Sonia Mabrouk reçoit Jérôme Fourquet, politologue et directeur du département Opinion à l’IFOP, dans #LeGrandRDV, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Bonjour à vous et bienvenue à tous au grand rendez-vous européen CNews des échos.
00:05 Bonjour Jérôme Fourquet.
00:06 Bonjour.
00:07 Et merci de votre présence.
00:08 Vous êtes politologue, essayiste, auteur d'essais remarqués comme l'archipel français
00:12 ou encore la France d'après avec vous.
00:14 Jérôme Fourquet, nous allons analyser le tableau politique à quasiment un mois du
00:18 scrutin des Européennes avec la chevauchée en solitaire et en tête de Jordane Bardella,
00:23 avec la deuxième place très fragile de la majorité avec la percée de Raphaël Glucksmann
00:27 et la bataille des droites avec François-Xavier Bellamy et Marion Maréchal.
00:31 Dans cette émission, nous reviendrons aussi sur les manifestations dans certaines de nos
00:35 universités, manifestations pro-palestinienne ou alors anti-israélienne, notamment à Sciences
00:41 Po avec une direction dépassée et qu'en est-il du gouvernement ? Est-ce toujours
00:45 le en même temps qui prime avec le risque que le désordre perdure et qu'en est-il
00:49 alors plus largement de l'autorité dans différents domaines et en particulier sur
00:53 le sujet sensible de l'hyperviolence de certains mineurs ? Pour vous interroger sur tous ces
00:58 sujets, je suis entourée de mes camarades, Nicolas Barré-Lézeco, bonjour à vous cher
01:02 Nicolas.
01:03 Bonjour Sonia.
01:04 Et le retour évidemment de Mathieu Boquecôté, bonjour à vous cher Mathieu.
01:06 Bonjour.
01:07 Et tout d'abord, une occupation, une mobilisation à Sciences Po Paris et pas seulement, d'ailleurs
01:11 dans d'autres universités, après un débat, ce qu'on appelait un town hall sur le Proche-Orient
01:16 et la situation à Gaza, vous pouvez déjà sourire, l'appellation évidemment qui vient
01:20 des États-Unis à Jérôme Fourquet.
01:22 Que disent ces blocages pour vous, ces rassemblements d'une partie de la jeunesse ?
01:27 Alors, vous avez raison de souligner que ça ne concerne qu'une minorité de ces étudiants
01:34 et que tout ça se passe dans certains établissements universitaires, ce n'est pas toutes les universités,
01:39 ce n'est pas un hasard si ce sont plutôt les instituts d'études politiques ou dans
01:43 un, si je puis dire, mouvement de dépolitisation assez général, il y a encore quelques endroits
01:49 où une minorité de la jeunesse s'intéresse à la politique et donc ce n'était pas anormal
01:54 que ce soit là que les événements se produisent.
01:57 On voit bien qu'une partie de cette jeunesse est très touchée, émue par ce qui se passe
02:04 à Gaza et c'est ça qui donne le ressort de ces mobilisations.
02:09 Mais il ne faut pas, je pense, extrapoler et exagérer l'ampleur de cette mobilisation,
02:15 même si les images sont impressionnantes, elles sont faites pour ça, ils maîtrisent
02:20 parfaitement l'agenda médiatique, mais on parle tout au plus de quelques dizaines d'étudiants
02:26 dans chacun de ces établissements, alors ça suffit pour bloquer, mais on n'a pas une
02:29 vague, on n'a pas une génération entière qui se lève pour la cause palestinienne.
02:36 Plus généralement, quand on dézoome un petit peu et qu'on regarde ce qui se passe
02:39 dans la société française dans son ensemble, on voit qu'à peu près 70% des Français,
02:46 quand on les interroge, refusent de prendre position pour l'un ou l'autre des deux
02:52 camps.
02:53 Et on a à peu près 30% des Français qui, à parité, se mettent soit plutôt en soutien
02:59 à Israël ou en soutien à la cause palestinienne.
03:04 Donc on a deux pôles comme ça qui sont mobilisés, on les voit sur les réseaux sociaux, on les
03:08 voit dans certaines tribunes, dans la presse, mais la grande majorité de la population
03:12 se tient à l'écart, soit par désintérêt, soit par, j'allais dire, une forme de sagesse
03:19 historique en disant que...
03:20 La fameuse position d'équilibre française.
03:22 La position d'équilibre française, et puis aussi de dire que ce conflit dure depuis le
03:27 lendemain de la seconde guerre mondiale et qu'il est très difficile de donner les bons
03:32 et les mauvais points.
03:33 Peut-être une mise au point, parce que ce n'est pas tant la cause palestinienne que
03:36 des slogans anti-existence d'Israël qu'on interroge en tous les cas chez ses étudiants.
03:42 Est-ce que ce sont les minorités qui font l'histoire ? Une question que vous avez posée
03:45 par Mathieu Boquecôté.
03:46 Oui, parce qu'on a l'impression, en voyant cela, que c'est une petite minorité, certains
03:51 disent une forme de mai 68 avenir islamo-gauchiste, avec une fixation sur Israël, mais une fixation
03:57 qui est double, c'est-à-dire à la fois des injustices circonstancielles peut-être,
04:00 mais certains disent Israël devient le symbole de l'Occident à battre.
04:03 Est-ce qu'on peut comprendre cela ici dans une partie de ceux qui se mobilisent ?
04:07 Alors c'est effectivement une partie de ce qu'on voit, deux remarques sur ce que vous
04:13 indiquez.
04:14 La première, c'est que ce n'est pas quelque chose de complètement nouveau.
04:16 Et quand on parle de mobilisation étudiante, quand on parle de campus américain, on pense
04:22 bien évidemment à mai 68, avec déjà à l'époque une mobilisation initiale qui s'était
04:29 faite sur un sujet international qui était la guerre au Vietnam.
04:32 On rappelle que ça avait été les ferments de la mobilisation à la Sorbonne qui avaient
04:36 déclenché l'intervention de la police, puis par effet d'engrenage les événements
04:41 de mai 68.
04:42 Donc ce n'est pas complètement nouveau qu'une partie de la jeunesse occidentale se mobilise
04:48 pour une cause internationale.
04:50 Le deuxième point que vous évoquiez, c'est la thématique islamo-gauchiste.
04:56 Et ce qui est intéressant, c'est que l'extrême-gauche française, au moins depuis la guerre des
05:01 six jours, a toujours été plutôt assez en solidarité avec la cause palestinienne.
05:07 Sauf que c'était beaucoup plus facile à l'époque, si je puis dire, puisqu'on était
05:12 déjà dans une rhétorique anti-impérialiste.
05:14 Israël était perçu comme le post-avancé de l'impérialisme américain ou occidental.
05:20 Et les résistants étaient des organisations laïques palestiniennes.
05:25 Le FATA d'Yasser Arafat, le FPLP de Georges Abash ou autres, et même d'obédience marxiste.
05:29 Et donc pour l'extrême-gauche française, quelque part, c'était des frères de lutte.
