• il y a 10 mois
Dans cette vidéo profondément personnelle, Emeline partage son récit poignant de survie face à la maltraitance maternelle et sa quête pour se reconstruire. Naviguant entre abus émotionnels et physiques dès l'enfance, son parcours est marqué par la recherche d'un amour maternel insaisissable et la lutte pour surmonter les traumas passés.
Elle nous décrit comment l'écriture est devenue son refuge, un moyen de transformer sa douleur en puissance créative qui lui permet de l'aider à rassembler les pièces d'une identité ébranlée par les épreuves.

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Vous pouvez retrouver son texte "Résilience" dans l'ouvrage : "Des vivants et des luttes L’écologie en récits" : https://wildproject.org/livres/des-vivants-et-des-luttes

N'hésitez pas à vous procurer également son livre : "Journal d’une Confinée en 9m²" : https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/journal-d-une-confinee-en-9m-sup2--9782380671636/

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Amusant
Transcription
00:00 Le problème, entre guillemets, c'est que quand ma mère a été convoquée par les services sociaux,
00:03 ma mère répond tout simplement "oui, totalement, je traite ma fille de pute, oui, qu'est-ce qu'il y a ?
00:08 Où est le problème ? J'ai besoin de m'exprimer.
00:09 De toute façon, je suis à cran, je suis fatiguée, donc oui, si je la traite de pute, de salope, c'est comme ça."
00:14 Donc ça, des travailleurs sociaux qui entendent ça, à partir de là, en fait, ça prend une ampleur.
00:18 Mon enfance, une vie classique, on va dire, enfin classique,
00:21 et en même temps un peu atypique avec ma mère et ma grand-mère,
00:23 donc trois générations dans un même appartement.
00:27 Quand je suis née, moi, ma mère était en dépression.
00:30 C'est ma grand-mère qui a pris le relais directement après ma naissance.
00:32 Donc c'est ma grand-mère maternelle, ma mémé, qui m'a tout appris,
00:36 enfin qui m'a appris à aimer, tout ça, les fondamentaux de la vie.
00:40 Ma mère, voilà, elle n'était pas bien, elle prenait des cachets, tout ça.
00:43 En grandissant, donc vers mes trois ans et demi, quatre ans, je la voyais beaucoup dormir, en fait.
00:47 Elle était dans le salon, elle dormait beaucoup, sûrement assommée par les cachets
00:50 et par aussi beaucoup de souffrance qui lui appartient, voilà, de son passé à elle.
00:54 Et donc ma grand-mère continuait de s'occuper de moi.
00:57 On essayait un peu de faire venir ma mère vers nous, vers moi,
01:00 pour qu'on ait une vie de famille, mais c'était assez compliqué.
01:03 Et à partir d'à peu près mes cinq ans, j'ai commencé à avoir de la colère de ma mère vis-à-vis de moi.
01:08 Cette colère, elle allait se manifester en fait par de longs traitements, par le silence.
01:14 Je n'ai jamais su en fait déterminer qu'est-ce qui provoquait ces périodes de silence.
01:20 Quand j'étais petite, j'allais beaucoup vers elle, je me faisais remballer.
01:25 Après, ça a été différent.
01:26 Ça va crescendo en fait avec mon âge, on va dire, ça va crescendo la violence.
01:30 Il y a un climat anxiogène à la maison et en fait beaucoup d'insultes.
01:33 Et ça, c'est quelque chose que je vais très mal vivre parce que je ne comprends pas.
01:36 Et pareil, je ne trouve toujours pas ce qui provoque ça.
01:39 Alors, je ne suis pas l'enfant parfait, je ne fais pas de bêtises particulières.
01:42 Pour expliquer ça, s'il n'y a pas de problème à l'école, il y a un non-sens
01:46 et il y a des insultes qui sont des insultes qu'on peut entendre dans des disputes,
01:50 je ne sais pas moi, de couple, mais vraiment où il y a de la haine en fait qui prédomine.
01:54 Là, c'est quelque chose qui va me commencer un peu à me tuer de l'intérieur.
01:59 Moi, je vais à l'école un jour, j'étais en CE2 à ce moment-là.
02:01 J'étais en pleurs quoi, parce que la veille c'était comme ça, le matin c'était comme ça.
02:06 Je voulais parler à la maîtresse, moi qui étais très proche en fait des maîtresses.
