Notre débat du jour : à quoi sert Davos ? Avec le haut-fonctionnaire et écrivain Jacques Attali et Eric Coquerel, député LFI-NUPES de Seine-Saint-Denis. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-jeudi-18-janvier-2024-6358818
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00:00 Et le Sat-Dix d'Inter se poursuit. Dans une quinzaine de minutes, Léa, vous recevez
00:08 un acteur qui est aussi réalisateur.
00:11 35 ans de carrière, 60 films comme acteur, 8 comme réalisateur dont le dernier, "Un
00:16 coup de D", sort la semaine prochaine. Un thriller haletant avec Guillaume Canet, Maïwenn
00:20 et Marie-Josée Croce sur deux amis de toujours, déchirés par une histoire d'adultère.
00:25 Il est charmant, bouillonnant, intranquille. Il est aussi un des rares dans le cinéma
00:30 à dire tout haut ce qu'il pense tout bas. Yvan Attal est l'invité du 9h20.
00:33 Et les éditos, l'édito aujourd'hui, l'éditomédia. Cyril Lacarrière nous dira comment le rap
00:39 s'installe difficilement à la télévision, à la radio. On retrouvera Christine Angot
00:44 jeudi prochain. D'ici là, on l'embarrasse.
00:46 Nouvelle recrue de l'Opéra de Paris pour cette saison, nommée Révélation Lyrique
00:49 aux dernières victoires de la musique classique. C'est une voix à rôle qui s'apprête à
00:52 interpréter la Traviata, la mezzo-soprano Marine Chagnon est la nouvelle tête de Mathilde
00:57 Serrel à 9h50. Mais tout de suite, Nicolas.
00:59 Le débat du 7/10.
01:00 François Frère, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7/10.
01:06 Débat ce matin sur une messe annuelle qui se tient en Suisse et qui suscite depuis sa
01:11 création critique, fantasme, mythologie. Un mot en cinq lettres. Davos.
01:16 L'édition du forum se tient cette semaine. Le président de la République, Emmanuel
01:21 Macron, s'y trouvait d'ailleurs hier. Alors à quoi sert Davos ? On pose la question
01:26 ce matin à Jacques Attali, écrivain et économiste, auteur du roman « Bien ne reçoit notre
01:30 monde » chez Flammarion, dont une partie se passe à Davos. Et à Éric Coquerel, président
01:36 de la Commission des finances de l'Assemblée Nationale, député LFI NUP de Seine-Saint-Denis.
01:42 Bonjour à tous les deux. Merci d'avoir accepté le débat. C'est la première fois
01:47 que vous débattez ensemble ?
01:48 C'est la première fois que nous nous rencontrons même.
01:49 Oui, écoutez, tant mieux. Inter l'a fait. Jacques Attali, vous êtes un familier de
01:53 Davos, où vous êtes allé maintes et maintes fois. Mais pas cette année, pourquoi ?
01:56 J'avais un autre rendez-vous dans un autre pays et j'ai pu avoir la chance de suivre
02:01 le débat de Davos si je le souhaitais en direct sur les réseaux.
02:03 Vous, Éric Coquerel, vous êtes déjà allé à Davos ou jamais ?
02:05 Non, non, c'est pas tout à fait mon monde.
02:08 Alors justement, pour commencer le débat, vous nous avez dit en le préparant, Jacques
02:11 Attali, j'ai vraiment envie de dégonfler le ballon, de démythifier le mythe Davos.
02:16 Ça veut dire quoi ? C'est quoi le mythe Davos ?
02:18 Le mythe Davos, c'est l'idée que c'est un endroit secret où les gens, dans des
02:22 endroits tout à fait confidentiels, règlent les affaires du monde entre eux, entre puissants.
02:26 C'est pas du tout ça. J'ai été à Davos privilège de l'âge depuis avant même
02:30 que Davos soit créé, puisque les premières réunions ont eu lieu à Paris.
02:33 On est à la 54ème édition, je dis juste pour les auditeurs.
02:35 Absolument.
02:36 Donc avant, vous y étiez.
02:37 Plus exactement, Klaus Schwab était venu me voir pour créer les conditions de créer
02:41 Davos avant et je crois que j'en ai pas manqué beaucoup. Il faut voir qu'à Davos,
02:46 il y a plusieurs catégories de gens. Il y a les gens, les chefs d'État qui viennent
02:50 faire leur pub, etc. Il y a les intellectuels, dont je fais partie, qui sont invités avec
02:56 des patrons d'ONG parce que c'est bien de les mélanger, tout ça. Et puis il y a
02:59 les patrons, proprement dit, qui paient pour venir et paient pour être assis sur la tribune.