05:33 Là où les choses vont changer, c'est la révolution iranienne avec l'arrivée de
05:37 Rouménie.
05:38 Puis ensuite, le fait que ce soient les organisations islamistes, au Liban le Hezbollah et à Gaza
05:47 le Hamas, qui prennent le lead sur la cause arabe contre Israël.
05:55 Et donc là, on avait une partie de l'extrême-gauche qui était gênée aux entournures parce qu'au
05:59 nom de la solidarité internationaliste et anti-impérialiste, il fallait continuer de
06:04 soutenir le camp palestinien.
06:06 Mais il devenait un mouvement qui était d'abord agi par des organisations islamistes.
06:13 Et donc la contradiction, si je puis dire, a été en partie résolue avec le développement
06:18 de cet islamo-gauchisme qui a aussi, à côté de ses résonances internationales, des motivations
06:25 qui sont très électoralistes ici en France.
06:28 On rappelle que 69% des Français de confession musulmane qui sont allés voter au premier
06:34 tour de l'élection présidentielle ont voté pour Jean-Luc Mélenchon.
06:37 Et donc tout ça n'a pas échappé à la sagacité des stratèges mélenchonistes
06:42 qui se disent qu'ils ont là un électorat qui est acquis et qu'il va falloir continuer
06:48 de travailler et de conforter dans la perspective des prochains scrutins.
06:52 Il y a quelque chose de troublant quand même dans les indignations sélectives auxquelles
06:57 on assiste.
06:58 On voit beaucoup moins de mobilisation sur ce qui se passe en Iran.
07:01 On voit beaucoup moins de mobilisation pour défendre le sort des femmes en Afghanistan.
07:06 Est-ce que derrière ces indignations sélectives, il n'y a pas quand même une explication
07:11 qui serait la résurgence de l'antisémitisme ?
07:14 Alors il peut y avoir effectivement dans certains milieux une résurgence de l'antisémitisme.
07:19 Mais comme on l'indiquait tout à l'heure, depuis très longtemps, le conflit israélo-palestinien
07:26 polarise très fortement l'attention.
07:29 Et donc ce n'est pas la première fois que sur une planète où hélas les conflits sont
07:34 multiples, c'est souvent le conflit israélo-palestinien qui suscite le plus d'attention, d'intérêt
07:41 et d'intérêt.
07:42 Vous le voyez, ce n'est pas uniquement dans les milieux militants, c'est également
07:46 sur le plan médiatique.
07:47 C'est-à-dire que la couverture médiatique d'autres conflits dans le monde est bien
07:51 moindre.
07:52 Et on a vu comment au déclenchement des hostilités à partir du 7 octobre, le conflit ukrainien
07:58 par exemple a été rétrogradé en termes de couverture médiatique.
08:02 Donc de par l'ancienneté de ce conflit, le caractère très manichéen de ce qui s'y
08:07 joue, ce conflit polarise peut-être davantage.
08:11 Jérôme Forquet, de part aussi le fait qu'il soit de manière consciente ou inconsciente,
08:15 vous lui part importé aussi sur le sol français.
08:18 Vous avez fait référence à la figure aussi et vous y voyez une forme de manifestation
08:22 contre, en tout cas une haine anti-occident, anti-impérialiste.
08:26 Est-ce que c'est aussi cela qui motive, j'allais dire, une sorte d'international
08:31 aujourd'hui des manifestations et des rassemblements des Etats-Unis en passant en France ? N'oublions
08:35 pas d'autres pays également en Europe.
08:37 Est-ce que c'est la figure de l'Occident, de l'Occident vu comme étant en tous les
08:40 cas en fonction de ses minorités, comme étant oppresseur, colonialiste ? C'est aussi cela
08:45 qui est en jeu ?
08:46 Oui bien sûr.
08:47 Et c'est pour ça que ce conflit est aussi investi, puisqu'on peut y projeter assez
08:54 facilement cette grille de lecture.
08:56 Quand on regarde ce qui se passe au Sahel, quand on regarde ce qui se passe en Afrique
09:00 centrale, par exemple avec les troubles entre le Rwanda et la République démocratique
09:05 du Congo, c'est beaucoup plus compliqué de plaquer la grille anti-impérialiste, alors
09:10 que là ça fonctionne très bien.
09:11 Là où je souriais tout à l'heure quand vous avez évoqué le town hall, c'est qu'on
09:16 peut aussi voir, donc je parle sous le regard avisé d'un Québécois, un signe supplémentaire
09:23 de l'américanisation de la société française, c'est-à-dire que la mobilisation est partie
09:28 des campus américains et elle s'est propagée en France, alors même que notre gouvernement
09:34 n'a pas du tout l'attitude pro-israélienne qui est celle du gouvernement américain.
09:40 Et on voit comment, une nouvelle fois, tout l'appareillage idéologique, ou les concepts,
09:46 ou même les méthodes d'action, de l'extrême gauche française, qui est assez cocasse quand
09:50 même, sont aujourd'hui importés des campus américains.
09:54 On parle du décolonialisme, de l'intersectionnalité des luttes, du wokisme, du black lives matter,
10:00 maintenant la notion de town hall, de grande agora, tout ça est décalqué et donc on renvoie
10:07 au grand livre de Régis Debray, "Civilisation, comment nous sommes devenus américains",
10:12 on en a encore aujourd'hui une nouvelle illustration.
10:15 Vous parlez des stratégies de la France insoumise il y a quelques instants, est-ce qu'on peut
10:19 constater que dans les élections européennes présentes, on y reviendra pour le détail
10:22 ensuite, mais la France insoumise cherche à mobiliser l'électorat des banlieues, abrandissant
10:27 le drapeau palestinien.
10:28 Est-ce que dans certaines parties du territoire français, le drapeau palestinien est finalement
10:31 plus porteur que le drapeau français ?
10:33 Alors, je ne pense pas que la France insoumise, en tout cas Jean-Luc Mélenchon, ait comme
10:39 principale préoccupation le score de sa liste aux élections européennes.
10:43 Ce qui se joue pour lui, c'est 2027.
10:46 Ils sont repartis de l'analyse des résultats du scrutin de l'élection présidentielle
10:52 de 2022, où il a manqué à la France insoumise, donc à Jean-Luc Mélenchon, 400 000 voix
10:57 pour accéder au second tour.
10:58 Donc on rappelle qu'il y a à peu près 60 000 bureaux de vote en France.
11:03 Donc c'est 7 bulletins qui ont manqué par bureau de vote.
11:06 Premier point.
11:07 Deuxième point, la France insoumise a très bien analysé le fait que dans les banlieues,
11:13 les scores avaient été excellents pour le candidat Mélenchon.
11:16 Par exemple, 60% des voix à trappe.
11:18 Mais ils ont aussi observé que c'est dans ces banlieues que l'abstention était la plus
11:23 forte.
11:24 Et donc, ils sont convaincus que ce qu'on appelait jadis l'armée de réserve pour la
11:29 France insoumise se trouve chez ces abstentionnistes de banlieue.
11:33 Et deuxième conviction qui est très discutable.