02:09 Je recherchais ce contact avec les adultes qui était censé,
02:11 qui était quelque chose de rassurant en fait pour moi.
02:14 Et donc là, cette maîtresse de CE2, je vais la voir.
02:16 Je lui dis, voilà, ma maman elle m'a insultée.
02:20 Elle me demande exactement ce qui s'est passé, tout ça, je lui raconte.
02:23 Et bon, elle me dit, si ça se reproduit, tu m'en reparles.
02:25 Le lendemain, je retourne lui en parler.
02:27 Et après ça, en fait, il y avait les vacances de février, donc vacances d'hiver,
02:31 je devais aller chez mon père.
02:32 Donc j'y vais et en revenant, je rentre chez ma mère.
02:36 Ma mère me dit, voilà, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle.
02:38 La bonne, c'est que j'ai rencontré quelqu'un.
02:40 La mauvaise, c'est que j'ai reçu un courrier, tu vas vivre chez des étrangers.
02:43 Ma mère a été convoquée par une assistante sociale ou des assistantes sociales, je ne sais pas,
02:48 en lui disant, voilà, vous êtes une mère maltraitante.
02:50 Le problème, entre guillemets, c'est que quand ma mère a été convoquée par les services sociaux,
02:54 ma mère répond tout simplement, oui, totalement, je traite ma fille de pute, oui, qu'est-ce qu'il y a ?
02:58 Où est le problème ? J'ai besoin de m'exprimer.
03:00 De toute façon, je suis à cran, je suis fatiguée,
03:02 donc oui, si je la traite de pute, de salope, c'est comme ça.
03:05 Donc ça, des travailleurs sociaux qui entendent ça, à partir de là, en fait, ça prend une ampleur.
03:09 Je pense que dans la communication, on aurait pu éviter peut-être d'en arriver là.
03:13 Petit à petit, en fait, je rencontre la personne qui va me garder,
03:17 m'héberger chez elle et s'occuper de moi.
03:19 Donc c'est une famille, c'est une famille avec deux enfants, deux garçons.
03:22 Et à partir de là, en fait, elle va me traiter comme une enfant.
03:26 Et moi, à ce moment-là, je vais me dire, mais elle croit peut-être que je suis atteinte d'un handicap.
03:32 Je ne vais vraiment pas comprendre.
03:34 Et au final, en fait, je vais me rendre compte que c'est agréable
03:37 parce que c'est agréable d'être traité comme une enfant.
03:40 Et c'est là que je me rends compte du décalage qu'il y a avec ma mère et la vie à la maison.
03:44 À cet âge-là, je sais que ma mère s'appuyait beaucoup sur moi.
03:48 Elle attendait que je rentre de l'école pour qu'on aille en ville, on allait au café toutes les deux.
03:52 On y passait de très bons moments, des fois de très mauvais aussi.
03:55 Mais elle se confiait beaucoup, en fait, sur tout ce qui lui faisait du mal,
03:58 tout ce qui lui avait fait du mal dans son passé.
04:00 En fait, j'avais l'impression qu'elle avait besoin de moi et j'avais l'impression que sans moi, elle mourrait.
04:04 Elle parlait souvent de suicide.
04:07 Et ça, pendant mon premier placement, ça a été quelque chose qui revenait beaucoup.
04:10 J'avais accès, moi, au téléphone fixe.
04:12 Et ma mère, une fois, un soir, m'a dit à cause de ce que t'as fait,
04:16 je vais me suicider et t'auras plus de maman.
04:18 Cette peur, elle ne m'a jamais quittée. Elle m'a quittée récemment.
04:21 Je me suis rendue compte après que, en fait, ça allait plutôt bien pour elle.
04:25 En fait, c'était plus pour moi que ça n'allait pas.
04:27 Moi, dans cette famille, on ne me demandait rien.
04:29 Voilà, je n'avais qu'à mettre les pieds sous la table, j'avais à manger.
04:32 À la maison, ce n'était pas comme ça du tout.
04:35 C'était ma grand-mère qui faisait à manger quand elle le pouvait au début de sa vie.
04:39 Parce que quand je suis née, elle avait déjà 70 ans.
04:40 Elle l'a fait jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus se lever.
04:43 Je ne savais pas ce que c'était de vivre sans problème.
04:45 Donc, je n'acceptais pas cette espèce de tranquillité et cette espèce de vie d'enfant
04:50 parce que j'avais trop l'habitude du monde des adultes.
