• il y a 10 mois

Category

🗞
News
Transcription
00:00 En janvier, Emmanuel Macron et son Premier ministre Gabriel Attal ont chacun tenu un
00:04 discours mettant particulièrement en avant leur engagement pour les services publics.
00:08 Les efforts promis seront-ils toutefois suffisants face aux besoins croissants et changeants
00:13 de la société française ? Comment transformer l'éducation, la santé, la justice ?
00:18 Bonjour Lucie Castex.
00:19 Bonjour.
00:20 Vous êtes l'une des porte-parole du collectif Nos Services Publics et vous êtes la co-autrice
00:26 d'un ouvrage qui vient de paraître aux éditions des Équateurs, "Rapport sur l'état des
00:32 services publics".
00:33 Alors je ne dirais pas que ça se lit comme un polar parce qu'on connaît un peu la victime
00:38 et l'on voit Lucie Castex, il fallait faire un diagnostic général qu'il y a aujourd'hui
00:43 une inadaptation entre l'offre et la demande de services publics.
00:47 C'est-à-dire que les besoins sont croissants et les services publics eux ne suivent pas.
00:52 Est-ce que j'ai bien résumé cet important volume ?
00:55 Oui, vous avez tout à fait bien résumé.
00:57 En fait, l'origine de ce rapport c'est qu'on s'est posé une question, on a cherché à
01:01 résoudre un paradoxe.
01:02 C'est que dans le débat public on dit très souvent que les moyens explosent, les services
01:07 publics coûtent de plus en plus cher, on dépense de plus en plus d'argent public et
01:10 pour autant il y a désormais un consensus sur le fait que les services publics s'effondrent
01:15 ou en tout cas ils dysfonctionnent.
01:16 Avant c'était dit plutôt dans une certaine partie de l'échiquier politique, aujourd'hui
01:21 il me semble que ça fait consensus et vous l'avez très bien dit, le gouvernement aussi
01:23 reconnaît que les services publics dysfonctionnent et vont très mal.
01:26 Et donc on a cherché à résoudre cette forme de paradoxe.
01:30 Alors effectivement, lorsqu'on vous dit par exemple que le nombre d'agents publics est
01:34 passé de 4,8 à 5,4 millions, on se dit que finalement l'augmentation est tangible.
01:41 Qu'en pensez-vous, Lucie Castex ?
01:44 Il est certain que les moyens dédiés aux services publics ont globalement sur les dernières
01:48 décennies plutôt augmenté.
01:50 Si on parle des effectifs d'agents publics, ils ont en effet augmenté.
01:53 Ce qui est important de regarder c'est que si on a une perspective globale, ils augmentent
01:57 plutôt moins vite que la population active totale.
02:00 Donc c'est important de le souligner.
02:02 Donc si on prend en compte la démographie, on peut remettre en question cette augmentation.
02:06 Et puis par ailleurs, si on a une perspective de plus long terme, lorsqu'on regarde les
02:11 moyens dédiés aux services publics, aujourd'hui on parle des services publics quasi exclusivement
02:17 que comme un coût et donc les perspectives sont plutôt à un objectif de réduction
02:22 du déficit public en faisant peser cette réduction du déficit public sur une baisse
02:26 des dépenses publiques et non pas sur une augmentation des recettes.
02:28 Et donc ça laisse plutôt entrevoir des perspectives baissières sur les dépenses publiques.
02:34 Alors je l'ai dit en introduction, le problème c'est que la demande augmente.
02:38 Elle augmente pourquoi ? Parce qu'il y a une demande de sécurité croissante, il y
02:43 a la question bien sûr de l'urgence écologique, il y a la question de l'hôpital.
02:46 Mais ça on va en reparler dans une deuxième partie.
02:49 Alors ce qu'on a observé c'est effectivement que les besoins sociaux sont en très forte
02:54 évolution et que ça sollicite très fortement les services publics.
02:57 On peut dire que c'est à la fois des facteurs exogènes et des facteurs endogènes.
03:01 Si on parle de facteurs exogènes, donc plutôt extérieurs.
03:03 Là on va parler par exemple de l'évolution démographique, j'en faisais mention tout
03:07 à l'heure.
03:08 On peut parler aussi par exemple de l'évolution du nombre de bacheliers dans une génération.
03:15 Aux années 70, on estime à peu près à 20% de chaque génération qui avait le baccalauréat.
03:21 Aujourd'hui on est aux alentours de 80, on a même atteint 86% en 2020.
03:25 Ça évidemment, et c'est plutôt une bonne nouvelle, ça implique une sollicitation
03:29 croissante de l'éducation supérieure, de l'université.
03:32 En matière de santé, on peut observer aussi le vieillissement de la population, mais aussi
03:36 l'accroissement des infections de longue durée, pour dire plus simplement les maladies
03:40 chroniques qui explosent.
03:41 On a plus de 34% de patients atteints de maladies chroniques entre 2010 et 2020.
03:46 En matière de transport, on observe aussi des évolutions de l'organisation de notre
03:50 territoire.
03:51 Par exemple, la désindustrialisation et la concentration croissante des emplois dans
03:55 les métropoles ont conduit à changer les besoins en matière de transport, notamment
03:59 de transport en commun.
04:00 Et par ailleurs, on peut parler d'évolution endogène, donc d'évolution liée à des
04:05 attentes différentes dans la société.