11:36 Ils sont persuadés que, pour reprendre l'expression de Jean-Luc Mélenchon, c'est en parlant
11:40 drus et crus qu'on va décongeler cet électorat abstentionniste en parlant soit des violences
11:47 policières, la police tue, soit en épousant les causes, ou la rhétorique la plus radicale,
11:55 sur le conflit israélo-palestinien.
11:57 Donc Jérôme Fouquet, avec ces slogans aujourd'hui et ceux qui sont aussi entonnés par Rima
12:03 Hassan, l'objectif n'est pas tant les européennes, c'est la qualification, second tour, 2027.
12:08 Tout à fait.
12:10 Et on est persuadés du côté de la France insoumise que nous sommes dans une situation
12:15 pré-révolutionnaire et donc on a toujours de faire au feu, c'est-à-dire soit les urnes,
12:20 soit la rue.
12:21 Et si d'aventure la mobilisation venait à se déclencher avant l'élection présidentielle,
12:27 de leur point de vue, elle ne viendrait que des banlieues.
12:29 Rappelez-vous le tweet de Jean-Luc Mélenchon adressé aux jeunes émeutiers en leur disant
12:35 qu'il ne fallait pas viser les écoles, les bibliothèques ou les mairies.
12:37 Sous-entendu on pouvait brûler et piller le reste.
12:41 Et donc on doit se tenir prêt quand on est révolutionnaire à surfer la vague.
12:47 Et donc c'est de ce point de vue-là qu'il faut, à mon sens, analyser le positionnement
12:53 de la France insoumise.
12:54 D'ailleurs vous avez remarqué que Manon Aubry, tête de liste de la France insoumise,
12:58 a été complètement effacée du dispositif de Rima Hassan et de Jean-Luc Mélenchon
13:05 qui fait la tournée des facultés.
13:07 Donc à la fois les banlieues et également la jeunesse politisée des universités.
13:11 Une enquête d'Anne Muxel et d'Olivier Galland avait montré qu'à Sciences Po, lors de la
13:16 dernière élection présidentielle, 55% des étudiants avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon.
13:20 Et donc c'est aussi cet électorat-là qu'il s'agit de conforter, mais pas forcément
13:25 dans une perspective, j'allais dire boutiquière, de leur point de vue, qui serait juste le
13:30 score des européennes.
13:31 Ce n'est pas un sujet pour eux.
13:32 Ils se préparent pour la grande échéance.
13:34 On va continuer et poursuivre avec votre analyse, Jérôme Fourquet, sur ce sujet et d'autres.
13:38 Nous allons parler aussi de la violence, l'hyper-violence de certains mineurs et puis nous arriverons
13:42 aussi évidemment aux détails sur les européennes.
13:45 Courte pause et on se retrouve.
13:46 Notre invité ce dimanche, le politologue et scieniste Jérôme Fourquet.
13:54 L'actualité a été rythmée ces dernières semaines par des faits de société concernant
13:58 la violence des plus jeunes.
13:59 Une marche blanche a été organisée hier samedi en mémoire du jeune Mathis Achatoro,
14:03 le suspect est un mineur afghan âgé de 15 ans.
14:06 Rappelons que sa mère est mise en cause aussi, suspectée d'avoir donné des coups à la
14:09 victime à terre.
14:10 L'opposition des droits dénonce la politique migratoire du gouvernement, Jérôme Fourquet.
14:16 Le Premier ministre dénonce quant à lui un acte abominable.
14:19 Est-ce qu'il y a une forme d'impuissance de l'exécutif face à cette hyper-violence
14:23 chez certains mineurs ? Comment les Français aujourd'hui, bercés malheureusement avec
14:27 cette actualité, perçoivent-ils cela ?
14:29 Ce qui est dramatique c'est que ce n'est hélas pas la première fois.
14:33 On a une espèce de bruit de fond qui s'est mis en place depuis des mois, voire des années,
14:39 où quasiment chaque semaine, maintenant on a soit une fusillade sur fond de trafic de
14:45 drogue, ce qui s'est passé encore à Sevran ou à Toulouse il y a quelques jours, ou
14:51 des attaques au couteau, des agressions entre jeunes mineurs.
14:56 Donc on a le sentiment que la puissance publique n'est pas en capacité à répondre ou à
15:02 endiguer ce phénomène.
15:03 Ce qui est en cause, je pense, en partie, notamment aux yeux des Français, c'est l'insuffisante
15:13 efficacité de notre système judiciaire, notamment vis-à-vis de cette infime minorité de jeunes
15:21 ultra-violents, qui sont souvent des multi-récidivistes, et c'est ça qui est tout à fait spectaculaire
15:29 et dramatique.
15:30 Si on prend l'affaire de Châteauroux, on apprend dans la presse que ce jeune assassin
15:36 présumé avait déjà été mis en cause pour une affaire de vol de portable sous la menace
15:44 d'un couteau dans la même ville le 27 février, et que le 22 avril il a été mis en examen
15:50 pour vol aggravé avec menace d'une arme à la suite d'un guet-apens sur les réseaux
15:55 sociaux.
15:56 C'était le 22 avril, cinq jours avant qu'il ne tue son voisin.
16:02 Cinq jours avant.
16:03 On va assister aujourd'hui à la reconstitution de la mort du jeune Nahel à Nanterre.
16:10 On rappelle les circonstances, un refus d'obtempérer.
16:13 Le jeune Nahel avait déjà été interpellé par deux fois pour le même délit de refus
16:22 d'obtempérer, dont la dernière fois qu'il avait été interpellé, c'était le 24 juin
16:28 2023, donnant lieu à une garde à vue.
16:32 C'était trois jours avant son décès.
16:36 Donc vous êtes interpellé deux fois déjà, dont une des fois génère une mise en garde
16:44 à vue, et pour autant tout se passe comme si ce passage dans les services de police,
16:51 devant un juge, pour cette infime...
16:53 Pourquoi alors la main du politique tremble-là dans un récent sondage ? C'est News Europa,
16:58 le JDD.
16:59 La question qui a été posée, faut-il systématiquement incarcérer les auteurs de faits de grande
17:03 violence avant leur jugement ?
17:04 C'est un oui, vous le voyez, pour une écrasante majorité, et il en est ainsi pour plusieurs
17:10 sujets sur la sécurité, et je le précise, quelles que soient très souvent les opinions
17:14 et les convictions politiques.
17:16 Pourquoi alors, quand les Français le demandent, le politique n'adhère pas ?
17:20 Alors, ce score de à peu près 80%, c'est ce qu'on observe depuis une dizaine ou une
17:25 quinzaine d'années dans tous les sondages où on demande aux Français, qui ne sont
17:29 pas des spécialistes du droit, mais d'évaluer la sévérité de notre appareil judiciaire.
17:36 Et à peu près 80% de nos concitoyens, à chaque fois, nous disent que la justice n'est
17:42 pas assez sévère.