04:52 Mais je réagissais pas mal.
04:55 C'est-à-dire que je n'allais pas me montrer vindicative ou vraiment infernale.
05:02 Mais par contre, j'allais être très fermée.
05:04 Je ne voulais pas trahir ma mère en étant trop proche d'eux.
05:07 Donc, il fallait que j'accepte certaines choses parce que j'étais obligée.
05:11 Et à la fois, je m'interdisais d'autres choses.
05:15 Moi, j'ai toujours eu du goûter, par exemple, de la part de ma mère pour l'école, tout ça.
05:19 Là, cette famille qui avait un peu plus les moyens m'a metté du goûter, des choses de marque,
05:23 des choses comme ça.
05:24 Donc, j'avais dans un petit plastique tout bien fait.
05:27 Nous, c'était un peu à l'arrache à la maison.
05:29 C'était comme ça, c'était comme ça qu'on vivait.
05:31 Puis voilà, moi, je n'étais pas malheureuse.
05:33 Je veux dire matériellement, tout ça, je manquais de rien.
05:35 Et je me disais, si je le consomme, ce goûter, je trahirai ma mère.
05:38 Donc, dans la récré, je faisais la distribution.
05:41 Et à partir de là, je me rappelle d'un jour où j'étais seule dans la cour.
05:45 Je me suis dit, là, c'est fini.
05:47 Là, il y a quelque chose qui...
05:50 En fait, j'étais passée dans un autre monde.
05:53 C'était fini pour moi, la vie d'enfant.
05:55 Il y avait une innocence qui partait.
05:58 Et il y avait, je ne sais pas, une part de solitude qui...
06:03 Qui entrait en moi vraiment et qui m'a pas lâchée, pour le coup.
06:10 À ce moment-là, j'ai réalisé en fait que le monde des adultes,
06:15 ça pouvait être un monde dangereux.
06:17 Et en fait, je me suis rendue compte que j'étais en fait le pantin
06:21 de tous ces adultes qui dysfonctionnaient.
06:25 Je parle là de ma mère, de l'autre partie, mon père, tout ça.
06:31 Et je n'étais pas heureuse.
06:33 Je pensais beaucoup à partir de la famille d'accueil.
06:37 Par la fenêtre, ils habitaient une maison,
06:40 il y avait l'autoroute à traverser.
06:42 Je pensais partir.
06:44 Mais je me disais, si je le fais, en fait...
06:45 Moi, la famille d'accueil m'avait offert un calendrier
06:48 et je cochais les jours.
06:49 Et je me disais, si je le fais, si je faisais ça,
06:51 j'allais être emmenée ailleurs et éloignée encore plus de ma mère,
06:54 éloignée de mon école.
06:55 Et moi, le plus important, c'était que je rescolarisais
06:57 dans la même école.
06:57 Et en même temps, j'avais une énorme part de moi
07:01 qui avait totalement perdu confiance et foi vis-à-vis des adultes.
07:08 Donc à partir de là, j'ai compris que j'étais moi-même une adulte.
07:12 Au moment où je suis rentrée, il y a eu une accalmie,
07:15 jusqu'à un jour précis.
07:17 Je me rappelle que ma mère dit, de toute façon,
07:19 elle n'a pas changé, toujours la même.
07:21 Je n'ai pas compris, encore une fois,
07:23 mais peut-être que j'ai effectivement dit quelque chose.
07:26 Ça a été le début d'une nouvelle ère chez ma mère,
07:31 bien plus costaud que la précédente.
07:33 En fait, ma mère avait une phrase qu'elle répétait beaucoup,
07:36 c'était "à 18 ans, de toute façon, le contrat s'arrête".
07:38 C'était cette phrase que j'ai entendue toute ma vie,
07:40 parce que c'était son devoir de s'occuper de moi.
07:42 Alors qu'elle savait très bien qu'elle avait d'autres alternatives.
07:44 Si elle avait voulu que je sois encore placée,
07:46 il n'y avait qu'un coup de téléphone à passer et c'était fait.
07:49 Je ne comprends pas si c'était si terrible pour elle de m'avoir là, au milieu.
07:53 Mais à partir de là, je dirais environ mes 12 ans,
07:56 jusqu'à mes 15-16 ans, là, ça a été la période dure.
08:00 Ça a été vraiment la période dure.