04:07 Par exemple, on considère qu'il y a des attentes croissantes en matière de lutte
04:11 contre les violences faites aux femmes, et donc qui pèsent sur la justice et la sécurité.
04:18 Et ce sont aussi des attentes qui sont tout à fait bienvenues.
04:20 Donc, augmentation des besoins et les attentes sont là.
04:26 En revanche, leur satisfaction pose problème, particulièrement dans certaines zones.
04:33 On voit qu'on a affaire à des inégalités géographiques et à des inégalités sociales.
04:38 Oui, tout à fait.
04:39 Ce qu'on observe, c'est que si on observe plutôt une augmentation insuffisante, mais
04:44 quand même notable, des moyens dédiés aux services publics, ce qu'on observe, c'est
04:47 une forte hétérogénéité de cette augmentation de moyens.
04:51 Par exemple, si on considère le domaine de la justice, on voit que les évolutions démographiques
04:57 sont plutôt en faveur de davantage de populations qui vont vers l'ouest de la France que vers
05:00 l'est de la France.
05:02 Or, on constate plutôt une concentration des magistrats dans l'est de la France.
05:06 Si on regarde les effectifs de police, eux ont clairement augmenté de manière très
05:12 importante dans la dernière décennie.
05:14 Et pour autant, on observe une forte hétérogénéité en fonction des secteurs concernés.
05:19 Par exemple, on a une très forte augmentation des effectifs en matière de lutte contre l'immigration
05:23 illégale ou contre le trafic de stupéfiants.
05:26 Et plutôt une diminution entre 2010 et 2020 des effectifs dédiés à la sécurité publique.
05:31 Donc les gens, les effectifs de police et de gendarmerie dans la rue.
05:35 Oui, alors c'est ça.
05:36 C'est-à-dire qu'en fait, on a effectivement une augmentation des moyens alloués.
05:41 Mais vous notez dans ce rapport, le CICASTEL, rapport sur l'état des services publics que
05:46 vous publiez aux éditions des Équateurs, une dégradation de la qualité et de l'efficacité
05:52 de la réponse judiciaire, par exemple.
05:54 Oui, tout à fait.
05:55 On observe que les délais de traitement des affaires de justice augmentent vraiment massivement.
06:00 C'est un constat partagé par l'ensemble des magistrats qui ont d'ailleurs tiré la
06:05 sonnette d'alarme à de nombreuses reprises dans des tribunes et qui ont été partagées
06:10 aussi par les états généraux de la justice qui ont été menés très récemment.
06:14 Effectivement, il y a une dégradation massive et on observe que le service public n'est
06:20 même plus en mesure de remplir son office.
06:21 C'est-à-dire que vous avez des juges des enfants qui vous disent "je suis obligé
06:24 de rendre des décisions", des juges aux affaires familiales, sans même voir la famille.
06:28 Parce que je n'ai plus le temps de traiter ces dossiers d'une manière satisfaisante.
06:32 Et ça, ça crée aussi une très grande crise de sens chez les agents publics.
06:37 Et ça nous préoccupe beaucoup, nous, au sein du collectif, nos services publics.
06:40 On a mené une grande enquête en ligne.
06:43 On a eu plus de presque 5000 réponses.
06:46 On observe que la très grande majorité des agents publics rejoignent le service public
06:51 avant tout pour servir l'intérêt général, avant des considérations, par exemple, de
06:55 responsabilité de l'emploi ou même de rémunération, loin sans faux.
06:58 Et qu'on a une réponse qui est massive.
07:01 80% des agents publics déclarent avoir connu fréquemment ou très fréquemment un sentiment
07:07 de perte de sens dans l'exercice de leur mission au quotidien.
07:09 L'autre question qui se pose, c'est bien sûr celle de l'éducation.
07:13 Il y a d'ailleurs actuellement un mouvement de colère parmi les étudiants.
07:18 Il y a eu une grève la semaine dernière, il y en aura une également cette semaine.
07:23 Et là, votre diagnostic est assez clair.
07:25 Il y a eu une augmentation.
07:27 Il y a eu une augmentation réelle.
07:30 Mais celle-ci n'a pas suffi à compenser l'accumulation de lacunes structurelles depuis tant d'années.
07:36 Oui, tout à fait.
07:37 Et ce qu'on observe aussi, c'est un des grands enseignements de notre rapport.
07:41 C'est que l'écart croissant, dont vous faisiez mention, entre les besoins et les moyens,
07:48 a laissé une part croissante à une offre privée de prise en charge des besoins.
07:52 Et c'est particulièrement le cas dans l'éducation.
07:54 Dans un certain nombre de secteurs du service public, le privé est subventionné par l'État
08:00 pour concurrencer le service public, qui conserve lui seul, le service public, l'exigence
08:05 d'accueillir tous les publics avec des moyens toujours plus contraints.
08:07 S'agissant de l'éducation, on observe...
08:10 Alors, il n'y a pas eu un accroissement massif du nombre d'élèves qui vont dans le privé
08:15 sous contrat.
08:16 Mais ce qu'on observe, et c'est très intéressant, c'est une forme d'homogénéisation sociale
08:20 croissante dans cette école privée sous contrat.
08:22 Ça a fait beaucoup parler.
08:23 Oui, je crois que ça a été un sujet d'actualité récemment.