17:43 Ce à quoi on répond, en partie à bon droit, qu'ils ne sont pas forcément spécialistes
17:47 en la matière, qu'on n'a jamais incarcéré autant de personnes en France, 77 000 détenus,
17:53 15 000 personnes sous bracelet électronique, et donc certains défenseurs de l'institution
17:58 judiciaire disent "mais c'est faux, on condamne à tour de bras".
18:02 Et le premier d'entre eux, c'est le garde des Sceaux qui rappelle souvent ce que vous
18:04 dites.
18:05 Les prisons sont pleines, sauf qu'on s'arc-boute, notamment en matière de délinquance des mineurs,
18:12 sur la fameuse ordonnance de 1945, sur une jurisprudence, et sans doute qu'une partie
18:19 de nos décideurs n'ont pas encore pris conscience de la gravité et de l'ampleur de la dégradation
18:27 de la situation sécuritaire dans toute une série de territoires.
18:31 Vous parlez de dégradation de la situation sécuritaire, mais n'y a-t-il pas aussi une
18:34 dégradation du lien civique ? C'est-à-dire lorsque le commun est mortel, globalement,
18:38 plus de 80 %, même si ce ne sont pas des spécialistes, sans qu'il y ait un dérèglement,
18:42 que la justice n'ait pas la hauteur de la situation, que l'autorité n'ait pas la hauteur
18:45 de la situation, lorsqu'on ajoute un sentiment d'insécurité, une forme de déni de la réalité,
18:49 est-ce que tout ça ne radicalise pas la crise davantage que de l'atténuer ?
18:52 Bien sûr, c'est ce sentiment très profond d'une impuissance publique avec la multiplication
18:58 de ces marches blanches qui sont très émouvantes et qui sont quelque part, peut-être avec
19:03 le bulletin de vote, la seule façon de s'exprimer de la majorité silencieuse.
19:09 Prenons l'ampleur un peu du phénomène.
19:11 À Châteauroux, on indique qu'il y avait à peu près 8 000 personnes qui ont participé
19:15 à cette marche blanche.
19:16 Le bassin de ville, l'agglomération de Châteauroux, c'est 61 000 habitants.
19:20 Vous voyez l'écho que ce genre d'affaires peut susciter dans les profondeurs du pays.
19:28 Et nous avons des décideurs qui sont assez tétanisés face à cette situation et qui
19:35 ne sont pas en capacité aujourd'hui d'accepter une espèce de remise à plat de l'ensemble
19:44 de notre arsenal.
19:45 Mais par crainte de quoi ?
19:46 Si une majorité de Français est favorable, la question est par crainte de quoi ?
19:51 Gabriel Attal a tenu un discours dans les mots de fermeté à Vierry Châtillon.
19:55 Il ne va pas tenir le même à Châteauroux quelques semaines plus tard.
19:59 Qu'est-ce qui empêche, qu'est-ce qui retient la main du politique et surtout de ceux qui
20:02 nous gouvernent en ce moment ?
20:03 Je pense qu'on a des grilles de lecture idéologique qui continuent de peser.
20:09 Et on a peur aussi des réactions d'un certain nombre d'organes de presse, de syndicats,
20:21 de conscience morale en disant voilà on doit rester dans l'épure de ce que nous connaissons,
20:26 ne nous laissons pas embarquer par l'émotion, par le sentiment.
20:31 Ils ont peur d'un procès en extrême droitisation.
20:33 En parti ou en populisme en disant voilà on ne va pas donner empâture à l'opinion,
20:39 ne légiférons pas à chaud, ce qui est toujours de bonne politique, effectivement sur un fait
20:46 divers.
20:47 Sauf que vous connaissez la différence entre des faits divers et un fait de société,
20:50 c'est quand on a plusieurs faits divers, ça devient un fait de société.
20:54 Mais justement, à toujours répéter, ce qu'on entend, ce sont des faits divers, pas de récupération
20:59 par exemple.
21:00 Est-ce que ça ne développe pas un sentiment presque allergique dans une partie de la population
21:02 qui n'a pas d'amalgame, on disait autrefois, pas de récupération aujourd'hui ?
21:06 Est-ce qu'il n'y a pas derrière tout ça une population qui se dit mais ce ne sont
21:09 pas que des faits divers ?
21:10 Alors ce que je vous disais, c'est la multiplication, la réitération avec en général le même
21:15 modus operandi, les attaques au couteau, l'âge qui est souvent à peu près le même, le
21:22 même type de profil qui laisse à penser à une majorité de plus en plus importante
21:27 de Français que nous sommes là face à un fait de société qui ne s'agit plus d'un
21:33 malencontreux hasard de calendrier avec un télescopage de plusieurs faits divers.
21:38 L'affaire de Châteauroux est particulièrement édifiante parce que quand on entend les propos
21:44 qui ont été tenus par certains participants à la marche blanche, beaucoup se disent mais
21:47 ça ne ressemble pas à notre ville, ça ne ressemble pas à notre quartier et d'aucun
21:52 ajout et même ici, aujourd'hui tout cela se produit.
21:58 Rappelez-vous aussi ce qui s'était passé à Crépole dans un petit village de la Drôme
22:03 et donc on a à la fois la réitération des faits mais également leur diffusion sur l'ensemble
22:09 du territoire ce qui nourrit le sentiment d'une perte de contrôle de la part de l'exécutif
22:16 et qui quand s'est cumulé ou combiné avec les discours sur le panamalgame ou les formules
22:24 convenues de dénonciation avec la plus grande fermeté des actes, aujourd'hui on n'en
22:31 est plus là et beaucoup de Français manifestement attendent toute autre chose.
22:35 A propos de l'exécutif, Gabriel Attal avait cette image d'autorité quand il est entré
22:39 à Matignon après son passage à l'éducation nationale.
22:42 Est-ce que cette image il l'a perdue ou est-ce qu'il la conserve d'après vos études ?
22:48 D'après les études qu'on peut mener à l'IFOP et nos confrères également, on
22:53 voit que sa cote de popularité s'est érodée depuis son entrée en fonction et qu'aujourd'hui
23:00 comme pour d'autres responsables politiques, les Français jugent aux actes, c'est-à-dire
23:05 que le constat est relativement partagé, le diagnostic sur l'état de la société
23:09 et donc même si en Macronie la tonalité du discours sur toutes ces questions a évolué
23:15 depuis le premier mandat, aujourd'hui la situation est tellement dégradée que ce
23:20 n'est plus des mots mais des actes qui sont attendus et force est de constater que les
23:26 actes aujourd'hui ne semblent pas à la hauteur des attentes de la population et à la décharge
23:31 du gouvernement, ce n'est pas en un mois ou deux mois qu'on est en capacité de redresser
23:37 une trajectoire qui s'est dégradée depuis des années et des années.
23:39 Oui, des années et vous avez entièrement raison, rappelons qu'ils sont aussi au pouvoir
23:43 depuis 7 ans, c'est peut-être pour ça aussi que ce matin dans le journal du dimanche,
23:46 l'opposition notamment à droite appelle au sursaut, je cite Éric Ciotti qui affirme
23:51 que sans retour de l'autorité la France est foutue, alors il décline 25 mesures DLR,
23:55 à quelle partie plus largement, je précise les mesures, il s'agit de l'instauration
23:59 de peines planchées, dès le premier délit, la suppression de l'excuse de minorité,
24:04 mais selon vous Jérôme Fourquet, à quelle partie les français associent-ils l'autorité
24:08 et le retour justement de cette autorité et de la sécurité, ou est-ce qu'ils attendent
24:12 les actes à chaque fois ?
