Dans les yeux d'Olivier - Enfants _ les victimes oubliées des violences conjugal
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00:00:39 En France, les violences conjugales sont un fléau difficile à endiguer.
00:00:45 Elles augmentent même chaque année depuis 2016.
00:00:48 Si les campagnes de prévention mettent principalement en scène les femmes,
00:00:52 premières victimes, on oublie souvent leurs enfants, exposés eux aussi
00:00:57 et toujours victimes directes ou indirectes.
00:01:00 Ils sont près de 400 000 à vivre dans ce climat de terreur permanente,
00:01:04 témoins des coups et des humiliations.
00:01:07 On entend un bruit sourd et en fait on entend ma mère qui appelle à l'aide
00:01:13 mais la porte elle est fermée.
00:01:15 Je pense que c'est vraiment ce moment-là, je perds mon innocence,
00:01:20 j'ai peur pour la vie de ma mère et à ce moment-là j'ai cette envie de la protéger.
00:01:24 Troubles du sommeil, du comportement ou de l'alimentation,
00:01:28 stress post-traumatique, dépression, les séquelles pour ces enfants sont graves.
00:01:34 Je me désociabilise de tout à cette période-là.
00:01:39 Et du coup, je n'ai plus personne à qui parler, parce que je perds totalement confiance.
00:01:44 J'ai qu'une seule envie, c'est de me jeter du premier pont qui arrive.
00:01:49 Aux sentiments d'impuissance et de détresse s'ajoutent souvent la perte de repères et la peur du pire.
00:01:56 Ce n'est pas juste la mort de la maman, c'est la mort de la famille
00:01:59 et c'est l'effondrement de tous les repères qu'on a construits en étant enfant.
00:02:02 Comment grandir et se construire lorsque l'on a été exposé à la violence toute son enfance ?
00:02:08 A quels effets visibles et invisibles ces enfants doivent-ils faire face ?
00:02:12 Quels liens garder avec les siens ?
00:02:14 Et puis comment briser le cycle de reproduction des violences ?
00:02:17 J'ai commencé à reproduire ça dans l'adolescence, où j'étais particulièrement violent avec mes soeurs.
00:02:23 Le plus dur, c'est de se rendre compte.
00:02:25 Il y a une longue période où j'ai terriblement eu peur de lui ressembler.
00:02:28 Parce que les violences conjugales impactent non seulement les familles, mais notre société tout entière,
00:02:34 je suis parti à la rencontre de ceux qui, enfants, ont été les victimes collatérales de la brutalité.
00:02:40 Aujourd'hui rescapés, tous espèrent que leurs témoignages résonneront et provoqueront une prise de conscience.
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00:03:04 Le féminicide est le stade ultime des violences conjugales.
00:03:08 Contrairement aux idées reçues, la moitié de ces meurtres n'est pas précédée de violences physiques au sein du couple.
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00:03:20 Le 26 décembre 2018, Fanny, 25 ans, a vu sa famille détruite lorsque son père a tué sa mère dans leur maison de famille.
00:03:28 Elle avait 20 ans et jamais auparavant, son père n'avait été violent avec sa mère.
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00:03:38 On a grandi dans une famille normale.
00:03:40 On avait une belle maison, un grand jardin, on partait deux à trois fois en vacances par an.
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00:03:47 Notre père allait passer son grade d'ingénieur.
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00:03:52 Ça peut être une femme qui est intelligente, qui est indépendante, comme notre maman l'était.
00:03:55 Ça peut être la femme la plus forte possible, la féministe la plus aguerrie.
00:03:58 Ça arrive à tout le monde, à toutes les couches sociales, toutes les strates.
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00:04:07 Fanny et sa sœur Candice ont grandi entourées et aimées de leurs parents dans une commune proche de Clermont-Ferrand.
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00:04:18 A priori, duretole.
00:04:20 Ça sonne un petit peu brut.
00:04:22 Mais pour moi, c'était vraiment la douceur.
00:04:24 Il y a un sentiment de chaleur, de bien-être, de sécurité.
00:04:28 C'était ce que m'inspirait la maison et le petit bourg.
00:04:31 Ma maman m'a donné mes premières pièces où j'allais chercher le pain à la boulangerie comme une grande.
00:04:35 C'est les premiers moments où on commence à grandir, oui.
00:04:38 Parlez-moi de votre mère. Quelle femme était-elle ?
00:04:42 Ma maman, c'était un savant mélange de douceur, de maman caline, aimante et d'exigence.
00:04:53 Elle avait un côté quand même sévère, dur.
00:04:55 Mais parce que je pense qu'elle voulait vraiment qu'on soit capable en tout cas d'être assez forte pour avancer dans la vie, pour être indépendante.
00:05:00 J'ai des souvenirs très forts avec elle.
00:05:03 Elle manquait jamais de temps pour s'occuper de nous, pour nous cultiver, nous rendre curieux de tout.
00:05:10 Et ça, c'est une force incroyable.
00:05:13 Sans sa force à elle, je n'aurais peut-être pas été capable d'avancer ensuite sans elle.
00:05:18 Mon père, lui, c'était la force tranquille. Toujours très posé, très calme.
00:05:25 De quel milieu venait-il ?
00:05:27 C'est plutôt un milieu très modeste.
00:05:30 Ma grand-mère ne travaillait pas. Mon grand-père était ouvrier pour les usines Michelin.
00:05:35 Et puis il n'a pas grandi surtout avec, je pense, beaucoup d'amour.
00:05:39 Il y avait une dureté ambiante, je pense, qu'il a forgée et qui a fait que pendant très longtemps, avant de rencontrer ma mère, il n'avait aucune estime de lui.
00:05:47 Parce qu'il avait grandi dans un environnement où on lui disait "T'es bon à rien, tu ne feras rien, t'es bête, t'es débile".
00:05:54 A force de travail, le père de Fanny devient régisseur d'un complexe sportif à la mairie de Clermont-Ferrand.
00:06:01 De son côté, sa mère est en charge du recrutement dans le journal local.
00:06:06 Une vie de famille sans accrocs jusqu'au jour où la mère de Fanny décide de devenir professeure en gestion administration.
00:06:14 Elle est mutée à Lyon et son absence déséquilibre très rapidement la vie de famille.
00:06:20 Ma mère se passionne en fait pour les enfants, pour les élèves, pour la structure.
00:06:25 Elle travaille comme une acharnée du lundi au vendredi et elle rentre à la maison du coup le vendredi soir de Lyon.
00:06:31 Et elle est à la maison aussi les vacances scolaires. Il y a une distance déjà qui s'installe à ce moment-là entre mes parents.
00:06:36 Et je ne sais pas, ensuite très vite, il y a une espèce de jalousie qui va s'installer.
00:06:40 Mon père a dû penser qu'il n'était pas au courant de tout ce qui se passait à Lyon.
00:06:46 Alors il va y avoir un premier incident concernant votre père ?
00:06:52 Oui, moi c'est un soir où je rentre avec mon ex-conjoint et de la rue j'entends une musique très forte avec des grosses basses.
00:06:58 Je rentre, ma sœur et ma mère sont toutes les deux et ont vraiment pas l'air bien.
00:07:03 Et ma mère me dit "Ton père s'est enfermé dans le salon de salle à manger, il a mis la musique à fond, il est inarrêtable, il veut écouter personne.
00:07:10 Peut-être que toi il t'écoutera."
00:07:13 C'est vrai qu'on avait vraiment cette relation privilégiée et ça faisait déjà un an, un an et demi que j'étais le tampon, la confidente.
00:07:20 Donc je vais le voir, il baisse la musique un premier temps, je le revois en train de doucher la tête comme ça et de me dire
00:07:26 "Mais c'est pas grave Fanny, ta mère elle me dit des trucs, mais c'est pas grave je veux même pas que tu le saches, c'est trop nul.
00:07:33 La seule chose qui compte dans la vie c'est le rock'n'roll."
00:07:36 Et il remettait la musique à fond.
00:07:38 Et je l'ai pas reconnu. Je pense que c'est la première fois de ma vie que j'ai pas reconnu mon père.
00:07:44 Consciente que la santé mentale de son mari se fragilise, la mère de Fanny demande un avis médical
00:07:51 et son mari est interné en hôpital psychiatrique pendant trois mois pour burn-out sévère.
00:07:57 Deux mois après son retour, le père de Fanny fait une nouvelle crise de démence dans la nuit.
00:08:03 Apeuré, sa femme s'enferme dans la chambre de sa plus jeune fille Candice.
00:08:08 C'est Fanny qui va trouver ce soir-là les mots pour raisonner son père.
00:08:13 Je vois mon père avec un tournevis en train d'essayer de forcer la serrure.
00:08:18 Et il a un regard de chien fou.
00:08:20 Il porte avec lui une radio portable, il va la brancher dans la chambre et il met la musique à fond de la radio.
00:08:24 Je lui hurle dessus et je lui dis "Mais t'arrêtes tes conneries maintenant !"
00:08:27 Donc il se fige et il me fait "Mais Fanny, je suis ton père, t'as pas à me hurler dessus comme ça."
00:08:32 Et je lui dis "Là tout de suite je sais pas qui t'es mais toi t'es pas mon père.
00:08:35 Donc tu descends et on va aller parler."
00:08:37 On est restés peut-être jusqu'à 3 ou 4 heures du matin à parler ensemble dans le salon.
00:08:41 Et petit à petit je le voyais revenir.
00:08:43 Cette lueur un peu étrange, bizarre, que je voyais dans son regard disparaissait.
00:08:48 Et je le voyais revenir, on discutait.
00:08:50 Et j'essayais de lui dire surtout "Mais tu vas tout perdre.
00:08:53 Vous allez divorcer.
00:08:55 Si tu ne te reprends pas en main, c'est inévitable."
00:08:59 On peut dire qu'à ce moment-là, votre père est en train de...
00:09:02 Hyper pied.
00:09:03 Hyper pied.
00:09:04 Perdre pied.
00:09:05 Ouais.
00:09:06 Il est mort.
00:09:07 Il est mort.
00:09:08 Il est mort.
00:09:09 Pendant un an, le couple se délite progressivement.
00:09:13 Et c'est lorsque le divorce semble inévitable que son père commet l'irréparable.
00:09:18 Moi je suis chez moi, tranquillement.
00:09:26 Je ne me doute absolument de rien.
00:09:29 Et j'ai un appel.
00:09:31 D'un numéro que j'ai pas enregistré dans mon téléphone.
00:09:34 Et j'entends une voix chevrotante à l'autre bout du fil.
00:09:37 "Fanny !"
00:09:38 Mais quelque chose de très ténu.
00:09:40 "C'est mamie. Mamie Midé."
00:09:42 Donc la maman de ma maman.
00:09:44 Que vous n'aviez pas entendu depuis un moment, vous dites ?
00:09:46 Oui.
00:09:47 D'accord.
00:09:48 Oui.
00:09:49 Et je dis "Mais mamie, mais qu'est-ce qui se passe ?
00:09:52 Pourquoi tu m'appelles ?"
00:09:53 Et elle me dit "Fanny, il est arrivé quelque chose de terrible."
00:09:57 Et là elle me dit "Ton papa a tué ta maman."
00:10:01 [Soupir]
00:10:03 Je lui dis "Mais mamie, mais qu'est-ce que tu racontes ?
00:10:08 Mais qu'est-ce que tu me dis là ?"
00:10:10 Et là je sens que le téléphone passe à une autre main.
00:10:12 Et c'est un homme qui prend le téléphone et qui me dit
00:10:15 "Bonjour madame, Adjudant..."
