• il y a 2 ans
"Une satisfaction immense : il n'y aura pas de référendum sur l'immigration !". Cette déclaration de Marine Tondelier, secrétaire nationale des écologistes, illustre bien le mépris des élites pour le peuple, cette masse de "sans dents", jugée trop bête pour décider pour elle-même. Avec son ouvrage "Le référendum impossible - Comment faire taire le peuple", Ghislain Benhessa, docteur en droit public et avocat, remet les pendules des technocrates à l'heure démocratique. Le dernier référendum remonte à 18 ans et son résultat a été trahi par ceux qui sont censés nous représenter. Depuis, plus rien. L'article 3 de notre Constitution indique pourtant que "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ET par la voie du référendum". Le référendum serait-il devenu un accessoire ? Pourquoi nos présidents freinent-ils des quatre fers devant LA procédure la plus démocratique qui soit ? De De Gaulle à Macron et ses vingt 49-3, Ghislain Benhessa montre comment nos dirigeants ont peu à peu creusé la tombe du référendum. Un viol de la souveraineté des Français qui ne choque plus personne...

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Transcription
00:00 La liberté a un prix.
00:04 Pour un tout autre regard sur le monde.
00:07 [Musique]
00:31 [Générique]
00:37 Bonjour à tous, bienvenue dans notre Zoom, aujourd'hui en compagnie de Guylain Bénessa.
00:42 Bonjour monsieur. – Bonjour.
00:44 – Guylain Bénessa, docteur en droit public, avocat, enseignant à l'université de Strasbourg,
00:49 et vous publiez cet ouvrage "Le référendum impossible chez l'artilleur, comment faire taire le peuple"
00:56 en préface du philosophe Michel Onfray, retrouvé comme d'habitude sur la boutique officielle de TV Liberté.
01:02 Alors, il y a quelques jours, Guylain Bénessa, on a assisté à une séquence un petit peu particulière,
01:06 c'était après la dernière réunion, les dernières réunions dites de Strasbourg,
01:12 où le président invite certains présidents de partis à discuter, à débattre avec lui,
01:19 et à la sortie de la dernière, le 17 novembre, la secrétaire nationale des écologistes marines,
01:26 Thon Delier, a déclaré, je cite, "avec une immense satisfaction qu'il n'y aura pas de référendum sur l'immigration".
01:33 Ouf, nous voilà sauvés.
01:35 Et Ségolène Royal, déjà à propos du référendum, disait ceci en 2016,
01:41 "Nous ne ferons pas l'erreur de David Cameron, rassurez-vous, nous n'allons pas faire de référendum
01:47 pour la sortie de la France de l'Union européenne, ça je puis vous l'affirmer".
01:51 Pourquoi, Guylain Bénessa, le référendum est-il vu comme un outil démagogique, voire populiste,
01:58 auprès de la plupart de nos politiques en France ?
02:01 J'ai envie de vous dire, le fait tout simple déjà, c'est que la remarque de Marine Thon Delier,
02:07 le ouf de soulagement, le plaisir qu'il n'y ait pas de référendum,
02:12 c'est la concrétisation logique, presque inarrêtable de l'histoire que je raconte,
02:18 c'est-à-dire qu'on n'a jamais vraiment voulu du référendum, jamais.
02:21 C'est-à-dire qu'en fait, l'histoire française de ces 70, 80 dernières années,
02:25 on pourrait remonter encore en amont, mais peu importe,
02:28 en fait, la machine de guerre est très simple, de 1958 à 2023,
02:34 on n'a jamais vraiment voulu de référendum, en réalité,
02:36 sauf le général de Gaulle, je pense qu'on en reparlera,
02:39 et 2023, une remarque de cet honneur de Marine Thon Delier,
02:43 ça ne fait que, donc des verres, ça ne fait que concrétiser,
02:47 confirmer une énième fois, j'ai envie de dire,
02:50 qu'on n'a pas voulu, on ne voulait pas, on n'a encore pas voulu,
02:54 on ne veut toujours pas de référendum en 2023 parce qu'on a peur du peuple,
02:58 parce qu'il y a quelque chose de réfractaire, fondamentalement,
03:01 à l'idée que le peuple puisse décider tout seul,
03:03 et que depuis 70 ans, certains, ils ne sont pas nombreux,
03:07 certains ont tenté de mettre une pièce dans la machine référendum,
03:11 de Gaulle, mais il n'est pas le seul, Pompidou l'a fait,
03:13 deux, trois autres ont essayé un petit peu, de temps en temps,
03:16 de remettre l'ouvrage sur le métier, mais là, concrètement,
03:19 les 80 dernières années, c'est l'histoire de l'arrivée du référendum,
03:23 grâce à de Gaulle, l'histoire d'une redisparition du référendum
03:26 après de Gaulle, et depuis, l'histoire d'un enterrement du référendum,
03:30 un enterrement qui est confirmé, phrase après phrase,
03:33 partie par partie, et quel que soit le thème,
03:35 que ce soit l'immigration aujourd'hui, on ne traite réellement
03:38 ni l'immigration, encore moins l'immigration, par le référendum,
03:41 mais même, quel que soit le référendum, en fait, on l'enterre à chaque fois,
03:44 un peu plus, et donc cette phrase est révélatrice, symptomatique
03:48 de cette détestation du référendum et du peuple,
03:51 qu'une grande partie des élites portent en elles, en réalité,
03:54 depuis très longtemps.
