça, ce sont des femmes écrivains que vous n'avez pas lues,
07:40 faute de temps vous dites, ou de volonté ?
07:42 – Alors que j'ai lues, mais de volonté, je ne sais pas si je dois l'annoncer ici,
07:46 il y a un deuxième volume qui apparaîtra sur les USAR,
07:48 et il me semblait plus normal de rattacher, me semble-t-il,
07:52 grande copine de Ninier, de rattacher Dorman à l'école des USAR,
07:56 mettons "école" entre guillemets, puisque ce n'est même pas
07:58 un mouvement littéraire, en tous les cas des gens qui avaient
08:00 entre 20 et 30 ans dans les années 50, et j'aimerais faire un très beau portrait
08:04 de Geneviève Dorman, voilà pourquoi elle a échappé aux vagins.
08:08 – Voilà, vous lirez "Le bal du dodo", est-ce que, c'est toujours le reproche,
08:12 mais j'y reste sur ce reproche-là, est-ce que vous ne vous concentrez pas
08:15 sur les cas les plus emblématiques, les plus caricaturaux,
08:19 il y a d'autres femmes qui traversent cette période-là,
08:23 et qui ont, comment dire, une place, une œuvre dans le Panthéon ?
08:27 – Alors, le Panthéon, je reprends… – Vous vous ferez un écrit-là ?
08:31 – Bien sûr, c'est mon Panthéon personnel, et donc, du coup,
08:35 pour le coup, je reprends le terme de pamphlet, c'est une littérature,
08:40 un choix égotiste même, et donc je suis allé, évidemment,
08:44 chercher les exemples les plus caricaturaux pour vous dire,
08:48 "Ah, vous voyez bien que j'ai raison".
08:50 – C'est des sites complètement différents à cette époque-là,
08:52 je pense à quelqu'un comme Françoise Dorat.
08:54 – Qui a du style pour vous.
08:56 – Qui vous pose la question, j'ai l'impression.
08:58 – Tout ça me paraît… alors, à peu près à la même époque,
09:01 j'ai été chercher Chantal Chahouaf, il me semble que justement,
09:05 de me voir le dire d'ailleurs, j'aime pas la littérature gourmée,
09:09 gourmée au sens, non pas alimentairement parlant,
09:12 mais le beau style, comme elle le disait.
09:14 Et moi, je crois que c'est ça, c'est…
09:18 j'aime la littérature qui a du panache, qui est capable de monter en l'air,
09:23 bref, la littérature un peu usarde, et il me semble que ni Françoise…
09:28 c'est pour ça que j'aime Sagan.
09:30 – C'est ce que je voulais vous dire, parce que Françoise Sagan,
09:32 il n'y a pas que François Mitterrand qui l'aimait beaucoup.
09:34 – Et elle le lui rendait bien, et à Sartre également.
09:37 Justement, Sagan fait partie, me semble-t-il, des beaux portraits,
09:40 à côté même de Colette, alors vous allez me dire,
09:42 "Mais vous êtes hors sujet, Pichon, puisqu'on est avant 45".
09:44 – C'est pour ça que je n'ai pas parlé de Colette.
09:46 – Mais c'est un interlude, 5 ans, Sagan comme Colette,
09:49 me semble être nourri de choses que j'adore,
09:52 et on a un peu résumé Colette à ses configures.
09:54 – Nourri de quoi ?
09:56 – D'un style qui est incomparable, et qui vous emporte de façon incroyable,
10:02 qui vous prend la main, et qui résume un petit peu ce que je crois de la littérature.
10:06 C'est un corps à corps, la littérature est charnelle,
10:09 et ni de Beauvoir, ni d'Urens me semble être dans une littérature charnelle.
10:13 – Est-ce que vous avez des distinctions entre la personne et l'œuvre ?
10:16 – Ah, totalement.
10:17 – Par exemple, pour Beauvoir, cette personne a peut-être nuit à son œuvre,
10:19 même si c'est pour 5 ans d'ailleurs.
10:20 – C'est possible.
10:21 – On s'est attaché beaucoup au personnage,
10:23 des fois ça finit par cacher sa propre œuvre,
10:26 qui était sûrement bien différente,
10:29 et sûrement plus agréable que le personnage qui était des fois un peu caricatural.