00:10:16 Alors j'ai plus le nom en tête.
00:10:17 Oui.
00:10:18 "De la gendarmerie."
00:10:20 Là j'entends le mot "Adjudant", je comprends que c'est sérieux.
00:10:23 Donc je me souviens juste que je suis tombée par terre.
00:10:28 Et je lui dis "Mais qu'est-ce qui se passe là ?
00:10:30 C'est vrai ce que ma grand-mère vient de me dire ?"
00:10:32 Je lui dis "Mais qu'est-ce qui se passe ?"
00:10:34 Et il me dit "Oui c'est vrai, vos grands-parents vont venir vous chercher."
00:10:37 Et je tourne en rond le temps qu'ils arrivent.
00:10:39 Je suis dans cet appartement, je crois que j'ai crié une ou deux fois.
00:10:42 Et je sais pas qui appeler.
00:10:47 La première question que je me pose c'est "Qui va comprendre ?"
00:10:50 Qui va comprendre ?
00:10:52 Ouais.
00:10:53 Je me dis mais...
00:10:54 J'appelle des amis au téléphone et je leur dis
00:10:56 "Mon père vient de tuer ma mère."
00:10:58 Qu'est-ce qu'on répond à ça ?
00:11:00 Je suis toute seule chez moi et je suis complètement...
00:11:03 Désemparée, je peux juste attendre mes grands-parents qui arrivent.
00:11:06 Après ce qui me semble être...
00:11:08 Oui, une éternité.
00:11:09 Je monte dans la voiture.
00:11:11 Il y a une partie de moi qui se dit "T'as mal entendu."
00:11:14 "C'est une mauvaise blague, maman va bien."
00:11:16 Ou alors "Ils sont trompés, elle est à l'hôpital, elle est gravement blessée."
00:11:20 "Mais elle va bien, ce n'est pas possible."
00:11:22 Et dans le pire des cas c'est un accident.
00:11:26 Pendant le trajet qu'il amène chez ses parents,
00:11:28 Fanny réalise que Candice, sa soeur de 14 ans, a assisté au drame.
00:11:33 J'ouvre la portière, je me mets à courir
00:11:37 et à ce moment-là dans ma tête je me dis "Candice."
00:11:39 Je tourne en boucle, si c'est vrai, "Candice."
00:11:45 Et je ne pense plus qu'à ça.
00:11:46 Et j'ai couru jusqu'à cette terrasse.
00:11:50 Je suis rentrée par la baie vitrée.
00:11:53 Et je vois Candice qui est recroquevillée sur le canapé,
00:11:56 qui ne pleure pas, qui est juste amorphe
00:12:00 et qui tient notre chienne dans ses bras.
00:12:02 Et il y a une gendarme en face d'elle.
00:12:05 Qui lui parle, qui est présente, qui est là pour la réconforter.
00:12:11 Donc je regarde tout de suite les gendarmes et je leur dis "Je veux voir ma mère."
00:12:13 "Où est ma mère ?"
00:12:14 Et là tout de suite on me dit "Non mais vous ne pouvez pas aller la voir, c'est pas possible."
00:12:19 "Elle est dans votre chambre au premier étage."
00:12:22 "Mais la police scientifique est encore là."
00:12:24 "Il y a les pompiers, vous ne pouvez pas aller la voir."
00:12:26 Et puis on part vers midi, 13h.
00:12:29 Ils nous emmènent au commissariat.
00:12:31 Moi je récupère du coup un cadre, une photo avec ma maman.
00:12:35 Et on part au commissariat pour déposer.
00:12:37 Et je suis en train de déposer face à la gendarme.
00:12:42 Et je la vois qui se lève, qui fait le tour du bureau.
00:12:46 Qui vient me voir, qui s'accroupit devant moi et qui me dit "Écoutez Fanny..."
00:12:51 "Je veux que vous sachiez qu'il y a eu environ 8 coups de couteau dans la gorge."
00:12:56 "Ça a touché directement la carotide."
00:12:58 "Elle n'a pas souffert."
00:13:00 Il n'y a jamais une bonne manière d'annoncer un décès.
00:13:09 J'ai jamais de bonne manière d'annoncer à un enfant que sa mère vient de mourir.
00:13:13 Et qu'en plus ils sont orphelins.
00:13:14 Qu'il n'y a plus de maison, qu'il n'y a plus rien.
00:13:16 Il n'y a jamais de bonne manière de l'annoncer.
00:13:17 En tout cas pas comme ça.
00:13:18 Mais pas comme ça.
00:13:19 Non.
00:13:20 Parce qu'à ce moment-là, la seule chose que j'ai envie de lui crier c'est "Mais..."
00:13:23 "Comment vous pouvez dire qu'elle n'a pas souffert ?"
00:13:25 "Quel coup de couteau a été fatal ?"
00:13:28 "Qu'est-ce qui s'est passé juste avant ?"
00:13:30 "Comment on continue dans la vie ?"
00:13:33 "Mais si c'est vrai, ça veut dire que mon père va partir en prison."
00:13:35 "Mais qui sera là ma remise de diplôme ?"
00:13:37 "Qui va m'accompagner à l'hôtel le jour de mon mariage ?"
00:13:39 "Qui va venir voir mes enfants à la maternité quand j'aurai à coucher ?"
00:13:42 Moi c'est toute la vie que j'avais projetée avec eux qui s'écroule en fait.
00:13:47 C'est pas juste la mort de la maman, c'est la mort de la famille.
00:13:49 Et c'est l'effondrement de tous les repères qu'on a construits en étant enfant.
00:13:52 Moi j'ai aussi questionné toutes les valeurs que mon père avait pu m'inculquer.
00:13:56 Tout ce qu'il a pu me dire, "On fait pas aux autres ce qu'on veut pas qu'on nous fasse."
00:14:00 "Sois respectueuse."
00:14:02 "Sois gentille."
00:14:04 "La violence n'est jamais une solution."
00:14:06 "Sois dans le dialogue."
00:14:07 "Apprends à être diplomate."
00:14:08 Mais tout ça je me dis mais c'était du vent.
00:14:11 Il se foutait de ma gueule.
00:14:13 Avec du recul aujourd'hui je sais bien que non.
00:14:16 Parce que j'ai eu un très bon papa.
00:14:18 Jusqu'à ce que ça commence à être compliqué, pendant bien 19 ans à peu près, j'ai eu un très bon papa.
00:14:24 - Hum hum.
00:14:26 *Musique*
00:14:37 Contrairement à Fanny et Candice, Anatole et Anna, que je retrouve chez leur mère Alexandra en banlieue parisienne,
00:14:42 ont connu depuis leur plus jeune âge la violence.
00:14:45 En plus d'être témoins des coups quotidiens infligés à leur mère,
00:14:50 les enfants étaient également battus par leur père.
00:14:53 Dans ce climat de peur et de tension permanente,
00:14:56 les cinq frères et sœurs ont tenté de se construire chacun à leur manière.
00:15:01 - Yes.
00:15:03 - Parce que je t'aime.
00:15:04 - Oh wow.
00:15:05 - En plus il y avait des petits cœurs.
00:15:07 Si Anna doit aujourd'hui témoigner de manière anonyme,
00:15:10 c'est parce qu'à 15 ans, elle est toujours sous l'autorité parentale de son père,
00:15:14 pourtant reconnu coupable de violence conjugale par la justice.
00:15:18 - Du coup, ce week-end, vous avez prévu des trucs ?
00:15:23 - Pour l'instant non.
00:15:25 - Pareil.
00:15:26 *Musique*
00:15:32 - Un enfant qui assiste à des violences conjugales,
00:15:36 c'est comme une scène de guerre en fait pour lui.
00:15:39 J'ai peur que mes enfants soient tellement abîmés
00:15:43 qu'ils ne puissent pas vivre correctement leur vie d'adultes.
00:15:46 - Le cri d'une mère, il n'y a rien de pire.
00:15:50 C'est vraiment, il y a une sorte de décharge électrique.
00:15:53 En face de soi, on est un monstre.
00:15:56 On a quelqu'un qui ne se contrôle plus et qui ne contrôle plus rien en fait.
00:16:01 - J'étais très soulagée quand il est parti définitivement de la maison.
00:16:05 J'étais enfin libre.
00:16:07 On n'avait plus cette oppression masculine qu'on avait du coup jusqu'à maintenant.
00:16:12 Et on a pu enfin commencer une vie à peu près normale.
00:16:17 - Alexandra rencontre le futur père de ses 5 enfants
00:16:28 alors qu'elle a 19 ans.
00:16:30 Lui en a 29 et elle le décrit comme étant charismatique.
00:16:34 Pour lui, elle renonce à sa carrière professionnelle.
00:16:37 - Alexandra, vous avez vécu des violences très tôt
00:16:47 dans la relation que vous aviez avec le père de vos enfants.
00:16:51 - Les violences arrivent très vite, oui.
00:16:54 - Sous quelle forme elles arrivent ?
00:16:57 - Des violences psychologiques.
00:16:58 Des humiliations très rapidement.
00:17:00 - Du style en fait ?
00:17:02 - Je vais faire à manger mais il aurait voulu autre chose.
00:17:04 Ah bah c'est trop froid ou alors ça va être trop chaud.
00:17:07 Ou pourquoi t'as utilisé...
00:17:08 Enfin voilà, c'est systématiquement de la mise en...
00:17:12 En fait, ils sont sans cesse en train de nous déstabiliser.
00:17:15 Et comme on est tout le temps en train de se dire
00:17:17 "Il faut que je répare ce que j'ai fait"
00:17:18 donc on se dépêche pour aller essayer de cuisiner un autre truc
00:17:21 parce qu'on se dit peut-être que ça va lui plaire.
00:17:23 Et puis bah non, finalement ça ne va plus pas.
00:17:25 Voilà donc on est tout le temps, tout le temps, tout le temps comme ça.
00:17:27 Après, ça va être...
00:17:29 "T'es qu'une merde, qu'est-ce que tu veux qu'un mec soit avec une nana comme toi ?"
00:17:35 "Regarde-toi."
00:17:38 Après tout ce qui était violences physiques,
00:17:40 c'est toujours arrangé pour que ce soit caché.
00:17:44 C'est-à-dire que quand je m'habillais, les gens ne pouvaient pas se douter.
00:17:47 - Votre premier enfant va naître.
00:17:50 Est-ce qu'avec l'arrivée de ce bébé,
00:17:53 les violences s'amplifient ?
00:17:55 - Bien sûr qu'elles s'amplifient parce qu'en fait,
00:17:57 ce type de personnes, on est leur chose en fait.
00:18:00 Donc à partir du moment où notre attention va sur quelqu'un d'autre,
00:18:06 en l'occurrence l'enfant qui naît,
00:18:08 il le vit super mal.
00:18:14 - Est-ce qu'il s'en prend à elle ?
00:18:16 - Oui, c'est-à-dire que j'estime que mes enfants me donnent de la chance
00:18:22 parce qu'ils auraient pu avoir le syndrome du bébé secoué.
00:18:26 Un enfant qui pleure, un enfant qui va...
00:18:29 On sait tout ce que c'est qu'un enfant.
00:18:31 Il est incapable de comprendre ça.
00:18:33 Dès lors, la plus grande défi va devenir le souffre-douleur de ce père tyrannique.
00:18:40 Et si ses trois autres sœurs sont-elles souvent aussi brutalisées,
00:18:44 Anatole, seul garçon du clan, a le droit, lui, à un autre traitement.
