SMART SPACE - Emission du vendredi 8 mars

  • il y a 6 mois
Vendredi 8 mars 2024, SMART SPACE reçoit Maxime Puteaux (Spécialiste des lanceurs, Euroconsult) , Anthea Comellini (Astronaute réserviste, ESA) et Philippe Lier (directeur, Centre Spatial Guyanais)
Transcript
00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space.
00:07 Starship bientôt prêt pour son troisième vol d'essai.
00:10 C'est l'annonce de SpaceX qui a fait une répétition générale cette semaine.
00:16 On parlera aussi dans cette émission d'Odysseus.
00:18 La première sonde américaine privée à avoir à l'uni, elle vient d'être plongée dans
00:23 un profond sommeil.
00:25 Et puis cette semaine à Cannes est tenue la deuxième édition d'un forum international,
00:30 Health from Space.
00:31 Un forum qui doit démocratiser l'apport du spatial dans la recherche scientifique dédiée
00:38 à la santé.
00:39 L'astronaute réserviste en Terre, Komelini, sera en ligne avec nous aujourd'hui.
00:44 Et puis dans votre tol, qu'on parle des sites de lancement.
00:48 Le directeur du centre spatial Guyanais sera avec nous depuis la Guyane, ainsi que Maxime
00:53 Putot, spécialiste des lanceurs chez Euroconsult.
00:56 Ensemble, ils vont explorer le sujet de cette petite révolution que vivent aujourd'hui les
01:03 pas de tir dans le monde entier.
01:05 Voilà pour le programme, on démarre tout de suite avec l'actualité spatiale sur Bsmart.
01:09 SpaceX se prépare pour le troisième lancement de sa méga fusée.
01:19 Le 4 mars dernier, la fusée Starship a eu droit à une répétition générale.
01:24 L'entreprise a fait un test de remplissage des réservoirs de Starship et du Super Heavy.
01:29 Selon la journaliste Marie-Ange Sanguie, près de 5000 tonnes de méthane et d'oxygène
01:33 liquide ont été utilisées pour ce test.
01:36 Un compte à rebours officiel a même été lancé pendant ce test et il est désormais
01:41 en stand-by à T-10 secondes.
01:44 On s'attend à un troisième lancement du Starship d'ici les prochaines semaines.
01:52 Précisément, Elon Musk avait dit que ce serait courant mars.
01:55 De toute façon, aucune date officielle n'a été annoncée.
01:58 Il manque en réalité l'accord officiel de la FAA qui ne devrait plus tarder puisque
02:04 la Fédération américaine d'aviation a déclaré avoir bouclé son enquête du second vol.
02:09 Autre actualité, Odysseus, la sonde qui a ramené les Etats-Unis sur la Lune.
02:14 A été mise en veille après son atterrissage mouvementé.
02:18 Vous vous en rappelez, on en a parlé la semaine dernière.
02:20 Intuitive Machines, l'entreprise à l'origine de cette mission commissionnée par la NASA,
02:25 a placé la sonde en mode veille le temps d'une nuit lunaire.
02:29 Trois semaines d'obscurité qui ne permettront pas à l'engin de s'alimenter efficacement
02:34 en énergie.
02:35 D'autant qu'Odysseus a été privé d'une partie de ses panneaux solaires après son
02:40 alunissage rocambolesque.
02:42 Alors si elle n'a pas cette sonde pu accomplir pleinement sa mission, malgré tout elle a
02:48 transmis une série d'images de son atterrissage ainsi que des données scientifiques.
02:53 Alors il faudra maintenant patienter pour savoir si Odysseus va survivre à cette période
02:59 glaciale de la phase nocturne.
03:02 Signe encourageant, cependant, l'agence spatiale japonaise est parvenue à rallumer son atterrisseur
03:08 Slim qui lui aussi était en mauvaise posture sur la Lune.
03:12 Après un mois d'inactivité.
03:14 Dernière actualité, le forum international Health from Space s'est tenu cette semaine
03:20 en France, à Cannes précisément.
03:23 Un forum organisé par le CNES en partenariat avec l'agence spatiale européenne.
03:27 Un événement qui réunit experts et entreprises de la santé pour nous rappeler que l'espace
03:32 joue un rôle déterminant dans la recherche médicale dédiée aux applications terrestres.
03:38 Pour en parler, nous avons en ligne avec nous pour ce col actuel, Antea Komelini, astronaute
03:43 réserviste à l'agence spatiale européenne qui est sur place.
