Sonia Mabrouk reçoit le politologue et directeur du département opinion de l'IFOP, Jérôme Fourquet, dans #LeGrandRDV, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos
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00:00 Bonjour à vous et bienvenue à tous au Grand Rendez-vous Europe 1C News, Les Echos.
00:04 Bonjour Jérôme Fourquet.
00:06 Bonjour.
00:06 C'est votre Grand Rendez-vous ce dimanche.
00:08 Vous êtes politologue, directeur de département Opinion de l'IFOP
00:12 et vous êtes également, Jérôme Fourquet, l'auteur du livre "Remarquez, la France d'après".
00:16 Alors avec vous, on va analyser l'après-loi, immigration et le chamboule-tout politique à l'œuvre,
00:22 ce que révèlent aussi les fractures politiques sur ce sujet
00:25 alors qu'une grande majorité de Français sont cohérents
00:28 en demandant plus de fermeté au programme aussi le macronisme.
00:31 Est-ce la fin dure en même temps à l'épreuve du retour du clivage semble-t-il droite-gauche ?
00:37 Il sera aussi question de la lutte contre l'insécurité sur laquelle les oppositions politiques sont très fortes.
00:42 Alors pour vous interroger sur ce sujet, Jérôme Fourquet, je suis entouré de mes camarades,
00:46 Nicolas Barret, Les Echos, bonjour à vous Nicolas.
00:49 Bonjour Sonia.
00:49 Et Mathieu Bockcôté, bonjour à vous Mathieu.
00:52 Bonjour.
00:52 Jérôme Fourquet, tout d'abord, comment vous expliquez la situation actuelle ?
00:56 Nous avons des Français qui n'ont jamais été aussi cohérents sur le sujet de l'immigration,
01:00 une grande majorité d'entre eux sont en demande de fermeté,
01:03 tandis que la classe politique, ou plutôt une partie de la classe politique s'entre-déchire sur ce sujet.
01:08 Comment vous l'expliquez ?
01:10 Alors on voit bien que cette question de l'immigration est une ligne de clivage au sein de la société,
01:15 même s'il y a une majorité de Français à plus de 60% qui souhaitent qu'on prenne des mesures de fermeté,
01:22 il y en a quand même à peu près un gros tiers ou 40% qui ne sont pas sur cette ligne,
01:26 et on voit aussi que cette question de l'immigration fracture le paysage politique,
01:31 comme ça a été le cas à l'Assemblée Nationale.
01:35 Là où on retrouve des choses assez cohérentes, quand on regarde les votes des députés sur le texte de loi,
01:41 c'est que à une ou deux exceptions près, l'intégralité des députés de gauche ont voté contre la loi,
01:48 et l'intégralité des députés LR et Rassemblement National ont voté en faveur de cette loi.
01:54 Donc on voit bien que cette question de l'immigration recrée du clivage gauche-droite.
02:00 Là où les choses se compliquent, c'est dans le Bloc Central, puisque nous avons eu 27 votes contre,
02:06 et 32 abstentions sur un total d'à peu près 240 membres de ce Bloc Central.
02:14 Donc ça dit deux choses, et on voit bien toute la difficulté pour Emmanuel Macron.
02:17 C'est d'une part qu'il y a un événement fondateur durant toute cette période,
02:24 c'est le soir du deuxième tour des législatives, où Emmanuel Macron n'a pas eu la majorité à l'Assemblée,
02:29 et tout procède de ça depuis.
02:31 Et la deuxième chose, c'est que la question de l'immigration était un relatif impensé du macronisme,
02:38 et si on ne l'a pas pensé chez les macronistes, c'est parce qu'on n'était pas d'accord.
02:43 Et donc aujourd'hui, quand il a fallu voter ces derniers jours,
02:47 on a vu les lignes de faille réapparaître au grand jour, et c'est ça qui fait.
02:53 Donc ce n'est pas tant le paysage politique qui est déchiré,
02:56 parce qu'on est sur une opposition assez classique,
02:58 que le Bloc Central qui pratique en même temps.
03:01 Donc on a, j'allais dire, un peu ravalé la façade pour se donner une bonne consistance,
03:08 mais dès qu'on est rentré un peu dans le dur du sujet, on a vu que les tensions se sont avivées.
03:13 – Mais est-ce qu'on pourrait dire que la question de l'immigration aujourd'hui
03:15 est la question clivante ou passionnelle par excellence ?
03:18 J'entends qu'il y a des questions où les oppositions sont pragmatiques,
03:21 politiciennes presque, et là on est sur une question
03:24 où des visions de la France peut-être irréconciliables s'affrontent.
03:27 – Alors c'est un des sujets, effectivement, parce que ça touche à des choses très profondes,
03:31 la conception que vous faites de la "cintuayenté", de la nationalité.
03:36 On voit les prises de position très véhémentes d'un camp comme de l'autre,
03:41 et effectivement c'est un sujet hautement inflammable,
03:44 et on voit qu'on est monté très vite en température,
03:47 alors que quand on regarde le texte dans le détail,
03:51 on voit qu'il y a souvent un monde, en tout cas une marge substantielle,
03:56 entre ce que peut entendre, ou ce qu'on pourrait en déduire face aux déclarations de tribunes,
04:01 et puis ce qu'il y a réellement dedans,
04:02 parce que effectivement tout le monde aussi fait de la politique,
04:05 et tout le monde s'investit très fortement sur ces sujets,
04:09 ce sujet qui passionne et qui déchaîne les passions.
04:12 – Et est-ce que dans ce contexte, la philosophie libérale
04:15 qui est incarnée disons par le patronat, qui dit "on a besoin de manœuvre", c'est audible ?
04:21 – Alors, c'est là où il y a un certain paradoxe dans l'opinion publique française,
04:27 c'est-à-dire que dans une même enquête,
04:29 vous pouvez avoir 65% de Français qui vous disent
04:31 qu'il y a trop d'étrangers ou d'immigrants en France,
04:32 et ça, ça n'a pas bougé depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années,
04:35 ce qui n'a pas bougé non plus, c'est que vous avez à peu près la même proportion
04:38 qui nous disent qu'il faut régulariser les travailleurs clandestins ou sans-papiers
04:44 qui occupent des postes, parce qu'on considère qu'ils jouent un rôle
04:49 dans la vie sociale du pays, l'activité économique,
04:52 et que quelque part, ils occupent des postes aussi,
04:56 c'est le sous-entendu que beaucoup de nos concitoyens ne souhaitent pas
04:59 ou ne souhaitent plus occuper.
05:02 Et donc, si on a la vision libérale qui consiste à dire
05:07 "la France a besoin de main-d'œuvre étrangère, il faut accueillir",
05:12 si vous présentez les choses comme ça, ça risque de crisper.
05:15 Si en revanche, vous partez du constat qu'un certain nombre de postes
05:19 ne sont pas tenus aujourd'hui et ne peuvent être tenus
05:22 que par des gens issus de l'immigration,
05:24 alors là, vous avez une chance d'être un peu davantage entendus.
05:28 Si vous regardez, on les connaît, le secteur de la restauration,
05:31 le secteur du bâtiment, le secteur du gardiennage,
05:34 le secteur du nettoyage, les stadiers dans les stades de foot,
05:37 il y a juste une expérience sociologique assez basique à faire,
05:42 c'est que vous prenez le RER ou le métro,
05:46 on parle pour les franciliens, très tôt le matin, à 5h du matin,
05:49 et vous verrez qui est la France qui se lève vraiment tôt,
05:52 à 5h du matin, c'est cette France-là.