24:13 Alors, ils attendent les actes de la part de ceux qui sont en responsabilité et sinon
24:17 sur le marché politique, aujourd'hui sans être grand clair, c'est le rassemblement
24:23 national et dans une moindre mesure Reconquête qui sont les bénéficiaires de cette dégradation
24:31 de la situation et de l'incapacité de l'exécutif à ramener l'ordre et la sérénité dans
24:38 le pays, on en parlera sans doute tout à l'heure sur ses intentions de vote pour les
24:42 élections européennes, on le sait toujours un carburant social important qui dynamise
24:51 le vote pour le rassemblement national, mais ses enjeux sécuritaires sont au cœur du
24:55 vote pour ce parti.
24:57 Avec deux avantages concurrentiels si je puis dire, le fait qu'il n'ait jamais varié
25:03 sur ces sujets depuis 30 ou 40 ans, donc ils ont une antériorité et deuxième avantage
25:09 et non des moindres, c'est le fait qu'il n'ait jamais été en situation d'exercer
25:13 des responsabilités, ce qui les exonère de toute critique puisque quand M. Ciotti
25:18 dévoile ses 25 mesures, on se rappelle de la campagne présidentielle de 2022 quand Valérie
25:25 Pécresse avait dit qu'il fallait ressortir le karcher du garage ou de la cave et donc
25:31 ce que beaucoup de Français de droite avaient immédiatement pensé c'est qu'en fait,
25:36 si on avait rangé le karcher, c'est qu'on ne s'en était jamais véritablement servi.
25:40 Alors vous avez évoqué, en un mot simplement, les Français qui en ont presque assez des
25:47 mots, paroles, paroles, paroles et attendent des gestes, des gestes forts.
25:50 Quel serait dans votre esprit un geste par exemple qui témoignerait d'un vrai retour
25:54 de l'autorité dans l'esprit des Français ?
25:55 Je pense qu'il y a des choses à faire sur la question de la délinquance des mineurs.
26:01 Encore une fois, une infime minorité, mais de multirécidivistes et c'est comment on
26:05 arrive à, j'allais dire, les mettre hors d'état de nuire et qu'ils soient sortis
26:12 des quartiers dans lesquels ils exercent leurs méfaits.
26:17 Donc ça ce serait une mesure qui serait forte, soit sur les mineurs, soit plus globalement
26:24 sur ces personnes multirécidivistes qui souvent vont voir revenir des mêmes profils dix fois,
26:34 quinze fois, vingt fois et à chaque fois que sur vos plateaux on a des syndicalistes
26:38 policiers, ils vous expliquent qu'entre guillemets, ils tombent régulièrement sur
26:42 les mêmes clients.
26:43 C'est comment on traite, encore une fois, cette petite minorité, mais qui produit des
26:47 effets démultipliés en termes de délinquance.
26:50 On va continuer à en parler, en tous les cas des conséquences politiques et électorales
26:53 avec vous Jérôme Fourquet.
26:55 On marque une pause pour rentrer dans le cœur des Européennes avec ce qui s'est passé
26:58 aussi autour d'Éric Zemmour à Ajaccio ou encore d'une militante du Rassemblement
27:03 national bénévole des Restos du cœur et qui ne pourra plus l'être.
27:06 A tout de suite.
27:09 A quasiment presque un mois du scrutin des Européennes, on analyse l'enjeu, le tableau
27:15 politique et la situation électorale avec notre invité, il est politologue, il est
27:20 essayiste avec des essais remarqués, aussi bien l'archipel français ou encore la France
27:25 d'après, Jérôme Fourquet.
27:27 Et tout d'abord, ce qui s'est passé à Ajaccio en Corse lors d'un déplacement,
27:31 le candidat, pas le candidat, Éric Zemmour a été pris à partie, il a reçu des oeufs
27:37 de la part de militants d'extrême gauche, en particulier d'une militante, alors ce
27:41 dernier a répliqué, deux versions s'opposent sur sa réaction, réflexe de la part de son
27:46 entourage quand d'autres et notamment une partie des médias dénoncent une forme de
27:50 violence du candidat, plus largement pour vous, quand vous la voyez ainsi à chaud,
27:55 si je peux dire.
27:56 De quoi cette séquence est-elle le révélateur, Jérôme Fourquet ?
27:59 On voit bien que la situation est tendue, que ce n'est pas nouveau que des candidats
28:06 d'opposition assez radicales comme Éric Zemmour suscitent, j'allais dire, en réaction,
28:12 une opposition qui soit virulente et qui puisse même parfois virer à l'altercation ou
28:20 à la confrontation physique.
28:22 On se rappelle que pendant la campagne présidentielle de 2022, à plusieurs reprises, les meetings
28:28 de Reconquête avaient été perturbés par des actions militantes et qui, je me souviens
28:34 notamment à la périphérie de Nantes, on avait eu des affrontements.
28:38 Donc ce n'est pas quelque chose de complètement nouveau.
28:40 Autre élément peut-être à signaler, ce n'est pas un hasard si Éric Zemmour, même
28:46 s'il n'est pas candidat tête de liste, se déplace en Corse parce que la Corse est
28:51 un territoire qui compte certes des gens qui ne l'apprécient guère, mais il a fait
28:56 aussi des très bons scores en Corse, près de 13% des voix à l'élection présidentielle,
29:02 c'est un peu moins de deux fois son score national.
29:04 Et puis ça avait été le deuxième candidat le plus parrainé par les grands électeurs,
29:09 par les maires de l'île de beauté.
29:11 Le premier c'était Jean Lassalle, candidat des Montagnes, et le deuxième ça avait été
29:15 Éric Zemmour.
29:16 Donc il y a une base électorale en Corse pour Éric Zemmour et c'est pour ça qu'il
29:20 s'est déplacé de mon point de vue, à mon sens, sur l'île de beauté.
29:24 Quel peut être l'impact d'une telle séquence ? Est-ce qu'une majorité des Français,
29:28 d'ailleurs même certains qui ne sont pas forcément d'accord avec les idées d'Éric
29:32 Zemmour, peuvent se dire que c'est intolérable dans un pays, évidemment que tout le monde
29:36 peut se déplacer et s'exprimer, ou est-ce que sa réaction dénoncée par certains peut
29:42 lui porter ou peut porter préjudice à la liste ?
29:44 Alors moi je pense que sur ce type d'affaires, il n'y aura pas forcément d'effet manifeste
29:51 parce que chacun plaquera sa propre grille de lecture.
29:54 On l'a vu déjà dans le traitement médiatique, certains ont dit voilà, on commençait par
29:58 dire "Éric Zemmour s'en prend à une femme", quand d'autres ont dit "il a été agressé
30:04 physiquement et donc c'est une halteinte insupportable à l'exercice démocratique".
