Loi immigration: comment Fabius gère la pression sur le Conseil constitutionnel

  • il y a 9 mois
Alors que les Sages rendront leur décision sur la loi immigration ce jeudi, le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius entend montrer qu’il ne se laisse pas «instrumentaliser», explique notre journaliste Marie-Amélie Lombard-Latune.

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Transcription
00:00 Le rythme s'accélère ces jours-ci au Conseil constitutionnel
00:03 avant sa décision ce jeudi sur la loi immigration.
00:07 La pression, elle est forte depuis le 26 décembre, date où il a été saisi.
00:14 Le voilà maintenant juge de paix d'une loi sur l'immigration au parcours,
00:17 on le sait, très mouvementée.
00:18 C'est bien son rôle, voici comment il s'y prend.
00:21 Des textes contestés, politiquement très sensibles.
00:29 Le Conseil constitutionnel en a l'habitude.
00:31 La question finalement, elle n'est pas là.
00:33 Ce qui change, cette fois, ce sont les commentaires
00:36 qui ont accompagné l'adoption de la loi le 19 décembre.
00:38 On l'a beaucoup dit, mais que le ministre de l'Intérieur, la Première ministre
00:42 et même le Président de la République disent à chaud, urbi et torbi,
00:46 qu'il y a dans ce texte des mesures inconstitutionnelles, ça c'est inédit.
00:49 Et cela met le Conseil en porte-à-faux.
00:52 Finalement, il serait moins là pour juger de la conformité du projet à la loi fondamentale
00:56 que pour sortir l'exécutif de l'ornière,
00:59 pour corriger ce que le gouvernement n'a pas osé faire
01:01 après le coup de barre très à droite au Sénat.
01:04 Or, les sages, ils détestent donner l'impression d'être instrumentalisés.
01:07 Touze l'a mise au point de Laurent Fabius.
01:10 "Le Conseil constitutionnel n'est pas la chambre d'appel des choix du Parlement", a-t-il dit.
01:14 Les yeux dans les yeux à Emmanuel Macron le 8 janvier à l'Élysée.
01:17 Façon de bien montrer qu'on ne lui torderait pas le bras
01:20 et qu'aujourd'hui, c'est bien lui qui a le jeu en main.
01:23 Pour autant, cette synchance aura-t-elle un impact sur l'état d'esprit du Conseil,
01:28 sur son appréciation du texte Immigration,
01:30 finalement sur son humeur vis-à-vis de l'exécutif ?
01:32 Clairement, non, disent les connaisseurs de l'institution.
01:35 Plus cela s'agit à l'extérieur, plus la pression est forte,
01:39 plus le Conseil fait du droit.
01:41 Alors ce travail du Conseil constitutionnel, il génère beaucoup de fantasmes.
01:48 En fait, la mécanique, elle est bien huilée.
01:50 Depuis des mois, il s'est mis en ordre de marche,
01:53 puis a suivi attentivement les travaux parlementaires.
01:56 Ces dernières semaines, alors la cadence, elle s'est accélérée
01:58 pour arriver à rédiger un pré-rapport, une sorte de version 1
02:02 de la décision qui a commencé à circuler ces derniers jours auprès de ses 9 membres.
02:06 Jeudi matin, ceux-ci vont s'asseoir dans la salle des délibérations
02:10 en ayant déjà un schéma général en tête.
02:12 Puis, Laurent Fabius va distribuer la parole.
02:14 Certains membres vont faire du juridique pur,
02:17 d'autres ont tendance à disserter, à s'écouter un peu parler.
02:20 Mais globalement, ça va être une discussion de juristes.
02:24 Alors, des coups de théâtre sont toujours possibles,
02:26 il se dit de bonne source que Laurent Fabius voulait censurer la réforme des retraites,
02:31 mais a été mis en minorité.
02:33 A l'origine, le projet comptait 27 articles.
02:36 Il a grossi au Sénat pour en faire 86 aujourd'hui.
02:39 Il pose des questions de fond.
02:41 Est-il conforme aux principes fondamentaux ?
02:43 Au droit à mener une vie familiale normale ?
02:45 Au droit à la protection sociale ?
02:47 À la liberté du mariage, par exemple ?
02:49 Mais le projet sera aussi contrôlé sous l'angle de la procédure
02:53 et des fameux cavaliers législatifs.
02:55 Sur ces différents aspects,
02:56 il existe déjà une abondante jurisprudence des sages.
03:00 Ils vont s'y référer.
03:01 L'orthodoxie, c'est pour eux la seule manière de s'en sortir.
03:04 Me soulignez par exemple le juriste Denis de Béchillon, qui les connaît bien.
03:07 Et sa collègue juriste, Anne Levade, ajoutait
03:10 "En droit, ils n'auront aucune difficulté à statuer.
03:13 Mais la question est plutôt de savoir comment leur décision sera ensuite interprétée."
03:22 Au-delà de son contrôle sur la loi immigration,
03:24 le Conseil constitutionnel se sait dans le collimateur.
03:28 Il est souvent considéré, comme le Conseil d'État, la Cour de cassation
03:31 ou la Cour européenne des droits de l'homme,
03:34 comme un empêcheur de tourner en rond.
03:36 Après l'extrême droite, ce sont maintenant les Républicains
03:39 qui estiment que la loi fondamentale et les traités
03:41 doivent être revus pour mieux contrôler l'immigration.
03:44 Si je dis la censure est large,
03:46 cela fournira aux Républicains un argument
03:48 pour dire que la volonté populaire n'est pas respectée.
03:51 Que pèsent 75 000 manifestants contre le projet, diront-ils,
03:55 face à la majorité des Français qui réclament des mesures fortes ?
03:58 La décision des sages va alimenter la campagne des Européennes.
04:02 Le 8 janvier à l'Elysée, Laurent Fabius a fait une mise en garde
04:05 dans son registre solennel.
04:07 Sauf à prendre le risque d'exposer notre démocratie à de grands périls,
04:11 a-t-il lancé.
04:12 Dans une démocratie, on peut toujours modifier l'état du droit,
04:16 mais il faut veiller à respecter l'état de droit.
04:20 Et c'est bien volontairement que le président du Conseil constitutionnel
04:23 a mis un E majuscule à "état du droit".
04:27 Sous-titrage Société Radio-Canada

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