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Mardi 30 janvier 2024, SMART IMPACT reçoit Marie-Claire Daveu (Directrice du développement durable et des affaires institutionnelles, Kering) et Noémie Ogno (Présidente cofondatrice, Jeunoh)

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00:00 [Générique]
00:08 Bonjour, bonjour à toutes et à tous. Bienvenue, c'est Smart Impact, l'émission de la transformation environnementale et sociétale de notre économie.
00:15 Et c'est un grand entretien que je vous propose aujourd'hui avec Marie-Claire Daveux, la directrice du développement durable et des affaires institutionnelles
00:23 de Kering, le géant du luxe, qui possède des marques comme Gucci, Saint-Laurent, Balenciaga ou Boucheron. Comment produire du luxe responsable ?
00:31 Quelle est la feuille de route de Kering en matière de développement durable ? Comment progresser en faveur du bien-être animal ?
00:37 Avec quels outils le groupe calcule-t-il son impact environnemental ? Beaucoup de questions, vous le voyez, à aborder juste après ces titres.
00:45 Et puis, on conserve notre rubrique consacrée aux startups. Comme tous les jours, je vous présenterai JeuneO et son plateau de jeux inclusifs
00:54 adaptés aux enfants qui souffrent d'autisme ou de troubles cognitifs. Voilà pour le sommaire. C'est le grand entretien, tout de suite.
01:01 [Générique]
01:07 Le grand entretien de ce Smart Impact avec Marie-Claire Daveux. Bonjour.
01:12 Bonjour.
01:13 Bienvenue. Vous êtes la directrice du développement durable et des affaires institutionnelles du groupe Kering.
01:18 Faut-il présenter Kering, groupe français, groupe de luxe, rayonnement mondial ? C'est combien de marques aujourd'hui et dans quel secteur ?
01:25 Kering, c'est déjà 47 000 collaborateurs à travers le monde. Ce sont des marques comme Gucci, Saint-Laurent, Balenciaga, Bottega Veneta, Alexander McQueen.
01:35 J'en profite, je fais la pub, je cite tout le monde.
01:37 Donc là, on est dans le secteur du luxe, vêtements, maroquinerie.
01:41 Vêtements, accessoires, etc.
01:43 Il y a de la joaillerie aussi.
01:44 Il y a de la joaillerie avec Boucheron, Pomélato italien et Kéline, qui est une marque chinoise.
01:51 En 2015, le groupe de la famille Pineau, qui s'appelait PPR, a changé de nom pour devenir Kering.
01:57 Prendre soin. Est-ce que ça concernait déjà la planète en 2015 ?
02:00 Alors, ça concernait non seulement la planète, mais ça concernait aussi l'humain.
02:05 Et ce qui est intéressant, si vous me laissez 30 secondes sur Kering...
02:08 On a plus de 20 minutes, c'est le grand entretien.
02:10 C'est génial.
02:11 Donc Kering, en fait, c'est "Ker", qui veut dire "la maison" en breton.
02:15 Et c'est aussi les origines bretonnes de la famille Pineau.
02:18 Moi-même, qui suis bretonne, j'en suis ravie.
02:21 Et le ING, c'est le mouvement, c'est l'international, c'est l'avenir.
02:26 Et c'est vrai que quand on le prononce, on a cette notion de prendre soin, faire attention.
02:31 Et évidemment, dès cette époque-là, et même bien avant le changement de nom,
02:35 tout ce qu'on met derrière l'ARSE, le développement durable, Sustainability, c'est au cœur de la stratégie.
02:39 Mais je vous pose cette question, parce qu'en 2015, il n'y avait pas forcément beaucoup de groupes,
02:43 peut-être encore moins dans le luxe, qui se posaient la question de prendre soin de la planète
02:47 ou de faire twister en toute ou partie son modèle économique pour avoir moins d'impact.
02:52 Alors là-dessus, ça remonte même avant 2015.
02:55 C'est-à-dire que quand François-Henri Pineau a pris les rênes de ce qui s'appelait PPR, puis Kering,
03:00 il était convaincu que ce que l'on met derrière les notions de développement durable,
03:04 et donc de planète, et aussi le côté humain,
03:07 c'était clé non seulement pour des raisons éthiques, mais aussi pour des raisons de business.
03:12 Et il a toujours considéré qu'un groupe, PPR, puis Kering,
03:17 devait apporter sa pierre à l'édifice pour changer de paradigme,
03:21 et qu'en même temps, il y aurait un impact positif pour le groupe.
03:25 Et c'était très avant-gardiste, puisque quand on parle des années 2011, 2012, etc.,
03:31 où déjà il s'exprimait sur cette thématique-là, oui, on n'était pas nombreux.