00:18:51 - Les enfants, Anatole, Anna,
00:18:53 quels souvenirs vous gardez de votre père quand vous étiez petit ?
00:18:57 - La peur, en fait.
00:18:59 La peur d'une autorité qui est terrifiante.
00:19:05 C'est vraiment ça que je garde.
00:19:09 - Totalement, oui.
00:19:11 Quand on rentre de l'école, par exemple, et qu'il est là,
00:19:15 on va faire attention de pas trop le déranger.
00:19:19 Dès qu'il aura passé une mauvaise journée,
00:19:21 il va être désagréable avec tout le monde.
00:19:23 Du coup, on va être tendu.
00:19:25 Ça va éclater, à un moment.
00:19:27 Je me souviens particulièrement d'une fois où j'avais peur la nuit.
00:19:30 Je voulais aller voir maman.
00:19:32 Il s'était énervé sans vraiment aucune raison.
00:19:35 Il m'avait pris, il m'avait traîné dans l'escalier.
00:19:38 Il m'avait enfermée dans la cave.
00:19:40 Il avait éteint la lumière et il était parti.
00:19:42 J'étais restée plusieurs heures dans le noir dans la cave.
00:19:45 J'étais petite et j'avais du coup très peur.
00:19:48 - Alexandra, comment vous réagissiez lorsqu'il s'en prenait aux enfants ?
00:19:52 - Je suis dans un état de sidération.
00:19:56 Pour la plupart du temps, je bouge pas. Je fais rien.
00:20:00 Il y a que 2-3 fois où j'ai bougé, je suis intervenue,
00:20:07 parce qu'à ce moment-là, je sentais la vie d'un de mes enfants en danger.
00:20:12 Mais les autres fois, en fait, je...
00:20:15 - Dans quelles circonstances ?
00:20:17 - Dans quelles circonstances ?
00:20:19 C'est une situation totalement...
00:20:21 Une vie de famille, quoi.
00:20:23 Il s'avère qu'Anatole, à ce soir-là, était allé jouer avec un copain.
00:20:27 On rentre à la maison et d'un seul coup, il se retombe.
00:20:30 Il fait... Il manque Anatole.
00:20:32 Je sais pas pourquoi, il s'en prend à sa fille aînée.
00:20:35 Et là, il commence à l'attraper par le coup.
00:20:39 Il la soulève.
00:20:41 Il la plaque contre un mur.
00:20:44 Et là, je vois ma fille qui commence à ne plus pouvoir respirer, quoi.
00:20:48 Donc, à ce moment-là, je m'interpose.
00:20:51 Et là, je lui dis "T'arrêtes tout de suite".
00:20:53 - Je pense que... Enfin, par rapport à cette aînée,
00:20:57 qui a vécu le plus de violence,
00:21:00 c'était l'une des plus rebelles de nous tous.
00:21:04 Et en fait, lui, il le voyait, il le sentait.
00:21:10 Et donc, il voulait montrer l'exemple.
00:21:12 Il disait "Regardez ce que je fais aux rebelles,
00:21:15 à ceux qui se rebellent contre moi, quoi".
00:21:17 - Quelle relation cela mettait entre vous, frères et sœurs ?
00:21:21 - Il y avait toujours des marques de favoritisme
00:21:23 envers le seul garçon de la famille.
00:21:25 Et du coup, nous, on était toujours les petites mères d'à côté.
00:21:28 On était les seules filles, enfin.
00:21:30 On l'a très mal vécu.
00:21:31 Et on en a beaucoup voulu à Anatole pour ça.
00:21:33 On a été forcément moins solidaires avec lui
00:21:35 qu'entre nous, les filles.
00:21:37 ...
00:21:51 - Enfant, Anatole a eu beaucoup de mal à trouver sa place,
00:21:55 favorisée par son père et exclue par ses sœurs.
00:21:59 A 14 ans, il est devenu violent.
00:22:04 ...
00:22:18 - Mes deux grandes sœurs,
00:22:19 elles avaient plus affaire à une violence physique
00:22:22 et moi plus une violence psychologique
00:22:24 qui a pour but d'être léguée, en fait.
00:22:26 Comme j'étais l'homme de la famille,
00:22:28 c'était celui qui récupérait le nom, finalement, de mon père.
00:22:31 - Oui.
00:22:32 - Il y avait cette sorte de "je te lègue ce que je suis", en fait.
00:22:35 Et avec tout ça, il y a la violence, la...
00:22:38 La... Voilà, il y a tout ce qui va avec.
00:22:41 Et donc, j'étais, on va dire, le plus proche.
00:22:43 - Est-ce qu'à l'époque, vous vous sentez, vous aussi,
00:22:46 le droit d'être violent ?
00:22:48 - Oui.
00:22:49 Il y a eu une période où j'ai été violent avec mes sœurs.
00:22:52 Je m'en veux et en même temps, j'étais dans un état psychologique
00:22:55 où je comprenais pas les choses.
00:22:57 - Quelle réaction vous aviez, vous,
00:22:58 quand vos sœurs se rebellaient, justement, à cette époque ?
00:23:01 - Je me suis rangé du côté de mon père.
00:23:03 Il y a eu une longue période où j'ai pas compris,
00:23:05 où mes sœurs étaient dans une confidence avec ma mère,
00:23:08 où elles disaient à ma mère, "Mais c'est pas normal, en fait,
00:23:10 "ce que tu vis et ce qu'on vit, c'est juste pas normal."
00:23:13 Moi, je disais, "Mais en fait, elles sont méchantes avec mon père.
00:23:15 "Elles sont méchantes avec mon père et je vois pas pourquoi."
00:23:17 Et... Et c'est vraiment cette période-là
00:23:20 où il y a eu cette prise de conscience,
00:23:23 où ma sœur, qui est juste au-dessus de moi,
00:23:25 un jour, on a discuté.
00:23:27 Elle m'explique.
00:23:28 Et là, il y a déjà un premier réveil.
00:23:31 Je mets tout de suite plus de distance entre mon père et moi,
00:23:34 mais très radical.
00:23:35 Je... Voilà.
00:23:37 Je préfère vraiment mettre la distance.
00:23:39 Et deuxième chose, un jour, une amie à moi m'avait prêté un livre,
00:23:43 un manga, dans lequel il y a pas mal de violence.
00:23:47 Mon père voit ça et il y avait...
00:23:49 C'était très contradictoire, parce qu'il disait,
00:23:51 "Mais c'est hyper violent, ça va pas ou quoi ?
00:23:54 "Enfin, c'est n'importe quoi."
00:23:56 Et voilà, il m'a parlé pendant des heures et des heures.
00:23:59 Et j'ai cette chose qui monte en moi.
00:24:02 C'est vraiment... C'est même plus de la colère, en fait.
00:24:05 C'est de la haine. C'est vraiment... Je...
00:24:07 Et donc, il y avait une assiette sur la table
00:24:09 et j'ai pris l'assiette.
00:24:11 Et je voulais... Enfin, je voulais lui...
00:24:13 Enfin, lui taper, lui casser sur la tête.
00:24:16 Et je réentends ma sœur, en fait, la voix de ma sœur,
00:24:19 où là, c'était vraiment... C'était décisif, quoi.
00:24:22 Où j'entends ma sœur qui me dit, "Mais ça va aller, Anatol ?
00:24:25 "Euh... Tu... Tu...
00:24:28 "On va se calmer, ça va aller.
00:24:31 "Euh... Voilà, pense à autre chose.
00:24:34 "Oublie-le, il est pas là."
00:24:36 Et elle vient vers moi, elle me fait un câlin.
00:24:39 Là, c'est vraiment cette chose-là que j'ai sentie.
00:24:41 En fait, il veut me donner sa violence.
00:24:43 Il veut me léguer sa violence.
00:24:45 Et ma sœur, juste au-dessus de moi,
00:24:47 qui m'a... En fait, qui a vraiment fait le déclenchement
00:24:50 de le balancement où, en fait, non,
00:24:52 je n'accepte pas de devenir comme toi.
00:24:54 ...
00:24:57 -Petit à petit, Anatol rompt avec la figure paternelle
00:25:00 et se rapproche de ses sœurs et de sa mère.
00:25:03 Mais son rapport aux femmes,
00:25:05 biaisé par ses années de violence et de conditionnement,
00:25:08 reste compliqué.
00:25:10 ...
00:25:14 -C'est une période où je me souviens,
00:25:17 je... Même relationnellement parlant,
00:25:19 enfin amoureusement avec les filles,
00:25:21 parce que j'avais terriblement peur.
00:25:23 -Des filles ? -Des filles.
00:25:25 -Pourquoi ? -Déjà, ça, c'est quelque chose
00:25:28 qui m'a vraiment inculqué.
00:25:30 Il me disait, "Mais méfie-toi des femmes.
00:25:33 "Méfie-toi des femmes, Anatol.
00:25:35 "Elles sont vicieuses."
00:25:37 ...
00:25:40 -Il y a un moment dans votre vie où vous allez remettre, donc,
00:25:44 tout en cause. -Tout en cause.
00:25:46 -Et comment ça se passe ?
00:25:48 Et comment êtes-vous arrivé à...
00:25:50 à vous extirper de tout ça ?
00:25:52 -Euh... Des rencontres.
00:25:54 Des rencontres...
00:25:56 vraiment... masculines.
00:25:58 Des masculines très phares.
00:26:00 -Comme ? -Des profs.
00:26:02 Des profs. Des profs.
00:26:04 J'ai fait de l'escrime.
00:26:06 Et donc, mon maître d'armes,
00:26:08 qui a été une grande référence pour moi,
00:26:10 il m'a appris plein de choses, même au niveau des valeurs.
00:26:13 -Hm-hm. -Euh...
00:26:15 Eh ben, j'ai vu qu'en fait, c'était possible
00:26:18 de transmettre quelque chose sans être violent.
00:26:21 -Hm-hm. -Et juste être...
00:26:23 être ce qu'on est.
00:26:25 ...
00:26:27 -Se construire en tant qu'homme
00:26:29 lorsque l'on a été témoin de violences conjugales enfant
00:26:32 est souvent un parcours sinueux
00:26:34 auquel s'ajoute l'angoisse de répéter un schéma.
00:26:37 ...
00:26:43 Comme Anatole, Adrien a dû, lui aussi,
00:26:46 apprendre à se défaire
00:26:48 de l'héritage traumatique des violences.
00:26:50 ...
00:26:53 -J'ai un souvenir, on était à la table,
00:26:55 mon père avait regardé ma mère dans les yeux en lui disant
00:26:58 "T'es qu'une sale pute, même sur le bord d'un trottoir,
00:27:01 personne ne voudrait de toi."
00:27:03 Et ça, c'est fort,
00:27:05 parce que c'est quand même la femme qui nous met au monde.
00:27:08 On ne devrait pas traiter les gens comme ça.
00:27:11 Et puis, j'ai honte aussi
00:27:13 d'avoir une figure paternelle comme ça.
00:27:16 ...
00:27:29 -Aujourd'hui, Adrien a 28 ans.
00:27:31 Il est ambulancier
00:27:33 et partage sa vie avec Nora depuis 7 ans.
00:27:36 Une vie équilibrée, et pourtant,
00:27:38 Adrien a passé des années à essayer de guérir
00:27:41 des cicatrices de son enfance.
00:27:43 ...
00:27:46 Enfant discret et timide,
00:27:48 Adrien a grandi avec son frère et sa soeur
00:27:51 dans une famille où son père exerçait sur sa mère
00:27:54 une emprise totale.