05:55 Et quel, sur le plan politique, selon vous, Jérôme Fercuey,
05:58 qui va être le bénéficiaire ? On a beaucoup dit,
06:01 tout au long de cette séquence sur l'immigration,
06:03 ça fait quasiment plus d'un an et quelques
06:06 qu'on évoque ce sujet, que le politique s'en empare,
06:09 que les vainqueurs étaient les Républicains,
06:12 de Bruno Rotailleau et d'Éric Ciotti,
06:13 mais est-ce que les bénéficiaires ne sont pas le RN ?
06:16 Et est-ce que vous approuvez le fait qu'il y a une forme de victoire
06:19 idéologique du RN ?
06:21 Alors, il est peut-être un peu tôt pour se prononcer
06:24 sur les véritables vainqueurs,
06:26 puisque le Conseil constitutionnel doit encore rendre son avis,
06:30 et s'il arrivait que le Conseil constitutionnel détricote
06:35 toute une série des mesures qui ont été négociées
06:38 et obtenues par les Républicains,
06:40 on se dirait que tout ça, en fait, aurait à coucher un peu d'une souris,
06:43 et qu'il y aurait une forme de désaveu vis-à-vis des Républicains.
06:46 Donc ça dépendra en partie de ce que statuera
06:49 le Conseil constitutionnel.
06:51 Une fois qu'on a dit ça, Marine Le Pen a joué très habilement,
06:54 et donc elle sait faire de la politique en disant
06:57 "On donne un imprimatur à ce texte de loi qui n'est que le commencement
07:02 de ce qu'il faudrait réellement faire",
07:04 mais comme un professeur qui encourage un élève méritant en disant
07:09 "En progrès, peu mieux faire".
07:11 L'élève, c'était Emmanuel Macron.
07:13 C'était Emmanuel Macron en disant "Vous rendez sur nos positions,
07:17 vous commencez à prendre conscience de la réalité des choses,
07:20 et donc, dans notre grande mensuétude, on va vous donner ce point".
07:24 Donc de ce point de vue-là, c'est bien joué,
07:26 et on voit qu'elle en fait beaucoup sur la question de la préférence nationale
07:29 en disant "Dans une lecture gramschiste des choses,
07:33 on a gagné la bataille culturelle et la bataille idéologique,
07:35 on reprend nos termes, et même si c'est que le début du commencement
07:38 en termes de mesure, la logique est celle-ci".
07:41 Donc sur la fin de partie, elle a plutôt bien joué.
07:45 Maintenant, encore une fois, attention,
07:46 nous sommes des commentateurs, des analystes,
07:49 et donc c'est un peu notre rôle de travailler sur ces textes,
07:52 sur tout ce qui se passe à l'Assemblée nationale,
07:55 mais ce sur quoi les Français jugeront, c'est sur le réel,
07:58 et sur la réalité du terrain, et sur est-ce que ou non,
08:03 à un moment ou un autre, ils auront le sentiment que
08:05 la question des flux migratoires, des reconductions en frontière,
08:10 de l'intégration ou de l'assimilation,
08:12 est-ce que les choses avancent dans la bonne direction,
08:14 ou est-ce qu'on est toujours dans la configuration actuelle,
08:17 qui est une configuration qui montre que la puissance publique subit
08:22 plus qu'elle n'encadre et ne régule ?
08:24 – Justement, vous avez évoqué la question de la préférence nationale,
08:27 est-ce qu'il s'agit véritablement pour le commun des mortels ?
08:29 Donc non pas pour les analystes, les commentateurs,
08:31 les spécialistes de la chose publique, mais pour le commun des mortels.
08:34 Est-ce que la préférence nationale, qui est présentée comme les uns,
08:36 comme un principe nécessaire, et par les autres comme un scandale,
08:39 est-ce qu'elle fait véritablement scandale chez les lecteurs moyens ?
08:43 – Alors, on n'a pas posé de questions récemment dessus,
08:47 mais les enquêtes historiques montrent, elles encore,
08:49 que c'était très clivé, avec un électorat de gauche
08:52 qui était assez opposé à ce principe, mais pas mal d'autres électorats
08:58 qui adhéraient à cette question, avec…
09:00 Là aussi on peut s'interroger sur le débat qui existe,
09:04 c'est-à-dire, prenons le cas de la fonction publique en France,
09:09 pour occuper un poste dans la fonction publique,
09:11 il faut avoir la nationalité française,
09:13 et ce n'est absolument pas remis en question dans le débat public,
09:16 et personne ne vous dit que c'est une illustration honteuse
09:19 de la préférence nationale.
09:21 Ensuite il y a la question des allocations, des aides,
09:25 plus ou moins contributives, en disant,
09:26 est-ce qu'un étranger qui travaille et donc cotise,
09:30 a le droit de bénéficier de ce type d'allocation ?
09:33 Je pense que là-dessus il y a une majorité de Français qui seraient d'accord.
09:35 Maintenant, est-ce qu'un étranger qui vit en France et qui ne travaille pas,
09:38 et donc qui ne cotise pas, a le droit à bénéficier
09:42 d'un certain nombre de prestations sociales ?
09:43 Là je pense que les Français, majoritairement,
09:45 sont plutôt favorables à ce que ce ne soit pas le cas.
09:48 Derrière le texte sur l'immigration, Jérôme Fourquet,
09:50 c'est la question européenne aussi, et surtout qui est en toile de fond,
09:53 avant justement le scrutin européen,
09:55 il y a la question de la primauté du droit français,
09:58 des frontières de notre souveraineté aussi,
10:01 ce sont des questions éminemment politiques,
10:04 là, qui sont en train de s'inscrire dans le marbre,
10:06 et qui vont évidemment être un très grand,
10:08 comment dire, une boussole pour ce scrutin à venir ?
10:11 Oui, alors, une nouvelle fois, tout cela montre
10:15 une forme d'impuissance publique,
10:16 où les limites qui sont posées à notre souveraineté,
10:20 en ce sens que si le Conseil constitutionnel
10:24 venait à retoquer un certain nombre de mesures,
10:26 ce serait en raison de la non-conformité au droit français,
10:28 mais aussi plus certainement à une forme de non-conformité vis-à-vis des traités,
10:34 et donc, petit à petit, on voit émerger dans le débat public,
10:39 l'idée selon laquelle la jurisprudence européenne,
10:43 un certain nombre de traités ou de normes internationales,
10:46 nous empêchent de mener ou limitent nos prérogatives et nos pouvoirs d'action.
10:53 Et donc, jusqu'à présent, une majorité des politiques
10:56 ont raisonné à périmètre constant en disant,
10:58 on se présente à l'élection et on va mener des politiques publiques
11:02 dans le cadre qui est celui dont nous héritons.
11:05 Et un certain nombre de personnalités politiques,
11:07 je pense notamment à Laurent Wauquiez dans une interview
11:09 qui avait été assez remarquée,
11:11 disent, voilà, si aujourd'hui on veut mener la politique qu'on souhaite mener,
11:14 il va falloir assumer qu'on révise ce cadre
11:19 et qu'éventuellement on casse, entre guillemets, un peu de vaisselle,
11:23 ou beaucoup de vaisselle, en disant, voilà,
11:24 nous, on ne peut plus se satisfaire de cela.
11:27 Et ça, c'est un discours qu'on entendait assez peu
11:30 il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années.
11:32 Alors, pour quelles raisons l'entend-on plus ?
11:34 D'une part parce que la jurisprudence européenne prospère
11:38 et d'autre part parce que les problèmes qui sont posés,
11:41 notamment en matière de flux migratoires ou autres,
11:44 sont d'une nature assez différente de celles qu'on connaissait.
11:47 C'est important ce que vous dites, c'est devenu un marqueur.
11:48 C'est-à-dire qu'il y a quelques années aussi,
11:50 d'ailleurs en tant que journaliste et commentateur,
11:53 c'est une question qui n'infusait pas tellement dans le débat public et politique.
11:57 Aujourd'hui, c'est une prise de conscience.