08:26 Oui, là, on est passé de 30 à 40% d'enfants d'origine très favorisée en 15 ans qui fréquentent
08:31 l'école privée sous contrat.
08:34 C'est quand même vraiment très notable.
08:35 C'est ça qu'effectivement, j'avais retenu un autre chiffre, mais il est tout à fait
08:39 convergent avec ce que vous venez d'évoquer.
08:41 Lucie Castex, 29% en 2003 pour la part des enfants à fort capital culturel.
08:47 Jusqu'en 2021, on est passé à 40%.
08:52 De 29 à 40%, ça signifie que de plus en plus, l'enseignement privé est destiné aux
08:58 catégories les plus favorisées.
09:01 Alors là, en l'occurrence, en capital culturel.
09:03 Exactement.
09:04 Sur un plan plutôt culturel, donc CSP+, ce qu'on sait par ailleurs, c'est que l'enseignement
09:10 privé sous contrat est financé à 73% sur fonds publics.
09:14 C'est la Cour des comptes qui nous le dit.
09:15 Ça représente environ 8,5 milliards d'euros pour un budget annuel.
09:20 C'est énorme, c'est massif.
09:22 Et donc, on finance un service qui n'est pas public, mais qui est solvabilisé par
09:27 la puissance publique, qui est financé par la puissance publique, alors qu'il bénéficie
09:31 majoritairement à des enfants issus de classes sociales très favorisées.
09:35 Ça pose beaucoup de questions en miroir l'état du service public et ce qu'on dédie au
09:39 service public.
09:40 Et par ailleurs, et ça on n'en parle quasiment jamais, c'est un des constats qu'on dresse
09:43 aussi, c'est qu'il y a une forte croissance, si on regarde l'éducation, une forte croissance
09:47 du marché du soutien scolaire, qui lui n'est pas financé directement par l'état, mais
09:51 qui est totalement solvabilisé par la puissance publique, puisque ça donne lieu à des défiscalisations.
09:55 Et on sait que c'est plutôt les enfants issus de classes favorisées qui bénéficient
09:59 de ce genre de système.
10:00 Et donc, on le voit, l'écart croissant entre les besoins et les moyens laisse une place
10:06 à une offre privée qui, elle, s'adresse davantage à des populations favorisées.
10:10 Et donc, ça contribue en retour à accroître les inégalités.
10:12 Mais alors, dans le même temps, le budget de l'éducation nationale, il a considérablement
10:16 cru, puisque si on prend le budget qui a été présenté en septembre par Gabrielle
10:21 Attal, alors ministre de l'éducation, on était sur un budget qui était 27% plus important
10:28 qu'en 2017.
10:29 C'est quand même significatif.
10:30 Oui, c'est significatif, mais on se rend compte que c'est plus un effet de rattrapage
10:34 qu'autre chose.
10:35 Et nous, on a produit une note sur notamment la rémunération des enseignants et des professeurs.
10:40 On se rend compte que même avec les mesures que nous on qualifie plutôt de "rustines"
10:43 qui ont été annoncées en grande pompe sur la revalorisation du traitement des salaires
10:50 des enseignants, on se rend compte que même avec ces mesures-là, leur salaire réel,
10:56 c'est-à-dire corrigé de l'inflation, n'augmente pas, voire diminue.
10:59 Oui, on voit bien qu'au niveau individuel, ça ne suit pas.
11:03 Mais au niveau collectif, on en reparlera pour ce qui concerne l'hôpital.
11:07 On voit que la France, avec 58% de son produit intérieur brut, est en tête des dépenses
11:15 publiques.
11:16 Donc peut-être que la hiérarchie de ces services publics aurait dû être revisitée.
11:22 Enfin, en tout cas, les services publics ont vu leur budget augmenter.
11:26 C'est insuffisant, mais ça représente un effort considérable.
11:29 Alors là-dessus, deux choses.
11:31 Premièrement, on dit souvent que la France est championne des dépenses publiques, qu'on
11:35 l'est toujours plus pour une efficacité qui n'est pas avérée.
11:38 Ça, c'est vrai, on l'a abordé dans le rapport.
11:41 Mais ce qui est vraiment important de dire, il me semble, c'est que la focalisation sur
11:45 le niveau de dépenses publiques ne permet pas de rendre compte des dépenses totales
11:49 engagées pour une politique.
11:50 Quand ce n'est pas l'État qui paye, autrement dit, quand on ne sociabilise pas le financement,
11:57 c'est le citoyen qui le fait directement.
11:58 L'absence de dépenses publiques correspond à des dépenses privées qui se multiplient.
12:04 Par exemple, en matière de santé, aux États-Unis, les citoyens américains payent deux fois
12:10 plus que le citoyen français pour se soigner.
12:13 Pour autant, il est très mal soigné.
12:14 C'est pareil en Allemagne et au Danemark.
12:17 On va en reparler.
12:18 D'ailleurs, dans une vingtaine de minutes, Lucie Castex, ce rapport sur l'état des
12:23 services publics, est disponible aux éditions des Équateurs.
12:27 Nous sommes en compagnie de Lucie Castex, co-autrice du rapport sur l'état de nos
12:37 services publics aux éditions de l'Équateur.
12:39 On a vu qu'il y avait effectivement une augmentation des dépenses en faveur de nos
12:44 services publics, mais que l'augmentation de la demande de services publics, elle, était
12:50 encore plus importante.