00:27:56 -On m'a demandé de garder le chien.
00:27:58 -Dès le plus jeune âge,
00:28:00 il est spectateur des humiliations que vit sa mère.
00:28:03 ...
00:28:07 -Décrivez-moi votre père, quand vous êtes enfant.
00:28:10 Quel regard vous portez sur lui ?
00:28:12 Quel homme est-il ?
00:28:14 -C'est quelqu'un d'autoritaire, assez dur.
00:28:17 On se prenait des baffes, des gifles.
00:28:20 Une mauvaise note, quelque chose
00:28:22 qui n'allait pas assez vite pour lui.
00:28:25 C'était constamment, en fait.
00:28:27 Il y avait toujours quelque chose à nous reprocher.
00:28:30 -Quelqu'un qui vous fait peur.
00:28:32 -Oui, il fait peur.
00:28:34 J'ai pas de souvenirs où, avec mon père,
00:28:37 on est deux à passer des moments...
00:28:39 -Ca fait de vous quel type d'enfant ?
00:28:41 Vous êtes en retrait ou ça fait de vous un enfant plus mature ?
00:28:45 -Moi, je suis très effacé.
00:28:47 -Très effacé ? -Oui.
00:28:49 J'ai du mal à m'intégrer.
00:28:51 Je m'intègre via mon frère jumeau,
00:28:54 qui, lui, est un peu plus dans l'opposé,
00:28:57 où il est plus facilement...
00:28:59 Il arrive plus facilement à s'intégrer.
00:29:02 -Comment décririez-vous
00:29:04 les relations de votre père et de votre mère ?
00:29:09 -C'était pas...
00:29:11 Tout ce qu'elle faisait, c'était mal.
00:29:14 Fallait constamment retrouver une critique ardive.
00:29:17 -Toujours ? -Toujours. En permanence.
00:29:20 -Ca vous tendait, quand il rentrait à la maison ?
00:29:23 -Oui, bah oui.
00:29:25 Moi, j'avais toujours une appréhension, une boule au ventre.
00:29:29 On savait qu'un mot,
00:29:31 et potentiellement, il s'énervait,
00:29:35 et ça pouvait dégénérer.
00:29:38 Quand il arrive,
00:29:40 il s'installe avec son journal en bout de table,
00:29:43 avec son verre de vin.
00:29:45 Et puis il dit à ma mère,
00:29:47 "Tu nous fais à manger, tu te tais."
00:29:50 C'est ça.
00:29:52 Et c'est là où il prend le 1er verre, le 2e verre.
00:29:56 -L'alcool, c'est vraiment
00:29:58 un élément central de la vie de votre père.
00:30:01 -Il a un problème avec l'alcool.
00:30:03 On le retrouve la nuit...
00:30:05 à boire.
00:30:08 -Au début, ça reste toujours dans la violence verbale.
00:30:26 -D'accord.
00:30:28 -Elle esquive, elle essaie de s'éloigner.
00:30:31 Et plus ça va, plus elle va lui faire comprendre
00:30:34 qu'elle ne veut pas être traitée comme ça.
00:30:37 C'est là où ça commence un peu à dégénérer.
00:30:40 Et c'est là où la violence verbale,
00:30:43 elle s'amplifie de plus en plus.
00:30:45 Au début, ça nous angoisse.
00:30:47 Et après, ça devient la banalité, une routine.
00:30:50 Ca devient routinier.
00:30:52 -Vous dites qu'il va y avoir une escalade.
00:30:55 -Au début, ça va être des menaces.
00:30:58 Quand ils vont se disputer, c'est...
00:31:01 Un samedi soir, où ils étaient en soirée,
00:31:04 avec des collègues et ma maman,
00:31:07 et quand ils sont rentrés, ma maman nous dit
00:31:10 que mon papa lui a levé la main dessus.
00:31:13 Et là, on prend conscience que l'alcool
00:31:16 plus l'emprise qu'il a, les 2 réunis,
00:31:19 ça fait qu'ils dérivent sur la violence physique.
00:31:23 -Il a passé le pas.
00:31:25 -Et il a passé le pas.
00:31:27 On a reçu des messages
00:31:29 et il a passé le pas.
00:31:31 On a 14 ans, 13-14 ans.
00:31:33 -Est-ce qu'ils s'en prennent à vous ?
00:31:36 -Oui, on se fait gifler.
00:31:38 Quotidiennement, on le voit le soir.
00:31:41 Il est plus âgé, il est sous emprise de l'alcool.
00:31:45 -Quel impact ça a sur vous ?
00:31:48 -Moi, j'ai de la colère envers mon père.
00:31:51 Et j'ai de la haine pour ma mère.
00:31:54 Je me dis, mais qu'est-ce que tu fais encore à être ici ?
00:31:58 On se demande pourquoi elle reste.
00:32:01 Et à côté, j'ai aussi beaucoup de...
00:32:04 C'est un drôle de sentiment.
00:32:06 Parce qu'on aimerait la comprendre et de savoir pourquoi.
00:32:10 Et on se met en même temps à sa place.
00:32:13 On se dit que ça doit pas être évident
00:32:16 quand on a des enfants et qu'on veut leur équilibre.
00:32:20 -En grandissant, Adrien est parvenu à comprendre sa mère
00:32:24 et a toujours été présent pour elle.
00:32:27 ...
00:32:29 -Je voulais les protéger.
00:32:31 Je voulais pas les déraciner leur vie de famille.
00:32:35 Je pensais que de les garder dans leur maison familiale,
00:32:39 ça allait les aider, mais ça les détruisait.
00:32:42 Ils subissaient malgré moi, même si je les mettais à l'écart.
00:32:46 (Il sonne.)
00:32:48 -Salut. -Salut.
00:32:50 -Ca va ? -Oui, et toi ?
00:32:52 -Ouais. -Rentre.
00:32:54 -Merci.
00:32:56 -Ouvrière retraitée,
00:32:58 Michel a longtemps redouté de quitter son mari,
00:33:02 terrorisé par l'inconnu, la peur de vivre seul
00:33:06 et le sentiment que ses enfants refuseraient le divorce.
00:33:10 -Il a 4 ou 5 ans ? -Oui.
00:33:12 -C'est déjà compliqué pour vous ?
00:33:15 -C'est le début de la descente aux enfers.
00:33:19 Et là, c'est quand j'étais à la maternité.
00:33:23 -Avec les 2. -Bien fatiguée.
00:33:26 3 enfants dont vous vous occupez en permanence.
00:33:30 -Oui.
00:33:32 -Lui ne s'en occupe pas du tout ? -Très peu.
00:33:36 Il a toujours l'excuse de travailler,
00:33:39 d'être fatiguée, d'avoir autre chose à faire.
00:33:43 C'est toujours "moi, je, moi, je".
00:33:46 -D'accord.
00:33:48 ...
00:33:51 -Adrien nous décrit un homme dur,
00:33:55 mais très macho aussi.
00:33:57 -Voilà.
00:33:59 Lui, la devise était "tu es ma femme, j'ai tous les droits".
00:34:04 -Vous l'avez fait dire ? -Ah oui.
00:34:07 "De toute façon, ça s'arrangera sur l'oreiller,
00:34:11 "que j'ai envie ou pas envie."
00:34:14 Même s'il me voyait pleurer, ça ne le dérangeait pas.
00:34:18 -D'accord.
00:34:20 -C'est pour ça qu'aujourd'hui,
00:34:23 je ne veux pas que cette violence soit reproduite,
00:34:27 que les enfants reproduisent ça.
00:34:30 Personne ne devrait avoir à subir ce genre de choses.
00:34:34 Personne.
00:34:36 -Est-ce qu'il y a eu un moment
00:34:39 qui a fait basculer,
00:34:41 un moment qui fait que vous décidez à partir ?
00:34:45 -Il y a eu ce fameux soir,
00:34:48 pour une boîte de thon.
00:34:51 C'est peut-être ridicule,
00:34:54 mais j'ai pris une boîte de thon dans un placard.
00:34:58 Et là, il m'a frappée et j'ai fini à terre.
00:35:02 Et je me suis évanouie, j'étais pas bien.
00:35:06 Il m'a frappée.
00:35:08 J'avais 2 côtes de fêlée, j'avais un hématome à un rein.
00:35:13 Je suis tombée dans les pommes.
00:35:16 J'ai été touchée par les pompiers.
00:35:19 Ils ont appelé la gendarmerie.
00:35:22 Il avait de l'alcool, plus que l'outrance.
00:35:26 Il a fini en garde à vue.
00:35:29 J'ai fini aux urgences à l'hôpital.
00:35:32 Le médecin m'a dit stop.
00:35:35 Il m'a dit qu'au bout du couloir, il y avait la morgue.
00:35:39 Il m'a dit que c'était là-bas.
00:35:42 ...
00:35:46 ...
00:35:50 ...
00:35:54 ...
00:35:59 ...
00:36:03 ...
00:36:07 ...
00:36:31 ...
00:36:37 -Quand je revois cet homme, j'ai déjà la vingtaine.
00:36:41 J'habite à New York.
00:36:43 Je suis mannequin.
00:36:45 Je pense aller bien.
00:36:47 Je me définis pas comme enfant co-victime.
00:36:50 Je le revois alors que je suis en vacances dans le Sud,
00:36:54 dans un restaurant.
00:36:56 C'est horrible parce que je suis l'adulte, forte, indépendante,
00:37:00 tout ce qu'on veut.
00:37:02 Mais à cet instant-là, je deviens cette petite fille.
00:37:06 Je me vois à 8 ans.
00:37:08 On se regarde.
00:37:10 J'ai encore le sentiment de vouloir disparaître.
00:37:14 ...
00:37:18 ...
00:37:42 -Mes parents restent ensemble quelques mois après ma naissance.
00:37:46 Ma mère se sépare et divorce très rapidement.
00:37:49 Ma mère se retrouve dans ce nouveau pays,
00:37:52 éloignée de sa famille, loin de tout,
00:37:55 et sans mon papa à ses côtés.
00:37:58 C'est un moment très compliqué.
00:38:01 Elle doit subvenir à nos besoins.
00:38:04 Mon père ne l'aide pas forcément.
00:38:07 Il revient en France après des années d'exil au Congo.
00:38:11 Il peine lui-même à joindre les deux bouts.
00:38:14 C'est compliqué pour elle.
00:38:16 Elle est en train de survivre quand elle rencontre mon beau-père.
00:38:20 -Vous savez dans quelles conditions
00:38:23 elle rencontre cet homme dont elle va tomber amoureuse tout de suite ?
00:38:28 -Oui.
00:38:30 De ce qu'elle a pu me dire, c'est un homme charmant.
00:38:34 Un papa également.
00:38:36 Tout paraît vraiment beau à leur rencontre.
00:38:40 On passe nos week-ends chez lui.
00:38:43 On va à des restaurants, on fait du karting.
00:38:46 J'ai un petit frère qui rentre dans ma vie.
00:38:49 C'est beau parce qu'on passe des bons week-ends.
00:38:53 On fait des activités dont on n'avait pas l'habitude.
00:38:57 On va à des plages privées.
00:38:59 C'est l'ouverture à un nouveau monde.
00:39:02 J'ai ce sentiment où c'est léger, où c'est beau,
00:39:06 où on forme cette famille parfaite.
00:39:09 -Vous avez ressenti que les choses ne se passent pas si bien que ça.
00:39:14 Il est au tour de quel âge ?
00:39:16 -Je sais que je suis en primaire.