03:35 - Avec, dès 2015, le premier compte de résultats environnemental.
03:40 Alors c'est quoi ? Ça marche comment, ça ?
03:42 - Alors, si vous me laissez 30 secondes, mais ça va quand même être extrêmement synthétique de l'expliquer en 30 secondes,
03:47 c'est un outil, donc en fait, en français, ça serait le compte de résultats pour l'environnement.
03:53 Donc c'est un outil qui permet de mesurer notre empreinte environnementale,
03:57 non seulement dans nos propres opérations, c'est-à-dire nos ateliers, nos boutiques, nos bureaux,
04:02 mais aussi de mesurer notre empreinte environnementale tout au long de notre chaîne d'approvisionnement.
04:08 Donc je remonte à l'élevage de bovins, je remonte au champ de coton,
04:13 également sur la partie avale jusqu'à la fin de vie, en fait, du produit,
04:17 donc quand le client l'utilise, etc.
04:19 Et on lui donne une valeur monétaire, donc on parle en euros,
04:25 et il permet aussi, et pardon c'est un peu jargonneux, de voir quels sont non seulement les impacts directs,
04:33 mais aussi indirects, c'est-à-dire que quand j'émets des émissions de gaz à effet de serre,
04:38 j'ai aussi un impact sur la biodiversité.
04:40 Quand j'émets des polluants locaux, j'ai un impact sur la santé humaine.
04:44 Et la grande force de cet outil, c'est vraiment de s'exprimer en euros.
04:48 Donc nous, on demande aujourd'hui à nos patrons de maison de manager leur PNL classique
04:54 et à côté avec leur EPNL.
04:56 Est-ce que c'est si facile à calculer, justement ?
04:58 Parce que le carbone c'est assez simple, mais dès qu'on parle de biodiversité, c'est déjà plus compliqué.
05:02 Alors, c'est pas facile du tout, c'est un outil qui est, je dirais, en termes de méthodologie, en progrès permanent.
05:10 C'est pour ça aussi qu'avant de publier ce premier compte de résultats groupe en 2015,
05:15 nous avions démarré dès 2011, et on a travaillé aussi bien avec des cabinets de consultants
05:22 qu'avec des universités.
05:24 Donc, on a travaillé avec le Cambridge Institute,
05:28 on a travaillé avec des universités allemandes quand on parle produits chimiques.
05:31 Donc, on travaille aussi avec des experts du sujet.
05:34 Et ce qui était très important pour nous aussi, voyez, quand vous donnez une valeur monétaire à la nature, à la biodiversité,
05:40 c'est que ça soit aussi compris par nos parties prenantes, par les ONG, par les autres acteurs.
05:45 Et donc, à chaque phase du process, on inclut ces personnes-là.
05:49 - Vous parlez des parties prenantes, est-ce que c'est plus facile d'embarquer aussi ces fournisseurs, ces sous-traitants,
05:54 quand on parle en euros ou en dollars ?
05:56 - Alors, moi, ce que je trouve formidable avec l'IPNL, au-delà du fait, vous voyez, de dire "je consomme un litre d'eau
06:02 dans une région aride ou dans une région qui pleut beaucoup, ça n'a pas le même impact environnemental",
06:07 c'est surtout, c'est un peu comme l'anglais.
06:09 Vous avez, en fait, un langage commun.
06:11 Et on est un peu tous formatés à avoir une approche, en fait, plus business, plus financière.
06:16 Si je vous dis aujourd'hui "j'ai consommé, pour produire, j'en sais rien, un mètre carré de cuir",
06:21 c'est vraiment des chiffres au hasard, "100 litres d'eau", personne ne comprend.
06:25 Si, en revanche, je dis "j'ai eu un impact sur l'environnement de 10 euros, de 100 euros",
06:30 j'ai ce langage commun qui est très puissant, oui.
06:32 - C'est aussi un outil qui permet de progresser ? Vous le publiez chaque année ?
06:35 - On le publie chaque année.
06:38 Et quand on parle "comment travailler avec les fournisseurs", c'est aussi très important d'avoir une base de départ.
06:44 Nous, on doit faire des efforts, mais on demande aussi des efforts à nos fournisseurs.
06:49 Et si vous ne mesurez pas ce que vous faites, c'est sympa, mais ce n'est pas péjoratif ce que je veux dire,
06:55 mais ça reste de la com'.
06:56 Si vous voulez objectiver, c'est important d'avoir de la mesure et de la mesure fiable.
07:01 Honnêtement, avec les fournisseurs, ça a été un gros travail pour eux.