03:47 Bonjour Antea, bienvenue dans Smart Space.
03:50 Racontez-nous pourquoi la santé est au cœur de l'espace cette semaine.
03:54 Oui, bonjour à tous et merci pour l'invitation.
03:58 Au fait, la santé est au cœur de l'espace parce que dans l'espace on rencontre des
04:04 conditions très particulières qu'on appelle souvent apaisanteurs, les termes techniques,
04:08 c'est la microgravité et grâce à ça on peut faire des découvertes très importantes
04:12 dans les domaines de la santé qu'on peut amener sur Terre.
04:15 Vous, vous allez jouer un rôle particulier et en tout cas les astronautes jouent un rôle
04:21 particulier dans cette recherche scientifique, lequel ?
04:24 Oui, exactement.
04:25 Au fait, on peut étudier différents domaines, des domaines comme la physique des fluides,
04:32 des matériaux, la microbiologie et dans ce cas c'est les astronautes qui mènent
04:38 les expériences scientifiques qui sont envoyées dans l'espace par les chercheurs sur Terre.
04:43 Et aussi ils ont un rôle de sujets de test parfois.
04:47 Donc pour tout ce qui est le domaine de la physiologie humaine, eux-mêmes ils font l'expérience
04:54 scientifique et donc ils prennent des échantillons du son et ils vont voir les résultats et
05:01 ils vont donner des informations aux équipes sur Terre.
05:03 C'est l'objet, les astronautes sont aussi l'objet des recherches, vous avez raison
05:06 de le préciser.
05:07 Donc tout ça, ça se passe dans la Station Spatiale Internationale ?
05:11 Oui, c'est bien ça.
05:13 Est-ce que vous avez un exemple d'études en cours à nous donner pour qu'on comprenne
05:17 un petit peu de quoi il s'agit quand on parle d'études scientifiques liées à la
05:21 santé sur Terre ?
05:22 Oui, bien sûr.
05:23 Par exemple, en ce moment, dans la Station Spatiale Internationale, il y a un astronaute
05:27 européen qui s'appelle Andreas Morgensen et il est en train d'amener une étude qui
05:34 va investiguer comment les systèmes immunitaires s'adaptent à de nouveaux environnements
05:38 et de nouvelles conditions, notamment les conditions de l'espace.
05:41 Et donc ça c'est important pour soigner mieux la santé des astronautes quand ils
05:47 sont dans l'espace, mais aussi pour toutes les personnes sur Terre parce que ça permettrait
05:51 de comprendre mieux comment le stress impacte sur la santé de chacun.
05:56 Est-ce qu'on a d'autres exemples peut-être de recherches qui ont abouti aujourd'hui
06:00 et qui nous permettent déjà d'avoir une vie meilleure, en tout cas des soins de meilleure
06:05 qualité ici sur Terre ?
06:06 Oui, bien sûr.
06:07 Par exemple, la recherche sur les matériaux a permis de trouver une façon de cristalliser
06:14 des protéines et qui a permis de faire des découvertes très importantes pour soigner
06:19 un type de dysprophie musculaire qui est une maladie qui affecte des personnes sur Terre.
06:25 Antea, comme Eleni, vous avez croisé aussi des entreprises pendant ce salon.
06:30 Qui on retrouve en fait aux Health from Space qui se tenait cette semaine à Cannes ?
06:35 Est-ce qu'on a des entreprises privées, des acteurs publics aussi ?
06:38 Oui, c'est très intéressant en fait parce que ce type de congrès, ils ont fait réjoindre
06:45 les acteurs typiques de l'espace, donc les agences nationales et internationales, les
06:50 entreprises de la science de la vie, donc ça peut être des universités, des groupes
06:58 de recherche, mais aussi des start-up ou des entreprises dans les privés qui s'occupent
07:04 des médecines, pharmacologie et même les secteurs de la beauté, de la cosmétologie.
07:10 Est-ce que vous diriez, Antea, que c'est indispensable à la santé aujourd'hui l'étude
07:16 spatiale ?
07:17 Oui, je pense que oui, parce que ces conditions de microgravité, effectivement, elles permettent
07:24 de découvrir des choses qu'on ne pouvait pas découvrir en restant sur Terre.
07:30 On vous a perdu sur la fin, Antea, vous disiez qu'on ne peut pas découvrir tout ce qu'on
07:38 découvre dans l'espace sur Terre, pourtant il y a des moyens techniques qui parfois le
07:40 permettent, comme les vols zéro gravité, notamment produits par Novespace.