00:39:19 Le premier sentiment, on n'a pas encore déménagé chez lui.
00:39:23 Une dispute éclate.
00:39:25 Il nous met à la porte et il est tard.
00:39:28 Ma mère vient d'avoir son permis.
00:39:31 J'ai souvenir d'elle effrayée à l'idée de prendre la route.
00:39:35 Elle a voulu le supplier de nous garder.
00:39:39 Je vois ma mère pleurer.
00:39:42 C'est un souvenir grave.
00:39:45 Elle pleure, elle prend la voiture et on rentre chez nous.
00:39:49 Je vois ça comme une engueulade.
00:39:52 Je me dis que c'est normal.
00:39:55 C'est l'amour.
00:39:57 -Après chaque épisode de violence physique ou psychologique,
00:40:01 le beau-père de Cindy s'excuse et passe des heures
00:40:05 à implorer le pardon de la mère de famille et de ses filles.
00:40:09 -J'ai ce souvenir où il vient nous attendre à l'école,
00:40:19 où il s'excuse, où il y a des fleurs.
00:40:22 On ressent cette envie de rattraper les choses.
00:40:26 De s'excuser et de se justifier.
00:40:29 Ma mère met du temps, mais il revient dans notre vie.
00:40:33 Un pardon s'installe.
00:40:36 Après des moments de crise et de tension,
00:40:40 il pouvait se montrer tellement adorable
00:40:43 qu'on oublierait même ce qui s'est passé la veille.
00:40:47 Elle lui pardonne, on retourne le voir.
00:40:50 On retrouve notre frère.
00:40:53 Tout se passe bien.
00:40:56 -Votre mère va-t-elle décider d'aller vivre avec cet homme ?
00:41:00 -Ca a pris quelques années.
00:41:03 On a déménagé alors que j'étais en CM1.
00:41:06 Pour moi, il y a une vraie rupture qui s'opère.
00:41:10 Je change d'école, l'école me plaît bien,
00:41:13 mais la maison devient froide.
00:41:16 Avant, tout était beau.
00:41:19 Tout se passait bien. D'un coup, je perds mes repères.
00:41:23 Il y a cette froideur dans cette maison.
00:41:26 On a des bons moments, mais la tension prend vite le dessus.
00:41:31 -A partir de ce moment-là, les choses vont évoluer.
00:41:35 Quels sont vos premiers souvenirs de violence
00:41:39 vécues par votre maman ?
00:41:42 -Le premier souvenir que j'ai, c'est cette nuit
00:41:46 où on est avec mon demi-frère et ma soeur.
00:41:50 On entend un bruit sourd à l'étage.
00:41:54 Je l'entends crier dans la chambre.
00:41:58 La porte est fermée. On est tous ensemble.
00:42:02 On pense à appeler la police.
00:42:05 On a des réflexes qu'on ne devrait pas avoir en tant qu'enfant.
00:42:10 C'est un moment qui va tout changer pour moi.
00:42:14 J'ai vraiment perdu cette innocence d'enfant
00:42:18 où j'avais peur pour la vie de ma mère.
00:42:39 -Le retour en fin de journée, c'est le plus difficile
00:42:44 dans notre quotidien.
00:42:47 On est toujours dans cette incertitude
00:42:51 de ce qui va se passer ensuite.
00:42:55 Je visualise ma soeur et moi en train d'entendre
00:42:59 les roues de la voiture sur les graviers.
00:43:03 Nous, on mange rapidement.
00:43:07 La seule chose qu'on voulait, c'était aller dans notre chambre
00:43:11 et se protéger.
00:43:15 On va être dans notre chambre et on va écouter.
00:43:19 On va tendre l'oreille et on va être sur nos gardes.
00:43:23 À cet instant, il se passe deux choses.
00:43:27 Soit il s'endort, soit il y a une crise qui éclate
00:43:31 et de la violence.
00:43:35 On ne sait jamais comment ça va finir.
00:43:39 -Vous avez resté avec votre soeur alerte ?
00:43:43 -On veille pour ne pas s'endormir avant que ma mère dorme.
00:43:47 C'est souvent ma soeur ou moi.
00:43:51 Elle est meilleure que moi parce qu'elle est plus grande.
00:43:55 Parfois, il y a la culpabilité de s'endormir.
00:43:59 Et puis, les dîners.
00:44:03 Il faut être discret.
00:44:07 Je ne répondais pas, ma soeur répondait.
00:44:11 Mais je n'étais pas dans l'affront.
00:44:15 Je pensais que ma mère était comme ça aussi.
00:44:19 Elle attendait juste que ça passe.
00:44:23 Et après, on reprend nos vies.
00:44:27 -Et il y a de la gaieté dans cette maison.
00:44:31 -C'est ce qui s'est passé.
00:44:35 On vit avec, mais on avance.
00:44:39 On fait comme si rien ne s'était passé.
00:44:43 -Est-ce que vous avez un confident, une confidente ?
00:44:47 -Absolument pas. Je ne me rends pas compte d'être victime.
00:44:51 Je ne définis pas ma maman comme victime de violence conjugale.
00:44:55 C'est fou.
00:44:59 On est en plein dedans.
00:45:03 On n'a aucune... On n'a conscience de rien.
00:45:07 -Malgré cette violence,
00:45:11 cette atmosphère,
00:45:15 votre mère décide de se marier.
00:45:19 -Ca faisait plusieurs années qu'ils étaient ensemble.
00:45:23 Leur mariage est venu très tard.
00:45:27 C'était la continuité.
00:45:31 Mais avec le recul, ça ne fait aucun sens.
00:45:35 Plus le temps avançait, plus il voulait
00:45:39 refermer cette petite prison autour d'elle.
00:45:43 Jusqu'à lui demander de quitter son travail
00:45:47 et de dépendre de lui en venant travailler pour lui.
00:45:51 Je pense qu'elle a mis du temps avant d'accepter.
00:45:55 Peut-être parce qu'elle le sentait.
00:45:59 Mais le fait d'avoir accepté d'aller travailler pour lui,
00:46:03 ça a été cette dernière étape de "je n'ai plus d'issue".
00:46:07 Parce que je dépends de lui.
00:46:11 -Ma soeur, c'est vraiment le pilier de la maison.
00:46:15 C'est elle qui prend la parole,
00:46:19 qui défend ma mère, qui me défend également.
00:46:23 J'ai cette image de ma soeur,
00:46:27 qui est une guerrière, je l'admire.
00:46:31 Je la vois vraiment à la fin.
00:46:35 -C'est un peu comme un film.
00:46:39 -Je l'admire, mais je la vois à quelques centimètres de son visage.
00:46:43 Elle lui répond et elle lui tient tête.
00:46:47 C'est une image qui me fait même sourire.
00:46:51 Ça m'a donné de la force.
00:46:55 Elle nous soutient. Je la poussais.
00:46:59 Elle n'avait pas peur. Elle n'était pas sous son emprise.
00:47:03 Elle comprenait très bien ce qui nous arrivait.
00:47:07 C'était notre guerrière.
00:47:11 -Syndy va s'autoriser progressivement, elle aussi,
00:47:15 à s'opposer à son beau-père.
00:47:19 ...
00:47:23 ...
00:47:27 -Fanny n'a jamais connu son père violent avant le féminicide
00:47:31 de sa mère en 2018. Le jour du meurtre,
00:47:35 sa jeune soeur Candice était présente dans la maison.
00:47:39 Elle avait 14 ans.
00:47:43 -Coucou, Candice. -Ca va ?
00:47:47 -Ca va.
00:47:51 -Alors, quoi de neuf ?
00:47:55 -Pas grand-chose. Je viens de terminer mon stage.
00:47:59 -Ce jour-là, Candice a entendu les cris de sa mère
00:48:03 à l'étage et a tenté d'arrêter en vain son père
00:48:07 quand elle a compris ce qui se produisait.
00:48:11 Dans l'attente des secours et des gendarmes,
00:48:15 elle s'est rendue seule avec son père après le meurtre.
00:48:19 ...
00:48:23 -Au bout d'un moment, il décide de venir me voir.
00:48:27 Il se met à me faire un énorme câlin,
00:48:31 mais vraiment très fort.
00:48:35 Ca me coupait un peu la respiration.
00:48:39 Il m'a fait comprendre qu'il y avait des chances
00:48:43 qu'on ne se voit plus.
00:48:47 Il s'en va et il arrête pas les allers-retours
00:48:51 entre la maison et sa voiture.
00:48:55 Au bout d'un moment, je vois à la fenêtre
00:48:59 les gendarmes qui étaient enfin arrivés.
00:49:03 Je commence à l'entendre courir dans le couloir.
00:49:07 Il me dit "Mais tu les as appelés ?"
00:49:11 Il courait et il prenait la fuite.
00:49:15 A partir de ce moment-là, tout s'est enchaîné très vite.
00:49:19 ...
00:49:23 Ce jour-là, ce qui m'a beaucoup marquée
00:49:27 et qui, parfois, me revient en tête,
00:49:31 c'est quand j'attendais leur réponse vis-à-vis de ma mère.
00:49:35 Je vois un homme habillé tout en blanc.
00:49:39 Tout en blanc, de la tête aux pieds.
00:49:43 Il s'approche de moi.
00:49:47 Je le regarde et là, il me dit "Elle est morte."
00:49:51 Après, il part.
00:49:55 En une seconde, tous les espoirs auxquels
00:49:59 on essayait de se raccrocher, ça s'écroule.
00:50:03 J'arrivais plus à respirer.
00:50:07 Je ne comprenais plus rien.
00:50:11 C'était mon corps qui évacuait toute cette tristesse.
00:50:15 -Je suis arrivée 15 minutes après.
00:50:19 C'était fini. J'ai dit à la gendarme "Elle a pleuré ?"
00:50:23 Elle m'a dit "Oui, elle a pleuré. 10 minutes."
00:50:27 C'était l'état de choc.
00:50:31 C'est l'état de choc profond.
00:50:35 C'est trop dur.
00:50:39 -Dans les heures qui suivent, c'est vous,
00:50:43 qui vous occupez de votre jeune soeur.
00:50:47 -Les gendarmes nous escortent jusqu'au CHU.
00:50:51 On a une cellule de crise psy qui nous attend.
00:50:55 On nous propose une aide psy.
00:50:59 On nous renvoie chez nous.
00:51:03 -On vous renvoie chez vous ? -Oui.
00:51:07 -Candice n'a plus de maison ? -Elle vient chez moi.
00:51:11 -Parce qu'elles ignorent que le foyer familial
00:51:15 sera placé sous scellé pendant des mois,
00:51:19 les 2 soeurs n'emportent que quelques affaires.
00:51:23 -Tu aimerais bien revoir ton album photo à toi ?
00:51:27 -Tu le regardes de temps en temps ? -Celle-là, je l'ai.
00:51:31 -J'ai pas assez de quoi tu penses.
00:51:35 -J'étais déjà blasée de la vie.
00:51:39 -Maman, elle est en train de te chanter un truc.
00:51:43 Tu es rentrée à la maison. J'étais trop fière.
00:51:47 Celle-là, c'est la toute première de toi et moi.
00:51:51 -Pour la 1re semaine, Fanny héberge sa petite soeur.
00:51:55 Elle va mener un combat pour obtenir sa garde.
00:51:59 Le père de famille, qui dispose de son droit parental,
00:52:03 va opter pour un placement en foyer.
00:52:07 -C'est quand on a fait le coiffeur.
00:52:11 La garde m'a été refusée parce que je ne suis que sa soeur.