07:04 Et donc, il a fallu aussi faire preuve de pédagogie pour leur montrer que quand on demandait de la donner aux fournisseurs,
07:11 ça allait être aussi utile pour eux.
07:12 - Vous en avez perdu en route ?
07:13 - Non.
07:14 - C'est une vraie question.
07:15 Quand on est un géant de quel que soit le secteur et qu'on donne d'une certaine façon des injonctions environnementales à ceux qui travaillent avec vous,
07:23 on peut en perdre en chemin ou alors essayer de les accompagner, de prendre son temps.
07:28 Mais c'est la question du rythme de la transition et on est au cœur de la transformation de notre économie.
07:34 Donc pour un groupe comme le vôtre, ça se pose aussi.
07:35 - Oui, mais c'est ce que vous évoquiez, c'est-à-dire qu'on ne fonctionne pas sous forme d'injonction.
07:40 Mais nous sommes partis très tôt.
07:42 - Donc ça aura laissé le temps d'évolution.
07:44 - On a été dans une démarche partenariale et on n'a pas mis dans un contrat une clause.
07:48 Donnez-moi telle et telle quantité d'émissions de gaz à effet de serre du jour au lendemain.
07:53 Sachant en plus que, comme vous le savez, on mentionnait les marques, on est vraiment dans le secteur du luxe.
07:58 Et beaucoup de nos fournisseurs sont des petites structures.
08:01 C'est très artisanal.
08:02 Donc du jour au lendemain, on ne va pas leur demander de rapplier des tableaux Excel avec plein de chiffres sans les accompagner.
08:08 Et puis ensuite, ce qui est important, c'est que nous avons aussi développé des programmes avec eux
08:12 pour qu'eux-mêmes puissent s'améliorer de façon opérationnelle.
08:15 Et vous dites, on est en plein de transformation de l'économie avec cette transition.
08:21 Ce qu'ils font est à la demande de Kering, mais c'est maintenant aussi utile par rapport à leurs autres clients.
08:27 - Évidemment, ça leur sert pour d'autres clients.
08:29 Un engagement, il y en a plusieurs, mais un engagement de Kering sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
08:35 Engagement à réduire de 40% ces émissions absolues de gaz à effet de serre d'ici 2035 par rapport à 2021.
08:43 Vous en êtes où aujourd'hui ?
08:44 - Sur l'ensemble des scopes.
08:46 - Sur l'ensemble des scopes.
08:47 - 1, 2 et 3.
08:48 En engageant toute la chaîne de valeur.
08:50 - Alors, où est-ce que nous en sommes aujourd'hui ?
08:52 C'est que ça, ça a été une décision extrêmement importante de dire, on a mis des programmes, on est le plus efficient possible.
08:59 Vous avez déjà atteint un objectif avec quatre ans d'avance de réduire de moins 40% en intensité,
09:05 mais quand votre business augmente, vous émettez de plus en plus.
09:08 Donc, d'où ce choix de l'absolu.
09:10 Aujourd'hui, où nous en sommes, nous avons établi marque par marque quel est le chemin à parcourir.
09:17 Et donc, nous mettons en place les premières mesures.
09:20 Premières mesures qui vont de développer tous les programmes qu'on a fait pour avoir de la matière première,
09:26 issue de l'agriculture régénératrice, pour trouver des matériaux alternatifs.
09:32 Par exemple, on a Balenciaga qui a utilisé du mycélium de champignons pour se substituer au cuir.
09:40 - On reviendra sur les innovations, c'est très intéressant.
09:42 - Mais c'est comme ça qu'on y arrive concrètement, c'est d'avoir à l'intérieur de nos propres frontières légales
09:48 100% d'électricité issue des énergies renouvelables.
09:53 Et puis surtout, extrêmement important, et ça le luxe, je dirais un avantage intrinsèque,
09:58 c'est de produire la bonne quantité, pour limiter les invendus.
10:04 Et puis, j'en arrêterai là, on a aussi développé beaucoup de programmes de réutilisation de la matière première.
10:12 Et donc, c'est ça qui est aussi compliqué pour ceux qui mettent en oeuvre.
10:16 Parce que moi, aux corporate, quelque part, je suis leur sparring partner, mais je ne fais pas concrètement.
10:21 C'est qu'il n'y a pas la solution magique, il n'y a pas le miracle.
10:24 Donc c'est vraiment à tout instant, depuis le design, le choix de la matière première, l'utilisation des process,
10:31 où il faut que ça soit vraiment au cœur des actions.
10:34 - Je vous propose de détailler une action à impact autour du projet Cachemire, qui a été lancé en 2014.
10:43 Alors déjà, pour bien comprendre, le Cachemire, c'est forcément la Mongolie, c'est la région où il faut se fournir, c'est ça ?