07:45 Est-ce qu'on ne se rend pas vraiment compte de l'intensité des recherches qui sont données
07:51 24 heures sur 24, finalement, dans l'espace ?
07:53 C'est exactement une question de temps.
07:57 Les vols à zéro gravité permettent de faire des paraboles d'une trentaine de secondes.
08:02 Oui, ça nous permet de faire des démonstrations technologiques, quelques types de recherches,
08:07 mais après, il y a des effets au niveau des microbiologies, par exemple, la culture des
08:14 cellules et tout ça, qui ont besoin d'échelles temporelles beaucoup plus longues qu'elles
08:20 tennent quelques secondes.
08:21 Il s'agit des semaines, même des mois.
08:23 Et c'est primordial pour aller au bout de ces recherches scientifiques.
08:27 Merci Antea Comellini, astronaute réserviste à l'Agence spatiale européenne, d'avoir
08:31 pris le temps de répondre à nos questions aujourd'hui et puis de nous éclairer sur
08:34 l'importance de la recherche médicale et du rôle que jouent surtout l'espace et l'exploration
08:41 spatiale dans cette recherche médicale.
08:43 On enchaîne quant à nous avec le Space Talk, tout de suite sur Bsmart.
08:46 Le Centre spatial Guyane prend la lumière à quelques mois maintenant du lancement de
08:55 la très attendue Ariane 6.
08:57 C'est l'occasion pour nous de faire le tour d'un sujet souvent dans l'ombre,
09:02 celui du défi qui est imposé aujourd'hui au centre de lancement, mais aussi aux pays
09:07 qui souhaitent se doter d'un pas de tir quand ils n'en ont pas.
09:10 Pour en parler, on a Maxime Pluteau avec nous en plateau aujourd'hui.
09:13 Bonjour Maxime, bienvenue sur le plateau de Smart Space.
09:16 Vous êtes consultant industriel chez Euroconsult, spécialiste notamment du sujet des lanceurs
09:22 et particulièrement vous avez travaillé sur le sujet des sites de lancement auprès
09:25 de nouveaux acteurs pour Euroconsult.
09:27 On y reviendra dans cette émission.
09:29 A nos côtés, nous avons aussi depuis la Guyane, Philippe Lillier.
09:33 Philippe, bonjour et bienvenue dans Smart Space.
09:36 Bonjour.
09:37 Alors vous dirigez le centre spatial guyanais qui vient d'ailleurs d'accueillir l'étage
09:45 principal et supérieur d'Ariane 6.
09:46 Comment se porte la fusée européenne ?
09:48 Écoutez, on est en pleine activité autour de cette fusée puisqu'elle est arrivée
09:54 la semaine dernière par bateau à Kourou.
09:57 Elle a été déchargée et actuellement elle est dans le hall d'intégration, c'est-à-dire
10:02 que c'est là où les deux tronçons de la fusée, donc comme vous l'avez dit, l'étage
10:06 supérieur et l'étage inférieur vont être raccordés entre eux.
10:10 Et ensuite, ce qui est prévu, c'est d'amener cette fusée sur le pas de tir en préparation
10:16 du lancement début avril.
10:19 Donc si tout va bien, le 8 avril, elle sera amenée sur le pas de tir en entier.
10:24 Alors le site guyanais, pour l'instant, il est plutôt en stand-by depuis l'arrêt
10:28 d'Ariane 5 et de Vegas-C notamment.
10:31 Quelle est l'activité aujourd'hui du site ? J'imagine que vous êtes assez pressé
10:35 ? Effectivement, l'an dernier, on n'a eu que
10:40 trois lancements, avec le dernier Ariane 5 qui a été lancé à l'été, avec un
10:46 satellite militaire français et puis un satellite de télécommunication allemand.
10:50 Mais depuis, en fait, on profite de cette période de calme pour engager des grands
10:55 chantiers de modernisation de nos installations dont on a besoin, donc des modernisations
10:59 des locaux, des modernisations des infrastructures et puis des logiciels qui nous servent à
11:04 conduire les opérations.
11:05 Et donc on profite de cette période de "calme" en termes de lancement pour lancer tous ces
11:10 chantiers de modernisation qui vont être nécessaires lorsque la cadence de tir va
11:14 réaugmenter.
11:15 La cadence de tir, on va en parler, elle est à priori vouée à augmenter, quoique on
11:20 reste pour l'instant sur des suppositions.