12:52 C'est ce qui explique l'inadéquation et ce sentiment, un sentiment qui est vérifié,
12:58 que ces services publics, aujourd'hui, ne sont pas en bon état, ou en tout cas, ne
13:03 fonctionnent pas comme ils devraient fonctionner.
13:06 On va évoquer l'hôpital.
13:07 Mais avant cela, Lucie Castex, j'aimerais que vous réagissiez à ce que mon camarade
13:11 Jean Lémarie vient de dire sur le financement de la politique et ses affaires, qui peuvent
13:17 parfois ternir l'image de nos politiques.
13:19 Je pense que c'est un biais extrêmement intéressant et ça corrobore tout à fait
13:23 un constat qu'on dresse dans le rapport, qui est celui de dire que le rapport des citoyens
13:27 aux services publics se dégrade.
13:28 Et je pense que quand il y a des atteintes de ce type qui sont identifiées, ça ne peut
13:32 faire qu'accroître cette dégradation des rapports.
13:37 Et je pense que ça fait écho aussi à ce que je disais tout à l'heure sur la répartition
13:40 des moyens, notamment de la justice et de la police.
13:43 On constate que la lutte contre la criminalité économique et financière, et notamment la
13:47 lutte contre les atteintes à la probité que vous désignez à l'instant, fait l'objet
13:52 d'un très faible investissement politique et budgétaire, alors même que ces atteintes
13:56 font plutôt augmenter.
13:57 Celles qui sont constatées augmentent.
13:59 Et donc je pense que c'est absolument nécessaire qu'on réinvestisse dans ces services publics
14:03 de la justice et de la police, et en particulier des investigations complexes comme celles que
14:07 vous avez mentionnées, afin de renforcer la confiance entre les citoyens et la chose
14:13 publique d'un point de vue général.
14:15 Et nous sommes en duplex avec Jérôme Wittwer.
14:18 Bonjour.
14:19 Bonjour.
14:20 Vous êtes professeur d'économie à l'Université de Bordeaux.
14:23 Vous êtes responsable d'une équipe "Économie et gestion des organisations de la santé".
14:28 Je vous ai convié à ce dialogue parce qu'on le sait, il y a aujourd'hui une question
14:33 qui se pose sur le fonctionnement de nos hôpitaux.
14:38 C'est devenu un thème régulier dans l'actualité.
14:40 Les urgences sont débordées.
14:41 Les cabinets médicaux sont fermés ou engorgés, alors même que les dépenses de santé des
14:49 Français sont réelles, tangibles, importantes.
14:53 Comment expliquer ce hiatus ?
14:55 Alors la première chose qui apparaît dans la lecture de ce rapport sur l'état des
15:01 services publics, c'est l'explosion des infections de longue durée, les ALD.
15:05 Qu'est-ce que ça veut dire et pourquoi ces conséquences, Jérôme Wittwer ?
15:10 Alors oui, effectivement, c'est un facteur d'augmentation de la demande de soins très
15:15 importante.
15:16 Les facteurs sont assez clairement identifiés.
15:20 C'est d'abord le vieillissement de la population, puisque les personnes souffrant de maladies
15:23 chroniques sont des personnes plus généralement âgées au-delà de 60 ans.
15:28 Ça, c'est le premier facteur.
15:29 Et le deuxième facteur, c'est une meilleure prise en charge.
15:32 C'est une prise en charge plus précoce, un dépistage plus précoce.
15:35 Et enfin, peut-être des raisons épidémiologiques pour certaines maladies chroniques.
15:39 Donc, il y a une multiplicité de facteurs, mais le facteur vieillissement de la population,
15:43 qui s'est fortement accéléré depuis la fin des années 2000, est la cause principale.
15:48 Et donc, c'est effectivement une des raisons de la tension sur le système de soins, le
15:55 système de santé depuis une quinzaine d'années.
15:57 Bon, à ceci près, Jérôme Wittwer, qu'on imagine que ce vieillissement de la population,
16:04 il a également été observé en Allemagne, dans une moindre mesure aussi aux États-Unis,
16:10 où le système de santé, bien sûr, bénéficie d'un système économique différent.
16:16 Oui, effectivement.
16:19 Alors, l'autre facteur de tension, c'est le contrôle des dépenses qui s'est progressivement
16:27 organisé dans le système de soins français depuis les années 90 et qui s'est sensiblement
16:33 accéléré à partir de la fin des années 2010, puisqu'on a une progression des dépenses
16:37 de soins, notamment des soins hospitaliers, qui n'augmentent pas plus vite, qui augmentent
16:42 même moins vite que le produit intérieur brut entre 2010 et 2019.
16:46 Donc, il y a une forme de croisement de ces deux effets, une restriction, pas une diminution
16:53 de la dépense, mais une restriction de l'augmentation de la dépense avec une augmentation forte
16:57 de la demande.
16:58 Et donc, ça, c'est pas spécifique à la France, mais le phénomène est assez marqué
17:02 en France de cet effet ciseaux qui a créé des tensions très importantes, en particulier
17:07 à l'hôpital.
17:08 Bon, Lucie Castex, on le voit dans la manière dont ce rapport dresse un constat sur le système
17:17 de santé.
17:18 On a effectivement une augmentation des dépenses.