10:50 - C'est une des régions, et de toute façon, c'est vraiment dans ce type de zone géographique que vous trouvez le Cachemire.
10:58 Et le Cachemire, effectivement, est un bon exemple, puisque nous avons décidé,
11:02 quand on parlait du compte de résultat pour l'environnement, d'agir le plus en amont possible,
11:07 puisque, en gros, en ordre de grandeur, 80% de nos impacts ne sont pas liés à nos propres opérations, mais sont dans la supply chain.
11:16 Et donc de monter des programmes d'approvisionnement, et en termes de volume, à l'échelle du groupe,
11:21 le Cachemire n'est pas forcément la matière la plus significative.
11:25 En revanche, en termes d'impact environnemental, c'est une matière qui a pas mal d'impact.
11:31 Donc on s'est dit, on travaille avec les éleveurs en Mongolie, avec une sorte de coopérative.
11:37 - Donc c'est pour des éleveurs de chèvres, c'est ça ?
11:39 - Exactement, avec une ONG locale, parce que c'est pareil, mais c'est pas depuis Paris, vous imaginez bien qu'on va manager et suivre les programmes.
11:48 Et puis vraiment de détailler, en disant combien d'animaux à l'hectare, les fameuses bandes enherbées,
11:54 et aussi, ce qui est très important pour le groupe, c'est le bien-être animal, et donc aussi de mettre des critères.
12:00 Et il y a tout un programme de formation au départ, et maintenant on le met dans nos matières premières.
12:05 - Qu'est-ce qui se passait ? Est-ce qu'on peut dire que le Cachemire était, alors pas seulement pour vous, mais victime de son succès au niveau mondial,
12:10 et que donc ça a obligé ces régions à finalement de moins en moins respecter l'environnement ?
12:16 - Alors moi je ne parlerai pas spécifiquement de ces régions, je parle globalement de la production de toutes ces matières premières,
12:23 où il y a une marge de progrès justement pour introduire des critères environnementaux qui sont plus exigeants.
12:32 Mais c'est vrai aussi pour le coton, c'est vrai pour la laine, c'est vrai pour le cuir,
12:37 et c'est pour ça que basé, on va dire, sur l'expérience qu'on a eue avec le Cachemire,
12:43 on a développé un fonds sur l'agriculture régénératrice.
12:47 Alors agriculture régénératrice en deux mots, on n'est pas dans l'agriculture conventionnelle, mais on n'est pas non plus dans l'agriculture bio.
12:54 Vous avez le droit d'utiliser des intrants, etc. Mais vous laissez au sol la capacité en fait de se régénérer,
13:00 et notamment vous augmentez sa capacité de séquestration carbone.
13:04 - Vous le faites avec une ONG, je crois que ça s'appelle Conservation International.
13:07 - Oui avec Conservation International.
13:08 - Et donc c'est quoi ? Il y a différents projets un peu partout dans le monde ?
13:10 - Oui, et alors nous en tant que Kering, on a pris l'engagement d'ici 2025 d'avoir transformé un million d'hectares d'agriculture conventionnelle en agriculture régénératrice.
13:22 Nous avons en fait sept projets dans six pays. J'en ai visité un il y a quelque temps par exemple avec la présidente de la FNSEA en France.
13:32 On en a aussi en Afrique du Sud, dans différentes régions du monde.
13:37 Et c'est vraiment de se dire, notre objectif à terme, en moyenne il faut trois ans pour changer de conventionnelle à régénératrice,
13:44 et c'est que ensuite on puisse avoir toute une supply chain qui au fur et à mesure s'alimentera à partir de cette matière première.
13:50 - L'exemple français c'est quoi ? Qu'est-ce qui change en l'occurrence ? Et pour produire quoi ?
13:54 - Alors l'exemple français c'est notamment dans les pratiques culturales et c'est dans le lot.
14:00 On a réintroduit en fait dans la nourriture des animaux ce qui s'appelle le sain foin.
14:06 Et le sain foin c'est une petite légumineuse qui permet à la fois d'avoir une couverture des sols pour éviter l'érosion
14:16 et qui permet aussi en fait de mettre moins d'azote dans les sols puisque c'est une légumineuse et elle nourrit l'azote.
14:25 - Vous avez... Allez-y, allez-y, vous voulez dire quelque chose ?
14:27 - Oui, et en fait ce qui est assez marrant quand on parle de ce type de pratiques, c'est des pratiques qui existaient de manière ancestrale.
14:33 Donc honnêtement on n'est pas dans la disruption comme quand on parle du mycélium de champignons.
14:37 - Oui, c'est pas l'innovation.