11:59 Pour certains d'entre eux, et il se trouve qu'on va avoir des élections européennes,
12:02 donc ça va être le bon moment aussi pour débattre de ce genre de choses.
12:07 Là-dessus, Emmanuel Macron est très cohérent.
12:11 Sur un certain nombre de sujets, le macronisme a évolué dans ses positions.
12:16 En revanche, sur la question de l'attachement à la construction européenne,
12:19 ça a été un fil rouge de tout le discours et de toute l'action politique d'Emmanuel Macron,
12:24 qui encore une fois là-dessus est resté très constant.
12:27 Vous savez, il a même une expression, un peu dans la novlangue macroniste,
12:32 il s'est dit "nous ferons ça en européen", qui revient souvent en européen.
12:36 On l'a vu pendant le Covid et le tabou ultime en Macronie,
12:40 c'est la question de remettre les frontières, y compris pendant la pandémie,
12:44 avec la fameuse formule "le virus n'a pas de passeport".
12:48 Donc il était hors de question de remettre en marche ou en fonction les frontières intérieures.
12:54 À la cause de l'immigration, il y a aussi la question du rapport à l'Europe,
13:00 ce que j'essaie aussi d'expliquer dans le livre, qui est devenu une ligne de clivage majeure
13:04 et qui a expliqué la reconfiguration politique et qui a contribué à faire exploser la gauche et la droite.
13:09 Parce que dans les rangs de la gauche et de la droite,
13:12 le degré d'adhésion au modèle européen n'était pas forcément le même
13:17 et nous nous sommes confrontés régulièrement à cette question-là,
13:21 d'où la recomposition dans laquelle nous sommes plongés aujourd'hui.
13:24 On va marquer une pause et continuer à en parler.
13:26 Jérôme Fourquet avec vous, c'est passionnant,
13:28 avec Mathieu Bocoté et Nicolas Barret,
13:30 donc la question européenne révélateur politique.
13:33 Et puis on va essayer d'interroger, en même temps, est-il tenable ?
13:36 Et notamment sur les questions régaliennes,
13:39 on va parler également de sécurité ou d'insécurité.
13:41 Une courte pause et on se retrouve.
13:43 La suite du grand rendez-vous avec notre invité,
13:48 le politologue Jérôme Fourquet, auteur notamment du livre "La France d'après".
13:53 On va parler de cette photographie de la France d'après,
13:55 mais tout d'abord une question de Nicolas Barret.
13:58 On évoquait, il est fort possible que le Conseil constitutionnel censure
14:01 une partie de la loi immigration.
14:03 Est-ce que dans votre analyse de l'opinion publique française,
14:06 vous sentez qu'il y a un risque sur la légitimité, au fond,
14:09 du Conseil constitutionnel, que les Français se disent
14:12 "Tout ça c'est un gouvernement des juges qui prend le pas sur le Parlement" ?
14:16 Oui, en partie, et l'effet collatéral, c'est aussi de s'interroger
14:21 sur la pertinence de l'action parlementaire,
14:24 en se disant soit les juges outrepassent leur droit,
14:27 soit les parlementaires ne connaissent pas le droit,
14:29 et nous ont entraîné dans un espèce de jeu de théâtre,
14:33 en déposant des articles, en rédigeant des articles,
14:37 dont on savait pertinemment qu'ils seraient retoqués ensuite derrière.
14:42 C'est un peu le sentiment qu'on peut avoir à l'écoute des propos
14:47 de la Première ministre et du Président de la République,
14:50 qui ont dit que sans doute il y aurait des articles
14:53 qui ne passeraient pas la rampe du Conseil constitutionnel.
14:56 Tout comme si, on s'était dit du côté de la majorité présidentielle,
14:59 on peut lâcher et faire plaisir au LR sur tel ou tel petit marqueur,
15:05 parce que de toute façon ça ne coûtera pas très cher,
15:08 et qu'au final les garde-fous du Conseil constitutionnel s'appliqueront,
15:12 et que ces mesures seront retoquées.
15:15 Comme si c'était une deuxième délibération, au fond.
15:17 Oui, une forme de deuxième délibération,
15:19 et donc ça interroge sans doute pour la partie des Français
15:23 qui s'intéressent encore et qui suit un peu dans le détail ces sujets,
15:27 sur l'équilibre de nos pouvoirs et le fonctionnement aussi de nos institutions.
15:33 On a alors la question du Conseil constitutionnel,
15:36 mais on revient sur ce qu'on disait tout à l'heure,
15:39 la Cour européenne de justice, la CEDH,
15:42 et donc ça a été par exemple un dossier assez emblématique,
15:46 ce fameux Ousbek radicalisé qui était envoyé en Ousbekistan,
15:50 et dont les instances européennes et le Conseil d'Etat,
15:55 en application des directives des instances européennes,
15:59 disent "il faut rapatrier cet Ousbek ici en France",
16:02 et crânement le ministre de l'Intérieur dit "non, non, on va payer l'amende,
16:05 mais hors de question qu'il revienne".
16:07 Et donc les Français, quand ils regardent tout ça,
16:10 sont un peu saisis face à ce type de fonctionnement.
16:14 – Ils sont saisis, ils sont étonnés,
16:17 mais dans la mesure où on peut le savoir,
16:19 s'ils doivent trancher entre une légitimité,
16:21 le Parlement ou les juges,
16:23 ou une autre légitimité, la nation ou l'Europe,
16:25 comment se classe-t-il généralement ?
16:27 – Alors, ils plaident pour leur paroi si je puis dire,
16:30 et donc vous voyez que dans toutes les enquêtes qui sont faites sur ce sujet,
16:34 on a une très forte appétence pour le référendum,
16:36 donc là c'est encore plus radical,
16:38 c'est même pas forcément le Parlement,
16:39 c'est donc en dernière instance,
16:41 et donc de ce point de vue-là,
16:43 c'est une lecture littérale du fonctionnement démocratique,
16:46 c'est le peuple souverain,
16:48 c'est comme ça qu'on dit ou qu'on disait,
16:50 c'est le peuple souverain qui doit trancher,
16:52 et c'est ce que pense une majorité de nos concitoyens.
16:56 Alors ensuite, il y a un peu de mauvaise foi de part et d'autre,
17:00 puisque parfois on peut se retrancher derrière ces instances diverses et variées
17:05 quand elles défendent un point de vue qui vous est cher,
17:08 en disant "mais non, là c'est peut-être un peu hasardeux de laisser la délibération au peuple
17:13 parce que ça pourrait nous emmener dans des affres populistes".
17:17 Donc ça peut parfois un petit peu varier,
17:21 donc il y a une part de calcul et d'habileté politique,
17:25 mais globalement, l'opinion publique reste sur une conception assez transnationnelle
17:30 du principe démocratique en disant "en dernière instance, en démocratie,
17:33 c'est le peuple qui doit trancher,
17:35 et même si on ne remet pas en cause le mécanisme de la démocratie représentative,
17:40 on aspire à ce que le peuple soit consulté en direct plus régulièrement,
17:45 notamment sur ces grands sujets qu'il s'agit de trancher.
17:48 Mais Emmanuel Macron ne prend pas en tous les cas ce chemin.
17:51 Jérôme Fourquet, justement, pour le président de la République, pour le macronisme,
17:55 est-ce qu'on arrive à la fin d'un cycle, à l'aboutissement de quelque chose ?
17:58 Ou est-ce qu'en réalité, il faut le voir et l'analyser froidement,
18:01 et de se dire qu'Emmanuel Macron est en train de payer une réalité implacable sous la 5e,
18:07 quand il n'y a pas de majorité absolue, il n'y a pas tellement d'issues ?
18:10 Moi, c'est l'analyse que je privilégie,
18:15 c'est-à-dire, encore une fois, c'est le deuxième tour des législatives
18:17 qui a donné le "là" pour tout le quinquennat.