08:02 Je gardais tout en moi et j'avais de grosses crises d'angoisse.
08:05 Des choses vraiment...
08:07 C'était de la terreur, quoi.
08:09 Alors qu'il ne se passait rien sur le moment.
08:11 Ce n'était jamais sur le moment, en fait.
08:12 C'était soit après coup, soit un moment où je m'y attendais le moins.
08:15 Et beaucoup de tocs, aussi.
08:16 Beaucoup de tocs plus absurdes les uns que les autres.
08:19 Parce que je me disais, voilà, si je touche dix fois cet objet,
08:22 ça va aller avec ma mère, ça va tout réparer et elle ne va pas se suicider.
08:25 Et tout va bien se passer.
08:26 Donc ça, ça a pris une ampleur où ça se voyait à l'école, ça se voyait...
08:30 Et en même temps, il y avait la violence qui a pris une autre forme.
08:36 En fait, la vie avec ma mère avait toujours été par cycle, par phase.
08:40 C'était pendant à peu près une semaine, dix jours, grand max.
08:43 C'était "je t'aime, t'es la chair de ma chair,
08:47 le sang de mon sang", ce qu'elle me répétait tout le temps.
08:49 "Je peux pas vivre sans toi", tout ça.
08:50 Et donc, à partir de là, on était collés, fusionnels.
08:53 Et là, elle se livrait beaucoup à moi.
08:54 Enfin voilà, comme toujours.
08:56 J'étais sa meilleure amie.
08:57 Pour moi, c'était ma maman, par contre.
08:58 Et il y a un moment, toujours, où ça foirait.
09:02 En fait, quand je l'ai confrontée assez récemment au pourquoi du comment,
09:08 elle a éclaté en pleurs et elle m'a dit qu'il fallait que j'arrête de la torturer avec ça.
09:12 Parce que de toute façon, j'aurais jamais de réponse.
09:14 Et en fait, ce moment-là, cette phase-là se dénouait.
09:17 C'était assez ritualisé.
09:18 En fait, il fallait que j'aille m'asseoir sur un fauteuil
09:21 qui était à côté du lit sur lequel elle dormait.
09:24 J'attendais qu'elle parle.
09:26 Elle commençait à parler.
09:28 Parfois, ça mettait beaucoup, beaucoup de temps.
09:30 Beaucoup de reproches sur le fait que j'étais coupable d'absolument tout dans sa vie.
09:36 Et la conclusion, c'était, puisque de toute façon, t'es coupable de tout dans ma vie
09:40 et que tu dis m'aimer tant que ça,
09:42 la seule manière de réparer ce que t'as fait, c'est de te supprimer.
09:46 Quand elle m'a dit ça la première fois, j'ai cru avoir mal entendu.
09:50 Et en fait, après, c'est devenu habituel d'entendre ça.
09:54 La petite graine ayant été mise dans mon esprit, j'ai fini par y croire.
09:59 Elle voulait que j'aie une réaction.
10:00 Et n'ayant pas de réaction, je sentais le moment arriver où ça allait briller.
10:06 Quand elle se mettait à serrer les dents et que je voyais l'os de sa mâchoire sortir,
10:09 là, je me disais, on va passer à l'étape supérieure.
10:12 Comme elle avait les ongles longs, quand elle me prenait le visage,
10:14 j'avais la marque de ses ongles, en fait, je saignais.
10:18 Donc voilà, il y a eu un soir où elle s'en voulait tellement qu'elle pleurait beaucoup.
10:23 Elle s'était scarifiée, très légèrement, mais elle l'avait fait.
10:28 Parce que moi, c'est ce que je faisais en réponse à tous ces mots durs que je recevais.
10:33 C'était ce que je faisais.
10:34 J'allais dans ma chambre, j'étais remplie de colère, de rage, de plein de choses
10:38 que je ne pouvais pas exprimer face à tout ça, face à elle.
10:41 Et donc, ma manière à moi d'exprimer ça, c'était en me scarifiant, en me faisant du mal.
10:46 On s'était donné une excuse à dire au collège si jamais on me posait une question,
10:50 pour ne pas qu'il y ait de signalement de nouveau.
10:51 Donc, je la rassurais en lui disant que ce n'était pas grave,
10:54 de toute façon, que je n'avais pas mal.
10:55 Moi, j'avais peur qu'elle se fasse du mal, en fait.
10:57 Moi, j'ai commencé à aller de plus en plus mal.
