Ça vous regarde - Droits des femmes : quels combats pour demain ?

  • il y a 7 mois
Grand témoin : Oleksandra Matviichuk, Prix Nobel de la paix en 2022

GRAND DÉBAT / Droits des femmes : quels combats pour demain ?

« Le récap » par Bruno Donnet

La journée internationale des droits des femmes de 2024 restera historique en France. Des centaines de personnes de la société civile et du monde politique se sont réunies place Vendôme pour la cérémonie officielle du scellement de l'IVG dans la Constitution. La liberté des femmes à disposer de leur corps est désormais gravée dans le marbre de la loi suprême française. Avec cette avancée, la France inspire le monde mais de nombreux autres combats féministes restent à mener : la lutte contre le harcèlement de rue, les féminicides, les violences sexuelles etc. Une grande manifestation populaire a eu lieu ce 8 mars 2024 dans les rues de Paris pour le rappeler. Le témoignage de Judith Godrèche ou encore les nombreuses plaintes déposées à l'encontre de Gérard Depardieu ou de Gérard Miller prouvent que la parole des femmes continue de se libérer... Face aux différentes évolutions du mouvement, qu'est-ce que cela signifie et implique d'être féministe en 2024 ?

Invités :
- Maxime Ruszniewski, Président de Remixt et auteur de « Petit manuel du féminisme au quotidien » (Marabout),
- Liliane Kandel, sociologue, militante du MLF (Mouvement de libération des femmes),
- Raphaëlle Rémy-Leleu, conseillère de Paris, militante écoféministe et co-autrice de « Beyoncé est-elle féministe ? » (First Editions),
- Anna Toumazoff, activiste féministe et présentatrice radio.

GRAND ENTRETIEN / Oleksandra Matviichuk : le combat d'une Prix Nobel de la paix pour l'Ukraine

Oleksandra Matviichuk, avocate d'origine ukrainienne, dirige le « Centre pour les libertés civiles » dont l'activité principale est de documenter les crimes de guerre russes sur le terrain ukrainien. L'ONG a ainsi recensé près de 40 000 crimes de guerre depuis le début des attaques russes en février 2022. Oleksandra Matviichuk a débuté son travail de documentation et d'alerte en 2014, lors de l'annexion de la Crimée et de la répression séparatiste dans la région du Donbass. Au cours de son activité, elle devient alors témoin de nombreux faits de torture, de viol et de brutalité. Un travail qui vaudra finalement le prix Nobel de la paix à son organisation. Comment celle qui est devenue l'une des plus grandes ambassadrices de l'Ukraine analyse-t-elle la guerre qui fait rage dans son pays ?

Grand témoin : Oleksandra Matviichuk, Prix Nobel de la paix en 2022

LES AFFRANCHIS

- Mariette Darrigrand, sémiologue,
- Laure Daussy, journaliste à « Charlie Hebdo »,
- « Action planète » : Féris Barkat, co-fondateur de l'association « Banlieues climat ».

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres,

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Transcription
00:00 [Musique]
00:05 [Générique]
00:06 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde" ce soir.
00:10 L'appel au sursaut de la prix Nobel de la paix ukrainienne.
00:15 Oleksandra Mavitschuk nous a accordé un entretien exceptionnel à l'heure où la situation sur le front est critique pour les Ukrainiens
00:23 et à l'heure où Emmanuel Macron appelle les alliés de l'Ukraine à ne pas céder à l'esprit de défaite.
00:30 Vous le découvrirez dans la deuxième partie.
00:31 Notre grand débat ce soir, qu'est-ce qu'être féministe aujourd'hui ?
00:36 La grande victoire pour les femmes de l'inscription de l'IVG dans la Constitution a connu son point d'orgue ce matin.
00:42 Place Vendôme, le sceau de la République, a été apposé sur le texte constitutionnel consécration d'un long combat pour la liberté.