18:20 Emmanuel Macron, confiant dans sa capacité à convaincre les uns et les autres,
18:27 et dans sa maestrie à politique, a considéré qu'il allait pouvoir s'en accommoder,
18:33 et qu'on allait pouvoir trouver un certain nombre de solutions,
18:37 d'où les grands rendez-vous de Saint-Denis,
18:41 d'où les grandes conférences, les adresses directes à la population,
18:46 pour essayer de contourner ce verrou parlementaire,
18:50 sauf qu'on voit que quand on est vraiment dans le dur,
18:53 eh bien les choses ne se passent pas comme prévu,
18:55 avec une circonstance aggravante, je reviens dessus,
18:58 le fait que son bloc central était divisé sur cette question.
19:02 Il n'y a pas eu autant de tensions sur la réforme des retraites, par exemple,
19:07 où son bloc était plus cohérent, même s'il y avait quelques voix dissonantes.
19:12 Et donc là, ce qui se passe, alors on est souvent friand de formule,
19:17 en disant "c'est un tournant du quinquennat", tout ça,
19:19 donc on verra, soyons prudents et modestes,
19:22 mais ce qui est sûr, c'est que les oppositions,
19:24 parce que ça aussi c'est une particularité du monde d'après, de la France d'après,
19:27 c'est qu'aujourd'hui on n'a pas une, mais des oppositions parlementaires,
19:30 ont pris conscience que de manière coalisée,
19:33 même pour des raisons diamétralement opposées,
19:36 on pouvait mettre en difficulté un président qui est assez détesté,
19:41 il faut bien dire, de la part de ses oppositions.
19:43 – C'est intéressant, parce que vous dites "une coalition"
19:49 pour des raisons très différentes, et justement l'argument a été utilisé
19:52 par la majorité, par l'exécutif, pour dire "regardez,
19:54 c'est le mariage du lapin et de la carpe, mais ça n'a pas pris finalement".
19:59 Donc on pourrait, selon vous, Jérôme Fouque,
20:01 voir de nouveau cet assemblage de Börik et de Brock ?
20:04 – Alors oui, parce que je pense que vous prenez goût au sang,
20:07 c'est-à-dire que quand vous avez fait chuter l'adversaire une fois,
20:09 vous dites qu'on peut le refaire une autre fois.
20:11 Alors, comme le disait Mathieu Bocoté,
20:13 c'est pas un hasard non plus si ça se fait sur l'immigration,
20:16 c'est-à-dire que c'est un sujet qui est tellement inflammable
20:20 que là, tout le monde est monté au créneau de manière simultanée.
20:23 Alors, c'est pas forcément la jurisprudence qui va s'appliquer
20:26 sur chaque nouveau texte gouvernemental, sur d'autres sujets,
20:30 je pense qu'on va avoir des oppositions qui sont peut-être un peu moins véhémentes,
20:33 mais dès qu'on va revenir sur des sujets tendus,
20:37 il y aura cette jurisprudence qui a fait qu'on a pu mettre,
20:39 quand on était dans les oppositions, en échec, le président de la République.
20:43 Et puis, le temps file, Emmanuel Macron a indiqué il y a quelques jours
20:47 dans son émission de télévision qu'il restait trois ans et demi,
20:51 qu'il entendait agir jusqu'au bout,
20:53 mais plus on va s'approcher de la fin du quinquennat,
20:56 plus on va s'approcher des échéances électorales intermédiaires,
21:00 plus chacun va essayer de faire de la politique
21:02 et essayer de mettre en difficulté le camp présidentiel.
21:06 – Alors, au moment de son apparition, le macronisme,
21:09 c'était la jeunesse, le mouvement réformisme conquérant et tout ça.
21:13 Aujourd'hui, que reste-t-il dans l'esprit du commun,
21:16 encore une fois, pardonnez-moi, du macronisme ?
21:18 Vous avez évoqué l'Europe, mais pour le commun et mortel,
21:21 que représente le macronisme idéologiquement aujourd'hui ?
21:23 – Alors, il y a cette question européenne,
21:26 et ce qui a marqué, je pense, au long cours les esprits,
21:30 c'est les réformes économiques,
21:31 notamment, on y reviendra peut-être tout à l'heure,
21:33 la réforme des retraites, qui sur l'année 2023 nous a occupé,
21:37 le temps passe vite encore une fois, on oublie souvent,
21:39 mais pendant plusieurs mois, de très grandes manifestations,
21:43 des journées de grève, une mobilisation assez historique,
21:46 et donc ce moment-là, associé aussi à la réforme,
21:51 à la suppression de l'ISF, aux APL, à la politique,
21:55 ce qu'on appelle la politique de l'offre,
21:56 c'est-à-dire pour accroître la compétitivité des entreprises,
21:59 baisser les impôts de production.
22:01 Une partie des milieux d'affaires, des milieux économiques,
22:03 se disent "tout n'a pas été bien fait, mais ça a été plutôt dans le bon sens",
22:07 et puis une autre partie de la population considère
22:09 que c'était une politique, comme on dit, néolibérale, trop dure,
22:15 on mentionne également la modification du régime d'assurance chômage, etc.
22:22 Donc c'est plutôt, je pense, les éléments à tonalité économique
22:27 qui vont teinter ou colorer le regard qu'on porte,
22:31 en positif ou en négatif, sur ce quinquennat et demi
22:35 qui s'est déjà écoulé sous Emmanuel Macron,
22:39 même si le débat sur la loi immigration laissera des traces.
22:44 Encore une fois, nous ne sommes pas à l'abri
22:47 d'un retoquage assez sévère d'un certain nombre de mesures,
22:50 et là on repartirait un petit peu dans le vaut de vie de politique.
22:53 Jérôme Fouquet, dans quelques instants, on va marquer une pause,
22:55 on va parler d'insécurité, des mots aussi,
22:58 qui ont marqué, finalement, cette année, et puis de la France d'après.
23:02 Simplement une question, et maintenant, quel souffle,
23:04 quel sursaut pour Emmanuel Macron ?
23:07 Il a dit qu'en début d'année, il a annoncé une initiative,
23:10 apparemment qui se rapproche peut-être du domaine de l'école,
23:13 mais est-ce qu'il y a encore un lapin dans le chapeau du président de la République ?
23:17 Alors, il faut faire confiance à sa capacité d'imagination,
23:21 il a quand même le pouvoir d'initiative sous la Ve République, ce n'est pas rien.
23:27 Et puis, pour rebondir sur ce qu'on disait avec Mathieu Bocoté,
23:30 il y a aussi sans doute une volonté du président de la République,
23:33 à côté de ces réformes économiques et de cette poursuite de construction européenne,
23:37 c'est de marquer ces quinquennats du saut du progressisme sociétal.
23:42 Et on a un grand rendez-vous avec la loi sur la fin de vie,
23:45 qui ne sera pas un petit sujet,
23:47 et c'est sans doute en partie là-dessus
23:50 qu'Emmanuel Macron compte s'investir dans les prochains mois,
23:54 en attendant le grand rendez-vous qu'on attend en Macronie,
23:57 c'est-à-dire les JO, sur lequel on compte beaucoup du côté de l'exécutif pour tourner les pages.
24:03 Vous amenez le sujet à venir, puisque qui dit JO dit aussi sécurité,
24:07 et en sécurité, délinquance.
24:09 On marque une courte pause, on va évoquer ces sujets,
24:11 et toujours avec cette France d'après que vous esquissez dans votre livre.
24:15 A tout de suite.
24:17 Le grand rendez-vous européen CNews, les échos avec notre invité,
24:21 Jérôme Fourquet, politologue, auteur de la France d'après.
24:24 Nous avons évoqué les suites de la loi immigration,
24:27 les conséquences sur le macronisme.