10:59 J'ai pris les cachets de ma mère, en fait.
11:01 Il y avait une copine qui avait testé des cachets.
11:03 Ce jour-là, je prends, sauf que je prends les mauvais.
11:05 En cours de match, je les prends.
11:06 Juste après, j'avais sport, on avait course d'orientation.
11:08 Après, c'est assez flou.
11:09 Je sais qu'il y a une voiture qui est venue me chercher,
11:11 qui m'a emmenée à l'infirmerie.
11:13 Les pompiers qui sont arrivés.
11:15 Et en fait, c'est arrivé à l'hôpital que j'ai commencé à comprendre un petit peu.
11:18 Ma mère ne répondait pas.
11:19 Donc, ça a mis l'après-midi.
11:20 En fait, elle a fini par répondre à mon amie qui était là avec moi.
11:23 Bon, elle était très en colère.
11:24 Elle est venue parce qu'elle était obligée, vu que j'étais mineure.
11:26 Donc, ma mère est arrivée.
11:27 On a été prises toutes les deux dans un bureau.
11:29 Et ça a été l'infirmière de l'hôpital qui pose la question à ma mère,
11:32 qui dit "Alors, qu'est-ce qui se passe à la maison ?
11:34 Est-ce qu'il y a des choses qui se passent mal ?"
11:36 Et là, ma mère qui lâche tout, en fait.
11:38 Qui lâche tout sur les insultes, sur tout, sur tout ce qui se passe.
11:41 L'infirmière le reprend en lui disant "Vous savez ce que c'est une pute ?
11:46 Et vous savez que vous ne pouvez pas dire des choses comme ça ?"
11:49 Là, ma mère dit "Non, mais je sais très bien ce que c'est.
11:50 Mais moi, c'est comme ça.
11:52 Quand je dis les choses, c'est comme ça.
11:54 J'ai besoin d'exprimer en colère."
11:56 Il y a ce passage-là où je reste une semaine environ à l'hôpital.
11:59 Et finalement, bon, ils n'ont rien trouvé.
12:01 Ils avaient besoin de la chambre.
12:02 Alors, évidemment, je suis partie.
12:04 Je suis retournée chez ma mère à ce moment-là.
12:05 Donc ça, ça a été le début de l'addiction.
12:09 Vraiment les tout petits prémices.
12:12 Au début, c'était ponctuel.
12:13 Quand j'ai eu mon bac et quand j'ai commencé mes études,
12:16 la prépa, c'est devenu vraiment quotidien.
12:19 Et je ne me rendais pas tellement compte du danger.
12:21 Et puis, en même temps, c'était assez complexe.
12:24 Il y avait beaucoup de paradoxes.
12:25 Ça n'a pas forcément pris fin.
12:27 Mais en tout cas, le fait de prendre de manière frénétique comme ça
12:31 et des doses qui dépassaient bien sûr de loin la norme,
12:34 ça, c'est passé.
12:36 Donc en 2018, je suis dans un foyer sur Aix-en-Provence,
12:39 là où je fais mes études.
12:40 Et en fait, un soir, on nous propose d'aller voir le film "À voix haute".
12:44 Donc c'était le film qui retracé le parcours
12:47 du gagnant de la première saison d'Elloquence, y-a Paris.
12:50 Et à l'issue de ce film, on nous propose de nous inscrire.
12:53 Donc moi, en fait, je disais vraiment dans ma période "Yes life",
12:56 je disais oui à tout, je voulais tout tenter.
13:00 Je vais à tous les rendez-vous, je ne rate rien.
13:03 Et là, en fait, la première fois, j'écris un texte.
13:04 Donc c'est un sujet sous forme de questions.
13:06 Et en fait, c'est la première fois devant un jury d'avocats et de journalistes.
13:10 Et je me rends compte que je peux émouvoir.
13:13 Et donc pour moi, c'est magique.
13:15 Donc je passe le premier tour.
13:17 C'est bon, j'ai accès au deuxième.
13:18 Mais en fait, c'est comme ça à chaque fois.
13:19 Et je peux émouvoir.
13:21 Et à chaque fois, les gens sont vraiment touchés.
13:24 Je vois que ce n'est pas du si noche.
13:26 Et moi, je me dis bon, c'est peut-être un coup de chance,
13:28 mais en tout cas, c'est magique.