14:38 - Mais c'est simplement de remettre ces pratiques au bout du jour et aussi que ça soit rentable pour l'éleveur.
14:42 - Évidemment, on est en plein dans l'actualité en ce moment avec les manifestations de l'agriculteur.
14:47 Justement l'innovation, vous avez évoqué ce que faisait Balenciaga, c'est quoi ? C'est une sorte de nanocellulose ?
14:54 - Non, là-dessus ce que j'évoquais, c'est le fait qu'on a été capable à partir du mycélium de champignons qui est la racine du champignon,
15:04 de faire une matière première qui a un touché, qui a une résistance, etc. qui est extrêmement intéressante.
15:12 Et donc de faire par exemple des manteaux à base de mycélium de champignons.
15:18 Mais nous l'innovation, on considère qu'il y a le côté bonne pratique qui est essentiel,
15:24 mais que si on veut justement atteindre cet objectif extrêmement ambitieux de 40%, on n'y arrivera pas sans l'innovation.
15:30 - Oui, c'est aussi l'objectif de trouver des alternatives au cuir animal ?
15:35 - Aussi au cuir animal, tout à fait. Et donc par exemple, c'est trouver des alternatives au cuir d'origine animale,
15:43 trouver aussi simplement de nouvelles matières premières qui peuvent être intéressantes.
15:48 Vous voyez, la marque Gucci utilise un produit qui s'appelle Demetra,
15:52 qui a été conçu vraiment par la marque en partenaire avec des tanneries, etc.
15:58 et qui est 100% d'origine végétale.
16:03 Et donc à chaque fois aussi, il faut faire attention quand on met un nouveau produit,
16:07 qu'il n'y ait pas des externalités négatives qui viendraient d'utilisation de produits chimiques ou de trop consommation d'eau.
16:13 - C'est sûr que si c'est l'alternative et ultraconsommatrice en énergie fossile, il n'y a pas de logique.
16:18 - Voilà, donc on essaye, et c'est ça aussi la complexité.
16:21 Et puis après, vous voyez, pour vous donner un ordre de grandeur,
16:23 on travaille entre les marques et le corporate avec plus de 250 startups.
16:27 Donc sur les matières premières, aussi par exemple, comment faire de la coloration avec des micro-organismes
16:33 jusqu'à la fin de vie du produit, comment je peux faire du sur-cyclage, du recyclage à grande échelle.
16:39 - Ça veut dire que ces startups, vous les accompagnez, parfois vous les rachetez ?
16:43 - Alors il y a différents modèles.
16:45 Ça va de "on fait un petit partenariat, on essaye ensemble de faire quelque chose"
16:51 jusqu'à "on prend des participations et pourquoi pas avoir une intégration".
16:57 On est très agile, si je peux me permettre, dans comment travailler.
17:00 Et je pense que les startups sont aussi contentes de travailler avec nous
17:06 parce que si ça marche dans le luxe, elles pourront s'y vendre à d'autres marchés.
17:09 - Mais je vous pose la question parce que l'innovation, elle vient aussi en interne.
17:13 Je crois que vous avez ouvert, ça fait plus de 10 ans, le Material Innovation Lab à Milan.
17:18 Donc là, c'est quoi ? Vous testez des nouveaux textiles en permanence ?
17:22 - Alors on a ouvert ça, et vous voyez, c'était assez précurseur puisqu'on a créé ça en 2013.
17:26 Et c'est ça, c'est à la fois, on essaye de trouver de nouveaux textiles
17:34 et encore une fois de nouvelles matières premières,
17:36 mais c'est aussi un rôle d'accompagnement de l'écosystème des fournisseurs.
17:39 Et donc c'est pareil, de stimuler les fournisseurs pour qu'eux-mêmes,
17:44 sur de la matière peut-être un peu plus traditionnelle,
17:47 arrivent à faire des innovations qui permettront de réduire l'impact.
17:50 Et aujourd'hui, on est à plus de 3 800, vous voyez, échantillons de textiles
17:56 que le Mille peut proposer à nos marques.
17:58 - Vous avez rejoint le programme SBTN, Science Based Targets for Nature.
18:04 Ça permet quoi ? De faire des choix éclairés ?
18:07 Parce que la difficulté quand on est face à une transformation du modèle,
18:12 en tout ou partie, comme je le disais tout à l'heure, c'est de prendre le bon chemin.
18:16 Surtout quand on investit pas mal d'argent.
18:18 Est-ce que c'est pour ça que vous êtes allé vers le programme SBTN ?
18:23 - Alors d'abord, ça rejoint le sujet que vous mentionnez.
18:26 Quand on parle carbone, c'est beaucoup plus facile
18:29 parce que les métriques existent depuis plus longtemps.