30:09 Et donc je pense que ça ne fera pas énormément bouger les lignes.
30:14 Ce qu'on constate c'est qu'on a une liste reconquête qui dans les intentions de vote
30:20 se situe à peu près à 6,5% des voix, donc elle est un peu sortie de la zone dangereuse
30:28 de relégation puisqu'on rappelle qu'à moins de 5% vous n'avez pas d'élus.
30:32 Et tout ça se fait via un retour vers cette liste des électeurs zemmouristes, à peu
30:41 près deux tiers d'entre eux de la présidentielle envisagerait de re-voter pour reconquête
30:48 contre un tiers qui voterait pour la liste Bardella alors qu'il y a 15 jours ou 3 semaines
30:54 on était sur une répartition beaucoup plus équilibrée de cet électeur à zemmouristes
30:58 au nom du vote utile et une partie de ces électeurs zemmouristes venait alimenter la
31:04 dynamique de Jordan Bardella.
31:06 Donc l'enjeu pour reconquête, pour sa tête de liste, Marion Maréchal-Le Pen, pour bien
31:12 évidemment Éric Zemmour, pour Sarah Knafo maintenant qui est troisième sur cette liste,
31:16 c'est de consolider et conforter leur noyau dur et donc de ce point de vue là je pense
31:23 qu'aux yeux de leurs propres électeurs, je dis bien de leurs propres électeurs, la
31:27 séquence d'Ajaccio va plutôt être positive et efficace.
31:32 Alors toujours dans cette lutte entre les droites, il y a eu une polémique depuis deux
31:37 semaines environ, la polémique autour de la GPA lancée par Marion Maréchal, est-ce
31:41 que ça peut aussi contribuer à mobiliser un électorat qu'on dirait plus conservateur
31:45 en ramenant sur le terrain politique les questions sociétales souvent de cette côté ?
31:49 Oui, alors je pense que c'était l'objectif avoué de Marion Maréchal, c'était encore
31:54 une fois de parler à sa base électorale qui est composée d'électeurs de la droite
31:59 conservatrice, notamment en prenant position sur cette question de la GPA.
32:04 Nous ne nous y trompons pas, quand on regarde les enquêtes d'opinion, une majorité de
32:08 français sont aujourd'hui favorables au droit à la GPA pour les couples hétérosexuels
32:13 comme pour les couples homosexuels.
32:15 Mais Éric Zemmour et ses lieutenants ne s'adressent pas à l'ensemble des français quand ils
32:20 prennent ce type de position, encore une fois, ils visent à conforter leur noyau dur qu'ils
32:25 ont absolument besoin de mobiliser dans la perspective des européennes pour passer le
32:30 seuil fatidique des 5%.
32:31 On va continuer à évoquer aussi la bataille des droites avec la liste LR, mais revenons
32:37 aussi sur un autre événement, et je précise que la vidéo a été vue plus de 5 millions
32:43 de fois, ce qui est énorme, autour de Colombe.
32:45 Colombe est une électrice du Rassemblement National, désormais indésirable au Resto
32:51 du Coeur, dont elle a été bénévole après son émouvant témoignage, racontant sa situation
32:57 extrêmement difficile, socialement, et elle a été, je vous le disais, visionnée 5 millions
33:03 de fois cette vidéo.
33:05 Qu'est-ce qu'elle révèle, là encore, au-delà de la réaction des Restos du Coeur, qui provoque
33:09 beaucoup de crispations et de réactions, qu'est-ce qu'elle révèle pour vous, Jérôme
33:13 ?
33:14 Alors, ce n'est pas un hasard si cette vidéo a été visionnée 5 millions de fois, d'abord
33:20 parce qu'elle est émouvante, mais aussi parce qu'elle raconte une partie de la réalité
33:25 sociale et politique de ce pays, ce que d'ailleurs certains responsables de gauche, je pense
33:34 notamment à François Ruffin, ou au jeune candidat communiste tête de liste aux européennes,
33:41 ont bien eu en tête aussi, en essayant de s'adresser à toutes les colombes de France.
33:48 Qu'est-ce que ça nous raconte ? Eh bien, que toute une partie de l'électorat populaire
33:55 jadis qui votait traditionnellement plutôt à gauche, est passée aujourd'hui avec armée
34:01 bagage du côté du Rassemblement National.
34:03 On le voit à longueur de journée dans nos enquêtes, nos sondages sont là pour le montrer,
34:08 25% des ouvriers, 37% des employés envisagent pour ceux qui iront voter, de voter pour la
34:14 liste Bardella.
34:15 Mais là vous avez un témoignage comme la télévision seule peut en produire, et qui
34:22 est criant de vérité, on voit cette femme, et donc c'est ça qui s'est joué.
34:27 On rappelle que derrière les questions sécuritaires et migratoires, l'autre carburant du Rassemblement
34:36 National, c'est cette question sociale, qui là aujourd'hui est en capacité d'articuler
34:41 avec la question sécuritaire et migratoire, et qui aujourd'hui incarne le mieux, et
34:47 Colombes, quelque part, est un peu une allégorie de cette situation.
34:52 Quelques chiffres, c'est passé relativement inaperçu, mais le régulateur de l'énergie,
34:59 commission de régulation de l'énergie, a publié son enquête annuelle qui indique
35:03 que 1 million d'actions ont été prises par les fournisseurs de gaz et d'électricité
35:09 pour un payé sur l'année 2023.
35:12 1 million, c'est le record historique, c'est plus 50% depuis 2019.
35:17 On rappelle que l'enseigne de Hardiskount Action est aujourd'hui, depuis deux ans, la
35:23 marque préférée, l'enseigne préférée des Français.
35:25 Et donc toute cette France, il y a toute une France populaire qui aujourd'hui est en grande
35:29 difficulté, et Colombes, par son témoignage très poignant, a à la fois rappelé l'acuité
35:37 de la question, le caractère très aigu de la question sociale, mais aussi le fait que
35:41 toute une partie de cet électorat, aujourd'hui, se tourne vers le Rassemblement National.
35:47 Colombes indiquait qu'elle était militante, ou bénévole, plus exactement.
35:51 Bénévole serait le terme approprié au resto du cœur, notamment dans la petite commune
35:56 de Toreil, en périphérie perpignanaise.
35:59 Si vous regardez les scores, Marine Le Pen fait 58% des voix à Toreil au deuxième tour.
36:04 Et Colombes dit "ici, dans mon milieu, tout le monde vote pour le Rassemblement National".
36:11 Alors, ce qui est impressionnant, c'est qu'ensuite il y a l'affaire dans l'affaire, avec les
36:16 restos du cœur qui, entre guillemets, se désolidarisent de leur bénévole et qui la
36:22 sanctionnent pour ces prises de position politique.
36:26 On peut s'interroger sur l'effet induit de cette décision, puisque pour beaucoup de
36:33 ces électeurs modestes qui votent pour le Rassemblement National, ça va être, si vous
36:37 voulez, la double peine, se dire qu'on n'a pas le droit, en plus, d'être bénévole
36:41 au resto du cœur ou que le resto du cœur...