24:29 Jérôme Fourquet, nous approchons de la fin de l'année,
24:32 une année qui a été marquée aussi par des épisodes tragiques,
24:34 comme celui de Crépole avec la mort de Thomas,
24:37 mais aussi l'attentat à Paris.
24:39 Et lors de ces deux faits, il y a eu des fractures politiques très fortes,
24:43 notamment sur Crépole, où la majorité n'a pas voulu voir tout de suite,
24:47 ou n'a pas voulu voir qu'il s'agissait de son point de vue d'un fait de société,
24:50 avant de le reconnaître.
24:52 Du bout des lèvres, Olivier Véran avait parlé d'un risque de basculement de la société.
24:55 Comment vous analysez tout cela ?
24:57 Vous pouvez ajouter aussi, dans la rétrospective de l'année,
25:01 les émeutes de juin-juillet,
25:04 plus de 500 quartiers qui se sont embrasés en France.
25:08 Alors, sur l'affaire de Crépole,
25:10 on débat souvent sur est-ce que c'est un fait de société ou un fait divers.
25:14 Et moi je considère qu'un fait de société,
25:18 c'est une somme de faits divers.
25:20 C'est que quand il y a plusieurs faits divers qui se répètent,
25:22 ça devient un fait de société.
25:24 Et donc là, des attaques ou des agressions au couteau,
25:28 on voit qu'elles se multiplient.
25:31 Elles ont existé dans notre histoire.
25:33 On parlait au début du XXème siècle des apaches à Paris,
25:37 sur les fortifications, les suriners, etc.
25:39 Mais on a un regain de ce type d'attaques,
25:43 mettant aux prises des individus qui sont très jeunes,
25:47 parfois pour des motifs très fuctiles, c'est Rix.
25:51 Donc ça c'est un exemple assez marquant pour l'opinion publique.
25:55 Mais on a d'autres types de violences aussi qui se banalisent
25:59 et qui se diffusent dans la société.
26:01 Si on reprend et qu'on regarde un peu cliniquement les choses à Crépole,
26:05 on voit par exemple que la première victime a été un vigile.
26:09 Et donc pour ceux qui ne savaient pas,
26:11 on apprend que désormais les célèbres balles de village ou les fêtes populaires,
26:15 pour qu'elles se déroulent dans des conditions relativement normales,
26:19 doivent être encadrées par des services de vigile ou de sécurité.
26:23 Donc ça dit bien cette montée des tensions dans la société française,
26:29 qui se sont encore une fois illustrées tout au long de l'année.
26:35 – Dans vos études sur l'analyse de l'opinion publique,
26:39 est-ce que vous sentez que la société française est une société qui a peur,
26:43 qui est angoissée ?
26:44 Comment est-ce que vous voyez cette éventuelle progression
26:47 de ce sentiment d'angoisse sur la durée ?
26:50 – D'ailleurs, est-ce un sentiment ? Parce que je me permets d'amener un éclairage.
26:55 Quand la première ministre a parlé d'un sentiment de la violence qui augmente,
26:59 le président de la République et Gérald Darmanin ont parlé de décivilisation,
27:03 et encore il y a quelques jours Emmanuel Macron assume le terme de décivilisation.
27:07 – Alors oui, j'ai tout un chapitre sur ce phénomène de décivilisation dans le livre.
27:13 On va trancher le débat sur sentiment ou pas sentiment.
27:17 Le fait même qu'il y ait un sentiment d'insécurité, c'est un fait social.
27:21 C'est-à-dire que quand une majorité de la population est inquiète, a peur,
27:25 se dit que pour un mauvais regard on peut prendre un coup de couteau,
27:29 que le chauffeur de bus ne va pas oser faire une réflexion à quelqu'un
27:32 qui se comporte mal dans son bus,
27:34 que des enseignants exercent leurs droits de retrait,
27:38 que 70% des élus en quête, le sondage qui a été publié au moment du congrès
27:44 de l'association des maires de France, ont été victimes d'incivilité.
27:48 On voit bien ces phénomènes-là.
27:50 J'évoque aussi des statistiques dans le livre,
27:52 parce que parfois on casse un peu le thermomètre,
27:54 mais si vous regardez le nombre de pompiers qui sont agressés en mission,
27:59 le nombre de policiers qui sont blessés en mission sur 15 ou 20 ans,
28:02 les chiffres augmentent.
28:03 On peut prendre un baromètre qui vaut ce qu'il vaut,
28:06 c'est le nombre de détenus en France.
28:08 On peut dire que c'est parce que la justice fonctionne mieux, elle est plus sévère.
28:10 On peut aussi dire que c'est parce qu'il y a plus de clients à mettre sous les verrous.
28:14 On était à 50 000 détenus emprisonnés en 2002,
28:18 au moment où Jean-Marie Le Pen accède au second tour de la présidentielle.
28:21 On a plus de 70 000 aujourd'hui,
28:24 sachant qu'à l'époque, nous n'avions pas inventé le bracelet électronique
28:29 qui est porté par 14 000 personnes en France.
28:32 Donc rien qu'à cette aune-là, on voit bien la montée des choses.
28:35 On a parlé rapidement des émeutes.
28:37 Le bilan des émeutes en nombre d'interpellations,
28:41 en nombre de policiers blessés,
28:43 en bilan des dégradations,
28:45 est beaucoup plus élevé que celle de 2005,
28:48 qui s'était produite sur trois semaines.
28:50 Alors que cette année, les émeutes n'ont duré que six jours.
28:54 Donc on voit bien qu'il y a une montée objective de ce type de problème.
28:58 La question débattue du lien entre insécurité et immigration
29:02 a été présente tout au long de l'année.
29:04 Lorsque le ministre de l'Intérieur, par exemple,
29:07 dira au moment des émeutes du Stade de France,
29:10 pardonnez-moi si c'était dans le passé,
29:12 c'est les supporters britanniques.
29:14 Et lorsqu'ils disent cette année Kevin et Matteo,
29:16 pour évoquer le prénom des émeutiers,
29:19 ou encore plus tard la querelle des prénoms après Crépole,
29:22 qu'est-ce que le commande immortel comprend
29:24 lorsque de tels termes sont utilisés pour nommer la réalité ?
29:27 Alors, le commande immortel, comme vous le dites,
29:30 il observe tout cela.
29:32 Et donc chacun se fait son opinion sur les choses.
29:36 Sur la question du Stade de France,
29:39 une majorité de Français a vite regardé les images.
29:43 Et d'après ce qu'elle connaît ou sait de cet endroit,
29:47 elle a vite conclu que les supporters anglais avaient bon dos,
29:52 et que ce n'était pas ça qui avait été majoritairement
29:55 à l'origine des difficultés.
29:57 Sur la querelle des prénoms utilisés par le ministre de l'Intérieur
30:02 au moment des émeutes,
30:04 on a, pour les gens qui suivent un peu ces sujets,
30:08 quand on a vu les analyses de comparution immédiate,
30:12 on voit que le profil est assez varié de ces émeutiers.
30:16 Alors la première caractéristique, c'est que ce sont quasiment tous des garçons.
30:20 Donc c'est un fait important.
30:22 Deuxièmement, qu'ils sont très jeunes,
30:24 18 ans à peine.
30:27 Et troisième caractéristique,
30:29 avec une surreprésentation de personnes issues de l'immigration.
30:33 Mais quand on dit surreprésentation,
30:35 ça veut dire pas forcément tous étaient issues de ce type de famille,
30:39 mais une partie significative.
30:42 Ce qui peut s'analyser de la manière suivante,
30:46 ce sont certains types de quartiers qui sont embrasés,
30:49 des quartiers dans lesquels ces populations sont surreprésentées,
30:53 et deuxièmement, il y a eu un effet d'identification
30:57 assez immédiat d'une partie, je dis bien d'une partie de ces jeunesses,
31:02 à la figure du jeune Nahel,
31:05 en termes d'âge, en termes d'identité, c'était un garçon,
31:09 et aussi en termes d'origine, etc.