11:22 Maxime, plutôt, aujourd'hui, il n'y a pas qu'Ariane Group qui a besoin d'un
11:24 site de lancement européen, il y a aussi de nouveaux acteurs qui ont besoin de ce
11:28 type d'architecture.
11:29 Et oui, on voit en fait un développement des filières d'accès à l'espace et du
11:32 coup un développement des besoins pour lancer ces lanceurs.
11:36 Et en termes d'infrastructures, l'implantation d'une base de lancement, c'est assez contraint.
11:40 On regarde avant tout l'aspect géographique.
11:42 D'où est-ce qu'on peut lancer en toute sécurité vers les orbites qu'on souhaite ?
11:45 Et on est en train de voir un jeu de chaises musicales entre les sociétés qui ont besoin
11:53 de lancements et les bases de lancement qui pourraient les accueillir.
11:56 Oui, en fait, c'est une opération séduction.
11:58 On peut appeler ça comme ça, des pays qui ont envie d'accueillir ces bases-là.
12:01 Mais est-ce que tous les endroits sur Terre sont bons à prendre pour lancer une fusée ?
12:04 Il n'y a pas beaucoup d'endroits compatibles sur Terre et les meilleures places sont déjà
12:08 prises par les bases de lancement existantes.
12:11 La Guyane notamment.
12:12 La Guyane notamment, la Floride.
12:14 Le vrai enjeu pour les bases de lancement en ce moment, c'est de passer d'un modèle
12:18 où elles avaient été construites par les agences, pour les agences et exploitées par
12:22 les lanceurs des agences, principalement pour leurs satellites, avec un modèle où elles
12:26 s'ouvrent et elles accueillent à la fois des lanceurs commerciaux, mais aussi d'autres
12:30 activités pour se diversifier.
12:32 Cette ouverture, c'est exactement la démarche que vous avez entreprise, Philippe, liée
12:37 au CSG, précisément d'abord avec un appel d'offres qui était destiné à rabattre
12:44 peut-être les start-up qui auraient peut-être besoin d'un pas de tir.
12:48 On a plusieurs exemples, Hyperspace, Latitude, qui sont des start-up qui sont en train de
12:52 mettre au point un lanceur léger.
12:54 Et donc vous allez, ou vous avez entamé des travaux, on ne sait pas précisément
12:59 où vous en êtes aujourd'hui, le site Diamant doit être, je crois, réagencé.
13:02 Tout à fait.
13:05 Le site Diamant, qui est un site historique sur lequel il y avait eu des lancements il
13:11 y a très longtemps et qui n'étaient plus utilisés, est en cours de réhabilitation
13:15 complète pour accueillir les fameux micro-lanceurs.
13:20 On parle de micro-lanceurs à partir du moment où ils ne dépassent pas une charge utile
13:25 de 1 500 kg à peu près.
13:27 Et on a donc aujourd'hui six candidats pour venir s'installer au CSG et on est en train
13:32 de construire les pas de tir correspondants.
13:35 Alors ce sont des pas de tir qui n'ont rien à voir avec un pas de tir à rien de 6,
13:38 c'est beaucoup plus simple, mais on leur fournit des pas de tir pour chacun d'entre
13:43 eux et des installations pour pouvoir intégrer leurs lanceurs et accueillir leurs satellites.
13:47 Donc tout ça c'est en cours et on espère que ça sera terminé, on va dire courant
13:52 2025 pour accueillir les premiers lancements dès la fin 2025.
13:57 Alors comme ça a été dit précédemment, le site de Kourou en fait reste très attractif
14:03 parce qu'il permet à ces micro-lanceurs d'accéder à tous les types d'orbites,
14:08 comme on le voit sur votre animation, on peut partir vers l'est, on peut partir vers le
14:11 nord puisque la zone survolée est tout de suite de l'océan.
14:16 Donc en termes de sécurité, le site est très attractif et en plus sa localisation
14:20 près de l'équateur est favorable pour certains types d'orbites.
14:24 Donc en fait le site reste attractif et on est en train de préparer l'accueil de ces
14:28 nouveaux opérateurs.
14:29 Alors technologiquement vous disiez que c'est plus simple d'envoyer ces micro-lanceurs
14:33 que d'envoyer Ariane 6, concrètement pourquoi ? Parce qu'il y a besoin de moins d'infrastructures
14:38 pour gérer cette explosion qui a lieu concrètement au moment du lancement d'une fusée ?