03:55 – Et pourtant, la constitution de la 5ème République, 1958,
03:59 prévoit une dose de démocratie directe dans son article 3,
04:03 je le cite, "la souveraineté nationale appartient au peuple
04:06 qu'il exerce par ses représentants et par la voie du référendum".
04:11 Les Français n'ont pas été consultés par référendum depuis 18 ans,
04:16 le dernier c'était en 2005, et il a été trahi, renversé
04:20 par le traité de Lisbonne, lancé par Nicolas Sarkozy,
04:24 c'était en 2008 ou en 2009, en tout cas, mis en application.
04:28 La France est-elle encore une république démocratique,
04:31 comme la constitution de la 5ème République l'indique ?
04:35 – Alors, la question de la démocratie française,
04:39 ou plutôt l'État, on peut dire, de la démocratie française,
04:42 si on compare la pratique depuis 18 ans,
04:46 et le code génétique des institutions, la pratique est, on va dire, dramatique.
04:51 La comparaison ne plaide pas en faveur de la poursuite du système actuel,
04:56 on va dire ça comme ça.
04:57 En fait, vous venez de citer à très juste titre
05:01 les termes de l'article 3 de notre constitution,
05:04 je ne veux pas faire une exégèse de l'article, mais il est très simple,
05:07 c'est qu'en fait, ce qui est indiqué, c'est bien que la souveraineté
05:10 s'exerce par les représentants du peuple et par la voie du référendum.
05:14 Ce n'est pas un "ou", ce n'est pas une sorte de pisalet,
05:17 ce n'est pas un jeu de dupe, c'est bien que la souveraineté appartient
05:20 au peuple qui l'exerce, soit par le billet du Parlement,
05:23 soit par lui-même en direct, point.
05:26 C'est comme ça que ça fonctionne.
05:28 Donc, l'idée de croire que le référendum serait une exception,
05:32 vous savez, une sorte de petite recette qu'on sort tous les 20 ans
05:36 pour faire un peu bien, pour dire que bon, le peuple il est quand même
05:39 quelque part une bonne fois, il faut bien lui donner un peu la parole,
05:42 c'est une contradiction, c'est un viol des institutions,
05:46 c'est littéralement un viol de la constitution, de notre constitution,
05:49 dans la mesure où de Gaulle, mais pas que de Gaulle,
05:52 l'a pensé tel une alternative.
05:54 Il faut impérativement qu'il y ait soit l'un, soit l'autre qui soit consulté,
05:57 c'est-à-dire que le peuple soit consulté.
05:59 Qu'est-ce qu'on a fait en 2005 ?
06:01 Et c'est tout l'enjeu à mon sens de l'histoire que j'essaie de raconter,
06:05 parce que le 2005 c'est un peu le point d'orgue de cette affaire,
06:09 c'est qu'on a mis en place cet article 3,
06:13 qu'on a respecté très peu de temps, grosso modo une quinzaine d'années,
06:17 entre 1958 et 1972, on a plus ou moins respecté
06:22 le schéma constitutionnel, donc nos institutions,
06:25 on a respecté ce que la France devrait être, notre démocratie,
06:29 et à partir de 1972 c'est l'histoire d'un délitement de la démocratie
06:32 qui passe par une disparition du référendum.
06:35 Donc pour vous répondre clairement, la France est-elle encore démocratique aujourd'hui ?
06:38 Ce qui est clair, c'est que la France n'est plus guère souveraine,
06:41 on le constate tout le temps, puisqu'on est incapable de restaurer
06:44 l'autorité de nos territoires dans les fameux territoires perdus de la République,
06:47 et elle n'est pas non plus souveraine dans sa capacité de décision,
06:50 puisque le peuple qui est possesseur de cette souveraineté,
06:53 qui en est propriétaire, il est propriétaire de la Constitution,
06:56 il est détenteur de la souveraineté, n'a plus son mot à dire,
06:59 parce qu'il s'est habitué, finalement, à ce qu'on fasse sans lui.
07:02 Et tout simplement, les choses sont passées par la porte de service,
07:05 donc techniquement, la France est-elle une démocratie ?
07:08 Difficile de dire qu'elle est une dictature, difficile de dire pour autant
07:11 qu'elle soit un summum de démocratie si on regarde en détail.
07:14 On peut penser que c'est une imposture de démocratie, vous dites,
07:17 les élites se sont glissées dans le costume gaullien,
07:20 mais sans l'éthique ni l'usage.
07:23 Absolument, sans l'éthique ni l'usage, c'est-à-dire que
07:26 le costume créé par le général, costume peut-être trop large,
07:31 mais le costume créé par le général, c'est un costume qui fait du président
07:35 la tête de gondole de la France, la pièce maîtresse.
07:39 La clé de voûte, disait Michel Debré.
07:42 Exactement, la clé de voûte, disait Michel Debré, c'est-à-dire que
07:45 la France se porte bien, en quelque sorte, les institutions se portent bien
07:48 si on a un président à la hauteur de ces institutions.
07:51 Vaste programme. Mais ce qui est clair, c'est que
07:54 on ne peut pas fonctionner, la France ne peut pas fonctionner
07:57 si la relation entre le peuple et le chef, le peuple et son chef,
08:01 n'est pas une relation saine. C'est-à-dire que l'arc fondamental,
08:05 la relation de l'un à l'autre, est une relation qui doit être
08:08 nécessairement directe, il doit y avoir quelque chose,
08:11 une relation, une communication, quelque chose qui fait
08:14 qu'il y a une confiance claire, une légitimité accordée au chef
08:17 et que de cette légitimité dépend le sel des institutions.