31:11 Rappelez-vous, sur les réseaux sociaux,
31:14 un certain nombre de sportifs, artistes,
31:19 issus eux aussi de l'immigration,
31:21 tout de suite ont tweeté leur compassion,
31:24 leur solidarité vis-à-vis de Nahel,
31:26 parce qu'il y avait une proximité qui s'est faite.
31:29 Donc il faut regarder ces phénomènes en face.
31:33 - Qui ne les regarde pas en face, pardon Jérôme Fourquet ?
31:37 - Un certain nombre de responsables,
31:40 où vous savez la formule de Saint-Exupéry,
31:45 qui veut dire qu'il faut voir ce qu'on voit,
31:48 et croire ce qu'on voit, et dire ce qu'on voit aussi.
31:50 Et donc c'est trois étapes.
31:52 Et donc certains parfois s'arrêtent à l'une de ces étapes.
31:57 - Mais quand on a entendu certains faire le constat,
32:01 ou affirmer qu'il y a deux Frances face à face,
32:04 et vous avez eu une mère, une élue très courageuse,
32:07 c'est la mère de Romain sur Isère, Marie-Hélène Doraval,
32:11 qui est venue et qui a dit "mais moi il y a effectivement
32:14 une partie d'habitants dans mon quartier qui fait la loi,
32:17 c'est une minorité a-t-elle dit,
32:19 et pour ces propos-là, elle a été menacée,
32:22 menacée de mort, de décapitation dans notre pays, en France.
32:27 Qu'est-ce qu'on peut ressentir et que ressentent selon vous
32:29 les Français par rapport à ces élus de terrain,
32:31 par rapport parfois à des dirigeants, quel que soit le parti,
32:35 mais là ceux qui sont au pouvoir, qui affirment
32:37 "non il n'y a pas deux Frances qui se font face".
32:40 - Alors peut-être d'abord sur les deux Frances,
32:42 on voit bien ce qui s'est passé dans cet affrontement,
32:46 et donc il y avait une bande qui venait d'un quartier,
32:48 le quartier de la Monnaie, versus une autre bande
32:51 où des jeunes qui venaient des villages environnants,
32:54 donc là on voit bien l'opposition en termes de trajectoire.
32:58 Maintenant, plusieurs choses, comme vous l'avez dit,
33:01 la maire de Romand a insisté sur le fait que ce fameux
33:04 quartier de la Monnaie, qui connaît de très nombreuses difficultés,
33:07 et bien il connaît ces difficultés sur le plan sécuritaire
33:11 qui émanent de quelques dizaines de jeunes individus.
33:15 Alors ce n'est pas du tout pour minimiser la gravité des faits,
33:18 mais ce n'est pas toute la population de ces quartiers d'une part,
33:23 et ce n'est même pas toute la jeunesse de ces quartiers.
33:26 Je reviens encore une fois sur ma distinction entre les garçons et les filles.
33:30 Il y a un très bel article du Figaro, avec une reportère du Figaro
33:34 qui est allée à Romand, et qui s'est notamment rendue
33:39 dans la médiathèque de ce quartier, où elle n'a rencontré
33:42 que des jeunes filles, pour la grande majorité d'entre elles
33:45 issues de l'immigration maghrébine, qui étudiaient pendant que
33:49 une partie, je dis bien une partie de leurs frères,
33:52 se livraient à un certain nombre d'activités.
33:55 Et donc le problème qui est posé dans de très nombreux quartiers,
33:58 ce sont ces noyaux délinquants de plusieurs dizaines d'individus
34:01 très jeunes, souvent liés au trafic de drogue,
34:04 qui sont très précocement engagés dans des parcours délinquants,
34:08 c'est-à-dire que quand vous avez des refus d'obtempérer,
34:11 qui se terminent tragiquement un peu partout en France,
34:16 par exemple, eh bien on a souvent le profil judiciaire
34:20 de ces individus qui ont 16, 17, 18, 20 ans,
34:24 et qui sont déjà, comme on dit pudiquement,
34:28 très défavorablement connus des services.
34:30 Et malgré les sanctions dont ils ont été victimes,
34:37 ou qu'ils ont fait l'objet, ils réitèrent dessus.
34:40 Le quartier de la Monnaie, à Romand,
34:43 avait déjà connu par le passé des émeutes,
34:47 mais également deux phénomènes de course-poursuite
34:50 par la police de véhicules volés,
34:53 qui se sont soldés tous les deux à 5 ans ou 6 ans d'écart,
34:56 donc au 2008 et 2014, de mémoire,
34:59 par la mort du jeune conducteur qui, à chaque fois,
35:01 avait 14 ou 15 ans, qui portait le même prénom,
35:05 le même type de prénom que ceux des auteurs présumés
35:08 des agressions de Crépole.
35:11 Et donc on voit comment cette histoire se répète
35:14 avec attention, aussi ce qui ne se voit pas beaucoup
35:20 dans les statistiques, et beaucoup moins encore
35:22 dans les faits divers, toute une partie de ces quartiers
35:24 qui travaillent, qui réussissent l'ascension sociale,
35:27 et qui, dès qu'ils le peuvent, quittent ces quartiers.
35:31 Et là, on va reboucler avec la question de l'immigration,
35:33 c'est-à-dire qu'il ne faut pas voir ces quartiers
35:35 comme des endroits totalement statiques.
35:38 Une partie de la population de ces quartiers
35:40 le quitte régulièrement, soit par exaspération
35:43 face à l'insécurité, les problèmes et autres,
35:46 et soit aussi parce qu'elle a les moyens financiers
35:49 et professionnels de partir, ou pour aller éduquer
35:52 ses enfants dans un autre environnement,
35:54 mais ils sont remplacés par de nouveaux arrivants
35:57 qui sont souvent très modestes, qui sont souvent,
36:00 la plupart du temps, issus de l'immigration
36:02 parce que personne d'autre ne veut habiter
36:05 dans ces quartiers, et donc c'est un espèce
36:08 de recommencement permanent.
36:09 - Pour illustrer ce que vous dites, Jérôme Fourquet,
36:11 il y a eu l'exemple aussi cette année de la jeune Sokhaina,
36:15 cette jeune femme à Marseille qui a été tuée
36:18 chez elle, dans sa chambre, et quand sa mère
36:20 est arrivée, elle a décrit de manière tragique
36:23 une scène de guerre. C'était une jeune fille
36:25 qui étudiait le droit. - Le droit.
36:28 - Donc voilà l'exemple, je peux dire, vraiment,
36:30 de quelqu'un qui voulait s'en sortir par le mérite
36:33 et finalement qui est victime chez soi,
36:37 c'est-à-dire dans le lieu le plus protégé qu'il soit,
36:39 d'une balle perdue, probablement d'un trafiquant.
36:42 - Oui, et donc on a eu à peu près le même drame
36:45 à Dijon, quelques semaines plus tard,
36:47 où un jeune père, enfin un jeune, un père de famille
36:49 d'une cinquantaine d'années, réfugié albanais
36:55 ou albanais, qui était aussi, lui, victime
36:58 d'une balle perdue. Sur le drame de Soukeina,
37:02 sa maman a eu ces propos, "je croyais que nous n'étions
37:05 pas en Colombie". Donc c'est intéressant, ce propos,
37:07 parce que ce que ça met en exergue, c'est aussi
37:11 le poids du trafic de drogue dans ces quartiers,
37:14 encore une fois, le fait d'une minorité d'individus,
37:17 mais qui prennent le contrôle de ces quartiers,
37:19 et la référence à la Colombie n'est pas anodine,
37:22 puisque c'est un pays des cartels, et donc,
37:26 à bas bruit, et parfois de manière beaucoup plus sonore,
37:30 on voit cette influence du trafic de drogue
37:33 s'implanter dans tous ces quartiers,
37:35 et prendre en otage, y compris des familles
37:38 issues de l'immigration, qui n'aspirent qu'à une chose,
37:40 c'est de réussir leur parcours d'intégration
37:42 dans la société française, mais qui est rendue
37:44 beaucoup plus difficile, aujourd'hui qu'hier,
37:46 dans ces quartiers.