10:34 – Vous avez raison, on sort du sujet, et vous avez parfaitement raison,
10:37 Céline, peut-être un odieux personnage, j'en sais rien, j'étais pas là,
10:40 mais une œuvre considérable et magnifique,
10:42 et donc je distingue parfaitement les œuvres et le personnage.
10:45 On pourrait prendre des contemporains, Matzneff, Richard Millet, etc.,
10:48 qui ont une œuvre, on les dit odieux, leurs œuvres en tous les cas sont magnifiques.
10:53 – Bon, alors en ce qui concerne Millet, non.
10:55 – D'accord.
10:56 – Une fois que nous disposons de toutes ces explications,
10:58 nous pouvons aborder la vraie question de l'ouvrage,
11:00 existe-t-il une écriture féminine ou des écrits de femmes ?
11:04 Est-ce que la littérature a un sexe ?
11:06 – Pour moi non, il n'existe pas d'écriture féminine,
11:08 pas plus qu'il y a une écriture masculine,
11:11 il peut y avoir une écriture virile mais sous la plume d'une femme,
11:14 parce que s'il y avait un sexe, comme vous le dites,
11:19 Madame Bovary n'aurait pas été écrite par un homme,
11:21 et donc il me semble qu'il y a des écritures de femmes,
11:24 des écrits de femmes, qu'il peut y avoir un univers typiquement
11:28 ou spécifiquement féminin, c'est pas la même chose,
11:31 qui peut être emprunté par un homme, mais qui n'existe pas
11:33 spécifiquement une écriture féminine.
11:35 Un regard, mais pas d'écriture.
11:38 Je vous donne un exemple si vous me permettez.
11:40 Une table sous la plume d'un homme n'aurait donc pas
11:44 le même sens ou la même signification qu'une femme,
11:46 dans le cas d'un homme, ça serait forcément le lieu de la tournante,
11:49 alors que pour la femme, ça serait le lieu où on met un pot de fleurs,
11:52 tout ça n'a pas de sens, tout ça n'est pas très sérieux.
11:54 – Là vous dénoncez la cause de toutes ces écrits vaines,
11:57 pour les mêmes autobiographies, les mêmes méthodes,
12:00 les mêmes clichés, le même charabia romanesque,
12:03 mais vous évoquez des cas à part, vous dites qu'il y a des résistantes,
12:07 et alors je vous ai cherché, j'ai cherché les résistantes,
12:09 et j'ai trouvé quand même un membre de l'Académie française.
12:13 – C'est Ursula.
12:14 – Oui, un membre de l'Académie française, Marguerite Ursula.
12:16 – L'autre Marguerite, parce que, est-ce que c'est sa construction personnelle ?
12:20 Je ne sais pas, vous connaissez ces trois derniers livres,
12:23 la trilogie un peu autobiographique, puisqu'on va rester sur le genre,
12:26 "Au-delà des mémoires d'agriens", un chef-d'œuvre absolu,
12:29 du siècle passé pour moi, vous avez l'autobiographie,
12:34 et là l'autobiographie a la pétrie, c'est-à-dire que le mot…
12:37 – C'est la même, l'autobiographie a aussi des clichés.
12:39 – Oui, le "moi-je", ben je ne crois pas, le "moi-je" a été complètement transformé,
12:44 c'est une recréation, une renaissance, et donc de ce matériau personnel,
12:50 je pense qu'elle en fait une œuvre, ce qui ne me semble pas être le cas,
12:52 mais ce n'est que mon avis, des auteurs dont on vient de parler.
12:56 J'aime le beau style, il n'y a rien à faire.
12:58 – J'ai bien compris, je vais faire un autre reproche encore,
13:00 décidément, c'est votre fête.
13:02 – Merci de votre invitation.
13:03 – Je vous en prie, vous reviendrez quand vous voulez.
13:05 Vous avez des mots très durs pour bon nombre de femmes écrivains,
13:08 et qui ont pourtant rencontré le succès.
13:10 Et là, je vous pose la question, est-ce que ce sont les lecteurs qui se trompent,
13:15 ou on les pousse à s'intéresser à cette littérature ?