03:06 C'est payant que de parler à Davos, sauf pour les intellectuels ou les hommes d'État.
03:10 Puis il y a le tout public qui sont aussi des patrons, mais un peu d'un niveau moins
03:15 élevé en termes de puissance, qui eux paient pour assister. Qu'est-ce qui se passe à
03:20 Davos ? Des rencontres. Rien que des rencontres. Il n'y a absolument aucun lieu de décision,
03:25 proprement dit.
03:26 Vous dites que c'est la machine à café du monde.
03:27 Oui, je dis souvent que dans une entreprise, le point le plus intéressant, c'est la
03:32 machine à café. Parce qu'on rencontre des gens qu'on n'a pas l'habitude de
03:34 rencontrer, qu'on ne connaît pas, qu'on croise et puis c'est ce qu'on appelle en
03:37 anglais "serendipity", c'est-à-dire la possibilité de faire des choses par hasard.
03:40 Davos, c'est la machine à café du monde. Les gens se rencontrent, font peut-être des
03:46 idées ou pas. On croit que ça épanne beaucoup de voyages, mais en réalité, quand on est
03:51 à Davos, on passe son temps à prendre rendez-vous pour se revoir ailleurs. Donc ça ne parle
03:55 pas du voyage, sans compter les milliers d'heures d'avion pour que les gens s'y
03:58 retrouvent.
03:59 On va y venir sur le bilan carbone des Davossiens.
04:02 Pour vous, Éric Coquerel, Davos, c'est quoi ? C'est une vitrine…
04:06 Si je reprends l'image de la machine à café, c'est une machine à café où manquent
04:10 tous ceux qui produisent les richesses dans ce monde. Je conviens, je pense qu'au moins
04:16 ça permet de ne pas céder à une vision complotiste, ce n'est pas secret. Mais en gros, c'est
04:20 un G20 dans lequel les décideurs ou ceux qui sont les donneurs d'ordre de certains
04:25 chefs d'État sont présents, c'est-à-dire ceux qui détiennent la machine économique.
04:29 Donc en ça, c'est quand même un festival un peu d'oligarque. Si je prends la définition
04:34 grecque, c'est-à-dire peu nombreux, un petit nombre, et qui en réalité commandent
04:38 le monde soit directement, politiquement, soit à certains moments économiquement.
04:42 Je peux concevoir d'ailleurs qu'on ait envie d'aller le voir pour voir comment
04:47 il fonctionne. Mais c'est ça qui donne à voir et c'est en cela que je disais tout
04:55 à l'heure que ce n'est pas mon monde. Oui, ce n'est pas tout à fait mon monde.
04:58 C'est un monde qui d'ailleurs domine de manière de plus en plus importante la planète
05:03 en ce sens où la mondialisation financière, l'économie capitaliste financiarisée fait
05:08 en sorte qu'il y a une interaction de plus en plus importante entre les chefs d'État,
05:13 en tout cas des puissances occidentales ou des puissances industrielles, et puis les
05:17 personnes qui y sont présentes. Y compris d'ailleurs avec des voix dissonantes, comme
05:20 dans tout festival.
05:21 Qu'est-ce que vous répondez à ça Jacques Attali ?
05:23 Ce n'est pas comme le G20 parce qu'au G20 il y a un communiqué. Il n'y a pas de
05:26 communiqué là-bas aussi, il y a juste une idée qui domine, un peu à la mode. Cette
05:30 année l'idée à la mode qui domine, c'est d'ailleurs la mode d'il y a 4 ans, c'est
05:33 l'intelligence artificielle. D'ailleurs Davos, comme certains journaux anglo-saxons,
05:37 sont toujours en retard d'une mode, mais c'est une autre question. Donc, bon, on parle
05:41 d'intelligence artificielle mais on devrait parler d'autre chose, il y a beaucoup d'autres
05:43 sujets beaucoup plus importants. C'est un lieu où en effet les gens de pouvoir se rencontrent.
05:48 Et pas seulement les gens de pouvoir, mais pas seulement les gens de pouvoir des pays
05:51 occidentaux. Il y a 50 chefs d'État africains qui viennent, je ne sais pas si c'est 50,
05:55 parce qu'il y a 54 chefs d'État africains, mais il y a énormément de chefs d'État
05:58 africains qui viennent. Il y a le Premier ministre chinois, enfin il y a la planète.