17:22 On a malheureusement une augmentation considérable de la demande.
17:25 Oui, tout à fait.
17:27 C'est typiquement le phénomène qu'on distinguait tout à l'heure.
17:30 Il y a une augmentation des besoins qui n'est pas suivie par une augmentation corrélative
17:34 des moyens.
17:35 Et je dirais par ailleurs que dans le cas de la santé et de l'hôpital, c'est très
17:39 intéressant d'étudier cette question du développement d'entités privées qui viennent
17:45 se loger dans cet écart croissant entre les besoins et les moyens, puisqu'on voit que
17:51 progressivement, il y a une forme de spécialisation entre l'hôpital public et les cliniques privées
17:57 à but lucratif au détriment total de l'hôpital public, puisque vous avez les cliniques privées
18:03 qui récupèrent les actes les plus rentables et les plus faciles à exécuter, des actes
18:08 courts, chirurgicaux plutôt, avec l'hôpital public qui, lui, doit accueillir tout le monde
18:12 et prendre en charge les maladies longues, en particulier des maladies chroniques décompensées.
18:17 On va y revenir, c'est en lien avec la défaillance du système de santé de ville.
18:22 Et surtout des maladies plus coûteuses à traiter et des urgences.
18:25 Oui, mais d'un autre côté, si on prend l'observation que vous faisiez il y a quelques
18:31 minutes, Lucie Castex, de toute façon, il faut que quelqu'un paye.
18:34 Donc si vous payez une clinique privée ou si vous payez un hôpital public par le biais
18:41 de la socialisation, en termes de part de la richesse nationale, cela aboutit à la
18:46 même chose.
18:47 Et on voit que le système américain où les individus payent pour leur propre santé
18:51 est un système qui coûte très cher pour des résultats inférieurs en termes de qualité
18:57 au système français par exemple.
18:58 Oui, tout à fait.
18:59 Alors la grande différence c'est que l'hôpital public, vous payez normalement le juste coût
19:04 et là où dans les cliniques privées, vous pouvez avoir des dépassements d'honoraires
19:07 qui sont pris en charge en partie par les personnes soignées.
19:11 Et donc, ça devient une santé qui est accessible uniquement aux plus privilégiés.
19:15 Donc on observe le développement d'une part de prestations accessibles aux seules populations
19:20 privilégiées, parfois de meilleure qualité et pas toujours, financées en partie sur
19:25 fonds publics comme les cliniques privées à but lucratif.
19:27 Et d'autre part, une forme de paupérisation des services publics qui sont accessibles
19:31 à tous, ici l'hôpital public.
19:33 Oui, parce que Jérôme Wittwerd, l'une des caractéristiques du système français,
19:38 c'est que la France est l'un des pays où le reste à charge des ménages en termes
19:42 de santé est le plus faible.
19:44 Oui, oui, tout à fait.
19:47 C'est un pays où le reste à charge est de l'ordre de 7% des dépenses de soins,
19:53 ce qui est très très faible au regard de nos voisins européens et encore plus nord-américains.
19:59 Mais ça vient d'un partage du financement des soins entre l'assurance maladie publique
20:07 et les assurances complémentaires privées.
20:10 Un partage qui est assez unique, puisque c'est un partage du même panier de soins,
20:16 qui est financé conjointement, alors que les modèles à l'étranger sont plutôt
20:20 fondés sur des partages du panier de soins entre le privé et le public.
20:24 Donc ce qui donne une couverture très très importante, mais ce qui oblige évidemment
20:31 les assurés sociaux à acheter des primes de complémentaire santé.
20:36 Donc ça a un effet sur leurs dépenses bien entendu.
20:38 Et alors la question des franchises médicales, l'augmentation de ces franchises médicales
20:44 pour chaque boîte de médicaments, alors même si celle-ci est plafonnée à 50 euros ?
20:49 L'histoire des franchises médicales, c'est évidemment une mesure budgétaire.
20:56 Les contraintes budgétaires sont très fortes, c'est une mesure budgétaire assez simple.
21:00 Comme vous l'aviez, les restes à charge des patients sont relativement faibles, sont
21:05 même faibles relativement à nos voisins européens.
21:07 Donc on peut dire que c'est un moyen assez facile de récupérer, de diminuer les dépenses
21:14 pour l'assurance maladie, sans a priori avoir d'impact trop important sur le recours aux
21:21 soins, puisque bien entendu, augmenter les restes à charge, le risque c'est le recours
21:25 aux soins, notamment le recours aux soins des plus démi-dits.
21:28 Donc ça c'est un risque qui est relatif au regard de la faiblesse des restes à charge
21:33 en France.
21:34 Et donc c'est un moyen simple de faire des économies, mais ça manque de cohérence
21:39 d'ensemble.
21:40 Et je dis manque de cohérence d'ensemble parce que depuis 20-30 ans, les autorités
21:45 publiques, les divers gouvernements ont pour objectif que l'ensemble des français soient
21:50 couverts par une complémentaire, c'est-à-dire ne paient pas de tickets modérateurs.
21:53 Et d'un autre côté, on introduit des franchises qui ne sont pas couvertes par les complémentaires
21:58 santé.
21:59 Donc il y a une forme peut-être de manque de cohérence d'ensemble du système de financement.
22:03 Mais en soi, c'est une mesure qu'on peut entendre.