00:50 Alors que reste-t-il à conquérir pour l'égalité ? Y a-t-il un féminisme à la française ?
00:56 Nous en débattons dans un instant avec mes invités.
00:58 Enfin, nos affranchis ce soir, le mot de la semaine, Mariette Darré-Grand, le parti pris de l'ordre d'aussi de Charlie Hebdo
01:06 et puis Action Planète avec un petit nouveau dans cette chronique écolo, Féris Barkhage.
01:11 Voilà pour le menu, on y va, "Ça vous regarde", ça commence tout de suite.
01:15 Musique de générique
01:25 Les pionnières des combats féministes étaient toutes là et le soleil au rendez-vous en ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes,
01:35 les françaises, les français ont partagé ce qu'on peut appeler un moment de sincère émotion, cérémonie publique, Place Vendôme,
01:42 on en verra quelques images, le sceau de la République a donc été apposé sur la loi inscrivant l'IVG dans la Constitution.
01:49 Alors maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Quel est le premier combat à mener pour les femmes ?
01:54 Et y a-t-il un féminisme à la française qui pourrait s'aimer dans d'autres pays ?
01:59 Bonsoir Liliane Candel, merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation d'LCP, vous êtes sociologue et essayiste,
02:07 vous êtes membre du MLF dès sa création en 1970, vous avez même été membre du comité de rédaction des Temps Modernes,
02:15 aux côtés de Simone de Beauvoir, avec qui vous avez travaillé, on peut citer parmi vos nombreux ouvrages,
02:20 le sexisme ordinaire, au seuil, préfacé par Simone de Beauvoir, ou encore nazisme et féminisme, c'était chez Odile Jacob.
02:31 Bonsoir Raphaël Rémy-Leleux, merci d'être là, vous êtes conseillère écologiste de Paris et militante écoféministe.
02:38 Bonsoir Anna Toumazoff, bienvenue sur ce plateau, vous êtes activiste féministe, présentatrice sur la radio du service public Le Mouve,
02:47 et à l'initiative du hashtag #SciencesPort sur les violences sexuelles au sein des IEP en France.
02:53 Enfin bonsoir Maxime Rynecki, merci d'être avec nous, vous êtes président de Remix,
02:58 une société de conseils aux entreprises sur l'égalité femmes-hommes au travail,
03:02 et auteur d'un petit manuel du féminisme au quotidien, c'est publié aux éditions Marabout.
03:08 Avant de vous donner la parole, on va faire un petit bilan de l'égalité femmes-hommes dans le récap de Bruno Nenet, qu'on accueille tout de suite.
03:24 Et bonsoir mon cher Bruno, j'attends la fin du jingle dans votre récap ce soir.
03:29 Une petite fille et une lente évolution.
03:32 Une petite fille très malicieuse Myriam, elle se prénomme Elisabeth et voici ce qu'elle répondait en 1977,
03:39 lorsque la télévision avait eu la riche idée de lui demander quelle différence elle voyait entre les femmes et les hommes.
03:45 Moi je trouve que les femmes et les hommes ont un peu plus la même intelligence,
03:50 seulement les hommes ont plus de chance parce qu'ils ont beaucoup plus de droits que les femmes.
03:54 Elisabeth avait tenu à souligner la chance et le supplément de droits dont bénéficiaient les hommes.
04:00 Alors si j'ai choisi de commencer avec cette jeune Elisabeth, c'est très précisément parce qu'une Elisabeth, une autre.
04:06 J'en ai entendu une ce matin en allumant ma radio.
04:09 Et puis en politique, je pense qu'il y a encore beaucoup de clichés.
04:13 Si je vous cite un exemple, vous voyez, dans les noms qui ont circulé pour me remplacer,
04:18 moi je note qu'il n'y avait que des noms d'hommes. Il n'y a pas le nom d'une seule femme.