18:32 On a su avoir des modèles assez rapidement qui transformaient le méthane,
18:38 les autres gaz à effet de serre en équivalent carbone.
18:41 En revanche, et c'est un bien public mondial, on raisonne à l'échelle planétaire.
18:46 Quand on parle biodiversité, c'est pas pareil d'avoir un impact sur des espèces liées à la nature ordinaire
18:53 ou avoir des impacts sur des espèces endémiques.
18:55 Et on voit bien que d'avoir des métriques, de mesurer son impact, c'est quand même beaucoup plus compliqué.
19:01 Moi, je suis en train de coordonner à la demande du ministère
19:06 un groupe de travail sur la biodiversité avec des concurrents et d'autres industries
19:14 qui sont dans le textile mais pas sur nos séiments de luxe.
19:17 On voit la première question, mais c'est comment on mesure ?
19:19 Et donc SBTN nous semblait extrêmement intéressant pour devenir peut-être la SBTI du climat.
19:25 - Justement, est-ce qu'il y a une coalition du secteur, au-delà du luxe,
19:30 mais du secteur de l'habillement pour réduire son impact ?
19:34 Ou est-ce que finalement, vous êtes en concurrence, donc chacun suit son chemin ?
19:39 - Alors nous, on a positionné, et ça c'est vraiment à la demande de François-Henri Pinault,
19:43 on est dans un secteur concurrentiel, donc on n'est pas au monde des bisounours.
19:47 En revanche, lui, dès le début et avant que ce sujet devienne quelque part tendance,
19:52 il a été convaincu que si on voulait changer de paradigme,
19:55 il fallait qu'on travaille de l'anglicisme dans une méthode ouverte,
19:59 l'open source, etc., et qu'on partage tout ce que l'on fait.
20:02 Première chose, et que deuxièmement, même quand on était un groupe Kering
20:06 et que nos volumes étaient si significatifs, on n'était pas suffisamment grands
20:10 pour changer tout seul l'ensemble de la supply chain, etc.
20:14 Donc ça, c'est vraiment une conviction profonde qu'on a depuis des années.
20:18 Et en 2019, à l'occasion du G7, quand la France présidait le G7,
20:23 le président Macron a confié en fait à François-Henri Pinault
20:27 la création d'une coalition pour le secteur du textile,
20:31 donc là, tout segment, toute catégorie confondue,
20:34 et qui a donné naissance au Fashion Pact.
20:36 Et donc aujourd'hui, on a le Fashion Pact, où vous avez aussi bien Chanel-Kering,
20:41 vous avez en même temps le groupe Aditex, vous avez Nike, vous avez Adidas,
20:47 vraiment tous les segments sont représentés.
20:49 Il y a des marques de fast fashion là-dedans ?
20:51 Oui, parce qu'encore une fois, c'est vraiment le secteur textile
20:55 qui se mobilise ensemble pour avoir des actions concrètes.
20:58 Et pour la partie jouaillerie-horlogerie, en dehors du cadre du G7,
21:06 nous avons monté en 2021, avec nos amis de quartier, du groupe Richemont,
21:11 le même type de coalition, mais pour l'horlogerie et la jouaillerie,
21:15 et nous co-présidons avec quartier.
21:17 Je vous pose cette question, parce que c'est vrai que le modèle de la mode,
21:22 c'est de nous inciter à renouveler au mieux une fois par saison,
21:27 et puis au pire, toutes les semaines, quand on parle de l'ultra fast fashion.
21:31 Il y a là une contradiction presque philosophique,
21:34 quand on est dans un groupe comme Kering.
21:36 Vous voyez ce que je veux dire ?
21:37 Je vois très bien.
21:38 On a ses enjeux environnementaux, mais on continue d'inciter les consommateurs
21:41 à changer parce qu'on veut suivre la mode.
21:43 Mais pour moi, quand on est chez le groupe Kering,
21:46 on produit des produits de luxe, qui sont des produits de qualité,
21:51 et qui sont faits pour durer.
21:52 Quand vous demandiez comment on agit avec les startups,
21:55 on a cru très tôt dans le groupe à la seconde main.
21:59 C'est pour ça qu'on a investi dans vestiaires, collectives, etc.
22:03 Les produits, et là au sens premier du terme, sont faits pour durer,
22:07 pour avoir un deuxième usage.
22:09 D'ailleurs, c'est très intéressant, parce que quand on parle seconde main pour le luxe,
22:12 c'est intéressant d'un point de vue business,
22:14 et c'est intéressant pour la planète,
22:15 et c'est aussi intéressant d'un point de vue social,
22:17 puisque vous donnez accès.