22:05 Je pense que je partage totalement le constat d'un manque de cohérence d'ensemble.
22:11 Je pense que toute cette tendance qui consiste à dérembourser des soins, dérembourser
22:15 des médicaments, créer des restes à charge plus importants, des franchises et par exemple
22:19 faire payer les rendez-vous médicaux qui ne sont pas honorés, participe d'une tendance
22:24 qui est celle dite de la responsabilisation du patient.
22:27 Là où en réalité l'énorme problème c'est l'absence de cohérence du système
22:30 de santé et le manque de moyens qu'on donne au système de santé.
22:33 Il y a beaucoup de lapins.
22:34 Oui, il y en a beaucoup et je pense qu'on peut tous dire que c'est la politesse élémentaire
22:39 de prévenir lorsqu'on ne peut pas honorer un rendez-vous.
22:41 Mais je pense que s'intéresser à ça, c'est s'intéresser à l'arbre qui cache la forêt.
22:44 J'entendais un médecin qui disait "oui, mais moi je trouve ça scandaleux de ne pas
22:48 prévenir quand on annule un rendez-vous, sachant qu'il faut attendre 4 ou 5 ans pour
22:51 avoir un rendez-vous chez moi".
22:52 Pour moi le problème c'est davantage le fait qu'il faille attendre 4 ou 5 ans avant
22:56 d'avoir un rendez-vous de spécialiste, plutôt que la personne qui n'annule pas son rendez-vous,
23:00 même si on est d'accord que c'est extrêmement discourstois.
23:02 Donc je pense que la question c'est vraiment, comme le disait votre invité, la question
23:06 de penser la cohérence d'ensemble du système de santé.
23:09 Et par ailleurs, un des problèmes aigus c'est le renoncement des classes les plus défavorisées
23:14 aux soins.
23:15 Et ça, on sait que ça a des effets délétères sur la santé à long terme.
23:18 On ne l'observe pas encore sur...
23:20 Alors on sait qu'il y a des inégalités importantes dans l'accès aux soins, dans
23:25 les espérances de vie des uns et des autres.
23:27 Dans les chiffres que vous rappelez, et dans ce rapport sur l'état des services publics,
23:32 l'espérance de vie en France continue à augmenter.
23:35 L'espérance de vie continue globalement à augmenter, mais vous avez toujours une espérance
23:39 de vie qui est nettement plus faible, je crois, de l'ordre de 7 ans en fonction des classes
23:42 sociales considérées.
23:44 Et puis par ailleurs, on a des éléments qui sont totalement alarmants.
23:47 Je pense par exemple au taux de mortalité infantile, qui est largement supérieur en
23:50 France à la moyenne européenne.
23:52 Et au classement OCDE, la France a progressivement décroché de la 9ème place à la 26ème
23:57 place entre 1989 et 2021 sur la mortalité infantile.
24:02 Ça, c'est lié à un désengagement massif en matière de soins pédiatriques, y compris
24:07 dans le volet de la prévention.
24:08 On sous-finance les services de PMI, on sous-finance la médecine scolaire, et donc ça conduit,
24:14 ce désengagement en matière de prévention, ça conduit à des dépenses beaucoup plus
24:17 importantes engagées dans le système de santé.
24:19 - Jean-Luc Marie ? - Une question traverse toutes celles que vous
24:23 évoquez depuis tout à l'heure.
24:24 C'est la question du coût de la santé, de notre perception aux uns et aux autres
24:28 du coût de la santé.
24:29 Avons-nous conscience réellement de ce que coûte la santé ? Qu'il s'agisse de l'hôpital
24:34 public, qu'il s'agisse du remboursement des médicaments, qu'en pensez-vous ?
24:36 - Alors je pense qu'il pourrait être intéressant d'expliciter davantage le coût de la santé
24:43 pour qu'on comprenne ce que ça veut dire le financement public et la socialisation
24:47 des dépenses.
24:48 C'est intéressant et ça participerait probablement du consentement à l'impôt, notamment chez
24:53 les personnes qui en payent relativement peu compte tenu de leur revenu.
24:56 Ce qui est important de noter à cet égard, c'est qu'en réalité les services publics
25:00 bénéficient évidemment aux plus défavorisés, mais aussi aux personnes favorisées.
25:04 Il y a une étude de l'INSEE de 2021 qui montre que les deux tiers des Français sont bénéficiaires
25:09 nets de la redistribution si on considère les services publics, y compris le logement,
25:14 l'école et la santé.
25:15 Et donc je pense que ce serait utile que toute la population ait conscience de ce que coûte
25:20 la santé et de ce à quoi contribuent les services publics et le financement par l'impôt.
25:24 - On voit Jérôme Videvers qu'on a une évolution, un état du système de santé qui semble insatisfaisant,
25:32 qu'il est d'ailleurs objectivement.
25:33 On attend énormément aux urgences, on voit qu'on a affaire à un système qui aujourd'hui
25:42 ne convient pas.
25:43 J'ai une question peut-être embêtante à vous poser.
25:48 Quelle part du revenu national en plus il faudrait dépenser pour avoir un système de
25:56 santé satisfaisant ? Je sais bien qu'il y a un certain nombre de choses qui ne relèvent
26:00 pas seulement de l'argent.
26:01 On sait qu'il y a des difficultés de recrutement.