04:24 D'une Elisabeth à l'autre, 47 ans séparent ces deux extraits.
04:29 Seulement voilà, Édith Cresson la décrit parfaitement bien,
04:32 même lorsqu'on atteint le plus haut sommet de l'État, le sexisme a bien souvent la peau dure.
04:38 Il y a toujours les mêmes injures quand une femme monte à la tribune de l'Assemblée Nationale, vous savez.
04:43 Surtout après le déjeuner, quand ils ont eu un coup, ils crient à poil.
04:47 Et l'on comprend alors pourquoi, au moment de sa nomination au poste de Première Ministre,
04:53 Elisabeth Borne avait donc tenu à s'adresser à toutes les petites Elisabeth.
04:58 Je voudrais dédier cette nomination à toutes les petites filles en leur disant
05:05 "Allez au bout de vos rêves et rien ne doit freiner le combat pour la place des femmes dans notre société".
05:13 Car en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, les avancées, Myriam, se font, c'est vrai, mais à tout petit pas.
05:21 Alors justement, pour illustrer cette lenteur, vous êtes allée chercher, Bruno, quelques chiffres.
05:25 Oui, je vous propose de commencer avec la parité en politique.
05:29 Car depuis 1999, et Lionel Jospin, tous les partis ont l'obligation de présenter le même nombre de candidats
05:36 que de candidateux aux élections législatives.
05:39 Ici, à l'Assemblée Nationale, en l'an 2000, il y avait donc 11% de femmes élues.
05:44 Elles étaient 27% en 2012 et elles sont aujourd'hui 37%.
05:48 L'augmentation est importante, c'est vrai, mais ça ne va pas quand même très très vite.
05:54 Et dans cette Assemblée Nationale, elles sont encore trois fois moins nombreuses que les hommes.
05:58 Sur le front des féminicides, maintenant, en 2006, 148 femmes avaient été tuées par leurs conjoints ou par leurs ex-compagnons.
06:06 Elles étaient 123 en 2016, mais encore 103 l'année dernière.
06:11 Enfin, en matière de salaire, en 1982, les femmes représentaient 75% des travailleurs payés au SMIC.
06:18 Elles sont encore 60% en 2024 et elles sont payées, tenez-vous bien, à travail égal, 15% de moins que les hommes.
06:27 Bref, en ce jour où l'IVG a donc été scellée en grande pompe dans notre Constitution...
06:34 La France est devenue aujourd'hui le seul pays au monde dont la Constitution protège explicitement le droit à l'interruption volontaire de grossesse en toute circonstance.
06:46 On s'aperçoit que les Sceaux se font à très petits pas, d'où l'importance peut-être de les célébrer par de grandes envolées lyriques.
06:56 Marchons et chantons cette loi pure dans la Constitution.
07:12 Voilà, magnifique Marseillaise revisitée par Catherine Ringer, que vous avez tous reconnue.
07:20 On va commencer par revenir sur cette cérémonie. Liliane Kandel, Place Vendôme, vous, l'ancienne militante du MLF, vous qui avez avorté de façon illégale dans les années 70.
07:32 Quels sentiments vous ont traversés toute cette semaine, du congrès de Versailles lundi jusqu'à ces sceaux à poser de la République ce matin Place Vendôme ?
07:41 Une extraordinaire émotion, absolument extraordinaire. J'étais en train de me dire que c'est quand même bizarre de vivre assez longtemps en plus dans un pays où on part de la réunion d'une, deux, trois amies qui se disent
08:01 "J'ai avorté dans des conditions épouvantables, ça n'est pas possible, ça ne peut pas durer" et qui voient trois, quatre, autres cinq amis qui se retrouvent.
08:11 Finalement, elles se retrouvent à dix, à quinze. Finalement, il y a un mouvement qui se fait. Ce mouvement manifeste, fait des graffitis, des slogans, des textes.