06:02 C'est une sorte de vitrine du pouvoir planétaire. Alors, on peut être contre...
06:07 - Du pouvoir capitalistique, dit Éric Coquerel. C'est ça qu'il répondait sur ce qu'il...
06:11 - Non, non, non. C'est pour ça que je vous ai dit, ce n'est pas le cas.
06:13 - Voilà, la domination du grand capital, quoi.
06:15 - C'est un miroir du monde. Donc, comme le monde, à ma connaissance, est dominé par
06:19 l'économie de marché, que l'économie planifiée représente 0,03% de la planète, c'est forcément
06:25 l'économie de marché. On appelle ça capitaliste ou marché, moi je préfère appeler ça économie
06:29 de marché, c'est ça. Mais il y a quand même l'économie de marché non capitaliste, genre
06:34 Chine, Vietnam, ils sont tous là. Donc, c'est l'économie de marché plus les politiques
06:43 des démocraties et des autres. Une immense majorité des chefs d'État qui sont là
06:47 ne sont absolument pas des pays développés.
06:48 - Éric Coquerel.
06:49 - Non, je crois que ce n'est pas seulement l'économie de marché, mais là on va rentrer
06:51 dans un débat où il nous faudrait une heure pour en parler, parce que, par exemple, dire
06:55 que la Chine aujourd'hui n'a aucun rapport avec le capitalisme, non. On peut peut-être
06:59 parler, je ne sais pas si on peut le catégoriser de capitalisme d'État ou autre, mais c'est
07:03 une forme à un moment donné d'utilisation de l'économie de marché et du libre-échange,
07:07 d'ailleurs qu'il revendique de manière pleine et entière pour accroître les bénéfices,
07:12 y compris des entreprises chinoises. Donc on est bien dans un système dont la particularité
07:17 est ça, c'est que c'est un marché absolutiste. J'entendais Jacques Attali parler des économies
07:24 planifiées, mais il peut y avoir des mixtes. On a vécu des mixtes en France, on le vit
07:28 encore d'ailleurs en partie, où pendant très longtemps on avait à la fois une économie
07:31 de marché, mais on avait aussi de manière très forte, à plus de 50% de l'économie,
07:35 une économie qui répondait à de l'intérêt général, avec des services publics puissants,
07:40 etc. Ça reste en partie vrai, mais c'est en train de s'étioler. Donc ce qui s'illustre
07:45 à Davos, c'est quand même le cours historique du capitalisme. Et le cours historique du
07:48 capitalisme, ce n'est pas seulement le tout-marché, c'est aussi le fait que la priorité, c'est
07:52 des bénéfices à deux chiffres, produits le plus rapidement possible, en profitant
07:56 d'un libre-échange généralisé, et qui se fait, parce qu'il n'y a pas de mystère,
08:02 le rapport d'Oxfam qui vient de sortir montre qu'on a une explosion des inégalités, qui
08:05 est absolument historique dans le monde. Je ne sais pas si vous vous rendez compte qu'en
08:08 France, 5 milliardaires ont gagné 230 milliards depuis 2020, et se sont enrichis de manière
08:15 conservative, et c'est vrai à l'échelle mondiale. Et ça, je pense que c'est ça
08:18 la caractéristique de ce système, ce qui d'ailleurs le rend de plus en plus insupportable
08:22 et qui explique que dans pas mal d'endroits du monde, il se transforme en régime de plus
08:25 en plus autoritaire pour arriver à continuer à sévir.
08:28 - Jacques Attali sur ce point ?
08:29 - Oui, oui, je suis d'accord. Je suis malheureusement d'accord pour l'intérêt de la conversation,
08:33 je suis d'accord. Je suis d'accord avec le fait que l'économie de marché, ou le capitalisme
08:37 et l'économie mondiale est de plus en plus concentrée, que les richesses sont de plus
08:40 en plus concentrées, et que c'est de moins en moins tolérable, que c'est de plus en
08:44 plus à court terme, que d'abord ce n'est que le miroir de cette situation, on ne peut
08:47 pas accuser un miroir de l'image qu'il renvoie, c'est tout.
08:50 - Sauf que ça peut rendre ces réunions des puissants riches, très riches, ça peut rendre
08:56 Davos encore plus insupportable et susciter de plus en plus de fantasmes et de complotismes.