14:43 Les lanceurs sont plus petits. Alors si on prend la configuration extrême du lanceur
14:48 aéroporté comme la Pulet Virgin Orbit, il s'agissait uniquement d'une piste d'atterrissage
14:52 ou à partir de laquelle un avion décollait et larguait son lanceur.
14:56 Après il y a beaucoup de projets aujourd'hui qui sont mobiles dans leur approche et le
15:01 micro-lanceur et ses équipements peuvent être transportés dans une quinzaine de containers
15:04 mis sur un cargo et non besoin sur place, à proprement parler d'un terrain dégagé
15:10 et de quelques infrastructures de support. Donc on est vraiment dans une mobilité et
15:13 une frugalité des besoins qui est complètement différente, qui laisse à penser que déjà
15:17 on pourrait avoir sur un même site plusieurs lanceurs, mais aussi une mobilité et faire
15:22 venir le lanceur dans un site donné, soit pour répondre aux besoins du client, soit
15:26 pour répondre aux besoins de prestige du client, soit aux besoins de la mission.
15:30 Donc être plus réactif aussi pour avoir une meilleure agilité.
15:33 Tout à fait.
15:34 Mais vous avez cité Virgin Orbit, c'est un très bon exemple. Malgré ce choix technologique
15:39 qui laisse penser qu'on avait peut-être moins de frais aussi de gestion, et on va
15:43 reparler de cette question de la facturation des lancements, c'est un échec aujourd'hui.
15:47 Donc un échec aussi pour la Grande-Bretagne qui voulait profiter de cette occasion pour
15:50 avoir sa propre méthode de lancement. Ça dit, à quel point c'est un challenge de
15:57 se lancer dans cette aventure-là ?
15:58 Tout à fait. Du côté des Anglais, le choix de faire appel à Virgin était un choix de
16:04 bleu tranchant, puisqu'en même temps, au même moment où ils essaient de développer
16:08 des filières locales, ils ont deux bases de lancement en développement au nord de
16:11 l'Écosse, ils ont essayé à tout prix d'avoir un lancement le plus tôt possible en faisant
16:14 appel à un prestataire étranger. Et non seulement le lancement a échoué, en termes
16:19 de prestige politique ça a été la dégringolade, mais en termes de retombées, ça s'est fait
16:25 au détriment des acteurs locaux. Donc ce choix-là, il illustre bien la complexité
16:30 et le tiraillement entre les aspects économiques, les aspects industriels et les aspects techniques,
16:34 puisque ça reste compliqué d'avoir une activité de lancement, quand bien même on
16:37 l'accueille depuis un aéroport. Et politique, parce que ce que vous dites, c'est que les
16:40 conséquences doivent être aussi politiques en matière de gestion des budgets, ces acteurs
16:43 locaux ne bénéficient plus peut-être du même engouement pour continuer à ponctionner,
16:48 alimenter les sites de lancement en cours en Écosse. Est-ce qu'on a d'autres exemples
16:51 comme ça de pays qui s'y mettent ? Les pays nordiques notamment sont plutôt favorables
16:56 et il y a déjà des signatures de contrats avec nos start-up françaises notamment,
17:01 vers ces pays nordiques-là ? Si on prend le cas de la Suède et de la Norvège, on
17:04 a en Norvège le site d'Andoya, qui était déjà un site à partir duquel on tirait
17:08 des fusées sondes et qui va accueillir le lancement de ISAR Aerospace à partir de
17:12 cette année. Et on a également l'Essrange au nord de la Suède, à Kiruna, qui est une
17:16 base de recherche scientifique, on y accueille des antennes pour la réception des données
17:20 satellites mais aussi des activités de ballon et des tests de moteurs fusées et peut-être
17:25 un jour même des décollages de lanceurs. On voit qu'on part part de zéro, vous citiez
17:28 la Norvège, c'est un site historique de lancement de fusées sondes en réalité,
17:32 donc ça veut dire que partir de zéro c'est impossible aujourd'hui financièrement,
17:35 c'est pas rentable ? C'est pas intéressant pour aucun des acteurs,
17:40 à la fois pour les gestionnaires de sites existants qui ont des infrastructures à revaloriser,
17:43 et Kuro est dans cette démarche-là, Cap Canaveral a été dans cette démarche-là,
17:48 et de la part des acteurs émergents, c'est très très cher de partir de zéro. Rocket
17:53 Lab a fait ce choix, SpaceX a fait ce choix à Boca Chica au Texas, mais ça reste des