00:52:15 Je dois conserver ce lien fraternel avec elle.
00:52:19 Je ne veux pas être une figure maternelle ou d'autorité.
00:52:23 Ca va pas être bon pour nos relations.
00:52:27 Candice ne supportera pas que j'aie cette figure avec elle.
00:52:31 Si c'était dur, c'est de savoir exactement où elle allait,
00:52:35 comment les choses allaient se passer.
00:52:39 Notre père a dû valider cette décision à un moment donné.
00:52:43 -C'est la mort dans l'âme que vous êtes obligés
00:52:47 d'accepter la décision de la juge.
00:52:51 -Oui. J'ai dû emmener Candice au foyer.
00:52:55 C'était la double peine par rapport à ce qui nous était déjà arrivé.
00:52:59 J'étais très triste, très mal.
00:53:03 Je culpabilisais en me disant qu'on a perdu nos parents,
00:53:07 qu'elle se retrouve en foyer.
00:53:11 Je suis dans l'impuissance la plus totale.
00:53:15 Je me suis sentie minable.
00:53:19 -Vous n'avez pas compris cette décision ?
00:53:23 -J'étais encore déconnectée.
00:53:27 J'étais arrivée à un tel point
00:53:31 où j'étais blasée et lessivée qu'on pouvait faire ce qu'on voulait de moi.
00:53:35 On pouvait m'amener à Pétaouchenok, je me laissais faire.
00:53:39 Mais le pire, c'est la société.
00:53:43 La solitude que j'ai vécue à cet âge précoce
00:53:47 a été plus que dévastateur.
00:53:51 A partir de 19h, c'est chacun chez soi.
00:53:55 On n'a plus le droit de voir qui que ce soit.
00:53:59 Jusqu'au moment du coucher, c'est le pire.
00:54:03 C'est dans ces horaires-là où on a besoin
00:54:07 de voir des gens, de pouvoir discuter
00:54:11 et de la conscience tranquille pour pouvoir dormir.
00:54:15 -Et pas des gens du foyer, des personnes stables ?
00:54:19 -La famille. -C'est des enfants qui ont tous des passés brisés.
00:54:23 Personne ne se tire vers le haut dans une situation pareille.
00:54:27 C'est un cercle de violence.
00:54:31 -Je me souviendrai toujours de notre avocate qui me dit
00:54:35 "Fanny, vous ne pouvez pas rentrer dedans. La maison est en l'état.
00:54:39 "Votre chambre est telle qu'elle." J'étais en 3e année de droit.
00:54:43 On ne m'en avait jamais parlé, mais ça me paraissait tellement logique,
00:54:47 tellement normal.
00:54:51 Que le nettoyage soit pris en compte, j'imaginais un partenariat entre le ministère de la Justice et les entreprises de nettoyage.
00:54:55 Mais il n'y a rien.
00:54:59 Si mon avocate ne m'avait pas prévenue, on me donnait les clés de la maison,
00:55:03 je rentrais dedans et j'aurais découvert le champ de bataille de ma chambre.
00:55:07 Il y avait des éclaboussures sur ma table de chevet, sur mon sol,
00:55:11 ça avait touché à la maison.
00:55:15 C'était impossible pour moi d'imaginer.
00:55:19 Le fait est que je n'avais pas de sous, c'était beaucoup trop cher.
00:55:23 La plupart des devises que j'avais pu faire, on était à environ 2500 euros.
00:55:27 Évidemment, je n'avais pas cet argent-là.
00:55:31 Musique douce
00:55:35 ...
00:55:39 -Je suis désolée.
00:55:43 ...
00:55:47 ...
00:55:51 -C'est le grand-père de Fanny
00:55:55 qui a finalement trouvé une solution pour le nettoyage de la maison.
00:55:59 Sans assistance, la jeune femme a dû multiplier les démarches
00:56:03 pour obtenir de l'aide juridique et financière.
00:56:07 -Il y a beaucoup d'aide que j'ai pu louper.
00:56:11 Parce que je n'étais pas guidée.
00:56:15 Beaucoup que j'ai découvert par hasard,
00:56:19 en secouant le cocotier.
00:56:23 C'était réellement épuisant.
00:56:27 Les 6 premiers mois, j'avais 3 à 4 rendez-vous par jour.
00:56:31 J'étais constamment obligée de réexpliquer notre situation.
00:56:35 La raison pour laquelle j'essayais de récupérer des aides.
00:56:39 -On a arraché la succession en avril 2022.
00:56:43 On avait signé la vente de la maison en juillet 2020.
00:56:47 -Ca a été très long. -Très long.
00:56:51 Ils ont préféré tout bloquer parce que Candice était mineure.
00:56:55 Au moins, dans un premier temps, me donner ma part.
00:56:59 Ca a été compliqué de vivre.
00:57:03 Je suivais un master en grande école de commerce.
00:57:07 J'ai reçu son alternance.
00:57:11 On avait une pension d'orphelin. 1500 euros par an.
00:57:15 -Par an ? -Oui.
00:57:19 Je me dis que ça m'est arrivé.
00:57:23 Mais il faut que les enfants et les prochains...
00:57:27 Il ne faut pas que eux aient les mêmes difficultés.
00:57:31 -En avril 2021, Fanny et sa soeur sont appelées
00:57:35 à la mort de leur père. Une nouvelle épreuve pour les 2 soeurs
00:57:39 dont le père a été condamné à 25 ans de prison, assortie d'une période
00:57:43 de sûreté de 15 ans. Depuis, Fanny n'a jamais revu son père.
00:57:47 -Pensez-vous que vous irez le voir en prison ?
00:57:59 Un jour, vous le reverrez ? Est-ce que ce sont des questions
00:58:03 qu'on se pose forcément ? Je dirais même surtout dans mon cas
00:58:07 parce que j'ai eu un très bon papa. Je trouverais presque ça injuste
00:58:11 de le bannir de ma vie alors que je ne serais jamais capable
00:58:15 de pardonner ce qu'il a fait. C'est trop dur.
00:58:19 Si je le faisais, j'aurais l'impression de trahir ma maman.
00:58:23 Mais le revoir, peut-être. Je ne veux pas vivre dans le regret
00:58:27 de ne pas lui avoir donné cette chance de s'exprimer une dernière fois.
00:58:31 Je me laisse le temps d'y réfléchir. Mais c'est une question qui se pose
00:58:35 et qui me taraude beaucoup. -Vous avez eu le courage
00:58:39 de témoigner aujourd'hui.
00:58:43 Quel sens ça prend pour vous ? Quel message vous avez envie de faire passer ?
00:58:47 -Il y a beaucoup d'enfants dans mon cas,
00:58:51 dans ma situation. J'aimerais leur dire, surtout si c'est récent,
00:58:55 qu'ils doutent, qu'ils ne savent pas s'ils vont s'en sortir,
00:58:59 qu'ils savent pas s'ils vont vivre la situation que je me suis posée.
00:59:03 Est-ce que je vais pouvoir vivre ? Est-ce que je vais rire à nouveau ?
00:59:07 S'ils en ont la volonté, ça arrivera. Et ils sont capables de tout.
00:59:11 Qu'ils ne se fixent aucune limite, qu'ils aient de l'espoir pour la suite.
00:59:15 Qu'ils soient capables de continuer à rêver et de se dire qu'ils vont être heureux
00:59:19 à un moment ou à un autre. Ce sera dur, mais ça en vaut quand même la peine.
00:59:23 Et s'ils ont besoin d'un soutien, d'un conseil,
00:59:27 je leur conseille le FF, l'Union Nationale des Familles de Féminicides.
00:59:31 Ils peuvent nous envoyer un message sur nos réseaux sociaux,
00:59:35 ils peuvent nous contacter via notre site Internet, et ils trouveront
00:59:39 une porte ouverte et une main tendue, toujours. Et ces enfants-là,
00:59:43 s'ils sont dans ma situation, il faut qu'ils aient de l'espoir et ils seront heureux aussi.
00:59:47 Ma maman, je l'ai peut-être pas eu tout le temps que j'aurais dû la voir,
00:59:51 mais j'ai eu 20 ans avec elle, et je me dis que c'est peut-être mieux que rien.
00:59:55 -Si Fanny a trouvé la force de se relever,
00:59:59 c'est en mémoire de sa mère. A 25 ans,
01:00:03 elle travaille dans la communication et s'investit activement dans l'Association
01:00:07 des Familles de Victimes de Féminicides, l'UNFF.
01:00:11 -Bonjour, mère.
01:00:19 -Mère de 5 enfants, Alexandra est restée sous l'emprise de son ex-mari
01:00:23 pendant 23 ans. Isolée et sans ressources financières,
01:00:27 elle s'est retrouvée très jeune prise au piège de la situation.
01:00:31 Si elle a réussi à se sortir de l'engrenage des violences conjugales,
01:00:35 c'est en partie grâce à sa fille aînée, qui à l'âge adulte
01:00:39 a tout fait pour que sa mère prenne conscience de ce qu'elle endurait.
01:00:43 -Elle rentre pas dans le vif du sujet, mais elle dit
01:00:47 "tu devrais pas accepter qu'on te parle de cette manière-là".
01:00:51 Elle me fait un peu plus fort en me disant "est-ce que tu sais qu'on a
01:00:55 carrément pas le droit de taper les gens ?" Ça a bien duré presque un an.
01:00:59 Toute cette pédagogie qu'elle a dû utiliser pour me faire ouvrir les yeux.
01:01:03 Je pense que vraiment, quand on est sous emprise,
01:01:11 on n'est même plus dans la réalité. Il y a des choses que je n'aurais pas
01:01:15 acceptées de quelqu'un d'autre. Il y aurait un voisin en face
01:01:19 qui voudrait me taper, je lui dirais tout de suite "t'as pas le droit".
01:01:23 Mais le fait que ce soit lui, et que ce soit
01:01:27 cette complexité de l'emprise où on trouve de la normalité
01:01:31 dans ce qui n'est pas normal. Et puis, il y a un événement
01:01:35 qui se passe, et à ce moment-là, je me rends compte que ma vie
01:01:39 potentiellement est mise...
01:01:43 -Vous pouvez mourir. Quel événement ?
01:01:47 -Il me pousse dans un escalier. Et c'est ce truc-là où je me fais "c'est non,
01:01:51 là maintenant, c'est finito". Et donc, on a commencé
01:01:55 à faire chambre à part. Dans un premier temps. Ça a duré
01:01:59 presque six mois. Ma psy de l'époque m'avait dit "vous mettez des règles très strictes,
01:02:03 vous ne mangez pas ensemble, c'est vraiment de la colocation, vous n'êtes pas obligés
01:02:07 de partager vos repas, etc." Il l'a respecté pendant dix jours,
01:02:11 puis très vite, petit à petit, "ah bah je prends juste le café avec toi,
01:02:15 et puis je vais manger avec les enfants."
01:02:19 Puis très vite, je me suis laissée... -Vous clignotez.
01:02:23 -Il n'y a qu'un truc que j'ai tenu, c'est que je ne voulais plus qu'on dorme ensemble.
01:02:27 -Pour la première fois, Alexandra s'autorise à demander
01:02:31 de l'aide auprès d'une association.
01:02:35 Soutenue par une ancienne femme battue, elle reprend
01:02:39 confiance en elle et envisage une nouvelle vie.