08:22 Et quelques décennies, longues, mais quand même quelques décennies plus tard, ce qu'elles se sont raconté entre trois amis est inscrit dans la Constitution.
08:34 Et je pense qu'on ne mesurera jamais assez la chance qu'on a de vivre dans un pays où une telle chose est possible.
08:41 Voilà, ce pays, c'est la France. Et c'est le premier au monde. Qu'est-ce que ça dit de notre pays d'être le premier à envoyer ce message ?
08:50 Est-ce qu'au moment d'ailleurs où le droit à l'avortement est restreint en Europe et remis en cause aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde, est-ce qu'on renoue avec cette fameuse tradition universaliste ?
09:00 Absolument. Absolument. Et ça, je pense qu'on ne le dira jamais assez. C'est évidemment parce que la France et dans l'ensemble, la plupart des groupes féministes se sont réclamés de l'universalisme,
09:17 qu'une telle avancée a été possible et que d'autres avancées maintenant sont encore possibles. Alors tout n'est pas réglé, mais je rappelle quand même Théorème d'Amosiou dont j'ai oublié le nom,
09:31 qui disait que dans une lutte, plus on s'approche du but, plus on est sensible à la différence qui nous en sépare.
09:40 C'est vrai qu'aujourd'hui, les jeunes générations sont extrêmement sensibles à ce qui reste, qui n'est pas réglé et pourquoi il faut continuer à se battre,
09:52 et peut-être pas assez à la distance qui les sépare de la situation où était le MLF dans les années 70.
10:00 Raphaël Rémy-Leleux, c'est intéressant ce message de Liliane Candel, du MLF, parce que ça dit "on a progressé". Il faut regarder le verre à moitié plein.
10:08 Vous êtes d'accord ?
10:10 Bien sûr, on a progressé et avant tout, une reconnaissance à vous toutes qui avez fait le MLF, qui avez continué, qui avez transmis.
10:19 Je pense aussi aux militantes du planning, dont certaines qui sont là depuis des décennies et qui, depuis des décennies, portent un plaidoyer, une expertise,
10:27 une aide concrète aussi aux femmes directement sur le terrain. Et presque ma seule déception sur les images qu'on a de ce matin, c'est qu'elles sont second rang.
10:37 On voit Claudine, on voit Mélanie, on voit les militantes du planning et moi j'aurais eu envie qu'elles soient là.
10:41 Mélanie, c'est Mélanie Vogel, une écologie-sénatrice qui a pesé la première PPL sur...
10:46 Claudine Montaigne pour la figure historique.
10:49 Absolument. Et toutes ces femmes avec qui nous, on a la chance, pas seulement de lire ce que vous avez écrit, mais de militer avec vous.
10:55 Et ça, c'est extraordinaire et c'est vrai qu'on fait beaucoup de progrès.
10:58 Donc vous reprenez ce flambeau-là du MLF, années 70.
11:02 Et je me souviens, il y a quelques années, on avait tendance à dire aux femmes de mon âge "vous êtes la génération d'après le MLF".
11:09 Sauf qu'il y a une autre génération entre nous, qui est celle de ma maman.
11:13 Et je trouve qu'il y avait eu quand même dans les années 80-90 un affaissement des droits et des femmes qui ont été passées au rouleau compresseur
11:21 parce qu'on leur a dit "maintenant vous avez le contrôle de l'égalité, c'est à vous de tout faire".
11:26 Et ces femmes-là ont été détruites, y compris en termes de santé, en termes de charge mentale.
11:30 Et là, il y a eu un renouveau qui a permis tout ça.
11:32 Et je trouvais très intéressant ce que vous disiez sur la sensibilité à la différence qui reste.
11:37 Parce que c'est vrai qu'on pourrait se dire "tiens, les jeunes féministes ne sont pas assez sensibles à tous les progrès qui ont été faits".
11:43 Mais c'est pour ça que pour nous, la notion de matrimoine, d'héritage est extrêmement importante.