08:21 Et en fait, ce que pensait, j'ai envie de dire,
08:24 ce que pensait de Gaulle, mais c'est même une erreur.
08:26 Le code génétique de la Constitution, c'est de remettre les clés du camion
08:30 au président de la République, certes, c'est un régime où le président a...
08:34 Je n'ai pas envie de dire les pleins pouvoirs, d'autant plus qu'avec
08:36 l'arrivée de l'Europe, c'est encore moins le cas, mais...
08:39 Comment dire ? Le président a des pouvoirs forts, c'est clair,
08:42 mais où sa légitimité doit être puissante, et notamment,
08:45 les deux instruments de sa légitimité, c'est d'abord, évidemment,
08:48 l'élection du président au suffrage universel direct,
08:52 qui a été voulu par de Gaulle par le billet du référendum,
08:55 et donc, et ça c'est absolument fondamental, et on l'a complètement oublié,
08:59 parce que depuis 20 ans, on fait globalement n'importe quoi,
09:01 c'est que le référendum est censé être un outil pour tester,
09:04 pour tester la légitimité présidentielle en cours de mandat.
09:08 Donc le référendum, ce n'est pas un ornement,
09:10 ce n'est pas une petite chose, ce n'est pas un accessoire,
09:12 c'est le bras, ce que je dis dans mon livre,
09:14 c'est le bras bionique de la Vème République,
09:16 qui devait servir à tester la légitimité du chef,
09:19 et à des fréquences régulières.
09:21 – Alors on verra, on parlera un petit peu de l'usage
09:25 par le gouvernement d'Elisabeth Borne de la Constitution,
09:28 mais après, je voudrais vous d'abord vous poser cette question,
09:31 Rousseau, que vous évoquez dans votre ouvrage,
09:35 "Philosophe des Lumières", voyez-lui déjà l'élection des députés
09:39 comme la victoire en trompe-l'œil d'un peuple dépossédé,
09:46 malgré lui, de sa souveraineté, si tôt qu'ils sont élus,
09:50 ces députés, le peuple est esclave.
09:52 Alors, dans quelles conditions la démocratie peut-elle être représentative ?
09:57 – Alors, il faut bien comprendre que la philosophie de Rousseau
10:03 et en pratique, je vous avoue que j'ai pas mal passé de temps sur Rousseau,
10:07 même il y a quelques années, c'est un philosophe que j'aime beaucoup,
10:09 mais il est clair que sa philosophie est totalement idéaliste.
10:12 Personne ne s'imagine une seule seconde, il faut être clair,
10:15 l'idée de Rousseau c'est de croire que chacun est possesseur de la souveraineté,
10:20 d'une parcelle de souveraineté, et que chacun, chaque citoyen,
10:23 pourrait l'exercer librement comme il le souhaite.
10:25 En pratique, comment faire ?
10:27 On ne peut pas demander à 60 millions de Français
10:29 de délibérer chaque jour sur les affaires du pays,
10:31 ce serait totalement délirant.
10:32 – Donc la démocratie n'est pas faite pour des grands ensembles,
10:35 elle était possible sous l'Athènes antique,
10:39 avec quelques milliers de personnes en fait.
10:41 – Exactement, vous savez le modèle de Rousseau c'est très simple,
10:44 Rousseau il a plusieurs États en ligne de mire,
10:46 qu'il améliorerait, c'est notamment la Corse, petit pays,
10:48 la Suisse, il est d'origine genoise, donc c'est l'idée vraiment que,
10:51 plus c'est petit, plus on se connaît, il y a de la relation,
10:54 il y a quelque chose qui fait peuple immédiatement, j'ai envie de dire,
10:58 et dans ces conditions-là, tout est fait pour pouvoir délibérer facilement.
11:01 Dès qu'on grandit, dès que le périmètre s'étend,
11:04 il est plus difficile de concevoir une démocratie directe par tous les aspects.
11:08 Mais l'idéal rousseauiste aussi, impraticable qu'il soit, en absolu,
11:16 il a un avantage pour moi fondamental, c'est qu'il nous rappelle,
11:19 il nous rappelle cette démocratie directe, et il nous rappelle surtout
11:22 qu'effectivement, certes on confie à des députés, à des représentants,
11:27 l'exercice de la souveraineté, l'exercice, mais il rappelle d'une part
11:31 que le titulaire de la souveraineté, c'est bien le peuple,
11:34 et surtout il nous rappelle qu'attention, dès lors qu'on confie à quelqu'un
11:37 un mandat pour faire, ça signifie quand même qu'il y a un risque
11:40 que cette personne à qui on donne mandat, en use pour faire autre chose
11:44 que ce pour quoi elle a mandat.
11:46 Donc, si vous voulez, on peut critiquer longtemps Rousseau
11:48 qui était un peu idéaliste, etc., qui était même un peu farfelu
11:51 dans bon nombre de ses réflexions, sans rentrer dans sa philosophie longue,
11:55 mais tout de même, il y a l'idée que cette scorie, cette limite existe.
11:59 Et concrètement, qu'est-ce qui se passe aujourd'hui en France ?
12:01 C'est très simple, on s'est habitué à ce que finalement la chose publique
12:04 soit décidée sans nous, c'est-à-dire que le peuple n'est plus consulté,
12:08 et le schéma pour moi est très simple, le schéma français aujourd'hui,
12:11 c'est qu'on élit, plutôt on est convoqué tous les 5 ans en élection présidentielle,
12:15 qui en réalité est réglé d'avance dans la mesure où on a le camp du bien
12:19 et le camp du mal qui s'affrontent désormais de façon programmatique,
12:22 Marine Le Pen, où on trouvera peut-être quelqu'un d'autre,
12:24 et donc Emmanuel Macron ou Edouard Philippe demain, où on trouvera un substitut.