22:19 Après, et je trouve ça très courageux de la part d'un certain nombre de marques
22:24 qui ont rejoint le Fashion Pact,
22:27 où pour eux, le volume est essentiel,
22:30 et sont en train d'avoir des actions significatives
22:34 pour transformer leur business model.
22:36 Et vous le mentionnez vous-même au début,
22:38 ce n'est pas facile.
22:40 Quelque part, quand je suis dans le luxe,
22:42 je ne vais pas m'auto-flageller en disant "tout est facile",
22:44 pour moi, loin 100 fois, je vous assure, le quotidien n'est pas si simple que ça.
22:48 Mais je fais de la qualité,
22:50 je suis sur des volumes restreints,
22:52 parce que le luxe, par essence, n'est pas inclusif.
22:56 Et donc, c'est intéressant que vous ayez des marques, des groupes,
23:00 qui puissent aussi partager leurs bonnes pratiques,
23:02 pour que d'autres puissent les mettre en œuvre.
23:04 Merci beaucoup, Marie-Claire Daveux,
23:06 et à bientôt sur B.Smart.
23:08 Merci à vous.
23:09 On passe à notre rubrique consacrée aux startups,
23:11 c'est Smart Ideas.
23:19 Smart Ideas avec Noémie Ogniaud, bonjour.
23:22 Bonjour.
23:23 Bienvenue, vous êtes la co-fondatrice de Jeuneot,
23:25 entreprise créée en 2022, avec qui et surtout pourquoi ?
23:29 Avec qui, on est quatre.
23:31 Donc, avec ma maman, qui est directrice administrative et financière,
23:35 Renée, qui est directeur logistique,
23:37 et Joël, qui est notre directeur commercial.
23:39 Mais c'est vrai que c'est moi qui ai créé à 90 %, on va dire,
23:43 et mes associés m'ont rejoint ensuite.
23:44 D'accord. Pourquoi ? C'était quoi votre idée de départ ?
23:46 Moi, je voulais créer un jeu qui soit à la fois éducatif,
23:48 ludique, mais surtout inclusif,
23:50 parce qu'aujourd'hui, on en manque profondément,
23:53 alors qu'il y a un vrai besoin.
23:54 Et c'est parti d'où ? D'une expérience personnelle ?
23:57 Alors, plus ou moins.
23:58 En fait, moi, j'ai fait un BTS design produit,
24:00 et donc, c'était mon projet de fin d'étude, c'était mon mémoire.
24:02 D'accord.
24:03 Et donc, j'ai proposé le produit pour mon BTS.
24:06 Donc, je me suis imprégnée d'une structure médicalisée
24:09 pour comprendre le besoin,
24:11 et le créer au mieux avec les utilisateurs,
24:13 donc les enfants, et les professionnels, et les familles.
24:16 Alors, ce jeu, comment s'appelle-t-il ?
24:18 À qui il s'adresse, surtout ?
24:19 Alors, le jeu s'appelle Super Co-Quotidien,
24:22 donc ça veut dire les super copains du quotidien,
24:24 donc ces quatre super héros qui accompagnent des enfants
24:26 tout au long de la partie, et à qui ils s'adressent.
24:28 On travaille, nous, aussi bien avec les enfants,
24:30 bien sûr, qui sont les utilisateurs,
24:32 mais aussi bien avec des particuliers qu'avec des professionnels.
24:34 Donc, on va travailler avec des structures médicales,
24:36 avec des écoles, avec des maternelles, des centres aérés.
24:39 Ce sont des enfants qui souffrent d'autisme,
24:41 de troubles cognitifs ?
24:43 Par exemple.
24:44 Par exemple, oui.
24:45 Donc, nous, on s'adresse à tous les enfants, sans exception,
24:47 mais aussi, et c'est ça la force de notre projet.
24:50 C'est en ça qu'il est inclusif, ce jeu ?
24:51 Exactement.
24:52 C'est le fait d'être adapté aussi à ces enfants
24:54 qui ont des besoins particuliers,
24:55 notamment des enfants atteints d'autisme,
24:57 de trisomie 21, de retard d'apprentissage.
24:59 Je veux bien revenir sur le processus de création,
25:01 parce que quand on se lance ce défi,
25:02 il y a à la fois le retour d'expérience des utilisateurs,
25:07 les enfants, et puis peut-être aussi des scientifiques,
25:09 des médecins qui vous ont accompagnés.
25:11 Comment ça s'est passé ?
25:12 Tout à fait.
25:13 Dans un premier temps, comme je vous le disais,
25:15 j'ai intégré un centre spécialisé, un CESAD,
25:17 et j'ai passé un an, un jour par semaine,
25:19 avec les enfants, les professionnels, les familles,
25:21 pour comprendre.
