• il y a 10 mois
Le gouvernement va-t-il réussir à éteindre la colère des agriculteurs ? On attend cet après-midi des annonces de la part de Gabriel Attal dans le cadre de son discours de politique générale à l'Assemblée. Analyse ce matin avec Laurent Pinatel, ex porte-parole de la Confédération Paysanne.

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Transcription
00:00 7h45 sur France Bloc, Saint-Etienne-Loire.
00:04 Les agriculteurs poursuivent leur blocage.
00:06 Aujourd'hui, ils attendent des mesures plus fortes de la part de l'exécutif.
00:08 Est-ce que vous soutenez encore la mobilisation des agriculteurs ?
00:11 Oui, à la fois vous comprenez le combat qui est mené par le monde paysan,
00:14 mais vous êtes peut-être aussi victime de ces blocages
00:16 et vous préféreriez que ça ne dure pas trop longtemps.
00:19 Vous nous appelez au 0477 10010, faites comme Simone de Saint-Etienne,
00:23 à qui on a demandé si elle soutenait donc toujours autant le mouvement agricole.
00:27 Alors un petit peu moins parce que finalement il gêne aussi beaucoup les gens qui vont travailler.
00:32 Mon fils a mis une heure pour faire son trajet alors que d'habitude il met 20 minutes.
00:36 Voilà, on n'est pas sûr de partir au bon moment.
00:39 Peut-être qu'il y a d'autres façons.
00:41 Bonjour Laurent Pinatel, agriculteur à Saint-Genelaire.
00:44 Avec ce porte-parole de la Confédération paysanne,
00:46 les Français soutiennent ce mouvement assez massivement.
00:49 Soutien qui dans ce genre de cas n'est pas éternel.
00:52 La balle est dans le camp du gouvernement, c'est à lui d'aller plus vite.
00:55 Ben oui, en fait, pourquoi ça bloque ?
00:57 Parce que le gouvernement ne répond pas aux attentes du mouvement paysan.
01:00 Donc après, je ne sais pas, cet après-midi,
01:02 Gabriel Attal va peut-être encore annoncer des choses.
01:05 On espère beaucoup en fait de ce qu'il va dire.
01:09 Il avait quand même eu des bonnes avancées.
01:11 Moi j'ai trouvé un titre personnel l'autre jour en haut de Garonne,
01:14 mais pas à hauteur de l'ampleur du mouvement
01:17 et du désespoir des gens qui sont sortis sur les routes.
01:19 Le jeu politique c'est parfois de laisser traîner dans ce genre de mouvements sociaux.
01:22 On a l'impression que cette question des revendications agricoles
01:25 elle est vraiment prise à bras le corps par le gouvernement.
01:28 Vous avez ce sentiment-là également ?
01:30 Moi je pense qu'ils n'ont pas perçu la réelle colère.
01:33 Puisqu'au départ, on a laissé un peu traîner.
01:35 Puis finalement, on a envoyé quand même le Premier ministre.
01:37 On n'a pas envoyé le ministre de l'Agriculture.
01:39 On l'a envoyé en avion là-bas en haut de Garonne.
01:41 Il a fait ses annonces.
01:43 Il y avait quelque chose de travaillé.
01:44 On voyait bien qu'il y avait des choses.
01:46 Mais il y a quand même un peu du foutage de gueule.
01:49 Parce que quand le Premier ministre arrive en disant
01:51 à partir de maintenant, grosse annonce,
01:53 on va faire respecter la loi EGalim.
01:55 Ça fait 6 ans qu'ils l'ont votée la loi.
01:57 Et là, il nous annonce, la gueule enfarinée,
01:59 on va la faire respecter.
02:01 Au bout d'un moment, s'il faut aller bloquer le pays entier
02:03 pour qu'il y ait une loi qui soit respectée,
02:05 moi qui entier un feu rouge, je m'arrête.
02:07 Et si chaque fois que je passe au feu rouge, on me dit
02:09 il faut s'arrêter parce qu'autrement c'est pas bien, je vais passer tous les jours.
02:11 Donc là on en est là.
02:13 Il a fallu que le Premier ministre dise, on va faire respecter la loi
02:15 que nous-mêmes on a votée. C'est pas leur prédécesseur.
02:17 Donc il y a quand même ce petit foutage de gueule.
02:19 Et je pense qu'ils n'ont pas perçu vraiment le désarroi
02:21 puisque les gens sont restés sur les blocages.
02:23 Ça monte en puissance parce qu'il n'y a pas vraiment de...
02:25 Je pense qu'il y a ce côté hors-sol
02:27 qui ressort beaucoup
02:29 des salons parisiens.
02:31 Et les gens sont aussi sortis.
02:33 Bon, il y a les normes, il y a l'administratif, on peut en reparler.
02:35 Mais il y a aussi ce mépris de classe, quelque part.
02:37 De gens qui viennent nous dire, tous les matins
02:39 "Ouais, alors les paysans, il faudrait faire ci,
02:41 vous avez trop de matériel, ça coûte trop cher."
02:43 Et cette colère-là,
02:45 elle ne peut que s'exprimer et se satisfaire
02:47 s'il y a vraiment une prise en compte.
02:49 - Vous vous êtes surpris, vous, Laurent Pinaltel,
02:51 justement, par ce mouvement global, fort.
02:53 Vous disiez,
02:55 il y a eu des annonces vendredi, mais ça continue quand même.
02:57 Ça vous surprend, finalement, cette unité ?
02:59 - Moi, ça me surprend parce que
03:01 on voyait qu'en Allemagne, il y avait des tracteurs
03:03 qui se massaient un peu partout, on voyait que ça bougeait partout
03:05 dans les pays européens. Aujourd'hui, il y a 12 pays en Europe
03:07 où le mécontentement agricole
03:09 se fait jour.