17:58 exceptions, il y a déjà des beaux sites existants qui certes doivent être modernisés,
18:03 autant en profiter, c'est gagnant gagnant. À Kuro, combien ça coûte de moderniser
18:08 le site Diamant, Philippe Lié ? Le site Diamant bénéficie d'un financement
18:16 France 2030 de 50 millions d'euros qui va servir à moderniser, c'est même plus que
18:23 moderniser, c'est reconstruire le site avec les infrastructures dont j'ai parlé tout
18:27 à l'heure. Alors on va construire plusieurs pas de tir, parce que même si on pourrait
18:32 partager les pas de tir, en fait les opérateurs, comme les pas de tir sont assez simples, préfèrent
18:36 disposer de leurs propres pas de tir pour ne pas avoir de contraintes liées à leur
18:42 cadence, c'est-à-dire pouvoir disposer de leur planning de façon indépendante des
18:46 autres opérateurs. Donc le montant approximatif c'est une cinquantaine de millions d'euros
18:51 pour se doter de cet ensemble-là qui pourra accueillir 6 lanceurs différents avec les
18:56 infrastructures simplifiées, comme ça a été dit tout à l'heure, pour faire l'accueil
19:01 de leur logistique. Donc le modèle économique, grosso modo, si je comprends bien, c'est
19:05 aussi de se donner la possibilité de recevoir du financement de la part de ces opérateurs
19:09 qui auraient en contrepartie leurs propres pas de tir attitrés ? Vous pouvez répondre
19:16 Maxime. Je pense qu'il faut distinguer à la fois
19:18 les sites institutionnels qui à la base n'avaient pas occasion à générer des revenus, les
19:22 sites privés. Pour les sites institutionnels, l'équation économique est assez simple,
19:27 c'est accueillir des utilisateurs sur des pas de tir qui n'étaient plus occupés
19:31 et qui étaient soit voués à la démolition, soit voués à la maintenance de la part des
19:36 agences. Donc c'est faire payer aux secteurs privés ce que les agences devaient supporter
19:40 jusqu'à présent. Ça peut être intéressant et c'est pour ça que, par exemple, à Cap
19:43 Canaveral, la NASA a ouvert les portes à tous les lanceurs commerciaux de manière
19:46 à valoriser et à réutiliser le plus possible ce qui existait déjà et à maintenir de
19:49 l'activité et de l'emploi. Pour les sites commerciaux, c'est plus compliqué et l'équation
19:54 économique n'est pas encore bien définie, puisqu'en fait, l'opérateur, le propriétaire
19:58 de la base de lancement, c'est un peu comme un aéroport. Il a vocation à accueillir
20:02 de l'activité, mais aussi à gagner de l'argent sur le trafic qui va avoir lieu
20:06 à partir de son aéroport. Et dans les bases de lancement émergentes, elles attirent essentiellement
20:11 des petits lanceurs qui ont elles-mêmes des modèles économiques assez fragiles. Et du
20:16 coup, l'équation économique va être compliquée parce que pour les opérateurs de Spaceport,
20:19 il va falloir s'insérer dans cette structure de coûts qui est déjà très très compressée
20:23 de manière à pouvoir vivre et gagner de l'argent sur le dos de ses utilisateurs,
20:26 sans forcément être trop cher pour le passager final qui est le client satellite.
20:30 Évidemment, parce qu'on est toujours dans ce contexte de réduction des coûts et ces
20:33 acteurs ont besoin de pouvoir lancer des petites fusées. Donc les sommes sont considérablement...
20:37 Des dizaines de millions d'euros à peu près.
20:39 Oui, pour un lancement ?
20:40 Pour un lancement. Donc dedans, il va falloir que l'opérateur de lancement couvre tous
20:44 ses coûts, notamment l'allocation ou le paiement de l'utilisation du Spaceport. C'est très
20:48 complexe.
20:49 C'est viable ?
20:50 Ça va être un jeu d'équilibrisme. Tout l'enjeu pour les opérateurs commerciaux va
20:54 être de démontrer qu'ils sont plus efficaces ou plus attractifs que les sites institutionnels
20:58 et à charge aux sites institutionnels de démontrer qu'ils ont l'expertise et l'héritage
21:02 pour attirer ces lanceurs.
21:03 C'est un challenge que le CSG doit relever. Alors, quelle va être cette relation entre
21:08 c'est un site institutionnel et le CSG, mais cette partie commerciale va être développée ? Comment
21:12 on peut considérer l'avenir concrètement du CSG ?