26:03 On sait aussi qu'il y a d'autres questions qui se posent, comme par exemple la part affectée
26:11 au back office, à la gestion même des hôpitaux.
26:15 Mais est-ce qu'il est possible de répondre à cette question ? Qu'est-ce qu'il faudrait
26:19 faire en plus pour que nos hôpitaux soient dans un état satisfaisant ?
26:23 - Effectivement, c'est une question un peu délicate.
26:28 Je vais répondre de manière un peu indirecte.
26:31 Je pense que la question des dépenses de soins, puisqu'elles sont largement socialisées
26:37 en France, on l'a dit, à hauteur de près de 80%, c'est vraiment une question démocratique
26:42 absolument majeure.
26:43 On peut décider objectivement d'augmenter la part du produit intérieur brut qu'on
26:49 consacre aux dépenses de soins, mais ça demande vraiment de réfléchir à ce qu'on
26:55 souhaite faire.
26:56 Et peut-être que là, ça manque de débat en France, effectivement, puisque vous le
27:01 savez que les dépenses de l'assurance maladie sont fixées par le Parlement chaque année,
27:06 donc il y a une discussion démocratique au sein du Parlement, mais ces discussions
27:11 ne sont certainement pas suffisamment approfondies et partagées par l'ensemble des acteurs.
27:15 On est passé d'un système un peu à guichet ouvert, où c'est la demande qui détermine
27:21 la croissance des dépenses, à un système où la disponibilité de l'offre joue un
27:28 rôle majeur.
27:29 Et notre système n'est pas du tout habitué à réfléchir, à fixer des enveloppes de
27:37 dépenses de soins par grands secteurs.
27:38 - Alors j'avais une idée, je vais vous la soumettre.
27:43 En France, on est avec 12,3% du PIB dans une situation de dépense importante.
27:51 L'Allemagne est dans une situation plus importante, puisqu'elle est à 12,8% du PIB.
27:56 Et, ce qui complique la chose évidemment, le PIB allemand est plus important que le
28:01 PIB français.
28:02 Est-ce que si par exemple, les Français dépensaient comme les Allemands, donc à la fois en pourcentage
28:08 mais aussi en valeur absolue, est-ce qu'il y aurait selon vous un niveau de dépense
28:13 satisfaisant ?
28:14 - Certainement que si cet argent est utilisé de manière pertinente, il serait plus satisfaisant
28:20 pour les usagers du système de soins, ça ne fait aucun doute.
28:24 Je rappelle quand même que l'Allemagne a un système assez différent, puisqu'il y
28:28 a 10% de la population qui est sortie du système d'assurance publique, on appelle ça "locking
28:32 out", et qui a une assurance privée et qui a accès à un système privé hospitalier.
28:37 Donc je ne crois pas que ce soit aussi tout à fait le modèle qu'on souhaite en France,
28:42 ou que la majorité des acteurs souhaitent en France.
28:44 Donc il faut faire un petit peu attention avec la comparaison avec l'Allemagne, puisqu'il
28:48 y a un secteur privé important, 10% de la population qui a une assurance privée et
28:54 qui a accès à des établissements privés auxquels n'ont pas accès les autres.
28:57 - Ceux qui n'ont pas cette assurance.
28:58 Jean Lemarie ?
28:59 - Oui ?
29:00 - Il y a la question de la qualité des dépenses aussi, dans la série des questions gênantes.
29:04 Si on parle d'hôpital public, des examens qui se répètent, qui se recoupent parfois
29:09 de manière inutile, est-ce que vous identifiez beaucoup de gaspillage, d'inefficacité,
29:13 de mauvaise dépense ?
29:14 - Lucie Castex ?
29:15 - La question de la qualité des dépenses est tout à fait pertinente, et nous dans
29:19 notre collectif, on ne dit pas du tout qu'il faut absolument préserver ce qui existe aujourd'hui,
29:23 on n'a pas une position purement défensive, on dit aussi qu'il faut regarder comment
29:25 ça fonctionne, et on dit beaucoup que l'introduction à l'hôpital public de la tarification à
29:30 l'acte a conduit à une multiplication de mauvaise dépense, encouragée justement par
29:35 cette tarification à l'acte, et donc que le système actuel est pervers et qu'il faut
29:39 y réfléchir et faire en sorte que les personnes qui travaillent à l'hôpital prennent la
29:43 meilleure décision possible, indépendamment de la question de la façon dont on financera
29:48 tel acte ou tel acte.
29:49 Donc ça c'est une question extrêmement pertinente.
29:52 Et si on regarde plus globalement la façon dont on fonctionne et dont on finance nos
29:57 services publics, il est vrai de dire qu'il y a des dépenses dont on peut s'interroger
30:01 sur leur pertinence.
30:02 Quand on accroît considérablement les dépenses en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants,
30:07 sans du tout contester la pertinence de la lutte contre le trafic de stupéfiants, c'est
30:11 une discussion démocratique qu'on doit avoir, c'est une question, un débat tout à fait
30:14 passionnant qui mériterait probablement une émission entièrement, parfois on se rend
30:18 compte que certaines dépenses sont totalement inutiles parce qu'on vient d'émanteler un
30:20 point qui se remonte quelques heures après.
30:25 On peut s'interroger sur la façon dont démocratiquement on choisit la manière dont les dépenses
30:31 sont attribuées ou sont octroyées à telle politique publique ou à telle sous-politique.