12:28 On a des élections intermédiaires qui ne servent plus du tout de choc ou d'électrochoc,
12:32 et qui ne provoquent absolument rien, si ce n'est vaguement un changement de ministère,
12:36 et encore, et on a donc la disparition en bout de course du référendum.
12:40 Ce qui fait que tout ce qui sert théoriquement à secouer l'état du pays,
12:44 à secouer l'exécutif, à provoquer un changement de cap,
12:48 à tester cette légitimité, tous ces outils ont disparu.
12:51 En bout de course, on a quelque chose qui s'autogère petit à petit,
12:55 sans véritablement qu'à un moment, quelqu'un se demande si oui ou non, tout ça est légitime.
12:59 C'est cette légitimité-là qui a totalement disparu,
13:02 pour ne pas dire qu'elle a explosé, je veux dire littéralement.
13:06 – Revenons à De Gaulle, en 11 ans de présidence,
13:09 ce président a utilisé le référendum à 5 reprises,
13:13 et vous dites que cet outil référendaire a ensuite été corrompu, puis balayé.
13:19 Alors, sans le dire ouvertement, on a retiré au peuple le droit de maîtriser son destin.
13:25 Comment le référendum, au fond, a-t-il été dévitalisé ?
13:29 – Alors vous savez, vous vous rappelez très justement qu'on a donc 5 référendums sur De Gaulle.
13:34 C'est statistique, j'ai bien conscience que les chiffres ne font pas tout,
13:38 mais il faut bien prendre conscience, des fois on l'oublie,
13:40 vous savez, on raisonne à "brève date", j'ai envie de dire.
13:44 De Gaulle, c'est 11 ans de présidence, 5 référendums.
13:47 Ça veut dire que les Français, tous les 2 ans et 3 mois, en quelque sorte,
13:50 sont convoqués à un référendum.
13:52 Il faut le répéter, tous les 2 ans et 3 mois en moyenne.
13:55 Aujourd'hui, ça fait 18 ans qu'on n'a pas vu l'ombre d'un référendum,
13:58 et le dernier en date a été enseveli sous le traité de Lisbonne.
14:03 Donc vous voyez, c'est que statistique, mais tout de même,
14:05 le référendum n'était pas un accessoire, loin de là.
14:08 Comment est-ce qu'il s'est dévitalisé ce référendum ?
14:11 L'histoire est tragique et se résume d'elle-même.
14:17 En fait, De Gaulle, en 1969, il perd un référendum
14:22 sur la régionalisation et la réforme du Sénat.
14:25 J'explique dans le livre que c'est beaucoup plus, à mon sens, que simplement ça.
14:29 D'ailleurs, je pense que c'est le grand référendum de De Gaulle, j'en suis persuadé.
14:32 En fait, c'est 1969. Mais bon, passons, c'est vraiment une histoire absolument passionnante.
14:36 De Gaulle part en 1969, il perd un référendum.
14:38 Et là, ce qui est intéressant, c'est même, à mon sens, la clé de voûte du tout le raisonnement,
14:42 c'est que Pompidou, à peine De Gaulle démissionnaire,
14:47 Pompidou dit "il faut référender, il me faut une question pour le faire,
14:51 sinon l'instrument va tomber en désuétude".
14:54 Ce qui fait que Pompidou, il sait que si on ne référende pas régulièrement,
14:57 à un moment, on va s'arrêter de référender.
14:59 Donc il cherche le bon référendum.
15:01 Donc Pompidou référende en 1972 sur l'Europe, une première fois,
15:04 sur l'élargissement de l'Europe, notamment au Royaume-Uni, à la Grande-Bretagne.
15:07 Et par la suite, il va même réfléchir à référender potentiellement sur le quinquennat.
15:12 Vaste débat, histoire que je raconte également,
15:14 qu'on connaît assez mal, mine de rien, dans l'histoire française.
15:17 Et ce qui va se passer, c'est très simple.
15:19 Giscard a été élu en 1974.
15:21 Giscard suppôt de la question européenne.
15:23 Je veux dire, il était de sa naissance, j'ai envie de dire, à sa mort.
15:26 – Eurolatre.
15:27 – L'eurolatre, voilà, il n'y a rien d'autre à dire.
15:30 C'est le premier vrai président eurolatre qu'on a eu.
15:33 Je ne dis pas que Pompidou était hostile à ça,
15:35 il était sur les brisés quand même de l'œuvre gaullienne.
15:38 Giscard entame le rêve européen,
15:40 et comme par hasard, Giscard le premier à ne jamais référender, pendant 7 ans.
15:44 À la fin de son mandat, il dira,
15:45 "Si je suis réélu et que je trouve une question, je référenderai peut-être,
15:48 on verra", mais en fait, il n'a aucune envie de le faire.
15:51 Mitterrand, 14 ans.
15:52 14 ans durant lesquels on ne fait que référender sur Maastricht
15:55 et une parenthèse sur la Nouvelle-Calédonie.
15:57 Parce qu'en fait, Mitterrand annonce en 1981 plus ou moins un référendum,
16:01 14 ans en pouvoir, il n'en veut pas le moindre.
16:05 Maastricht lui est imposé, lui est arraché,
16:07 je le rappelle dans le bouquin, il lui est arraché,
16:09 il ne veut pas référender.