21:15 Tout à fait. Alors, nous, on n'a pas de vocation à établir un business autour de
21:22 ça, mais comme l'a dit Maxime tout à l'heure, en fait, on va donc facturer à ses opérateurs
21:26 d'abord une contribution au développement des infrastructures dont on a parlé tout
21:33 à l'heure et puis une contribution aussi financière à l'utilisation des moyens de
21:37 la base.
21:38 Donc, en gros, l'idée, c'est qu'ils financent un petit peu au pro rata de leur utilisation
21:43 l'investissement qui a été fait pour créer ces pas de tir et puis l'utilisation d'autres
21:47 moyens de la base qui peuvent être des radars, des stations de télémesure, des systèmes
21:51 de sécurité, tout ce qui est alimentation électrique, réseau, etc.
21:57 Mais par contre, on n'a pas vocation à dégager des marges par rapport à ça.
22:02 Donc, c'est juste d'avoir une tarification claire et surtout équitable entre les différents
22:06 opérateurs.
22:07 On aura une grille de tarification très, très claire et parfaitement identique suivant
22:13 les différents opérateurs.
22:14 Alors, il va falloir le réguler en termes d'utilisation, de gestion du manifeste de
22:20 lancement.
22:21 Ça, tout à fait.
22:22 S'il y a beaucoup, beaucoup de lancements, il faudra effectivement gérer qui passe en
22:25 premier, comment on enchaîne les lancements, etc.
22:27 Et ça, on va se doter des outils pour le faire un petit peu comme un aéroport gère
22:33 son trafic aérien.
22:34 Les avions n'atterrissent pas tous en même temps et il y a une gestion et une gestion
22:38 de l'utilisation des moyens de l'aéroport.
22:40 Là, ça sera exactement pareil pour nous.
22:42 Mais en termes de business, c'est-à-dire de tarification, ça sera établi à l'avance
22:46 et avec un tarif identique pour chacun des opérateurs.
22:49 Moi, je me pose une question.
22:53 On a donc ce site en Guyane, on a les divers sites américains qui servent déjà des startups
22:57 européennes.
22:58 SpaceX, Rocket Lab servent déjà à nos startups européennes.
23:02 Aujourd'hui, on a ces sites dans le nord de l'Europe.
23:06 L'Espagne, par exemple, a été capable de lancer sa fusée privée seule, en tout cas
23:12 ses premiers tests.
23:13 Ça commence à faire beaucoup de sites de lancement.
23:17 Est-ce qu'on n'est pas un peu ambitieux sur le nombre de mini fusées qu'on va pouvoir
23:21 lancer dans les prochaines années ?
23:22 Je pense qu'on est ambitieux sur le nombre de projets de lanceurs qui existent.
23:26 La réalité du marché amènera probablement une sélection de deux à trois micro lanceurs
23:32 par région du monde.
23:33 Et de facto, elle amènera aussi à une réduction du nombre de sites de lancement.
23:38 Et nous, ce qu'on observe dans nos statistiques, c'est que le lancement attire le lancement
23:41 et c'est en général les plus gros sites historiques qui ont tendance à attirer les
23:44 nouveaux entrants par la facilité, par le retour d'expérience.
23:46 Donc, en effet, on est un petit peu dans un emballement aujourd'hui qui est alimenté
23:50 en fait par la dynamique autour des petits satellites et des constellations.
23:53 L'industrie voit une montagne de constellations à venir.
23:57 C'est vrai, une partie va se métalliser.
23:59 Du coup, les fournisseurs anticipent et pensent qu'une plus petite montagne de micro lanceurs
24:05 va adresser ce marché-là.
24:06 Et en dessous, on a les spaceports qui espèrent les accueillir.
24:08 Il y aura probablement un effet de rationalisation et un écrémage assez important dans les
24:12 années à venir.
24:13 Oui, il y a probablement trop de bases de lancement, de projets de bases de lancement.
24:17 D'autant que, en face, on a Starship.
24:19 On en a parlé en actualité.
24:20 On a ce genre de vaisseau qui va avoir une capacité d'emport assez extraordinaire
24:26 et qui pourra aussi assez rapidement balayer tous ses besoins.
24:30 Et en même temps, radicalement transformer la manière dont les bases de lancement sont
24:34 conçues.
24:35 Parce que Starship, la manière dont le pas de tir fonctionne, c'est à la fois le pas
24:38 de tir mais aussi la piste d'atterrissage du lanceur.