01:02:43 -C'était une femme qui m'envoyait des SMS tous les matins en me disant "tu vas y arriver,
01:02:47 tu vas là, là, là, et tous les matins, je vais y arriver,
01:02:51 je vais m'en sortir, etc." Et puis, elle m'avait dit
01:02:55 "surtout, tout ce qu'il te dit,
01:02:59 les humiliations, etc., il faut que ça coule comme sur les plumes d'un canard.
01:03:03 Donc tu t'en fiches, tu n'écoutes plus, ça ne te touche plus."
01:03:07 Et donc ça, ça a été dur à mettre en place, parce que...
01:03:11 Quand quelqu'un vous parle et qu'il n'arrête pas de vous dire que vous êtes une grosse merde,
01:03:15 on a beau essayer de se dire que c'est compliqué. Au bout de quelques mois, j'ai réussi à le faire.
01:03:19 En fait, ce genre de personnage, c'est un peu comme le chat avec la souris,
01:03:23 c'est-à-dire qu'un chat, une souris, il s'amuse quand elle est vivante,
01:03:27 mais sauf quand la souris, elle est morte, c'est plus marrant.
01:03:31 Et donc, à partir du moment où il n'avait plus de prix sur moi, c'était plus drôle.
01:03:35 Donc il est parti.
01:03:39 (Musique douce)
01:03:43 (Sonnerie)
01:03:47 - Allô ? - Oui, salut Claire.
01:03:51 - Oui, bonjour Alexandra. - Ça va ?
01:03:55 Aujourd'hui, Alexandra a refait sa vie, et elle aide d'autres femmes, d'autres mères comme Claire,
01:03:59 à trouver la force de quitter le domicile.
01:04:03 - L'ambulance, elle revient régulièrement, mais ma fille, ma dernière, elle n'arrive pas à dormir dans sa chambre.
01:04:07 Donc elle dort dans une pièce qui est à côté de la nôtre.
01:04:11 Et elle a dit à son père, "Mais si je dors là, c'est parce que j'ai peur que tu fasses mal à maman."
01:04:15 - Ah, et tu te rends compte ? - Finalement, elle essaye de me protéger, et c'est pas son rôle.
01:04:19 Comme souvent, les enfants sont au cœur de la conversation.
01:04:23 - Mes pauvres filles, elles vivent avec ça. Je culpabilise de leur faire vivre, en fait,
01:04:29 cette vie de famille, finalement, qui n'est pas une vie de famille normale.
01:04:33 - Non, je te comprends tellement. - Voilà, voilà.
01:04:37 C'est pas ce que je voulais pour mes enfants.
01:04:39 - Normalement, un enfant qui rentre de l'école, il devrait être content de rentrer chez lui,
01:04:42 de se dire, "J'arrive dans un lieu sécure." Sauf que là, c'est pas le cas.
01:04:46 Et c'est même complètement l'inverse. Parce que les enfants, même s'ils assistent pas à tout ce qui peut se passer
01:04:50 de violence au sein du couple, ils en sont imprégnés.
01:04:54 - Pendant très longtemps, j'ai vu une ombre qui me suivait un peu partout.
01:05:02 Au collège, à l'école, dehors, à la maison.
01:05:07 Et dès que je me retournais, y avait plus rien.
01:05:10 C'était plutôt une ombre fuyante, mais qui représentait beaucoup plus la forme d'un homme.
01:05:16 Et j'ai réussi à me détacher, à partir du moment où j'ai commencé à voir une psychologue régulièrement.
01:05:21 - Cadette de la famille, Anna a 9 ans lorsque son père quitte la maison.
01:05:30 Dans le cadre du divorce, la justice accorde un droit de garde au père de famille
01:05:35 qui accueille ses deux dernières filles un week-end sur deux.
01:05:39 Pour Anna, ces séjours deviennent très rapidement une nouvelle souffrance
01:05:45 et elle va refuser de s'y contraindre.
01:05:48 - Dans un premier temps, ça se passait plutôt "bien".
01:05:55 Parce qu'il n'y avait plus de violence. Enfin, je pense qu'il n'osait plus.
01:05:59 Mais plus les semaines passaient, plus il devenait de plus en plus violent, méchant, etc.
01:06:05 - Avec vous ? - Mais qu'avec moi, pas ma petite sœur.
01:06:08 - Je sens que ça a été très pénible pour vous, cette période.
01:06:13 - Oui, vraiment. - Parce que vous avez fugué à un moment.
01:06:17 - Oui. J'ai proposé à ma petite sœur qu'on parte le dimanche matin vers 6h de la maison,
01:06:22 quand tout le monde dort, et qu'on revienne en fin de journée.
01:06:26 C'était levé tôt, on avait fait en sorte de sortir par la fenêtre.
01:06:30 Donc ma mère, se réveillant et ne nous voyant plus dans nos lits, a paniqué.
01:06:35 J'avais encore mon petit téléphone à touche. Donc elle m'a appelée.
01:06:38 Je n'ai pas répondu au premier temps.
01:06:40 Et ensuite, elle m'a dit qu'elle allait appeler la police si je ne répondais pas.
01:06:44 - Vous avez eu peur ? - Oui, j'ai répondu.
01:06:47 Du coup, mon beau-père est venu me chercher avec mon frère.
01:06:50 Ils nous ont ramenés à la maison. Inévitablement, mon père est arrivé.
01:06:55 Ma sœur est vite allée se cacher. Ma mère lui explique qu'on ne veut pas y aller, tout simplement.
01:07:00 Et il a commencé vraiment à s'énerver, à crier.
01:07:03 Et je ne me sens plus très bien ce qui s'est passé après.
01:07:06 J'ai comme un noir, mais je me sens juste que j'étais cachée sous la table et que je pleurais.
01:07:13 Après ça, je n'y restais pas totalement.
01:07:16 Du coup, ma petite sœur est quand même allée pendant un an toute seule.
01:07:20 De ce qu'elle nous racontait, elle ne vivait pas non plus une vie toute rose quand on était là-bas.
01:07:24 - Ça vous inquiétait quand elle partait là-bas ? - Oui.
01:07:27 Est-ce que vous trouvez qu'à ce moment-là, la loi et les gens qui représentent la loi n'écoutent pas la voix des enfants ?
01:07:36 Je trouve ça vraiment dommage que les adultes ne pensent pas tant que ça aux enfants.
01:07:40 Alors qu'eux, ils sont juste nés dans cette famille, dans cette situation, ils n'ont rien demandé.
01:07:45 Et pourtant, on se préoccupe plus de leur mère que d'eux.
01:07:48 - Alors qu'ils sont tout aussi fragiles ? Voir peut-être plus, je pense, vu que ce n'est que des enfants ?
01:07:55 - Complètement.
01:07:57 Après cette fugue et le témoignage de leurs frères, le juge va retirer le droit de visite au père de famille.
01:08:05 Pendant quatre ans, les enfants vont vivre avec leur mère et leur beau-père.
01:08:10 Mais en 2021, le père de famille demande à nouveau à obtenir un droit de visite.
01:08:15 Cette fois, Anna et sa plus jeune sœur, toutes deux mineures, sont contraintes de se rendre à des visites médiatisées d'une heure,
01:08:23 à raison de deux fois par mois et encadrées par une psychologue.
01:08:27 - À chaque fois, je voyais ma sœur qui se transmettait comme un zombie.
01:08:31 Vraiment, elle regardait dans le vide et elle ne répondait pas aux questions. Elle était comme muette.
01:08:35 Du coup, j'essayais de faire en sorte qu'il ne se concentre que sur moi et pas sur elle.
01:08:40 Il a commencé à me refaire l'histoire de notre famille, mais à sa façon.
01:08:44 Du coup, sa version du fait des faits, c'est qu'on était une famille aimante, qu'il n'y avait jamais eu de problème,
01:08:51 et que ma mère l'aurait trompé, du coup avec mon beau-père actuel,
01:08:56 et que c'est pour ça qu'il était devenu violent, et qu'il a dû aller voir un psychologue,
01:09:01 qu'il était dévasté et que tout était de notre faute, en fait.
01:09:04 Du coup, en entendant ça, j'étais très en colère et révoltée par le fait qu'il ose dire ça.
01:09:10 Le pire, c'est qu'il avait vraiment l'air convaincu que ça s'était passé comme ça.
01:09:14 Et même moi, pendant... Je me suis posé beaucoup de questions sur ce que j'avais réellement vécu.
01:09:19 Enfin, il est assez fort.
01:09:22 Aujourd'hui, Anna a de nouveau la liberté de choisir si elle désire ou non voir son père,
01:09:27 et comme Anatole, elle a préféré rompre le lien.
01:09:31 Pour sa soeur aînée, en revanche, la rupture n'était pas envisageable.
01:09:35 Anna et sa famille peinent à comprendre pourquoi elle s'est rapprochée de leur père.
01:09:40 Elle est, elle aussi, convaincue de la nouvelle version de notre père, sur l'histoire.
01:09:45 Ce qui est assez... Ce qui m'a fait beaucoup de peine, et je suis très en colère par rapport à ça,
01:09:50 c'est que même ma soeur, c'est elle qui a le plus souffert en tant qu'enfant,
01:09:54 et je comprends pas comment c'est possible qu'elle ait autant oublié ce qui s'est passé.
01:09:58 Parce que pour moi, ça restera toujours gravé dans ma mémoire.
01:10:01 - Ça, ça a dû être très déstabilisant pour vous, quand même. - Oui.
01:10:04 Parce que du coup, c'est elle qui m'a fait prendre conscience de la gravité de la situation,
01:10:08 et c'est elle qui nous a fait réagir par rapport à ça.
01:10:12 Et que maintenant, c'est presque à nous de la faire réagir, maintenant.
01:10:17 Enfin, en tout cas, je compte pas la laisser dans cette situation.
01:10:21 Je sais pas dans quel état d'esprit elle est, comment elle est, si elle est heureuse, pas heureuse...
01:10:34 J'arrive pas, parce que de toute façon, j'ai plus de contact avec elle, donc je ne...
01:10:38 Je lui envoie juste des SMS régulièrement, pour lui dire "je suis là".
01:10:45 Et que le jour, si jour il y a, elle sache qu'elle peut compter sur moi.
01:10:52 - Et vous ? - Oui.
01:11:16 En demandant le divorce, Michel aussi a été contrainte de demander à ses enfants de choisir leur mode de garde.
01:11:23 Si le frère et la sœur d'Adrien ont continué de voir leur père, une semaine sur deux,
01:11:28 Adrien, lui, a opté pour une visite d'un week-end sur deux.
01:11:32 Mais sans sa mère à ses côtés, le jeune homme vit très mal les quelques heures de tête à tête avec son père.
01:11:38 Et après quelques mois, il sombre dans une profonde dépression.
01:11:42 [Bruit de moteur]
01:11:50 Il se renferme en lui-même, il ne dit plus rien.
01:11:54 L'école, ça devient un peu n'importe quoi.
01:11:58 Il part le matin, et au lieu d'aller à l'école, il erre dans les rues, parce qu'il est complètement perdu.
01:12:05 Et moi, je ne m'en rends même pas compte, parce qu'il part le matin, il revient le soir,
01:12:09 il avait été à l'école normalement, et l'école ne me prévient pas.
01:12:13 Jusqu'au jour où les pompiers vous appellent.
01:12:17 Parce qu'il y a des gens qui ont appelé les pompiers, parce qu'il était sur le pont, et il voulait sauter.
01:12:23 Il n'était pas bien.
01:12:28 Et là, on arrive, et il est emmené dans un centre.
01:12:36 Et on vous dit, il faut signer un papier pour le faire enfermer, parce qu'il n'est pas bien, il pète les plombs.