37:47 – Ce que vous décrivez renvoie, en fait,
37:49 à l'impuissance publique, parce que ces bandes,
37:51 ces trafics, etc. sont connus, et néanmoins,
37:53 continuent d'opérer.
37:55 – Alors, les pouvoirs publics restent pas les bras ballants,
37:58 d'aucuns disent…
37:59 – Non, mais l'opinion, le sentiment.
38:01 – Oui, alors on peut avoir ce sentiment,
38:03 mais il se passe néanmoins des choses.
38:05 Ensuite, la société française, dans sa globalité,
38:07 doit aussi se regarder en face, c'est-à-dire que
38:10 pour qu'il y ait 4 000 points de deal en France,
38:12 – Il faut qu'il y ait des consommateurs.
38:13 – Il faut qu'il y ait une armada de consommateurs gigantesques
38:15 qui alimentent, et donc, il y a assez peu de communication,
38:18 parfois le ministre de l'Intérieur se disait,
38:20 voilà, si on veut lutter contre les points de deal,
38:22 nous on fait notre travail, il faut arrêter
38:24 de financer le deal comme ça se fait aujourd'hui.
38:27 – Une courte pause Jérôme Fourquet, ce sera notre dernière partie.
38:30 Alors, restez avec nous sur CNews et Europe 1,
38:33 puisque là, on va voir vraiment le visage,
38:35 à quoi pourrait ressembler la France d'après,
38:37 c'est votre géographie électorale, à tout de suite.
38:41 La dernière partie du grand rendez-vous Europe 1, CNews,
38:45 Les Échos avec Jérôme Fourquet, notre invité ce dimanche,
38:48 politologue, directeur du département Opinion de l'IFOG.
38:52 Jérôme Fourquet, vous êtes l'auteur de très nombreux ouvrages.
38:55 On a cité la France d'après, on pourrait citer aussi le livre
38:58 où vous avez théorisé l'archipel français, évidemment,
39:01 et justement, dans l'archipel français, vous avez mis en avant
39:04 les évolutions démographiques dans certaines zones,
39:06 territoires en France, notamment en Seine-Saint-Denis,
39:09 depuis ce livre, est-ce qu'il y a eu une accélération,
39:12 justement, une évolution, voire un basculement ?
39:14 – Alors, il n'y a pas forcément d'accélération,
39:16 il y a une poursuite, une poursuite des courbes, si je puis dire,
39:20 et la démographie est une science qui, par certains aspects,
39:24 s'apparente un peu à la climatologie, c'est-à-dire que c'est la science du diesel,
39:28 on voit les choses au long cours se dessiner progressivement,
39:31 une fois que les dynamiques sont enclenchées, elles se déploient,
39:35 et donc on voit ces modifications démographiques liées à l'immigration,
39:40 notamment en Seine-Saint-Denis, on avait utilisé l'indicateur
39:44 des prénoms qui sont donnés aux enfants qui naissent en France,
39:48 et si vous prenez le pourcentage de nouveaux-nés recevant un prénom arabo-musulman,
39:53 en Seine-Saint-Denis, c'est 51% des nouveaux-nés aujourd'hui,
39:56 donc on était à 45% il y a quelques années,
39:58 donc le "trend", comme on dit en bon français, se poursuit.
40:03 – Jean-Luc Mélenchon, on reste sur ce visage de la France d'après,
40:07 Jean-Luc Mélenchon, lors de la manifestation, je crois, Place de la République,
40:10 en soutien à la cause palestinienne, quand il poste cette fameuse photo
40:16 avec des drapeaux autres que français, il affirme, il dit "c'est ça la France",
40:20 alors pour lui, j'imagine, évidemment, c'est le symbole de la France créolisée,
40:25 qui vote massivement pour lui, est-ce que cette image qu'il a mis en avant,
40:30 c'est aussi une réalité de la France aujourd'hui ?
40:32 – Alors, rappelons aussi qu'on avait scandé Alak Barre dans cette manifestation,
40:39 c'est pour ça aussi que la photo de Jean-Luc Mélenchon et son propos
40:43 avaient été critiqués par certains, Jean-Luc Mélenchon fait un constat clinique
40:50 de l'état de la société française, il a observé très attentivement
40:55 les résultats électoraux de la dernière élection,
40:58 où il atteint 45% au premier tour en Seine-Saint-Denis,
41:01 sur l'ensemble du département, beaucoup plus encore dans les quartiers populaires
41:06 et les cités de ce département, il fait dans le département francilien des Yvelines
41:13 65% des voix à Trappes, et donc on peut regarder ce qui se passe à Bron,
41:17 à Vénissieux, etc. Les études de l'IFOP ont montré que 69% des Français
41:22 de confession musulmane avaient voté pour lui au premier tour,
41:26 et dans l'archipel français, on n'a aucune autre île ou aucun autre îlot
41:30 qui a voté de manière aussi unanime et homogène pour un candidat.
41:34 Et donc ce faisant, il défend certes sa théorie de la créolisation,
41:39 mais il prend hâte de cette réalité sociologique électorale,
41:44 et cette réalité sociologique électorale éclaire et explique en bonne partie
41:49 ses prises de position sur ce type de sujet au cours des dernières années,
41:54 et notamment depuis le 7 octobre. Il a aussi observé qu'il avait raté
42:01 la qualification au second tour de 400 000 suffrages, c'est-à-dire
42:07 7 bulletins de vote par bureau de vote en France, et ils ont observé
42:12 chez LFI que l'abstention était traditionnellement plus élevée
42:16 dans ce type de quartier, et ils en ont tiré la conclusion qu'il fallait,
42:20 comme ils le disent, parler de rue et cru pour dégeler ces abstentionnistes.
42:25 Dans les temps jadis du marxiste, on parlait de l'armée de réserve,
42:28 et donc il y a une armée de réserve, pense-t-il, chez les abstentionnistes,
42:31 et ce sera eux qui donneront la clé de la qualification la prochaine fois.
42:35 - Justement, est-ce qu'au moment où on fait référence à la séquence du 7 octobre,
42:39 est-ce que c'est en revendiquant le drapeau palestinien,
42:42 en s'engageant aussi fermement dans cette cause, Jean-Luc Mélenchon,
42:46 est-ce qu'il fait le calcul que cette cause est susceptible de pousser
42:49 beaucoup d'abstentionnistes à s'engager dans les politiques françaises,
42:52 autrement dit, le passage par le drapeau palestinien pour être capable
42:55 de gagner la présidentielle, pas du moins de s'y qualifier ?
42:58 - C'est le calcul qu'il fait, je ne suis pas convaincu que pour dégeler
43:02 ces abstentionnistes, notamment dans ces quartiers,
43:05 le fait d'épouser de manière totale la cause palestinienne
43:11 soit la clé qui permette de dégeler cet électorat.
43:15 Ce qu'avait fait aussi Jean-Luc Mélenchon dans sa campagne,
43:18 c'est qu'il avait parlé de ce type de sujet, mais aussi beaucoup d'économique
43:21 et de social, et qu'il y a bien évidemment aussi,
43:24 parce qu'on parle de quartier populaire, une attente sociale très forte
43:27 dans ces quartiers sur l'accession à l'emploi, sur la revalorisation
43:32 des minima sociaux, sur le speak-jeune, donc c'est en mêlant tout ça.