09:02 Vous parliez avec Eric Coquerel de complotisme.
09:04 - Oui, c'est pour ça que j'en ai fait un sujet de mon roman, parce que c'est quelqu'un
09:07 qui essaye de changer le monde et qui croit que c'est à Davos en particulier qu'il va
09:10 réussir à changer le monde, mais non. Parce que si vous tuez la moitié des gens qui sont
09:13 à Davos, vous ne changeriez rien au monde. Rien du tout.
09:15 - Vous êtes d'accord avec ça Eric Coquerel ? Si vous tuez la moitié des gens de Davos ?
09:18 - Oui, par contre, si on fait en sorte que le système change et que ces gens-là aient
09:22 quand même moins de pouvoir, y compris sur les états d'ailleurs, c'est tout le problème,
09:26 là peut-être qu'on arrivera à changer le monde.
09:28 Mon intention n'est pas de tuer physiquement quelqu'un, mais c'est de leur prendre un peu
09:32 de pouvoir, qu'ils n'ont plus sur le politique.
09:34 - C'est pour ça que le plus important c'est de regarder les règles du jeu. C'est les
09:37 règles du jeu qu'il faut changer, c'est pas les gens. Et donc de ce point de vue, Davos
09:40 c'est un des grands miroirs.
09:41 - Alors justement, les règles du genre, est-ce qu'elles ont changé Nicolas ?
09:42 - Oui, est-ce qu'il y a 20-25 ans, Davos, Jacques Attali, ça n'a pas été le lieu quand même
09:46 qui incarnait la mondialisation heureuse, le libéralisme triomphant, la fin de l'histoire
09:51 prophétisée par Fukuyama après la chute du bloc soviétique ? Fin de l'histoire et
09:57 peut-être même d'ailleurs fin de la politique.
09:59 - Moi j'ai jamais cru, mes livres de cette époque en témoignent, j'ai jamais cru à
10:03 la fin de l'histoire, je crois que l'histoire est tragique et que quand Fukuyama écrivait
10:06 ça, il y avait d'autres qui écrivaient exactement le contraire, dont le célèbre
10:10 livre sur la fin de la crise des civilisations d'un docteur américain simultané, Huttington.
10:16 Mais Davos, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est le reflet des modes.
10:21 La mode à un moment en effet a été globalisation heureuse, donc Davos a reproduit ces modes.
10:27 Et le monde anglo-saxon est comme ça, je veux dire, vie économiste c'est exactement
10:31 la même chose.
10:32 Si vous regardez les titres de vie économiste, c'est toujours la mode d'avant.
10:35 C'est jamais juste parce que c'est la mode d'avant.
10:38 - Et là c'est quoi la mode, à part l'intelligence artificielle de vie économiste ?
10:41 - Cette année, Davos, c'est l'intelligence artificielle, point.
10:44 - Vous auriez aimé quoi comme thème ?
10:47 - J'aurais aimé les inégalités bien sûr, j'aurais aimé le climat, j'aurais aimé,
10:52 si on reste sur le domaine de la technologie, pour moi la grande technologie qui vient c'est
10:56 la biogénétique, c'est ça qui va arriver demain.
10:58 Si on veut être en avance, c'est ça.
11:00 Mais les inégalités et le climat sont le thème dominant.
11:03 J'aurais rêvé, si Davos veut être en avance, ce sera un Davos sur la santé et sur l'éducation,
11:08 ce que moi j'appelle l'économie de la vie.
11:09 Les grands secteurs de demain, santé, éducation, énergie, on ouvre l'art.
11:13 - Mais ça, ça n'intéresse pas ceux qui vont à Davos, non ?
11:15 - Non, ça les intéresserait, d'abord parce que comme je vous l'ai dit, il y a une grande
11:19 partie des gens qui viennent des ONG et qui sont là pour se faire entendre, ensuite ça
11:23 les intéresserait s'ils se rendaient compte que c'est pour eux une source d'aventure
11:27 nouvelle.
11:28 C'est un lieu très intéressant, Davos, parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont à la
11:31 recherche d'aventures, il y a beaucoup de jeunes, énormément de jeunes, parce qu'ils
11:35 sont très habiles pour aller chercher les nouveaux talents.
11:37 Et on trouve des jeunes qui font des ONG en matière de santé, d'éducation, très intéressants.