03:11 C'est arrivé d'un coup
03:13 parce qu'il y a des gens qui se sont pris par la main.
03:15 Jérôme Bel, là-bas, dans le Sud, il a dit
03:17 avec ses potes "bon, on va bloquer l'autoroute parce qu'il y en a marre".
03:19 Et en fait, les syndicats ont embrayé.
03:21 Et je pense que c'est nécessaire que les syndicats embrayent.
03:23 Ça fait un interlocuteur, il y a du fond,
03:25 mais c'est surprenant
03:27 parce que, moi, réellement, je n'ai pas vu venir,
03:29 je n'y croyais pas. On avait cette impression
03:31 d'abattement dans les campagnes, de dire, ce fatalisme
03:33 de dire "oui, mais de toute façon, on n'y arrivera pas".
03:35 Et là, il y a vraiment eu un réveil. J'étais sur le blocage de la FNSE AGIA, jeudi matin, à La Fouillouse.
03:41 Il y avait énormément de jeunes. Moi, ça m'a vraiment surpris.
03:43 Beaucoup, beaucoup de jeunes qui étaient là pour dire
03:45 "mais enfin, laissez-nous tranquilles".
03:47 Alors, il y a toutes les revendications
03:49 sur le revenu, bien évidemment, sur la prise en considération, surtout, je trouve,
03:53 par l'ensemble des médias, par l'ensemble des politiques,
03:55 et puis l'ensemble des citoyens, de dire
03:57 "en fait, on n'est pas des ploucs".
03:59 - La rémunération, vous en parliez,
04:01 on sent vraiment que si on ne règle pas la question de la rémunération,
04:04 on ne réglera rien. Aujourd'hui, un prix juste,
04:06 c'est là le cœur de la question,
04:09 interdire aux transformateurs, à tous les intermédiaires,
04:12 d'acheter aux paysans un produit en dessous de son prix de revient.
04:15 Vous le disiez, c'est la loi EGALIM, tout simplement.
04:17 - Complètement, c'est la loi EGALIM.
04:19 Moi, je pense qu'il n'y a personne au monde qui supporterait de travailler à perte.
04:22 Et nous, on nous impose de travailler à perte,
04:24 puisque, de toute façon, il a été décidé,
04:26 de façon délibérée ou pas, dans les années 70-80,
04:29 que c'est les paysans qui régleraient le problème du pouvoir d'achat.
04:32 Les gens n'ont pas de rond, on va baisser les prix alimentaires.
04:34 On augmente le fuel, on augmente l'électricité, on augmente les loyers,
04:37 mais le paysan, il va se démerder, on va s'asseoir sur lui,
04:40 on va s'essuyer les pieds gentiment sur lui en disant
04:42 "Eh bien, voilà, il faut quand même que vous baissiez vos prix,
04:45 parce qu'autrement, les gens ne vont pas pouvoir bouffer."
04:47 Donc ça, c'est insupportable.
04:49 - Un mot, Laurent Pinatelle, sur la concurrence étrangère.
04:51 On n'arrêtera jamais d'importer.
04:53 C'est quoi la solution pour que ça se fasse
04:55 de la manière la plus intelligente possible,
04:57 et pour protéger nos agriculteurs ?
04:59 - Moi, je pense que là, c'est un des nœuds de cette crise agricole,
05:03 cette distorsion de concurrence.
05:05 Alors, on parle des accords libre-échange
05:07 avec la Nouvelle-Zélande, le Mercosur.
05:09 Visiblement, Macron va suspendre les négociations
05:11 avec le Mercosur, encore avant.
05:13 Mais je pense qu'il y a aussi la concurrence intra-européenne
05:15 qui est extrêmement violente,
05:17 avec l'Allemagne qui n'a pas de smic d'un agroalimentaire,
05:19 avec les Espagnols qui utilisent la manœuvre vraiment à bas coût.
05:22 Et cette concurrence-là, sociale et normative,
05:25 elle n'est pas acceptable.
05:27 Donc, moi, je pense qu'il faut vraiment imposer
05:29 des mesures miroirs, des clauses miroirs.
05:31 C'est-à-dire, on n'importe pas en France
05:33 des produits qui ne respectent pas les normes de production
05:35 sociale, environnementale,
05:37 des produits français.
05:39 Ça, c'est vraiment la base.
05:40 On ne peut pas fonctionner si on continue
05:42 d'avoir des produits qui arrivent chez nous,
05:44 qui ne respectent pas les normes de production que nous avons, nous.
05:46 - Et ça n'est pas à nous d'adapter nos normes par le bas
05:48 pour se mettre au niveau de la concurrence ?
05:50 - Non, non, non, il faudra éviter quand même.
05:52 Il faut vraiment, moi, je pense que s'il y a des pesticides
05:54 interdits en France parce qu'ils sont dangereux,
05:56 il faut absolument que ces pesticides-là
05:58 ne rentrent pas en France par le biais de produits
06:00 de pays qui les utilisent.
06:02 - Merci Laurent Pinatel, agriculteur à Saint-Genève-L'Hérex,
06:04 porte-parole de la Confédération Paysanne,
06:06 de nous avoir éclairé ce matin
06:08 en cette journée importante. On le rappelle, on attend
06:10 des annonces du gouvernement.
06:12 D'abord de Gabriel Attal dans son discours de politique générale
06:14 et ensuite du ministre de l'Agriculture.
06:16 - Les dossiers complets à retrouver sur francebleu.fr.
06:18 Merci et bonne journée à vous.
06:20 C'était Heure 51.

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