13:29 Et donc je continue comme ça jusqu'en demi-finale où là, je perds.
13:32 Mais bon, ça a été une expérience formidable où je me rends compte
13:36 que je sais écrire et je sais toucher par l'écriture.
13:38 Donc ça commence comme ça.
13:39 Après ça, moi, je vais toujours être tentée d'écrire.
13:42 De toute façon, j'ai toujours voulu m'exprimer.
13:44 Donc en fait, pendant le confinement,
13:46 je commence à écrire des textes sur Facebook pour garder le lien avec les autres.
13:49 Donc je me mets à écrire sur Facebook comme ça, ces textes.
13:51 Donc 55 textes republiés sur la page de l'Aucancia à Marseille.
13:55 Donc le concours que j'avais fait.
13:56 Et donc en fait, ça m'apporte une visibilité.
13:58 Et puis je vois aussi que les personnes,
13:59 des personnes qui ne me connaissent pas,
14:00 peuvent comprendre cet humour un peu qui frise l'absurde.
14:05 Et donc au bout de trois jours, je me dis ce sera un livre.
14:07 Voilà, ce sera un livre parce que ça marche bien et je le vois bien en livre.
14:11 Donc ça marchera dans tous les cas.
14:12 Je ne sais pas du tout comment je m'y prendrais, mais voilà.
14:14 J'envoie ça à une maison d'édition.
14:15 Je tape maison d'édition.
14:17 Tout simple.
14:17 Et quelques semaines après, j'ai un retour de...
14:20 J'ai une dame qui m'appelle au téléphone pour me dire que ça lui a beaucoup plu,
14:22 qu'elle a beaucoup ri et que voilà, donc qu'elle accepte de méditer.
14:26 Pour moi, déjà, il était évident qu'il me fallait un moyen d'expression
14:30 pour transcender tout ça en fait.
14:32 Il fallait que ça se transforme.
14:34 Il fallait que ça devienne autre chose.
14:36 Et donc il y a l'écriture qui m'est tombée dessus.
14:38 Clairement, je n'ai pas vraiment recherché l'écriture.
14:40 Ça m'est tombée dessus.
14:41 Pour moi, ça m'a choisi.
14:42 Donc c'était comme ça.
14:43 C'était à moi ensuite d'apprendre à dompter un peu ce don
14:48 et à ne pas me laisser totalement possédée par ça,
14:50 parce que j'ai eu une petite phase aussi de relations toxiques avec l'écriture.
14:54 C'est une nécessité pour moi.
14:56 Par l'écriture, on peut soigner plein de choses.
15:00 On peut faire exister des choses qui n'existent pas.
15:03 Enfin, il y a une part de magie qui est énorme.
15:06 Moi, dans les lettres à maman que je suis en train d'écrire,
15:08 je m'adresse à l'illusion de ma mère, c'est-à-dire l'idée de la maman que j'ai,
15:12 qui malheureusement n'existe pas aujourd'hui.
15:15 Donc je m'adresse à elle de cette manière-là,
15:17 comme une jeune fille aimerait appeler sa mère et lui dire
15:21 "Voilà, il m'est arrivé ça, j'ai envie de te le partager",
15:24 les choses de la vie.
15:25 Je n'ai pas de famille pour me confier,
15:28 et puis une maman, c'est important quand on est une fille aussi pour se confier.
15:31 Donc bon, ça passe par l'écriture.
15:33 Ça passe par l'écriture quand je suis en colère,
15:35 quand je suis parfois même contre elle.
15:38 Toutes les lettres sont très différentes.
15:39 C'est en fait, je construis une relation qui est saine,
15:43 que j'aurais peut-être voulu avoir.
15:45 Voilà, on n'a pas les parents qu'on veut, il n'y a pas de souci sur ça.
15:48 Je vais insister sur le fait que ma mère, elle n'est pas condamnée,
15:51 il n'y a pas quelque chose de cet ordre-là.
15:54 C'est que parfois la souffrance, elle est si forte
15:57 que les personnes ferment leur cœur à l'amour, ferment leur cœur à tout.
16:01 Je l'explique aussi dans une lettre, mais je comprends.
16:04 Je comprends totalement tout ce qui s'est passé.
16:07 Après, à moi de voir si j'excuse ou pas.
16:10 Alors moi, je ne suis pas du genre à être dans la vengeance
16:12 et de toute façon, vivre en lui envoulant,
16:14 ça va juste me laisser coincée et m'empêcher d'avancer.