16:10 Et en fait, le schéma est binaire,
16:13 c'est que dès la fin des années Pompidou, aucun président ne veut référender.
16:18 Chaque référendum qu'on a est un référendum
16:20 qui est arraché au président en exercice.
16:22 Soit parce qu'il en a peur, soit parce qu'il fait tout pour s'en détourner
16:27 ou pour essayer de contourner le problème, soit parce qu'il veut...
16:29 Parce qu'en cas d'échec, en cas de non, le président normalement doit partir,
16:33 c'est ce qu'avait fait De Gaulle, donc ils ont tout ça en souvenir,
16:35 ils veulent rester au pouvoir.
16:36 Exactement, ils veulent rester au pouvoir,
16:38 de toute façon, il faut qu'on comprenne, les rares qui référendent encore,
16:40 qui font un référendum disent "quand bien même y aurait-il un non, je ne partirai pas".
16:43 Donc en plus, on a totalement dévitalisé la question de la légitimité,
16:47 c'est-à-dire que "quand bien même le peuple n'en veut plus, je reste là".
16:50 Donc concrètement, illégitime, c'est pas grave, je reste en place.
16:54 Et surtout, on se rend compte que jusqu'en 2023,
16:56 raison d'être pour moi de l'impasse actuelle,
16:59 c'est que de 58 à 2023, enfin plutôt de 70 à 2023,
17:02 c'est l'histoire d'un référendum qu'on ne veut plus pratiquer,
17:05 qu'on ne veut plus respecter, qu'on ne veut plus invoquer, pourquoi ?
17:07 Parce qu'on en revient avant 1958.
17:10 En fait, 2023, vous parliez de Mme Tondelier-Desvères,
17:13 en 2023, Mme Tondelier, qui se réjouit qu'il n'y ait pas de référendum sur l'immigration,
17:17 a la même position de Giscard, qui ne voulait pas référender,
17:20 qui avait la même position que tous ceux qui étaient contre De Gaulle viscéralement à cette époque,
17:25 et qui ont la même position que ceux qui étaient là avant De Gaulle.
17:28 En fait, on est en train de faire quoi ?
17:29 On est en train de rejouer la vieille histoire française selon laquelle le référendum,
17:32 attention, c'est dangereux, ça sent le peuple, le mieux,
17:36 c'est de le faire disparaître, comme ça, on fait disparaître le peuple par la même occasion.
17:40 – Une date historique en France qui est largement passée à la trappe,
17:44 c'est celle du 16 juillet 71 au Conseil constitutionnel.
17:47 Dites-vous, il s'est passé un véritable coup d'État, qu'est-ce qui s'est passé ?
17:51 Date connue des juristes, mais pour de mauvaises raisons,
17:55 date inconnue des non-juristes pour d'autres raisons.
17:59 Premier élément, je ne veux pas faire un débat de juristes chevronnés,
18:04 là n'est pas la question, mais vous savez, en gros,
18:06 vous allez dans n'importe quelle faculté de France, université française,
18:09 vous apprenez que ce fameux 16 juillet 71, le Conseil constitutionnel
18:13 est devenu le grand chambelon des droits de l'homme,
18:15 c'est-à-dire qu'il est devenu le protecteur des libertés fondamentales.
18:18 D'ailleurs, en 2023, Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel,
18:22 rappelle environ tous les 6 mois que, heureusement que le Conseil constitutionnel est là,
18:26 il défend les libertés fondamentales contre l'empiétement,
18:29 je veux dire, vous savez, des dispositifs autoritaires,
18:33 de l'état d'urgence, de ce qu'on veut.
18:34 Donc en gros, le rôle est posé.
18:36 En fait, le 16 juillet 71, ce n'est pas du tout ça qui se joue.
18:40 Ce n'est déjà pas ça qui se joue et pas pour ces raisons.
18:42 Première chose, le Conseil constitutionnel sous de Gaulle, en gros, il n'existe pas.
18:47 De Gaulle n'en veut pas, mais il n'en veut pas du tout.
18:49 Très peu utilisé, oui.
18:50 Quasiment jamais utilisé.
18:51 On a une dizaine de décisions en 13 ans, on en a des centaines depuis.
18:54 Donc, en gros, le Conseil ne sert à rien.
18:56 De Gaulle, depuis le début, n'en veut pas.
18:58 Et la seule chose que fait le Conseil constitutionnel,
19:00 c'est qu'en somme, il sert d'une sorte d'arbitre entre les pouvoirs,
19:04 mais extrêmement en réserve, parce qu'il n'ose pas empiéter sur les pouvoirs du gouvernement.
19:08 En gros, le juge, à l'époque, il se tient en retrait.
19:11 Il ne délivre que des avis.
19:12 Il ne délivre que des avis et, si vous voulez, des avis dont tout le monde se fout,
19:15 il faut le dire comme ça.
19:17 Franchement, c'est un arbitre en retrait.
19:19 À la limite, c'est un arbitre qui sert plus l'exécutif qu'il ne dessert l'exécutif.
19:22 Comme l'est aujourd'hui la Cour des comptes.
19:24 Oui, mais en quelque sorte.
19:26 Et vous savez, la preuve de ça, c'est que tout le monde s'en fout.
19:29 Les médias n'y vont jamais, les journaux n'en parlent jamais.
19:31 En gros, c'est un organe dont tout le monde se fiche.
19:33 En 71, De Gaulle, évidemment, n'est plus au pouvoir.