01:12:42 Et là, c'est la chose la plus dure de ma vie que j'ai eu à faire.
01:12:48 Là, je vois dans son regard qu'il m'en veut.
01:12:52 Et on vous dit, si vous signez, il y passera huit jours.
01:12:56 Si vous ne signez pas, comme il est mineur, si nous qui signerons à votre place, il y passera un mois.
01:13:02 Et là, je ne me vois pas l'enfermer pendant un mois.
01:13:06 Et là, j'ai eu une haine, comme jamais j'ai eu une haine contre son père.
01:13:10 Je lui en veux à mort.
01:13:13 Je l'aurais eu devant moi, je l'aurais tapé, pour avoir détruit son fils.
01:13:20 Parce qu'on est là pour les aider, pour les sortir, pour les faire avancer, pour les détruire.
01:13:27 Et là, il l'a détruit.
01:13:30 Et là, je regarde mon fils en train de me dire, mais maman, ne me laisse pas partir là-bas.
01:13:38 Et je comprends qu'il ait un regard de haine contre moi aussi.
01:13:44 Parce que c'est moi qui le fais enfermer, quelque part.
01:13:49 Qu'est-ce qui s'est passé ce jour-là, Adrien ?
01:13:53 - Des balles trop pleines, de scènes qu'on a vues, d'humiliation en permanence.
01:14:01 - Après son internement, Adrien entreprend un suivi psychiatrique avec un médecin
01:14:14 qui l'aide à mettre des mots sur son traumatisme.
01:14:17 À cette époque, il n'a que 17 ans et continue de rendre visite à son père,
01:14:22 espérant une relation père-fils plus sereine.
01:14:26 - Je vois le psychiatre, le médecin psychiatre, et là, il me dit comment ça va se passer,
01:14:34 qu'il n'est pas là pour juger, qu'il est là pour me faire avancer,
01:14:39 à m'en sortir de tout ça et à faire l'impasse, à tourner la page de ce qui s'est passé.
01:14:46 Et donc là, je comprends que tout le monde n'est pas pareil,
01:14:51 que l'homme qui était mon père, qu'il n'était pas dans les clous de ce qu'un père pouvait être.
01:14:57 - Vous apercevez qu'il y a des hommes qui sont gentils ?
01:15:00 - Oui, et ça fait du bien de voir qu'il y a des hommes qui sont gentils
01:15:04 et qu'au final, ils ne sont pas tous pareils.
01:15:07 Et donc j'ai l'image d'un dimanche où j'ai eu une permission de sortir
01:15:15 et où ma mère me dit "il faut que tu ailles voir ton père parce qu'il veut te voir".
01:15:20 Et donc il me sert un café, il pose un paquet de gâteaux, il me dit "t'es qu'un bon araïen, t'es qu'un fou dans ce genre d'établissement".
01:15:28 Et là, je me dis que ce n'est pas possible d'avancer avec lui.
01:15:33 Et donc quand je retourne à l'hôpital, j'ai un regain dans mon cerveau,
01:15:38 il y a un petit déclic qui me dit "il faut le laisser tomber et il faut avancer sans lui".
01:15:43 Aujourd'hui, la plus belle revanche que j'ai pu prendre sur lui, c'est de pouvoir m'en sortir.
01:16:10 - Pourquoi est-ce que vous tenez à lui présenter Nora ?
01:16:14 - Pour lui dire que j'arrive à avancer sans lui.
01:16:21 Et que je pense que c'est important aussi que malgré tout, ça reste mon papa.
01:16:25 Malgré tout ce qu'il a fait. Et on a toujours une lueur d'espoir d'essayer et de se dire que ça peut s'arranger.
01:16:31 - Ça veut dire que vous êtes prêt encore à pardonner ?
01:16:34 - Que vraiment il a changé et qu'il est prêt à enlever tous ses démons.
01:16:40 - Vous êtes d'accord avec ça Nora ?
01:16:42 - Moi non, je ne suis pas d'accord avec lui.
01:16:44 Moi c'est fini, je ne veux pas le voir en fait.
01:16:47 Son fils il l'a rabaissé devant moi en me disant "quand on lui a dit qu'on était en intérim,
01:16:53 l'intérim ce n'est pas un travail".
01:16:56 J'étais choquée, je ne revenais pas en fait.
01:16:59 Je me suis dit "ce n'est pas un père en fait pour faire ça".
01:17:02 Même quand on aura des enfants, je ne veux pas que mes enfants le voient.
01:17:05 - Pourquoi ?
01:17:06 - Parce que pour moi je me dis qu'il ne changera pas.
01:17:09 Il a beau essayer de changer, il ne changera pas. Il retournera toujours dans ses travers.
01:17:14 Donc non, moi c'est fini. Je ne veux plus le...
01:17:18 Après si je me dis qu'il a réussi à me rabaisser, en fait il peut rabaisser les petits-enfants et ainsi de suite.
01:17:25 Donc non, moi je refuse. C'est un non catégorique.
01:17:29 - Depuis 6 ans, Adrien ne voit plus son père.
01:17:35 Pour s'émanciper, il a eu besoin de rompre tout contact.
01:17:39 Soutenu par Nora, il a repris ses études et il est aujourd'hui ambulancier.
01:17:44 Son frère et sa soeur, eux, ont choisi de rester en lien avec leur père.
01:17:49 Une situation familiale qu'Adrien a toujours du mal à vivre.
01:17:53 - Est-ce que ça vous est arrivé de sentir que tout ça, vous avez aussi formaté un peu dans la violence ?
01:18:02 - Il y a toujours eu la peur de replonger dans le même schéma.
01:18:07 - De ressembler ?
01:18:08 - Oui, de ressembler, de reproduire ce schéma-là.
01:18:11 Et je me dis qu'on peut toujours faire mieux.
01:18:16 - C'est une question que vous vous êtes posée, vous Nora ?
01:18:20 - Non, parce que je me suis dit qu'il est assez fort pour passer au-dessus.
01:18:25 Et je l'ai tout de suite vu avec sa maman qui l'entourait que ça ne se produira pas.
01:18:31 - Alors vous avez comme projet de vouloir faire un enfant l'un et l'autre.
01:18:36 - Oui.
01:18:37 - Est-ce que là, maintenant, c'est le bon moment ?
01:18:39 Est-ce que libérée de cette emprise, vous pouvez vous lancer dans ce projet ?
01:18:44 - Oui, tout à fait.
01:18:45 - Sans peur ?
01:18:46 - Alors oui, je pense qu'on peut se lancer dans le projet.
01:18:49 - Oui.
01:18:50 - Et surtout, ce que j'ai subi, je ne veux pas le faire subir.
01:18:53 Donc je vais être le miroir opposé.
01:18:56 Donc être dans la bienveillance, dans l'amour.
01:18:59 - Être le meilleur des papas.
01:19:00 - C'est ça.
01:19:01 Et vouloir que le bien.
01:19:05 - Très bien, c'est tout le bien que je vous souhaite, chers amis.
01:19:09 ...
01:19:22 - Peu avant ses 15 ans, Cindy voit sa soeur quitter le domicile familial.
01:19:27 Une situation difficile pour cette adolescente qui perd son pilier et son modèle.
01:19:32 ...
01:19:34 C'est à cette même période que Cindy ose pour la première fois s'opposer à son beau-père.
01:19:39 ...
01:19:44 - Ma soeur a toujours dit qu'elle partira à ses 18 ans.
01:19:47 Elle a 18 ans et 4 mois, il me semble.
01:19:50 Et elle part dans le nord de la France.
01:19:53 Donc c'est une réelle fracture dans notre famille, dans notre clan.
01:20:00 Parce que finalement, on était fortes, toutes les trois, en fait.
01:20:05 On était contre lui, quand même.
01:20:07 Et on était très soudés.
01:20:10 Et donc son départ, c'est...
01:20:14 C'est la fin de cette protection, un petit peu.
01:20:18 Et puis moi, je rentre dans l'adolescence, donc je commence à comprendre.
01:20:21 J'ai plus peur de lui.
01:20:24 Je prends la parole.
01:20:25 Et je vais l'insulter. Ce que j'avais jamais fait.
01:20:28 Parce que j'en pouvais plus.
01:20:32 C'est vraiment un moment de saturation pour moi.
01:20:36 Et je suis allée à l'affront, comme ma soeur le faisait avant.
01:20:39 Et il s'est rien passé de plus.
01:20:41 Et je me suis vraiment rendue compte que finalement, moi aussi, je pouvais le faire.
01:20:46 Que moi aussi, j'avais ce venin aussi, qui nourrissait.
01:20:50 Et que je pouvais lui renvoyer.
01:20:53 Et ça m'a fait du bien, ça m'a libérée.
01:20:56 Ces moments d'affront de ma part m'ont menée à une gifle.
01:21:01 C'était la première fois.
01:21:05 Ma mère, elle ne l'a jamais su.
01:21:09 Mais ouais, à cet instant, j'ai l'impression que...
01:21:14 J'ai envie de lui dire "c'est tout ce que t'as ?"
01:21:17 Parce que cette violence qui est physique sur l'instant,
01:21:22 elle n'était pas du tout à la hauteur de toutes...
01:21:26 De toutes les violences verbales et psychologiques que j'avais eues toutes ces années.
01:21:37 Et j'ai plus d'espoir.
01:21:41 Et ces années avant, j'avais l'espoir qui guérisse, l'espoir qui change.
01:21:45 Je me disais qu'on pouvait y arriver encore.
01:21:49 Et j'ai été sous cette emprise-là.
01:21:51 Mais à l'adolescence, je commence à réaliser que c'est foutu, on peut rien faire.
01:21:56 On peut juste fuir.
01:21:59 Et ma mère commence aussi à avoir ce déclic-là.
01:22:02 Est-ce qu'il a peur de perdre votre mère ?
01:22:05 Est-ce que vous avez ce sentiment-là à certains moments ?
01:22:08 Oui, il a peur qu'elle lui échappe.
01:22:11 Il est jaloux.
01:22:14 Il n'aime pas quand elle va voir ses amis.
01:22:17 C'est très malsain.
01:22:19 Ce n'est pas peur de perdre quelqu'un, c'est peur que...
01:22:23 De perdre le contrôle sur elle.
01:22:27 Est-ce que vous rentrez dans une phase de vigilance, en tout cas de peur,
01:22:33 et donc de survivillance au moment où elle commence à émettre
01:22:38 les premières envies de partir ?
01:22:42 Oui, parce que ce qui s'ensuit, c'est qu'elle arrête de dormir avec lui.
01:22:47 Donc je suis moins en train de veiller quand ça se passe.
01:22:52 Je suis un peu plus rassurée, mais je ne veux pas partir de la maison.
01:22:56 J'ai peur de la laisser seule.
01:23:00 J'ai l'impression d'être le seul bouclier de ma mère, parfois.
01:23:04 Ce qui fait que je ne veux pas forcément sortir, je ne veux pas la laisser.
01:23:09 Je fais venir mes amis à la maison.
01:23:12 J'ai l'impression aussi que quand mes amis sont à la maison,
01:23:15 ils se tiennent mieux, parce qu'ils veulent toujours paraître bien et parfait.
01:23:20 Du coup, moi, ça m'aide.
01:23:24 C'est une nouvelle dynamique, en fait.
01:23:28 ...
01:23:31 -Je marchais avec mon ami et...
01:23:52 ...
01:23:55 ...
01:23:58 ...
01:24:01 ...
01:24:04 ...
01:24:07 ...
01:24:10 ...
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