13:19 Tous les lecteurs se trompent ?
13:21 – Non, succès n'égale pas qualité, mais je reprends,
13:25 un journaliste me faisait cette confidence, on n'arrête pas de réassortir,
13:30 on met tel bouquin sur la table, si on ne fait que le réassortir,
13:33 en effet, il va être vendu.
13:35 En tous les cas, la production de masse fait que,
13:38 dans cette production de masse, il y a pour moi, moins de bons livres,
13:42 ce n'est pas parce que le livre est caché qu'il va être bon,
13:44 mais du coup, je pense qu'on n'emmène pas le lecteur vers de bons ouvrages.
13:47 Je vais vous donner un exemple, et pardon, Annie Ernaud,
13:50 qui pour moi n'est pas un écrivain.
13:53 – On va en reparler.
13:54 – D'accord.
13:55 – On va en reparler, mais terminez votre exemple.
13:57 – D'accord, qui fait plutôt œuvre de sociologie,
14:00 alors que dans un style qui est lui un vrai style,
14:03 et pas un style plat, d'ailleurs, ce n'est pas un style plat,
14:05 Annie Ernaud, ce n'est pas de style du tout,
14:07 Wellbeck, qui lui a un style faussement plat,
14:10 fait bien plus qu'une œuvre de sociologie,
14:12 qui fait une œuvre, pour moi, littéraire.
14:14 Si je devais mettre sur le… pardon encore…
14:16 – Je suis.
14:17 – Vous voyez, sur le même plan, Ernaud et aussi Wellbeck…
14:20 – Je suis bien.
14:21 Ou je vous suis moins bien, c'est parce qu'on va se rapprocher
14:24 d'aujourd'hui, de 2023, parce que votre éditeur d'ailleurs,
14:26 vous a demandé, vous intéressait à l'écriture féminine,
14:29 aujourd'hui, en 2023.
14:30 – C'est une ficelle d'écriture, vous avez bien compris.
14:32 – Voilà, je cherche toujours cette notion,
14:34 beaucoup de lecteurs, ça ne fait pas une œuvre,
14:38 mais beaucoup de lecteurs attendent les livres d'Amélie Nothomb,
14:42 par exemple, il n'y a pas d'œuvre d'Amélie Nothomb,
14:44 il y a des très beaux livres d'Amélie Nothomb.
14:46 – Vous remarquerez qu'elle n'est pas citée.
14:48 Et donc, parce que je pense que c'est un…
14:50 – Et pourtant, elle est la femme écrivaine qui vend le plus d'ouvrages,
14:54 en termes de vente, aujourd'hui.
14:56 – Je pensais que c'était Christine Angot,
14:58 mais si vous me l'assurez, il n'y a pas de problème.
15:00 – J'espère que non, mais je pense que c'est Amélie Nothomb.
15:02 – D'accord, il y a des choses,
15:04 parce que là, il y a une œuvre chez Nothomb, pour moi.
15:07 – Voilà, il y a une œuvre, il y a toujours l'autobiographie.
15:09 – Absolument, même si on est parti de cette œuvre japonisante,
15:12 – "Les deux cœurs et le tremblement"
15:14 – Par exemple, il n'y a pas que l'autobiographie,
15:17 l'autobiographie pure, j'avais vu, parce que du coup,
15:19 l'ethnocentrisme ou l'ethno-sociobiographie,
15:23 n'a pour moi pas tellement…
15:24 ou alors on est dans autre chose que de la littérature.
15:26 – Vous ne la citez pas Amélie Nothomb,
15:28 parce que ça ne range pas votre développement ?
15:30 – Parce que, encore une fois, c'est un pamphlet,
15:32 si j'avais été chercher que des auteurs qui n'arrangeaient pas mon développement,
15:37 Sylvain Durand, l'éditeur, m'aurait dit "bon, ça ne va pas du tout".
15:40 On peut tourner autour du…
15:42 – D'accord, on garde Amélie Nothomb alors.
15:44 – Ah oui, d'ailleurs, j'avais aussi un doute,
15:46 vous voyez, je n'ai pas été chercher Catherine Millet,
15:48 puisqu'on est sur…
15:50 donc on va parler des faiblesses du livre,
15:52 parce que pour moi, Millet, c'est pareil, on pourra en discuter beaucoup.