19:37 Pompidou est arrivé.
19:39 Et en fait, ce qui se passe, c'est que le président du Conseil constitutionnel,
19:42 qui s'appelle Gaston Palevski à l'époque, va en gros s'arranger avec le président du Sénat,
19:47 qui s'appelle Alain Power, et ils vont se servir d'un projet de loi gouvernementale
19:52 pour en fait le censurer à l'aune de dispositions juridiques
19:56 qui viennent notamment de la Déclaration des droits de l'Homme, etc.
19:59 Donc, si vous voulez, ils piochent dans tout un catalogue de règles
20:02 qui n'ont pas valeur constitutionnelle à l'époque, pour censurer le gouvernement.
20:05 Oui, le conseiller à l'époque de Michel Debré, j'ai son nom qui va me revenir.
20:11 Raymond Janneau.
20:12 Raymond Janneau disait ceci.
20:15 "Ni la Déclaration, ni le préambule non-valeur constitutionnelle
20:19 s'est allé au devant de difficultés considérables."
20:22 Exactement. Alors, ça, il y a une phrase que je rappelle dans le bouquin,
20:27 qui est très très claire.
20:28 Quand on rédige la Constitution, notre Constitution,
20:30 le parchemin qui appartient à tous les Français,
20:33 le conseiller spécial du général, l'un des conseillers du général De Gaulle,
20:37 qui travaille sur le texte constitutionnel, dit "Attention,
20:39 il ne faut pas donner de pouvoir, en tout cas pas trop de pouvoir au Conseil constitutionnel,
20:43 donc il ne faut surtout pas permettre au Conseil de se servir de textes généraux
20:47 que la Déclaration des droits de l'Homme, des principes généraux
20:50 type le préambule de la Constitution de 1946 et ce genre de choses,
20:52 je ne rentre pas dans le détail, il ne faut pas le faire pour une raison simple,
20:55 c'est le mot qui est employé, parce qu'attention,
20:57 demain surviendra le gouvernement des juges.
20:59 Or, en 71, lorsque justement le Conseil constitutionnel
21:03 pioche dans ses principes généraux pour sanctionner, pour censurer le gouvernement,
21:07 le Conseil constitutionnel introduit le fameux gouvernement des juges.
21:11 C'est-à-dire que petit à petit, il va prendre un pouvoir qui jusque-là,
21:14 lui, était interdit, ne lui était pas donné.
21:16 Et il va le faire, un, parce qu'il sait que De Gaulle n'est plus là,
21:19 deux, parce qu'on a un gaulliste mais revanchard qui n'aime pas du tout Pompidou,
21:24 qui est le président du Conseil constitutionnel,
21:26 ce que je rappelle dans le bouquin, c'est vraiment une histoire sordide,
21:29 c'est une histoire d'inimitié personnelle,
21:32 conjuguée au président du Sénat qui s'appelle Alain Power,
21:35 qui devient président par intérim, d'une part au départ du général De Gaulle
21:40 et à la mort de Pompidou, et qui à chaque fois,
21:42 dans l'ombre d'un intérim à la présidence de la République,
21:45 va littéralement flinguer la France.
21:47 D'abord il le fait en donnant le pouvoir au juge,
21:49 ensuite il le fait parce qu'il valide la co-opération des droits de l'homme,
21:52 dont De Gaulle ne voulait pas.
21:54 Donc vous voyez, c'est une histoire, en gros, Alain Power,
21:56 enfin quelques autres, en 71 et en 74, on a les Yago,
21:59 les Yago, littéralement, de la 5ème République,
22:02 qui vont initier le gouvernement des juges,
22:04 et qui, comme par hasard, correspondent aux années
22:07 où on va voir la montée en puissance du gouvernement des juges
22:10 et la disparition du référendum.
22:12 Les juges montent, le peuple disparaît, tout simplement.
22:15 Vous le rappelez dans votre ouvrage, Guylain-Bénessa, en 86,
22:18 Jean-Marie Le Pen propose l'instauration d'un référendum d'initiative populaire,
22:24 un petit peu l'ancêtre de ce que les Gilets jaunes avaient demandé
22:27 avec leur référendum d'initiative citoyenne.
22:29 Qu'est-ce que vous répondriez à ces élites qui déclarent en permanence
22:33 que le peuple n'est pas assez instruit pour décider de son destin ?
22:38 C'est un... Vous savez, c'est... Je répondrais...
22:44 C'est pas une grande réponse très formalisée,
22:47 mais j'ai tendance à penser, c'est comme ça que je l'évoque souvent
22:50 et que ça me vient à l'esprit, on ne peut pas être démocrate le lundi
22:53 et pas être le dimanche. C'est-à-dire, on ne peut pas...
22:55 On ne peut pas se réveiller un jour et dire "Bon, finalement, la démocratie, c'est bien,
22:58 mais seulement, vous savez, à jours impaires."
23:01 Vous voyez, comme les places de stationnement, vous voyez,
23:03 le lundi, vous parquez à gauche et le mardi, à droite.
23:06 C'est le jeu auquel jouent nos politiques.
23:08 C'est-à-dire, ils sont tous de grands démocrates,
23:10 on invoque le vivre ensemble, la démocratie, la démocratie éternelle,
23:14 le pacte républicain. Bon, tous ces mots sont très dévitalisés,
23:17 ils ne veulent plus rien dire, mais on les invoque quand même.
23:20 Et en fait, on les invoque parce que ça fait bien.