11:48 Donc matrimoine, on voit là un combat féministe dans la langue, je précise.
11:54 Et on pourrait se dire que justement ça manque peut-être encore de connaissance de notre histoire des femmes.
12:00 Et c'est un combat féministe de mieux connaître l'histoire des femmes.
12:03 Mais en face de nous, je trouve aussi qu'on a des courants réactionnaires ou masculinistes
12:08 qui eux sont très sensibles à la différence qui reste, à l'inégalité qui reste,
12:13 et qui cherchent à la préserver par tous les moyens, y compris des moyens très violents.
12:17 Donc on est dans ce moment-là.
12:18 On est en France, on parle beaucoup du backlash aux Etats-Unis, après la déferlante #MeToo.
12:23 On risque ça en France ?
12:25 Bien sûr.
12:26 Le courant conservateur, masculiniste, on le voit aux Etats-Unis avec Trump.
12:30 On le vit en tant que militante féministe, on le voit dans le dernier rapport du Haut Conseil à l'égalité.
12:34 Il y a une opposition au féminisme qui est beaucoup plus structurée.
12:38 Moi j'aime beaucoup ce que raconte Andrea Dworkin, à savoir que l'opposition au féminisme,
12:42 c'est vraiment la haine des femmes, parce que les féministes ne font que ça,
12:45 demander l'égalité et le respect en tant que femmes.
12:48 Donc ce courant se structure de plus en plus.
12:50 On le voit par exemple sur les campagnes qui ont eu lieu contre l'avortement.
12:53 Et puis on le voit là même sur cette sorte de deuxième séquence #MeToo dans le cinéma,
12:58 où moi il y a des commentateurs, des éditorialistes qui me disent
13:01 "Ah oui, mais maintenant ça va vraiment bouger".
13:03 Sauf qu'il y a cinq ans, on me disait la même chose.
13:06 Donc là il est temps d'acter les avancées.
13:08 Donc on sent la vigilance.
13:10 Le verre à moitié plein, mais il faut continuer à se battre.
13:13 Maxime Rouzinski, moi j'étais frappée parce que,
13:15 pour parvenir à cette inscription de l'IVG dans la Constitution,
13:19 il y a eu plusieurs mois, presque une petite année, ça a été long.
13:23 Et puis surtout il y a eu des visages pour porter ce combat.
13:26 Que des femmes.
13:27 Alors certes les hommes ont voté, je ne suis pas du tout en train de dire
13:30 que c'est uniquement grâce aux parlementaires féminins,
13:34 mais ils étaient où ?
13:36 C'est quand même étonnant qu'aucun homme ne se soit dit "c'est mon combat".
13:40 On a vu, on a parlé de Mélanie Vogel, Mathilde Panot, Aurore Berger,
13:45 il y a aussi Yael Braun-Pivet qui a porté ce texte.
13:48 On peut parler de Laurence Rossignol au Sénat.
13:50 Il n'y a pas eu d'hommes.
13:51 Est-ce que je me trompe en me disant que c'est dommage ?
13:54 Il y a eu des hommes assurément qui ont porté ce combat.
13:56 Est-ce qu'il y en a eu assez ? Certainement pas, parce qu'il n'y en a jamais assez.
13:59 Est-ce que maintenant, si on se met par exemple du point de vue de,
14:02 prenons par exemple Patrick Cannaire,
14:04 qui est le patron des sénateurs socialistes au Parlement.
14:07 Je connais personnellement ses engagements sur l'IVG,
14:09 je sais qu'il a beaucoup œuvré en coulisses.
14:11 Moi je trouve ça normal qu'il mette en avant Laurence Rossignol,
14:14 ancienne ministre des Droits des Femmes,
14:16 pour être dans la lumière et porter ce combat.
14:18 Je trouve ça complètement logique.
14:20 Que les hommes ne soient pas dans la lumière sur l'IVG, ça ne me choque pas.