15:55 – Je ne parle pas de faiblesse du livre, je dis tout simplement
15:57 une contradiction dans le livre,
15:59 parce que vous écrivez une réponse assez lapidaire,
16:01 quand votre éditeur vous dit "mais il faut parler des écrivains femmes de 2023",
16:05 vous avez une réponse qui est très lapidaire, je cite,
16:07 "l'écrire femme aujourd'hui, un post-it suffira,
16:10 autobiographique et communautaire, victimaire et vindicatif, impudique et miséreux".
16:14 – Misérabilisme, même, on pourrait dire,
16:16 ben oui, un post-it suffira,
16:18 parce qu'il me semble que dans la majorité des cas,
16:21 il y a des produits interchangeables,
16:24 il me semble que Dariussec, Angot, Camille Laurence, etc.
16:27 sont des produits interchangeables,
16:29 d'ailleurs, vous avez remarqué qu'il y a une forme de feuilletonisation de tout ça,
16:33 il me semble que dans le cas de Christine Angot,
16:36 le bouquin de septembre est le même que celui de janvier, etc.
16:40 Je crois que c'est la même chose, hélas, pour Marie Dariussec,
16:43 dont j'avais aimé le "Baise-moi", je me dis "tiens,
16:45 il se passe quelque chose dans la littérature",
16:47 et puis après voilà, et Camille Laurence,
16:49 ben là on a l'impression qu'elle écrit de 9h à 12h et de 14h à 17h,
16:52 et encore une fois, ce n'est pas ça que je recherche dans la littérature.
16:55 Donc, il y a des oublis, mais je le dis d'ailleurs, je crois, quelque part,
16:58 je me suis beaucoup… Abé Cassis, Juliette,
17:02 je me suis posé la question, je me suis posé la question également
17:05 sur "La petite Pinjot", petite, pardon, plus si jeune que ça,
17:11 parce que peut-être que c'était moins facile
17:16 de les faire rentrer en effet dans les cases
17:18 que j'ai voulu simplifier pour rentrer dans le genre du pamphlet.
17:25 – Voilà, Mazarine Pinjot qui s'appelle Dorénavant,
17:27 Mazarine Mitterrand. – C'est ça.
17:28 – Là encore, vous dénoncez un genre de narratif répétitif,
17:31 manichéen et maniant les pensées, vous venez de dire à l'instant la même chose.
17:35 Ce n'est pas ce que pensent les Nobels,
17:37 Philippe Pichon, les Nobels, qui ont désigné Annie Arnaud,
17:42 prime Nobel de littérature en 2022, c'est la consécration d'une vie, non ?
17:45 – Oui, alors deux points, un, que le lecteur, que notre téléspectateur
17:49 ne dise pas que je me paye les têtes de gondole,
17:52 ce n'est pas du tout le sujet, j'espère que vous m'en faites grâce,
17:54 et deux, le Nobel comme consécration, il y a belle lurette,
17:58 que pour moi l'académie suédoise ne représente plus grand-chose,
18:02 le Nobel de Prudhomme et le Nobel d'Annie Arnaud,
18:07 il n'a absolument rien à voir, ça ne vous aura pas échappé,
18:09 Sartre, qui a quand même l'indécence de le refuser juste après guerre,
18:13 entre le Nobel même, restons sur la période, puisque c'est l'exercice imposé,
18:18 et maintenant, il y a quand même plus un jeune Perse,
18:21 mais depuis, on pourrait dire qu'il y a une forme de continuité,
18:24 de linéarité entre Claude Simon, on en pense qu'on en veut,
18:29 du nouveau roman, il y avait une œuvre, jusqu'à Annie Arnaud,
18:33 il y a Maudiano, on en pense qu'on en veut également,
18:35 mais il me semble qu'il y a une œuvre, avec un travail sur la ménoire,
18:37 sur la langue, et Annie Arnaud, qui a été cherchée,
18:40 qu'on a été cherchée, pardon de le dire aussi abruptement que ça,
18:44 il fallait une dame au bord de l'épade, et il fallait une dame d'extrême gauche,
18:50 et puis dans les cases, elle les cochait toutes, j'assume mes propos,
18:55 encore une fois, il n'y a pas de style, il n'y a pas de...