23:22 Il faut quand même rappeler que la démocratie,
23:24 c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
23:27 Difficile de penser autrement la démocratie.
23:29 Mais en fait, on la pense, cette démocratie,
23:31 sans se rappeler ou en oubliant que dans "démocratie", il y a "démos".
23:35 C'est tout bête, mais ça signifie quand même que le peuple
23:38 est au frontispiece de ce qu'on appelle la démocratie.
23:40 Et si vous enlevez le référendum, vous occultez la dimension
23:45 qui, d'autant plus dans un monde mondialisé,
23:48 où on a cette succession d'intermédiaires, la question des juges,
23:52 la question des barrières, comment dire, de l'international,
23:54 la question de la passoire que sont devenues
23:57 les prétendues carapaces protectrices comme la Constitution.
24:01 Si vous rendez bien compte que ce monde ouvert,
24:04 où tout est cassé en quelque sorte, si le peuple là-dedans
24:06 n'a plus son mot à dire, on a une démocratie
24:08 qui n'est absolument plus démocratique.
24:10 Donc, le RIC, mais comme d'autres outils,
24:13 sont en réalité, qu'on le veuille ou non,
24:15 que ce soit imparfait ou non, que les gilets jaunes
24:17 aient eu raison sur tout ou pas, c'est pas le problème.
24:19 C'est que quand Jean-Marie Le Pen appelle
24:21 à un référendum d'initiative populaire,
24:23 parce qu'on parle de RIC sur les ronds-points
24:25 il y a quelques années, dans les deux cas,
24:27 on cherche à corriger un défaut démocratique
24:30 qui fait qu'aujourd'hui, d'autant plus
24:32 dans le conglomérat européen, en réalité,
24:34 la démocratie est presque flinguée depuis longtemps.
24:37 Et pourquoi ? Parce qu'elle a été corrompue,
24:40 vérolée, empoisonnée par ceux-là même
24:43 qui s'en réclament et qui, au fond,
24:45 tout en s'en réclamant, ne font que d'un côté
24:47 casser le référendum, pour de l'autre,
24:49 confier le pouvoir, soit à l'oligarchie bruxelloise,
24:52 soit à la réglementation européenne
24:54 et à ses juges qui sont le bras armé
24:56 de cet ensemble.
24:57 – Le Premier ministre, Elisabeth Borne,
24:59 a utilisé l'article 49.3 pour la 19ème fois
25:03 depuis son arrivée à Matignon.
25:06 C'était pour le vote du budget,
25:08 de la sécurité sociale.
25:09 Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui vous disent
25:11 "Le 49.3 fait partie de la Constitution,
25:14 tout est légal, allez-y, il n'y a rien à voir."
25:18 – Vous savez, le 49.3, à mon sens,
25:21 il est devenu l'arme atomique,
25:25 en même temps l'arme fréquente,
25:27 les deux à la fois, pour museler l'opposition
25:29 et pour faire passer des lois à successif,
25:31 des réformes qui font s'agiter un peu tout le monde.
25:35 Mais, le 49.3, le texte certes existe,
25:39 la motion de censure existe,
25:40 comme la question de confiance existe,
25:42 ces mécanismes-là existent.
25:43 Donc, je ne pourrais pas dire,
25:45 ce serait totalement invraisemblable,
25:47 de prétendre que ce n'est pas constitutionnel.
25:49 Mais, là, n'est pas le problème.
25:50 Le problème de fond,
25:51 c'est que ces mécanismes ont une légitimité
25:53 si tout le reste existe avec.
25:54 Donc, on a d'un côté le 49.3,
25:56 pour permettre de faire passer en force
25:58 les réformes de l'exécutif.
25:59 Mais tout ce qui vient, si vous voulez,
26:01 en balance, en équilibre,
26:03 les fameux "checks and balances",
26:05 comme disent les Anglais,
26:06 c'est-à-dire les poids et contrepoids,
26:07 tous les contrepoids à ça ont disparu
26:09 puisqu'on ne les utilise pas,
26:10 en premier lieu, le référendum.
26:12 Ce qui veut dire que, moi, en théorie,
26:14 je veux dire, j'urise ce que je suis,
26:16 je ne peux pas être hostile à l'usage du 49.3.
26:18 Mais j'y suis forcément hostile
26:20 parce que tout le reste de la Constitution
26:22 n'est plus utilisé,
26:23 notamment l'article 3,
26:25 c'est-à-dire l'un des premiers
26:27 qui stipule que la souveraineté nationale
26:29 appartient au peuple,
26:30 qu'il exerce par la voie du référendum,
26:32 notamment.
26:33 Ça veut dire qu'on dévitalise un morceau,
26:35 on fait, on fait, on ensevelit la Constitution,
26:39 on la met dans les décombres,
26:41 on dit que le référendum n'existe plus,
26:43 on ne l'utilise plus.
26:44 Et à côté de ça,
26:45 on utilise tous les autres dispositifs
26:47 pour permettre de passer en force.
26:49 Ça veut dire qu'on a, si vous voulez,
26:51 on a corrompu l'outil,
26:53 on l'a déséquilibré
26:55 et on a retenu que ce qui a rangé le gouvernement
26:58 parce que tout le reste a littéralement
27:00 été passé sous silence.
27:01 – On applique la lettre mais plus l'esprit.
27:03 – On applique une partie de la lettre
27:05 et plus du tout l'esprit.
27:06 On a violé la lettre,
27:08 on l'a complètement corrompue
27:10 et l'esprit en tant que tel s'est évanoui depuis 40 ans.