16:17 Donc non, je ne lui en veux pas.
16:19 Et puis voilà, il n'y a pas de condamnation non plus.
16:23 Après, oui, je suis quand même d'accord qu'il y a des choses
16:25 qui sont difficiles à accepter.
16:28 Par exemple, les incitations au suicide, ça, ma mère m'a dit,
16:30 c'est la seule chose sur laquelle elle s'est vraiment exprimée,
16:32 qu'elle s'en voudrait toute sa vie.
16:34 Et je pense qu'il va me falloir pas mal de thérapie pour m'en détacher.
16:36 Mais bon, voilà, après, il y a de procès qui est fait à personne.
16:39 Je le sens dans les lettres que j'écris,
16:41 donc je peux vous lire une lettre peut-être.
16:44 Lettre à maman,
16:45 je vais raconter un peu de toi pour raconter beaucoup de moi.
16:48 Et de toute façon, j'en ai envie.
16:50 J'ai passé ma vie à te protéger, à minimiser, à transformer.
16:55 Là, tu sais, tout va exister une seconde fois.
16:57 Ça va faire mal, mais ça passera.
16:59 On a l'habitude toutes les deux.
17:01 Avant, j'aurais eu peur que tu ne te tues en me voyant ainsi
17:04 te décrire d'une façon que tu n'aimes pas.
17:06 Aujourd'hui, je suis sans crainte.
17:07 Ton amour pour toi n'a pas de borne.
17:09 Je ne serais pas étonnée que tu en caches même une certaine flatterie.
17:13 Maman, pourquoi tu ne te rends pas compte ?
17:15 Tu ne comprends pas que je suis juste à côté de toi.
17:18 Tu m'as envoyé ce mot.
17:20 Bonne fête à toi et tous ceux qui t'entourent.
17:22 Je me demande quelle image de moi tu as bien pu te construire dans ta tête.
17:26 Et peut-être que tu te demandes la même chose à mon sujet.
17:29 Je dirais à la caméra que tu n'as jamais voulu qu'on t'aime.
17:32 Je ne lui dirais pas pour lesquels un repoussé,
17:34 les inconnus se mettraient à s'acharner.
17:36 Mais j'en rêve d'un câlin de toi.
17:38 Toute cette douleur pour finir toutes les deux dans le même caveau
17:41 avec mémé et les abuelos.
17:43 Et voilà, la fin on la connaît.
17:46 Si les choses ne te convenaient pas, tu bougerais.
17:48 Les femmes de la famille ne se laissent pas baigner dans leur jus.
17:52 Moi j'ai fait ce que j'ai pu jusqu'à me perdre moi-même.
17:56 Et toi, tu me sembles être l'exception.
17:58 Tu es l'immobilisme même et tu fais se confondre la vie avec la mort.
18:02 Je ne veux pas croire ce qui va suivre.
18:04 Mais la vue de toi traversant le monde sans y prendre part
18:07 a distillé au fond de ma gorge une amertume
18:09 qui s'est métastasée en cancer de la vie.
18:12 C'est à ta vie que j'ai mal.
18:14 C'est de ta vie qu'il faut m'amputer.
18:16 Quand je lui dis qu'elle ne veut pas être aimée,
18:20 c'est l'impression que j'en ai.
18:22 Oui, peut-être que je me trompe, mais c'est l'impression que j'en ai.
18:26 Ma mère, j'ai l'impression qu'elle a toujours refusé mon amour
18:30 et je suis persuadée qu'elle dirait la même chose,
18:32 que j'ai toujours refusé son amour.
18:33 C'est comme ça en fait.
18:36 Pour moi, ça reste vraiment incompréhensible.
18:38 Ça, c'est quelque chose qui est vraiment important pour moi
18:40 dans la construction de l'identité.
18:42 Quand on est petit et qu'on entend des choses comme ça,
18:44 ou qu'on subit des choses comme ça,
18:49 dans la construction de soi,
18:51 même dans la vision de l'altérité,
18:55 dans la relation à l'autre, ça devient compliqué.
18:57 Et à cet âge-là, je commence déjà à prendre un peu de la graine,
19:02 quand même à 26 ans, à prendre du recul,
19:05 déjà à faire un deuil.
19:06 Faire le deuil d'une personne vivante,
19:09 c'est quelque chose qui est immensément difficile,
19:13 parce que c'est mettre au placard un amour qui est toujours là.