36:42 Rarement un témoignage n'a été aussi révélateur, à la fois d'une situation politique, sociale
36:47 et économique.
36:48 D'où, à côté de la qualité visuelle ou professionnelle de ce témoignage qui avait
36:53 été rapporté, le fait qu'il y ait eu 5 millions de visionnages en 24 ou 48 heures.
36:59 En général, vous êtes professionnel de la télévision.
37:02 C'est quelque chose qui est exceptionnel à ce niveau-là.
37:04 Ce n'est pas par hasard si un témoignage de ce type, à un moment, accroche et que
37:09 on se fait passer.
37:11 C'est-à-dire, tiens, regarde ça.
37:12 Si il y a eu une telle diffusion dans le corps social, c'est que c'était un moment
37:19 où c'était quelque chose qui était très révélateur d'un mouvement plus profond.
37:23 On va en parler une courte pause et on va rentrer dans le détail.
37:26 Le RN qui caracole en tête la majorité extrêmement fragile et puis la bataille des droites entre
37:31 François-Xavier Bellamy et Marion Maréchal.
37:33 Les chiffres, les derniers sondages, les enquêtes, dans quelques instants.
37:36 A tout de suite.
37:39 La cartographie électorale et politique a quasiment un mois du scrutin des européennes
37:44 avec Jérôme Fourquet.
37:45 La question vous est posée par Nicolas Barret.
37:47 Oui, on voit que la liste Jordane Bardella pointe autour de 30%, disons.
37:51 Mais aussi que Jordane Bardella devance Marine Le Pen dans les enquêtes de popularité.
37:56 Est-ce qu'on peut dire, d'après vos enquêtes, que Bardella, au fond, attire des électeurs
38:00 qui ne voteraient pas pour Marine Le Pen ?
38:02 Alors, ce qu'il faut voir, c'est que la dynamique dont bénéficie Bardella, si on
38:09 voulait utiliser de métaphores rugbistiques, on pourrait dire que c'est le trois carrel
38:15 qui va marquer l'essai une fois que les avants et tout le reste de l'équipe a été chercher
38:20 le ballon et a sorti la balle.
38:21 C'est-à-dire qu'il vient conclure tout un travail qui a été engagé depuis des
38:28 années sur la dédiabolisation, etc.
38:30 Et donc, il ne parle pas de zéro.
38:31 On rappelle que Marine Le Pen a fait 41,5% des voix au deuxième tour de la présidentielle,
38:38 qu'ils ont élus 89 députés.
38:39 Ensuite de cela, nous avons parlé de tout ce bruit de fond que nous avons traversé
38:45 depuis l'élection présidentielle en matière sécuritaire, avec la question des émeutes,
38:51 le drame de Crépol, la multiplication des attaques au couteau.
38:54 Donc, tout ça porte la dynamique frontiste.
38:58 Et puis, notre trois carrel, jeune trois carrel bardelliste, eh bien, lui, il vient quelque
39:06 part avec sa jeunesse, avec son image, avec sa personnalité, rajouter quelques points
39:13 supplémentaires, notamment auprès des jeunes.
39:17 Il est très populaire sur TikTok.
39:19 Et donc, il vient compléter quelque part l'assise de départ dont dispose le Rassemblement
39:26 national.
39:27 Alors, on verra ce que donneront les urnes le fameux 9 juin au soir.
39:33 Pour l'instant, il ne s'agit que de sondages, mais on voit que depuis que la campagne a
39:40 débuté, la liste Rassemblement national n'est jamais descendue au-dessous de 28, 29 et plutôt
39:49 proche des 30 ou 31 %, ce qui est tout à fait spectaculaire.
39:54 Comment vous percevez aussi le débat annoncé, là, on peut dire, entre deux jeunes gens,
40:00 deux jeunes ambitions, deux jeunes politiques à la carrière fulgurante, à la fois Jordan
40:06 Bardalla et Gabriel Attal.
40:07 Comment le politologue que vous êtes, qui vous étudiez cette matière politique et électorale
40:12 depuis tellement longtemps, voit cette émergence-là ?
40:15 Alors, ce duel, il a été en partie voulu par Emmanuel Macron.
40:21 C'est-à-dire que vous vous souvenez du début d'année, ça en paraît loin, mais ce n'est
40:25 pas si vieux que cela.
40:26 Quand Emmanuel Macron décide d'appeler Gabriel Attal à Matignon, tout de suite, on dit que
40:33 c'est l'arme anti-Bardella de la Macronie.
40:36 À peu près la même génération, même performance médiatique, un style assez direct.
40:44 Donc, on voit bien que tout cela a été casté, si je puis dire, pour organiser cette opposition.
40:50 On ne refuse pas non plus la confrontation dans l'autre camp, du côté de Jordan Bardella,
40:57 parce que ce qui est intéressant, c'est que si Jordan Bardella est au niveau où il
41:01 est aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout parce qu'il mène une campagne qui
41:05 est très nationale, c'est-à-dire qui parle très peu d'Europe.
41:08 Emmanuel Macron a essayé d'aller les débusquer en disant que Marine Le Pen avait été pour
41:12 le Brexit, le Frexit, pour la sortie de l'euro, et que de tout ça, il n'était absolument
41:17 plus question.
41:18 Jordan Bardella et Marine Le Pen, ce qu'ils jouent eux, c'est la dimension nationale
41:24 de ce scrutin en disant que si vous voulez envoyer un carton rouge à Emmanuel Macron,
41:29 il faut voter pour notre liste.
41:30 Jordan Bardella, je reviens à votre question, indique que si jamais sa liste sort si largement
41:37 en tête au soir des européennes, il faudra qu'Emmanuel Macron mette en œuvre une
41:44 dissolution et lui-même indique qu'il est prêt à occuper le poste actuellement détenu
41:50 par Gabriel Attal.
41:51 Donc on est bien dans cette lecture, à la fois par les macronistes comme par les lepenistes,
41:59 d'une élection qui est à fort enjeu national et on prépare déjà la suite.
42:06 Alors on évoque plusieurs duels, un autre duel a lieu dans cette campagne, c'est entre
42:10 Reconquête et LR, entre Marion Maréchal et François-Xavier Bellamy.
42:14 Le scénario de voir les LR tomber en bas de 5%, il est évoqué de temps en temps.
42:19 Qu'est-ce que ça voudrait dire si jamais LR ne réussissait pas la qualification ?
42:22 Alors c'est un enjeu de survie pour les Républicains, à minima faire 5% pour effacer le très
42:33 fort échec de la présidentielle de 2022 quand Valérie Pécresse avait fait 4,7%
42:38 des voix, au mieux maintenir le score qui avait été celui de François-Xavier Bellamy
42:44 lors de la dernière élection présidentielle en 2019 autour de 8%.
42:48 Et ce qui se joue en fait c'est la survie des Républicains en tant que force politique
42:54 organisée de premier ordre dans la perspective des prochaines échéances.