14:23 En revanche, est-ce qu'ils ont été suffisamment précurseurs
14:27 pour pousser le législateur à légiférer ?
14:30 Ça c'est une autre question.
14:31 Est-ce qu'un homme peut parler du corps des femmes ?
14:33 Parce que c'est ça dont il s'agit.
14:34 Je crois que les hommes peuvent en tout cas œuvrer à la place où ils sont
14:38 et à leur juste place pour défendre les droits des femmes.
14:41 Et ça j'y crois énormément.
14:42 Et j'y crois aussi pour une raison extrêmement pragmatique.
14:44 C'est que, qu'on le veuille ou non,
14:46 aujourd'hui les hommes détiennent toutes les sphères de pouvoir.
14:48 Je trouve ça personnellement très triste.
14:50 Toutes les sphères, vous diriez ?
14:52 Oui absolument toutes.
14:53 Les sphères économiques, politiques, culturelles, sportives.
14:56 Vraiment, j'ai essayé d'en citer une, je n'en connais pas une seule
14:58 qui n'est pas dirigée par des hommes aujourd'hui.
15:00 On est à l'Assemblée nationale, c'est une femme qui préside.
15:02 En majorité.
15:03 Oui, mais la majorité des députés qui font la loi sont des hommes.
15:06 Donc il y a vraiment très très peu d'exceptions, voire pas.
15:08 Donc je pense qu'il faut être à sa juste place.
15:11 Mais d'un mot, je voudrais revenir sur le titre de cette émission
15:14 et sur le mot "féministe".
15:15 Qu'est-ce qu'être féministe aujourd'hui ?
15:16 Parce que je sais qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent,
15:18 et moi je le vis au quotidien, qui me disent
15:20 "Ah oui, mais moi je suis pour l'égalité entre les femmes et les hommes,
15:22 mais je ne suis pas féministe."
15:23 Et je pense que c'est intéressant, collectivement,
15:25 de se poser cette question de notre rapport à ce mot.
15:28 Pourquoi tant de gens ont du mal à l'utiliser pour eux-mêmes ?
15:31 Alors que, comme ça vient d'être dit à l'instant,
15:33 être féministe, c'est ni plus ni moins être pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
15:37 Moi, personnellement, par exemple, j'adore dire que je suis féministe,
15:40 d'ailleurs souvent on me dit "Non, il faut que tu dises alliée."
15:42 Je dis non, c'est très important, justement, comme le disait Raphaël,
15:44 pour ne pas laisser celles et ceux qui sont contre l'égalité,
15:47 il faut être tous sur la même moulette, tous dans le même camp,
15:50 pour et toutes, pour essayer d'œuvrer pour une meilleure égalité
15:53 entre les femmes et les hommes.
15:54 Et donc, je pense que ce terme "féministe", pour conclure,
15:57 c'est un mot important parce qu'il nous renvoie à celles, dont vous, madame,
16:01 qui ont permis l'avancée des droits.
16:04 Sans les féministes, attention, on ne pourrait pas,
16:06 les femmes ne pourraient pas voter, elles ne pourraient même pas porter un pantalon,
16:09 elles n'auraient pas le droit d'ouvrir un compte en banque.
16:11 Donc, il faut rendre hommage à ces féministes,
16:13 une journée comme celle d'aujourd'hui, le 8 mars,
16:15 et dire "Oui, je suis pour l'égalité, je suis féministe."
16:18 - Alors, est-ce qu'il y a un féminisme, à la française,
16:21 ou des féminismes dans notre pays,
16:23 ou un féminisme outre-Atlantique et un féminisme républicain ?
16:28 On va se poser la question.
16:30 Je reviens vers vous, Anatole Toumazoff, dans un instant,
16:32 mais quels sont les combats à mener maintenant ?
16:34 Au fond, c'est ça la question.