25:22 Et après mon BTS, j'ai créé un conseil scientifique
25:25 pour vraiment rendre le projet plus professionnel,
25:28 alors qu'à l'époque, il était plus un projet étudiant.
25:30 Et là, j'ai créé ce conseil scientifique
25:32 avec des neuropsychologues, des éducateurs,
25:34 des psychomotriciens, des orthophonistes, etc.,
25:36 donc tout un panel de professionnels
25:38 sur l'éducation et sur la santé
25:41 pour professionnaliser le projet, le produit,
25:44 et le rendre sûr, on va dire,
25:47 autant sur le point de vue éducatif que sur...
25:50 C'est quoi le défi le plus compliqué à relever
25:54 quand on crée un jeu comme celui-là ?
25:57 Je dirais, pour ma part, le plus difficile,
26:00 ça a été d'avoir cette crédibilité
26:02 sur la partie éducative et médicale.
26:04 On va dire, alors médicale, c'est un grand mot,
26:06 on est sur un jeu, mais sur cette partie éducative,
26:08 parce que, comme je vous le disais,
26:09 moi, j'ai fait des études de design produit
26:11 et j'avais besoin d'avoir cette certitude
26:13 que le jeu était fonctionnel, éducatif
26:15 et ludique, évidemment, pour les enfants.
26:17 Moi, en vous écoutant, je me dis,
26:19 si ce jeu s'adresse à tous les enfants,
26:22 notamment ceux qui peuvent souffrir
26:24 de troubles cognitifs ou, par exemple, d'autisme,
26:28 ça ne doit pas être si simple
26:30 que le jeu fonctionne avec, vous voyez,
26:33 avec tout type de gamins.
26:36 Ça devait être un sacré défi.
26:38 - Je comprends très bien votre réflexion.
26:40 Finalement, c'est évident,
26:42 quand on travaille dessus,
26:44 parce qu'en fait, ces enfants qui ont des besoins particuliers,
26:47 ce ne sont pas forcément des besoins différents,
26:49 en tout cas, pas très différents.
26:51 Il suffit juste de quelques améliorations,
26:54 quelques modifications sur des jeux classiques
26:56 pour les rendre accessibles.
26:57 Par exemple, un exemple parmi tant d'autres,
26:59 nous, sur le jeu, on a créé des questions ouvertes,
27:02 comme dans le Trivial Pursuit, par exemple,
27:04 et des questions fermées, tout simplement,
27:05 pour s'adapter aux enfants qui sont non-verbaux,
27:07 par exemple, avec des troubles autistiques,
27:09 mais aussi aux enfants qui n'ont pas encore développé l'oralité.
27:12 Donc, par exemple, dès deux ans et demi,
27:14 si l'enfant n'a pas encore commencé vraiment à verbaliser.
27:16 - Il y a d'autres jeux en préparation ?
27:18 - Oui, il y a un deuxième jeu en préparation
27:20 qui devrait, j'espère, sortir en 2024,
27:22 si tout se passe comme c'est prévu.
27:24 - Donc, quelle différence ?
27:26 Je ne vais pas trop dévoiler, mais c'est quoi ?
27:29 C'est un autre type de public
27:31 ou alors c'est d'autres jeux,
27:33 d'autres mécanismes que vous proposez ?
27:35 - Le fil rouge de la société,
27:37 de notre maison d'édition qui s'appelle Jeuneose,
27:39 c'est vraiment de garder en tête l'autonomie.
27:42 C'est vraiment notre fil rouge.
27:44 Et notre public.
27:45 Donc, de rendre toujours les jeux inclusifs,
27:47 adaptés à tous.
27:48 Et donc, le deuxième jeu sera sur un public
27:50 un tout petit peu plus élevé en termes d'âge,
27:53 on ne parle pas trop d'âge, nous, dans notre travail,
27:55 mais disons un petit peu plus élevé en termes d'âge,
27:57 et toujours sur l'autonomie,
27:59 mais cette fois, ça sera sur l'autonomie en extérieur,
28:01 alors que ce premier jeu, il est sur l'autonomie à la maison.
28:03 - D'accord. Pas mal de sport et d'activité en extérieur.
28:05 Année Jeux Olympiques, ça tombe bien.
28:07 - Exactement.
28:08 - Merci beaucoup, merci Noémie Aignaud,
28:09 et bon vent à Jeuneau.
28:11 Voilà, c'est la fin de ce numéro de Smart Impact.
28:13 Merci à toutes et à tous de votre fidélité à BeSmart.
28:16 Salut !
28:17 ♪ ♪ ♪

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