24:40 Et c'est aussi une problématique que les bases de lancement doivent gérer.
24:43 Déjà en Floride et bientôt peut-être à Kourou, lancer mais aussi récupérer, maintenir,
24:49 revaloriser et relancer.
24:51 Et ça, c'est tout nouveau pour les bases de lancement.
24:52 La maintenance est très importante.
24:54 Est-ce que c'est calculé dans ces frais ? Quand vous parlez d'un lancement à 10
24:57 millions, on part du principe qu'il n'y a pas tous ces frais de maintenance qui,
25:01 eux, appartiennent au port spatial.
25:03 Mais du coup, je me tourne vers vous, Philippe Lié, ces frais de maintenance, ils vous
25:07 incombent ? C'est-à-dire qu'au CSG, l'année dernière, trois lancements seulement.
25:12 Pourtant, il faut faire tourner la base, même quand il n'y a pas de lancement.
25:15 Tout à fait.
25:17 Alors la base, de toute façon, elle doit être maintenue en condition opérationnelle,
25:21 même si on a peu de lancements.
25:22 De toute façon, dans un modèle où on accueille les lanceurs institutionnels, ces frais sont
25:29 couverts à la fois par l'ESA et par la France, à peu près à hauteur moitié-moitié,
25:35 pour maintenir la base en condition opérationnelle.
25:37 Ce qui est absolument nécessaire pour pouvoir repartir et accueillir le retour d'Ariane
25:42 6, enfin les lancements Ariane 6 et le retour de Végas.
25:45 Est-ce que ce sont des chiffres publics ? Je vous interromps, Philippe Lié, est-ce que
25:48 ce sont des chiffres qu'on peut connaître ? Combien ça coûte d'entretenir une base
25:51 spatiale comme le CSG ?
25:53 Une base comme le CSG, c'est de l'ordre de 100 millions d'euros les frais de maintien
25:59 en condition opérationnelle, annuel à peu près.
26:02 C'est l'ordre de grandeur.
26:03 Je voulais conclure peut-être sur cette question.
26:05 Vous allez devoir vous séduire ces acteurs européens.
26:09 Quel va être votre argument pour les amener jusqu'en Guyane ? Vous avez déjà eu une
26:13 promesse avec trois jeunes acteurs, je crois.
26:16 L'idée c'est quoi ? C'est de convaincre toute l'Europe qu'il faut lancer en Guyane ?
26:19 Oui, mais je crois que l'exercice ne sera pas trop difficile parce que d'abord la base
26:24 a de l'expérience.
26:25 Elle apporte toute l'infrastructure qui est nécessaire aux gros lanceurs comme aux petits.
26:33 Elle apporte des conditions de sécurité qui sont très importantes aussi parce qu'il
26:36 faut voir que quand on lance, on prend des risques vis-à-vis des territoires qui sont
26:42 autour, des populations, etc.
26:44 Ici, c'est quelque chose qui est parfaitement maîtrisé.
26:46 D'ailleurs, quand on a fait l'appel à Manifestation d'Intérêt pour accueillir des micro-lanceurs
26:52 sur la base, on a eu beaucoup de réponses, ce qui montre que la base de Kourou a beaucoup
26:57 d'atouts en termes de positionnement, en termes d'infrastructure, en termes de sécurisation
27:02 des lancements.
27:03 On n'est pas inquiet sur le fait qu'elle restera attractive par rapport à ces petits
27:08 lanceurs.
27:09 À nous maintenant de leur mettre à disposition des infrastructures modernes et surtout adaptées
27:14 à leur gabarit, le risque serait de voir trop en faire, de surdimensionner ce qu'on
27:20 leur propose.
27:21 Mais pour l'instant, on est en interaction avec eux et je pense qu'on va avoir une offre
27:25 tout à fait attractive par rapport à ça.
27:28 Merci beaucoup, Philippier.
27:29 Je rappelle que vous êtes le directeur général du Centre spatial Guyane et vous étiez en
27:33 direct de Guyane aujourd'hui.
27:34 Merci, Maxime, d'avoir pris le temps de venir en plateau spécialiste et conseiller
27:38 en industrie spatiale chez Euroconsult.
27:40 Merci à tous de nous avoir suivis pour cette émission à la production.
27:45 L'Élyse Alkin.
27:46 Comme toutes les semaines, on se retrouve dès la semaine prochaine sur Bismarck.
27:49 [Musique]

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