11:42 Et moi j'ai rencontré des gens avec qui j'ai fait d'autres choses après.
11:45 - Eric Coquerel, si la mode de Davos c'était la santé, l'éducation et les inégalités,
11:51 vous iriez ?
11:52 - Non, non, mais j'entends bien tout ce que dit Jacques Attali, je suis convaincu qu'il
11:55 y a des aspects intéressants, c'est pas ça le problème.
11:57 Mais c'est quand même le système qui se rend compte, c'est le système politique et économique
12:01 dominant qui se rend compte.
12:02 Et pour moi, je reste attaché au fait que les réunions internationales, y compris d'ailleurs
12:08 quand elles sont des réunions uniquement d'échange et de concertation, je les préfère par
12:12 exemple sous l'égide de l'ONU ou de représentation politique.
12:16 - Jean-Luc Mélenchon à Davos, ce serait pas intéressant Jean-Luc Mélenchon à Davos,
12:26 parce que parler à ses adversaires idéologiques, est-ce que c'est pas stimulant ?
12:31 - Non, mais vous l'avez dit, on parle à nos adversaires idéologiques, ne nous caricaturez
12:36 pas au point où on pense ça.
12:37 - Non, non, c'est une question ouverte.
12:38 - On parle, mais qu'est-ce que ça changerait ? Est-ce que ça changerait le cours aujourd'hui
12:42 que prépare le capitalisme ? Jacques Attali a raison, c'est quand même symptomatique
12:45 et d'ailleurs parce qu'à mon avis c'est contradictoire que la question du climat ne
12:48 soit pas le sujet central.
12:49 Pourquoi c'est pas le sujet central ?
12:51 - D'abord parce qu'il y a eu un jet, ils ont calculé 1000 jets qui débarquent à Davos,
12:57 je vous passe sur l'empreinte carbone.
12:59 - Malheureusement, pas plus que pour la clope à terre.
13:01 - Attends, je voudrais juste terminer.
13:03 Pourquoi c'est pas le sujet ? Parce que le capitalisme tel qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire
13:08 ce capitalisme international qui dépasse en partie les frontières.
13:11 Je dis en partie les frontières parce qu'on s'aperçoit que la plupart des bénéfices
13:14 sont quand même faits à l'intérieur de la frontière d'où est la minimisation.
13:19 Le court termis est contradictoire aujourd'hui avec la question de l'environnement.
13:24 C'est-à-dire qu'on ne peut pas avoir une vision où la seule valeur du capitalisme
13:29 c'est de faire les bénéfices les plus importants sans même parfois une vision entrepreneuriale
13:33 et puis parce que ça coûte en termes d'écologie.
13:36 - Le capitalisme vert, vous n'y croyez pas ?
13:38 - Là tel qu'est défini notre capitalisme, c'est-à-dire un capitalisme qui se base avant
13:42 tout sur la question des profits, parfois à la micro-seconde de façon où on délocalise
13:47 les entreprises parce qu'elles ne vont pas se rapporter etc.
13:50 Même si il y a le pilier 2 qui est en train de s'installer mais qui franchement, à mon
13:54 avis, ne va pas véritablement modifier les choses.
13:57 C'est contradictoire.
13:58 Donc c'est ce système-là lui-même qu'il faut à mon avis remettre en question parce
14:02 qu'il est en train de nous amener à la catastrophe.
14:03 - Jacques Attali répondait.
14:04 - La vaux se la met en effet.
14:05 - Ah tout à fait.
14:06 - Oui, la vaux comme miroir du monde.
14:08 Mais je suis d'accord avec ce point.
14:11 Le point essentiel c'est ce que j'appelle l'économie de la vie dont j'ai dit les secteurs.
14:15 Comparé à l'économie de la mort, c'est-à-dire tout ce qui tourne autour des énergies fossiles,
14:19 des sécurités artificielles, de l'alimentation malsaine, le malheur du monde c'est que l'économie
14:24 de la mort est beaucoup plus rentable que l'économie de la vie.
14:26 Et donc on n'arrive pas à retourner l'activité humaine vers l'économie de la vie.
14:32 C'est ça qui serait les grands enjeux aujourd'hui.
14:33 Et s'il y avait un projet politique aujourd'hui ce serait de savoir comment, par la fiscalité,
14:39 par le droit, par la régulation, on peut inverser les priorités et faire que la santé,
14:43 l'éducation et les énergies renouvelables soient plus rentables que les énergies fossiles
14:47 et tout ce qui tourne avec.