18:58 – Vous assumez vos propos, je suis assez convaincu pourtant
19:00 qu'elle n'apprécie pas l'ouvrage.
19:02 – Alors, il semblerait même qu'on soit amené à se voir
19:05 devant la 17ème chambre correctionnelle,
19:07 j'espère que je pourrai compter sur votre soutien à Annie Arnaud.
19:12 – Bien sûr, bien sûr, d'ailleurs la preuve, je vais vous le dire,
19:15 elle a quand même une œuvre littéraire,
19:17 qui est pour l'essentiel autobiographique,
19:19 mais là aussi, vu le nombre de bouquins qu'elle a livrés...
19:22 – C'est littéraire qui est le gros problème, pas œuvre.
19:24 – Pourquoi ? – Parce que, c'est pas parce qu'on...
19:26 – On va livrer... – En quoi c'est pas une œuvre littéraire ?
19:29 – Elle est sociologique.
19:31 – Elle a copié les choses pendant de nombreux romans.
19:34 – Donc, tout, tout, tout, mais non mais vous avez raison,
19:37 on tourne autour de la même chose,
19:39 donc on pourrait résumer ça à un livre, vous le dites vous-même,
19:42 ou à un seul thème, et puis parce qu'il me semble
19:44 qu'on est plus proche de la sociologie,
19:46 et même de la vampirisation de la sociologie, des sens sociaux,
19:49 c'est pas nos jours, je pense que ça date de Derrida,
19:51 c'est-à-dire que les Américains ont mal digéré Derrida,
19:54 ils nous le renvoient comme un boomerang,
19:56 et donc il y a une forme de wokisme littéraire,
19:58 me semble-t-il, à l'heure actuelle,
20:00 et il me semble qu'Annie Arnaud rentre les quatre sabots
20:03 dans les… – Elle participe à la déconstruction aujourd'hui.
20:05 – Ah oui, en tous les cas de la littérature et de la langue,
20:08 ça me paraît assez évident.
20:10 – Et les propos de son enfant, j'en parle.
20:12 – Son prix Nobel, quand même, c'est quelque chose aussi
20:14 qui est un peu un bouclier, on la voit dans les manifestations,
20:17 c'est quelque chose qui est utilisée médiatiquement.
20:19 – On la voit même, on avait-elle besoin, j'en sais rien,
20:21 parce que ça ne vous a pas échappé, on est toujours plus indulgents
20:24 avec la gauche radicale qu'avec ce que les médias appellent l'ultra droite,
20:29 Annie Arnaud pourrait même être sain nu dans la manifestation de la Elphie,
20:32 on ne lui dira rien, s'il se passait la même chose à droite
20:35 avec des auteurs qui pour la… certains sont morts,
20:38 je vous rappelle quand même qu'on a fait des procès en tous les cas d'intention
20:41 à des gens comme Nimié, Blondin, Mort et d'autres,
20:44 Perret, qu'on traitait de royalistes, etc. et dont l'œuvre,
20:47 l'œuvre, là je mesure mes mots, a été foulée, massacrée.
20:51 – Je vous suis aussi.
20:53 Pourquoi la littérature du vagin respire mal,
20:55 et pourquoi elle trouve aussi des contempteurs à l'art ?
20:57 J'en ai trouvé un, Jean-Paul Gavart Perret,
20:59 alors je le cite, je vous en prie voir que j'ai été magnanime
21:02 et bienveillant à votre égard par rapport à lui,
21:05 avec ses sous-entendus lourdingues, Philippe Pichon pourrait dire
21:09 des sous-entendus graveleux, Philippe Pichon joue sur tous les ressorts,
21:14 facile, machiste.
21:16 Et là on ne s'en prend pas aux dames patronesses avec un langage
21:19 ou l'esprit carabin, c'est ça qu'il vous dit ?
21:21 – Alors il dit… – Lourdingue.
21:23 – Oui, oui, il dit… – Il y a du mitou,
21:25 vous voyez, je vois derrière cela.