43:36 Mais ce qui lui permet peut-être d'activer une autre clé plus secrète,
43:43 si je puis dire, quand il prend ses positions sur le 7 octobre,
43:47 c'est de se positionner comme le candidat anti-système,
43:51 en jouant sur l'ambiguïté, sur la question d'un lobby juif,
43:56 par exemple dans les médias, et en disant "moi je suis celui qui ose
44:01 affronter le système", et donc plus encore que la cause palestinienne,
44:06 c'est le fait d'être dans l'opposition au système, qui peut-être
44:10 peut être une clé pour aller parler à une partie de cet électorat
44:15 qui regarde de manière très distanciée l'actualité et la vie politique.
44:20 - Mais alors vous venez de suggérer, en utilisant une référence explicite
44:24 ou implicite dans un certain lobby juif, ça présuppose qu'une partie
44:27 de l'électorat, et cet électorat je le dis, est sensible à ce thème
44:31 assez sous-entendu ?
44:32 - En partie, mais plus globalement dans une logique d'anti-système.
44:36 Pendant que les puissants, les gros, le système médiatique,
44:41 le système politique, si je suis Mélenchon, ma cable me cible,
44:45 quand je suis sur un plateau, on ne me fait aucun cadeau,
44:50 aucune concession, j'ai un traitement que d'autres politiques
44:53 ne doivent pas subir, et donc c'est bien la preuve que je suis le paria,
44:57 et vous-même...
44:58 - C'est le genre Marie Le Pen, il y a quelques années.
45:00 - Voilà, vous-même qui êtes le paria, qui êtes les parias
45:03 dans vos quartiers, et bien vous avez trouvé votre héros.
45:07 Jean-Luc Mélenchon fait 45% au premier tour des voix des détenus
45:12 en France. 45% chez les détenus. Donc il parle, quand il dit
45:18 "la police tue", il parle à toute cette France-là.
45:20 Et vous parliez de Jean-Marie Le Pen, le titre de mon livre,
45:24 c'est "La France d'après", pour montrer comment nous avons basculé
45:26 dans autre chose, et sur ces questions-là, les évolutions
45:31 sont assez saisissantes.
45:32 1990, c'est la grande manifestation après la profanation du cimetière
45:36 juif de Carpentras, ce qu'on n'appelait pas encore à l'époque
45:39 l'arc républicain se mobilise derrière François Mitterrand
45:42 et tout le monde défile, et le paria à l'époque et Jean-Marie Le Pen
45:45 et son parti, le slogan qu'on scande dans cette manifestation,
45:48 c'est "Le Pen, les mots, Carpentras, les larmes".
45:52 30 ans plus tard, après le 7 octobre, dans la grande manifestation
45:56 de défense de la République et de lutte contre l'antisémitisme,
46:00 le Rassemblement National a eu le droit de défiler,
46:04 et c'était LFI et Jean-Luc Mélenchon qui désormais étaient mis
46:08 au banc de l'arc républicain, et donc on voit comment...
46:11 - A eu le droit ou s'est arrogé le droit ?
46:13 - Voilà.
46:14 - Pour certains, il n'est pas le bienvenu.
46:15 - C'est bien le RN qui finalement est le grand gagnant
46:17 de la radicalisation de Mélenchon, au fond.
46:20 - Alors, en partie, puisqu'il le recentre, quelque part,
46:25 et on le voit bien, très clairement dans les enquêtes d'opinion,
46:28 si vous prenez les sondages de code de popularité
46:31 ou les sondages plus qualitatifs, où on teste des traits d'image
46:35 contre est-ce que tel ou tel a la stature d'un président,
46:38 est-ce qu'il vous inquiète, est-ce qu'il vous rassure,
46:40 est-ce qu'il peut rassembler les Français,
46:42 on voyait que le différentiel entre les scores de Jean-Luc Mélenchon
46:46 et de Marine Le Pen sur ce type de questions s'est singulièrement accru
46:50 ces dernières années, et la séquence, comme on dit en communication,
46:55 qui s'est ouverte après le 7 octobre, n'a fait qu'accentuer le phénomène.
47:00 - Alors, Jérôme Fourquet, qui dit France d'après, dit France d'avant,
47:04 c'est une forme de nostalgie qui est parfois attaquée,
47:07 de cette France d'avant, de l'école d'avant, des comportements d'avant,
47:11 de la civilité d'avant, estime beaucoup,
47:14 est-ce que c'est pour vous une nostalgie qui est lucide,
47:17 ou est-ce qu'au contraire on est en train d'embellir un passé
47:20 qui n'était pas aussi heureux que ça ?
47:22 - Alors je pense que comme toujours, la mémoire nous joue un peu des tours,
47:26 et quand vous dites "quand on est un peu plus jeune", c'est intéressant,
47:29 parce que cette nostalgie des années 60, c'est quoi comme période ?
47:32 C'est la période où une grande partie de la population française a été jeune,
47:37 puisque nous avons un poids des seniors qui est aujourd'hui assez important,
47:41 donc même s'il y avait des bons côtés dans cette période-là,
47:45 il ne faut jamais oublier que cette nostalgie un peu collective
47:48 dans laquelle nous semblons baignés, s'explique aussi démographiquement
47:52 et psychologiquement par le fait que les baby-boomers,
47:55 qui sont très nombreux aujourd'hui en France,
47:57 quelque part regardent avec des lunettes parfois peut-être un peu teintées de rose
48:02 leurs belles années et se souviennent de cette France
48:05 dans laquelle ils ont été jeunes.
48:08 - Mais si je peux me permettre, même la jeune génération va dire
48:11 que nous sommes nostalgiques de France que nous n'avons jamais connue,
48:14 et cette nostalgie est présente même pas chez les baby-boomers,
48:17 mais chez leurs petits-enfants.
48:19 - Oui, mais parce qu'ils ont baigné aussi dans ce récit
48:23 qui était le fait qui était quand même beaucoup porté par ces fameux baby-boomers
48:29 qui avaient, vous voyez par exemple, la programmation d'un certain nombre
48:34 de chaînes musicales où on renvoie sur les années 60, 70, 80, etc.
48:40 Tout ça, ambiance, comme dirait les jeunes, en partie ce phénomène,
48:46 même si objectivement, quand on parlait de civilité,
48:49 on parlait de plein emploi, etc., un certain nombre d'indicateurs
48:54 étaient plus attractifs à l'époque qu'ils ne le sont aujourd'hui,
48:59 avec, n'oublions pas quand même, on parlait des baby-boomers,
49:02 donc il y a une espérance de vie qui a considérablement augmenté,
49:05 il y a une qualité de vie qui n'est pas celle aujourd'hui que nous connaissions hier,
49:10 on parlait des quartiers populaires ou autres,
49:13 quand vous voyez l'élévation moyenne du niveau de vie,
49:16 il y a quand même des choses qui ont changé,
49:19 dans toute une partie des milieux populaires,
49:21 la pénibilité du travail, même si elle n'a pas disparu,
49:23 par rapport à ce que c'était à l'époque, par rapport au statut des femmes,
49:27 là aussi il y a énormément de choses qui ont changé,
49:30 mais donc il y a ce regard nostalgique, en partie, je pense, justifié,
49:36 mais qui est sans doute aussi embelli par des effets générationnels assez puissants.
49:40 – Merci Jérôme Fourquet, merci d'avoir été notre invité
49:43 pour ce grand rendez-vous Europe 1C News des Échos,
49:45 je remercie mes camarades, évidemment, Nicolas Barret, merci à vous,
49:48 Mathieu Boccottet, merci également, on va souhaiter ensemble
49:51 de belles fêtes à nos téléspectateurs et auditeurs,
49:53 un joyeux Noël et une pensée collective à tous ceux qui traversent
49:57 une période difficile, qui sont seuls dans cette période de rassemblement,
50:01 donc merci aussi de votre fidélité et à très bientôt.