30:35 Je prolonge la question de mon camarade Jean Lémari, Jérôme Wittwer.
30:40 Est-ce que la productivité du système de soins français est satisfaisante ? Parce
30:45 que finalement c'est ça la question qui se pose.
30:47 J'imagine qu'on peut comparer les productivités des systèmes de santé.
30:51 Je vois Lucie Castex qui fronce les sourcils.
30:53 Oui, il y a des façons mais sans doute sommaires et insatisfaisantes.
31:00 C'est de regarder les grands indicateurs de santé publique, de mortalité en particulier,
31:07 d'incapacité aux grands âges.
31:08 Donc il y a des systèmes de santé qui dépensent moins et qui font aussi bien que nous.
31:13 Il faut bien avoir en tête que la santé ce n'est pas que les soins.
31:17 La santé est multifactorielle, les soins ne sont qu'indéterminants.
31:21 Qui fait mieux que nous Jérôme Wittwer ?
31:24 Vous avez des pays comme l'Espagne.
31:27 Si vous prenez des indicateurs simples d'espérance de vie, l'Espagne a une espérance de vie
31:32 légèrement supérieure à la nôtre et dépense moins à la fois en relatif et en absolu
31:36 dans son système de soins.
31:37 Même que le mode de vie espagnol est souvent critiqué.
31:40 Il y a des gens qui se couchent tard.
31:41 Et donc tu sais, tu s'y casse tes yeux.
31:46 Je pense que la question à laquelle il faut répondre, c'est aussi ce que disait l'invité
31:50 tout à l'heure, c'est qu'il faut retourner la question et repartir des besoins et donc
31:54 avoir une définition de politique publique qui est beaucoup plus globale, qui change
31:58 de boussole.
31:59 La question ce n'est plus de déterminer le besoin en fonction de l'offre, en fonction
32:03 de la dépense globale que l'on veut viser, mais plutôt de se demander démocratiquement,
32:07 à quel besoin on cherche à répondre et ensuite définir des politiques publiques
32:10 adaptées.
32:11 Et s'agissant spécifiquement de la santé, je l'ai déjà dit, je pense qu'il faut
32:14 vraiment une approche globale qui mêle à la fois les politiques de prévention et politiques
32:18 de médecine de ville et l'hôpital public pour désengorger l'hôpital public, aussi
32:22 renforcer la capacité de l'hôpital public à traiter toutes les maladies en réfléchissant
32:28 à la façon dont on répartit les choses avec les cliniques privées.
32:31 Et ça, ça sera de nature à réduire la pression qui pèse sur l'hôpital public
32:35 et à renforcer l'efficacité de notre système de santé dans son ensemble.
32:38 On va terminer sur ce point-là, qui est là aussi un point embarrassant, Jérôme Wittwer.
32:44 Est-ce qu'il est possible d'envisager une remise à plat du système de santé ? Ça
32:49 s'est déjà vu ? Ou bien on est condamné finalement à des rustines successives ?
32:54 Écoutez, on est plutôt condamné à des rustines, mais malgré tout il y a eu des
33:00 grandes réformes.
33:01 Des grosses rustines ?
33:02 Oui, la réforme de la T2A par exemple, c'était une grosse rustine, alors elle n'a pas été
33:06 forcément couronnée.
33:07 On la critique beaucoup.
33:08 On la critique beaucoup, voilà.
33:09 Mais effectivement, on est un système de santé qui a beaucoup de mal à se réformer,
33:14 on va dire un peu brutalement, à ce que c'est bien, à ce que c'est pas bien, je ne sais
33:16 pas, mais c'est sûr que c'est frustrant, voilà, que c'est frustrant d'être obligé
33:20 d'appliquer des rustines.
33:21 Et on voit bien par exemple que la franchise, c'est typiquement une rustine, qu'on peut
33:24 tout à fait comprendre, mais on aurait envie d'aller un peu plus loin et de réfléchir
33:28 plus globalement au système de financement des soins en France.
33:30 Donc, bon, j'ai envie de dire qu'on est plutôt condamné à des rustines plus ou moins grosses.
33:35 Un mot de conclusion, Lucie Castex ?
33:37 Alors moi, je serais beaucoup plus optimiste.
33:39 Je pense que l'état des services publics aujourd'hui en France n'est pas fortuit,
33:44 mais aussi pas inéluctable.
33:45 C'est le fruit de décisions politiques prises au long cours depuis plusieurs décennies.
33:49 Et je pense que ça peut se renverser.
33:50 Si on parle du système de santé, je me répète, mais je pense qu'il faut investir massivement
33:54 dans la prévention et aussi redonner un sens au travail des agents publics qui travaillent
34:00 dans la santé publique.
34:01 Et là, vous auriez des facteurs pour renforcer notre activité et aussi la situation du système
34:07 de santé français.
34:08 Donc, il faut être plus optimiste.
34:09 Merci à tous les deux.
34:10 Merci Jérôme Wittwer.
34:12 Je rappelle que vous êtes professeur à l'Université de Bordeaux, professeur d'économie.
34:19 Merci Lucie Castex.
34:20 Ce rapport sur l'état des services publics, il est donc publié aux éditions des Équateurs.
34:24 Voilà, quand on le lit, on sait de quoi on parle.

Recommandations