14:48 Alors justement, est-ce qu'Emmanuel Macron peut porter cela ? Je vous interroge sur la
14:52 France, mais il y a un lien avec Davos, puisqu'il l'était à Davos hier, qu'il a fait un discours
14:56 sur l'Europe, appelant l'Europe à tenir le choc face à l'accélération du monde,
15:01 souhaitant des grands emprunts communs européens pour investir dans l'intelligence artificielle,
15:07 mettant en garde contre un risque de division sur l'Ukraine.
15:10 Vous nous avez dit en rentrant, Eric Coquerel, qu'il y a un lien pour vous entre la France
15:14 et Davos.
15:15 Et c'est Emmanuel Macron.
15:16 Oui, alors Davos, quand je dis Davos, c'est la représentation de ce système, ce n'est
15:19 pas Davos même.
15:20 Il y a deux tendances dans le système international aujourd'hui.
15:23 D'un point de vue écologique, je pense que c'est une catastrophe, je l'ai dit.
15:26 Il y a une autre tendance, c'est que c'est un système toujours plus injuste, je l'ai
15:29 dit, qui produit des inégalités qui sont plus supportables.
15:30 Et pour se perpétuer, j'observe que dans pas mal d'endroits du monde, il évolue vers
15:36 des dérives autoritaires, même avec des gens qui ne viennent pas de l'extrême droite.
15:40 Orbán ne venait pas de l'extrême droite.
15:41 Bolsonaro ne venait pas de l'extrême droite.
15:43 Je trouve de ce point de vue-là que ce qui se passe en France, alors pas au même niveau,
15:48 j'entends, mais quand même, le fait qu'on dirige par exemple ce pays en ne faisant plus
15:52 voter l'Assemblée nationale, le fait qu'on ait des répressions sociales de mouvements
15:56 écologistes qui soient totalement dispensionnés, mais aussi le fait que le chef de l'État,
16:01 par exemple, dans son discours hier, appelle un espèce d'ordre de civisme, mais en oubliant
16:05 juste que nos principes républicains, notamment la question de l'égalité, cette promesse
16:09 républicaine, il ne la tient plus parce qu'il accentue justement cette idéalité.
16:14 Je pense qu'il est tout à fait dans ce cours des choses.
16:17 Et c'est là où, à mon avis, il y a un rapport.
16:19 C'est-à-dire que la France est en train de s'engager vers...
16:22 Tourne le dos finalement à ce qu'a construit l'État social, à ce qu'a construit notre
16:28 République.
16:29 Et en ça, je trouve que Macron est assez adapté à Davos.
16:30 - Jacques Attali ?
16:31 - Oui, je suis loin d'être toujours d'accord avec ce que dit ou fait le président de la
16:35 République, et je le dis parfois publiquement, pas toujours publiquement, mais je le dis.
16:39 Je trouve son discours d'hier à Davos était très bien, parce que qu'est-ce que fait
16:43 un chef d'État quand il vient à Davos ? Il vient vendre son pays.
16:46 Donc il vient expliquer que c'est formidable, qu'il faut investir en France, que c'est le
16:49 meilleur pays du monde.
16:50 C'est très bien, il l'a fait.
16:51 Il a fait aussi quelque chose que je dis moi depuis longtemps et que j'étais ravi d'entendre
16:56 dans sa bouche, c'est-à-dire qu'il faut que l'Europe passe à une autre étape et qu'elle
16:59 passe à l'Europe de la défense.
17:00 Nous ne sommes rien si nous ne sommes pas une puissance, surtout au moment où Trump
17:04 peut revenir au pouvoir et où on peut se trouver avec une Europe désarmée face à
17:10 des ennemis innombrables.
17:11 Il est urgent d'avoir une Europe de la défense.
17:14 Et l'idée de faire un grand emprunt ou un budget de défense européen, et en particulier
17:19 pour dépenser dans les technologies nouvelles dont l'intérêt artificiel n'est qu'une
17:23 parmi beaucoup d'autres, me paraît une piste très optique.
17:25 On vous réinvitera pour parler de l'Europe de la défense, parce que je pense que là
17:28 pour le coup vous n'êtes pas du tout d'accord.
17:30 Merci à tous les deux Jacques Attali.
17:33 « Bien le reçoit notre monde ! » chez Flammarion.
17:35 Merci Eric Coquerel.