19:16 Il y a beaucoup de deuils à faire.
19:17 Il y a le deuil de l'image qu'on a façonnée de nous étant enfants.
19:23 Ça, il faut le déconstruire, parce que ce n'est pas vrai.
19:25 Je ne suis pas responsable de tout.
19:28 Je ne suis pas une personne...
19:30 Je veux dire, j'ai le droit de vivre.
19:31 Je ne dois pas m'enlever la vie.
19:33 Je ne dois pas...
19:34 Mais tout ça, ce sont des choses qui sont difficiles, mine de rien.
19:37 Même avec toute la volonté et la force du monde,
19:40 j'ai énormément de volonté,
19:41 mais une fois, comme je vous ai dit,
19:43 que la petite graine a été mise dans l'esprit,
19:45 et surtout par une personne aussi importante qu'une maman,
19:48 quand on se construit avec tout ça dans la tête,
19:50 c'est difficile, quand il y a une épreuve, par exemple, dans la vie,
19:53 de se dire "je vaux le coup, ce n'est pas grave",
19:55 ou reconnaître quand une personne nous fait du mal.
19:57 C'est plein de choses à déconstruire
20:00 dans une période où, justement, il y a tout à construire.
20:03 Donc, ce n'est pas facile.
20:04 Mais bon, ça, c'est des choses...
20:07 Il n'y a plus grave, il n'y a plus...
20:09 Mais ça n'enlève pas que ça fait souffrir,
20:13 et que ça reste quelque chose qui est difficile,
20:16 et qui restera, je pense, toute ma vie.
20:18 Ça, c'est quelque chose aussi à accepter.
20:20 Beaucoup de choses à accepter.
20:22 L'absence de la personne.
20:23 Quand on se pose des questions, parfois,
20:24 qu'est-ce que je serais si je n'avais pas entendu tout ça,
20:27 si je ne m'étais pas construite sur ces bases-là ?
20:28 Mais bon, voilà, après, on ne va pas...
20:30 Je me le dis à moi-même, je me dis
20:32 "je ne vais pas me torturer l'esprit avec tout ça,
20:34 je dois avancer".
20:36 Et puis, je prends l'écriture avec moi,
20:40 et je me dis "c'est ça qui va me sauver".
20:43 Je partage mes textes audio aussi sur les réseaux.
20:46 Je les mets en audio parce que je remarque que les jeunes...
20:50 Enfin, il y a beaucoup de gens qui lisent de moins en moins,
20:52 qui s'attardent de moins en moins sur les contenus.
20:54 Je peux comprendre, je peux faire pareil.
20:57 Mais en tout cas, le format audio marche plutôt bien.
21:00 Donc, je mets en version format audio mes textes,
21:04 avec aussi des montages, des images d'archives
21:07 qui collent plutôt bien.
21:08 Enfin, voilà, je fais des petits montages comme ça à mon petit niveau.
21:11 Pour toucher les gens, en fait, tout simplement,
21:13 je ne parle pas toujours de ma mère.
21:14 Au-delà de la relation avec ma mère qui a été ce qu'elle a été,
21:18 j'ai une personnalité qui est...
21:20 Je suis très sensible.
21:21 Donc, c'est ce qui fait que ça a sûrement...
21:24 Enfin, ça a sûrement accentué tout ce que j'ai vécu,
21:27 dans mes ressentis et tout ça.
21:29 Et j'ai beaucoup de mal aussi avec le monde.
21:31 J'ai beaucoup de mal à trouver ma place,
21:34 à me sentir légitime, tout ça.
21:37 Donc, ça, c'est tout un travail que j'ai à faire sur moi.
21:40 Mais voilà, qui ne vient pas que de la relation avec ma mère, évidemment.
21:44 Il y a une part de moi-même où je suis comme ça,
21:48 et toute une autre part qu'on m'a façonnée comme ça.
21:51 Et je dois me dire aujourd'hui que tout ça, ce n'est pas figé, en fait.
21:55 Il n'y a rien qui est figé.
21:57 Demain, je peux être différente.
21:58 Je peux être toute autre chose.
21:59 Et on se construit tous les jours.
22:01 Il y a tout qui bouge.
22:03 Il n'y a rien qui est figé.
22:04 Donc, ça, c'est une bonne nouvelle.
22:04 Merci.

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