42:59 Donc on y revient, c'est encore la préparation de la suite qui se joue aux européennes.
43:05 L'avenir de LR dépendra à la fois de leur score intrinsèque, est-ce qu'ils sont en
43:11 dessous des 5% ou plus proche des 8%, mais aussi de ce que sera le reste du paysage.
43:17 Est-ce qu'ils sont devant ou derrière Reconquête ? Ce serait un signal qui serait plus ou moins
43:24 mal engagé.
43:25 Et puis quelle sera l'ampleur de la victoire du RN et quel sera l'écart entre le RN
43:32 et la liste présidentielle.
43:34 Donc si les Républicains obtiennent un score qui se situerait aux alentours de 6-8%, il
43:43 ne va pas manquer de voir se développer de nouveau des discours et des interrogations
43:50 au sein de l'état-major LR en disant que faisons-nous pour la prochaine élection présidentielle.
43:56 Est-ce qu'on y va sous nos propres couleurs une nouvelle fois avec le risque d'être
44:01 complètement disqualifié ?
44:02 Et si nous n'allons pas sous nos propres couleurs, vu le score, il faut encore que
44:05 quelqu'un se dévoue pour y aller.
44:08 Et si nous n'y allons pas sous nos propres couleurs, de quel côté tombons-nous ?
44:12 Est-ce qu'on finit par aller dans une alliance avec le fameux bloc central, notamment s'il
44:21 était incarné par quelqu'un qui historiquement venait du courant des Républicains ?
44:25 Edouard Philippe, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, donc on reconstituerait la famille.
44:30 Est-ce qu'on est prêt à faire ça ? Est-ce qu'on s'efface ?
44:33 Est-ce que quelque part on rend service à des gens qui nous ont trahis et qui ont quitté
44:39 la famille ?
44:40 Ou d'autres diront "mais non, aujourd'hui vous voyez bien où sont partis nos électeurs
44:45 ?
44:46 Nos électeurs sont partis chez Bardella, ils sont partis au Rassemblement National."
44:49 Il y a un doute sur comment ils vont décider ?
44:52 Apparemment, par rapport au Rassemblement National, leur position est quand même assez
44:55 claire pour la plupart.
44:57 Et comme beaucoup ont rejoint le bloc central…
44:59 Alors, pour l'état-major ?
45:01 Oui.
45:02 Mais les élus locaux, certains députés, les militants, les électeurs…
45:07 Mais là vous décrivez un parti en pleine implosion dans ce cas-là ?
45:10 C'est ce qui se joue sur ces élections européennes.
45:13 C'est-à-dire, est-ce que le score qu'ils vont obtenir leur permet de gagner du temps
45:17 et de pouvoir espérer une reconstruction ?
45:22 Ou est-ce que c'est une confirmation que les Républicains sont définitivement rétrogradés
45:28 en deuxième division et que dans la perspective du choc annoncé de 2027, ils vont devoir
45:35 choisir leur camp ?
45:36 C'est-à-dire que le salut pour eux ne se trouve qu'avec d'autres, en tous les
45:39 cas.
45:40 Si le score reste modeste, si François-Xavier Bellamy arrive proche de 10%, on a le droit
45:47 de revenir en deuxième saison.
45:50 La gauche peut-être ?
45:51 Justement, pour suivre, Raphaël Glucksmann est l'élément surprenant pour plusieurs
45:56 fois dans ces élections européennes.
45:57 Est-ce qu'il représente une fracture à l'intérieur du Bloc central ou une renaissance
46:01 de la gauche ?
46:02 Je pense qu'il se positionne aujourd'hui plutôt à gauche que dans le Bloc central.
46:11 Quand on regarde d'où proviennent ces électeurs potentiels, 29% des électeurs qui avaient
46:19 voté Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle envisagent de voter pour la liste Glucksmann
46:24 contre 14% des macronistes.
46:26 On voit bien que la liste Glucksmann penche plutôt à gauche, même si elle va capter
46:33 toute une partie de l'électorat de centre-gauche qui est en déshérence.
46:37 Ce faisant, effectivement, elle donne cette liste du fil à retordre à la fois à ses
46:43 ex-alliés de gauche, puisqu'on voit que la nuppes est quand même très divisée,
46:49 il n'y a pas moins de quatre listes qui se présentent aux européennes, et que la base
46:55 de discussion pour d'éventuels accords électoraux futurs, ce ne sera plus la présidentielle,
47:00 mais ce sera aussi le rapport de force des européennes.
47:02 Et puis la liste Glucksmann, et on l'appelle Glucksmann par parti socialiste parce qu'on
47:07 pense que c'est d'abord sur son nom et sur son image personnelle que la performance
47:11 électorale va se jouer.
47:13 Cette liste-là cause aussi beaucoup de soucis à la liste macroniste, puisque une partie
47:23 de l'électorat de gauche modérée pro-européen, aujourd'hui, se tourne vers Glucksmann.
47:28 Il peut finir devant pour vous ?
47:29 Alors ce n'est pas un scénario qui est à exclure, puisque aujourd'hui il y a entre
47:35 deux et trois points d'écart selon les instituts entre les deux listes, et que deux et trois
47:40 points d'écart, on est dans la marge d'erreur, et ce d'autant plus qu'on a des vases
47:44 communicants comme on l'indiquait entre les deux électorats.
47:46 Et on joue bien, vous le voyez, à plus européen que moi, tu meurs, entre Emmanuel Macron
47:52 et Raphaël Glucksmann, sur qui sera plus allant sur le soutien à la cause ukrainienne,
47:57 qui affichera le plus de symboles pro-européen.
48:02 Et c'est ça aussi qui se joue.
48:05 Emmanuel Macron n'avait peut-être pas anticipé qu'il aurait à se battre aussi sur ce flanc-là,
48:13 puisque M. Glucksmann était déjà présent lors des élections européennes passées,
48:19 mais que sa stature s'est étoffée, et qu'il a une vraie crédibilité et légitimité
48:26 à parler des enjeux européens auprès de cet électorat.
48:28 Et pour conclure, Jérôme Fourquet, j'allais dire du haut de votre expérience politique
48:32 et électorale, il peut y avoir aussi un chamboulement, un énorme surprise,
48:36 ou est-ce que là les choses sont quand même assez figées, voire stabilisées ?
48:40 Alors il faut être prudent et modeste, on est à un mois du scrutin, il peut se passer beaucoup de choses,
48:44 d'autant plus que ce qu'on mesure aujourd'hui, c'est une abstention qui sera relativement importante,
48:51 et moins vous avez de votants, plus les surprises peuvent être grandes à l'arrivée.
48:57 Et le scrutin européen en France nous a déjà habitués à essuyer quelques surprises le soir du dépouillement.
49:06 Alors humble et modeste. Merci Jérôme Fourquet, merci pour votre analyse et d'avoir été notre invité.
49:11 Je remercie mes camarades évidemment, Mathieu et Nicolas,
49:15 on vous dit à très bientôt, très belle journée sur nos antennes.
49:18 Merci à tous !