27:12 – La déclaration des droits de l'homme de 1789
27:16 fait partie intégrante de la Constitution.
27:19 Elle proclame que la résistance à l'oppression
27:21 comme droit naturel et imprescriptible de l'homme,
27:25 c'est un droit imprescriptible,
27:27 que nous permet cette résistance à l'oppression ?
27:30 – C'est une bonne question, excellente question.
27:33 Ce n'est pas une pirouette,
27:36 c'est pour répondre clairement sur ce sujet.
27:38 On a vu apparaître pendant le Covid
27:40 une échelle des libertés.
27:41 C'est comme ça que j'appelais ça à l'époque.
27:42 C'est-à-dire qu'il y a des bonnes et des mauvaises libertés.
27:44 Il y a des bonnes et des mauvaises libertés fondamentales.
27:47 Vous savez, les libertés fondamentales,
27:49 c'est le socle de ce qu'on appelle l'état de droit
27:51 qu'on agite tous les jours.
27:53 On a découvert pendant le Covid
27:55 que d'un côté on avait l'obligation,
28:00 la sainte obligation d'avoir un passeport sanitaire,
28:04 d'avoir un QR code,
28:05 on avait la sainte obligation de faire le nécessaire
28:08 pour avoir le droit de sortir de chez soi,
28:09 l'attestation, etc.
28:11 Ce qui veut dire qu'on avait des libertés,
28:13 j'ai appelé ça des libertés grégaires,
28:14 vous savez, les premières libertés.
28:16 Liberté de circulation,
28:17 liberté d'aller et venir,
28:18 les vraies libertés en quelque sorte.
28:20 Celles-ci, d'un coup, elles ont disparu.
28:22 Et au même moment, on est sortis du Covid,
28:24 parce qu'on en parle depuis maintenant trois ans,
28:26 ça existait déjà, mais tout de même,
28:27 on a eu des libertés comme celle de changer
28:30 et de rechanger de sexe,
28:31 qui ont été constitutionnalisées,
28:34 qui ont été, comment dire,
28:35 implémentées, installées dans l'état de droit
28:38 et qui sont des libertés fondamentales.
28:39 Donc il y a eu une échelle des libertés,
28:40 les bonnes et les mauvaises libertés.
28:42 Les libertés post-modernes, elles sont merveilleuses,
28:44 les libertés grégaires qui nous ramènent,
28:46 selon les plus contemporains à l'âge de pierre,
28:49 celles-ci, on n'en veut plus.
28:51 Pour répondre clairement à votre question,
28:52 la résistance, il n'y a pas que ce droit à la résistance
28:57 ou à l'oppression,
28:58 il y a, si vous voulez, figure dans ce qu'on appelle
29:01 le bloc de constitutionnalité, dans l'état de droit,
29:04 une foultitude de libertés qui nous permettraient de résister.
29:07 C'est-à-dire que l'état de droit, c'est un immense ensemble
29:10 dans lequel figure une batterie de règles
29:14 qui sont presque, sous l'effet des jurisprudences,
29:16 qui sont devenues presque inarrêtables.
29:18 On en ajoute l'une après l'autre.
29:21 Mais seulement celles qui corroborent l'air du temps,
29:23 celles dont on ne veut pas entendre parler,
29:25 on s'assoit dessus avec une certaine tranquillité.
29:28 Donc, il y aurait beaucoup à faire
29:31 pour sortir ces libertés grégaires des décombres.
29:33 Je fais une parenthèse juste sur les États-Unis.
29:35 Vous savez, le droit de porter une arme aux États-Unis,
29:37 c'est le deuxième amendement de la constitution américaine.
29:39 On a en France un mal fou à le comprendre.
29:41 Souvent on dit "oui, mais c'est un passé yankee,
29:43 c'est leur côté un peu, vous savez, l'homme de western
29:46 qui a l'habitude d'avoir son arme et de sortir chez lui avec son six-coups".
29:49 Oui, peut-être. Mais c'est-à-dire que les Américains
29:51 ont conservé au fond d'eux une espèce de droit
29:54 à la résistance à l'oppression qui fait que,
29:57 quelque part, ils se méfient de la toute puissance du gouvernement
30:00 et ils disent "quelque part, il me faut une arme
30:02 si jamais quelqu'un empiète son mêle-plat-de-bande".
30:04 Il serait peut-être temps en France,
30:06 non pas que chacun porte une arme,
30:08 je ne vais quand même pas faire de l'apologie de l'autodéfense,
30:10 d'autant plus dans cette période où l'affaire de Crépole
30:13 nous apprend chaque jour un peu plus
30:16 la signification de tout ça et la violence montante dans les quartiers,
30:19 mais tout de même, il y a à mon avis quelque chose à sortir de là
30:22 parce que l'instrument censé nous libérer,
30:25 qui s'appelle le gouvernement,
30:26 théoriquement ça nous appartient,
30:28 le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple,
30:30 la République, censée être l'affaire de tous,
30:32 au service de tous, nous a servi un peu plus tous les jours.
30:35 Donc ce souvenir que nous avons des libertés pour résister,
30:38 ça me semble un programme, on va dire à terme,
30:40 pas idiot en tout cas, à garder quelque part à l'esprit.
30:44 – Le référendum impossible,
30:46 nous verrons si dans quelques années un président
30:49 ose se servir de cet outil,
30:52 comment faire taire le peuple,
30:54 à retrouver sur la boutique de TVL.
30:55 Merci Guylain Benessa.
30:56 – Merci à vous.
30:57 [Générique]

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