21:27 – Oui, j'entends ce que vous dites, je ne serai ni un violeur,
21:30 ni quelqu'un qui met la main aux fesses des femmes,
21:33 mais je trouve qu'un sourire, un clin d'œil,
21:35 une parole assez habilement dressée dans l'ascenseur,
21:39 ne me paraît pas relever de mitou.
21:41 Et quant à ce reproche qui m'est fait,
21:46 ça ne me déplait pas d'être dans la lignée de Léon Bloy.
21:54 – Vous êtes écrivain. – Écrivant.
21:58 – Écrivant, vous êtes lanceur d'alerte.
22:00 Est-ce que vous restez un peu dans un coin de votre tête flic ?
22:03 Policier, bien sûr.
22:05 – Je préfère flic que policier, vous avez raison,
22:08 parce que ça va être Léon Bloy, certainement.
22:11 Certainement… – Je trouve qu'il y a déjà
22:14 un côté enquête dans votre…
22:16 – Alors je vais vous dire, c'est de l'investigation littéraire,
22:18 vous avez parfaitement raison.
22:20 Aller prendre, là encore, des bouquins à peu près partout,
22:22 mettre des piles à la maison, au risque de les faire tomber.
22:26 Mais en effet, c'est de l'investigation littéraire.
22:28 Je me suis dit, qu'est-ce qui peut-être n'a pas été traité,
22:30 en tous les cas sous cet angle-là, parce que des biographies
22:32 de Yursonard, de Duras, de Debois, il y en a plein,
22:35 mais peut-être aller chercher un film conducteur d'actualité,
22:37 qui me semble être… le mot n'a pas été emprunté.
22:39 On s'est posé la question avec l'éditeur,
22:41 de wokisme littéraire, et de voir comment, peut-être déjà,
22:44 dans ces années 50, ça a été le déclencheur
22:47 de ce qu'on vit à l'heure actuelle
22:49 avec une littérature féministe, plus, plus, plus,
22:53 puisque c'est du coup, même une sorte de transgenreisme littéraire.
22:57 – Le wokisme, transgenreisme littéraire,
22:59 on le trouve aussi chez les hommes, aujourd'hui.
23:01 – Par exemple ?
23:02 – Par exemple, des femmes écrivains.
23:04 – Je n'ai pas d'exemple en tête.
23:05 Je trouve que… je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas d'hommes
23:08 pas très intéressants, mais je trouve qu'il y en a…
23:11 enfin, si je suis preneur d'un titre,
23:13 il me semble qu'il y a moins d'outrances.
23:15 Et si vous m'amenez sur les littératures homosexuelles,
23:17 deux exemples, merveilleux écrivains, Green et Bory,
23:22 qui n'avaient pas besoin de dire "Eh, eh, eh, eh,
23:25 je suis homosexuel pour faire des œuvres".
23:27 Or, à l'heure actuelle, j'ai l'impression qu'on est obligé
23:29 de vous prendre par la main, encore une fois, et de vous dire
23:31 "Eh, eh, t'as vu, je suis de ce côté-là, de la barrière, du trottoir,
23:34 appelez-vous ce que vous voulez".
23:35 Et donc, ça, c'est impitoyable, je n'ai pas besoin de personne
23:38 pour lire un livre et me rendre compte par moi-même
23:40 si j'accroche ou si je n'approche pas.
23:42 Et donc, Bory, encore une fois, Green,
23:44 on pourrait remonter à Higde, mais là encore,
23:47 on sort de l'époque.
23:49 Et puis, il y a toutes celles qui ne sont pas dans ce courant-là,
23:52 mais qui ne traitent pas, encore une fois, du féministe.
23:55 Donc, vous avez bien compris, je fais la différence
23:57 entre romans pour dames, écrits de femmes,
24:00 c'était votre propos tout à l'heure, et écritures féministes
24:03 qui n'ont rien à voir avec l'écriture féminine,
24:06 qui, à mon avis, elle, n'existe pas.
24:08 – En tout cas, pourquoi la littérature respire mal ?
24:11 – Un boulet à envoyer aux daltoniennes de l'écriture inclusive.
24:15 C'est aux éditions du Verbeau.
24:17 Merci Philippe Pichon de nous défendre de cet ouvrage.
24:19 – Merci de votre invitation.
24:21 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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