16:36 S'il y avait un ou deux combats prioritaires,
16:39 on a posé cette question dans les cortèges parisiens, ce 8 mars,
16:42 et je vous pose la question à vous, juste après.
16:44 Regardez, c'est signé Marco Pommier.
16:47 [Musique]
16:55 - Il y a l'égalité salariale,
16:57 il y a le fait aussi qu'il faut toujours combattre la société patriarcale,
17:00 qui est très présente.
17:02 Il y a celle, en fait, de la violence contre les...
17:04 Enfin, j'ai déjà dit la violence faite aux femmes,
17:06 mais aussi tout ce qui va être de l'ordre de harcèlement.
17:08 [Bruits de la foule]
17:12 - Ça commence à l'école.
17:13 Il y a quelques pancartes très chouettes, là,
17:15 qui disent que l'éducation féministe doit commencer à l'école.
17:19 C'est à partir de là qu'il faut parler
17:22 de la différence entre les hommes et les femmes,
17:24 parce qu'elle est tellement flagrante
17:27 que si on n'en parle pas,
17:29 on a une méconnaissance totale quand les êtres se rencontrent.
17:32 [Bruits de la foule]
17:36 - Les rares qui arrivent à sortir du pays
17:38 se retrouvent en fait en exil au Pakistan ou en Iran,
17:41 et elles se retrouvent coincées à subir encore des violences,
17:44 à être encore discriminées,
17:46 et elles sont en attente de visas pendant des mois,
17:48 parfois pendant un an,
17:50 et nous, on demande aux États de la communauté internationale
17:53 d'agir, et notamment à la France,
17:55 de délivrer des visas pour ces femmes.
17:58 [Bruits de la foule]
18:01 - Nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait vraiment...
18:03 qu'on ouvre une sorte de conférence sociale
18:05 pour qu'il y ait des augmentations de salaires
18:07 dans tous les métiers les plus féminisés,
18:09 c'est-à-dire l'éducation, le soin,
18:12 tout ce qui est la santé.
18:14 On sait que c'est là, le nettoyage,
18:16 on sait que c'est ces métiers essentiels
18:18 qui restent complètement sous-valorisés.
18:21 [Bruits de la foule]
18:24 - Il y a une injonction paradoxale, c'est parler,
18:27 et quand vous parlez, on ne vous croit pas.
18:29 On a un président de la République, quand même,
18:31 qui trouve que Gérard Depardieu rend fière la France.
18:34 Moi, ce qui me rendrait fière, c'est que quand les femmes,
18:36 elles parlent, on les croit,
18:38 et qu'on ne dise pas qu'il y a la présomption d'innocence
18:42 qui fait qu'en fait, on ne les croit pas.
18:45 - Voilà, pour ces différentes paroles
18:47 féministes de différentes générations,
18:49 c'est intéressant parce que, selon les âges,
18:51 on voit quand même des différences.
18:53 Pas forcément à chaque fois, on retrouve aussi des pompes,
18:55 mais le social, l'éducation,
18:58 la question de l'égalité au travail,
19:00 peut-être pour les plus âgées, et plus jeunes,
19:02 c'est cette question des violences qui est forte quand même.
19:05 Vous, vous considérez, Anna Toumezoff,
19:07 que les violences contre les femmes,
19:09 quelles qu'elles soient, sexuelles et sexistes,
19:11 c'est la grande priorité aujourd'hui du combat féministe ?
19:14 - Après, je ne crois pas qu'il puisse y avoir
19:16 de combat qui soit vraiment secondaire,
19:18 parce qu'évidemment, le droit des femmes,
19:20 il faut avoir une vraie émancipation professionnelle
19:22 et capitale, puisqu'on le sait,
19:24 une femme qui est dépendante économiquement de son conjoint
19:27 sera plus à même de devoir rester malgré des violences.
19:30 Donc, en fait, tout est lié.
19:32 Mais évidemment, je crois qu'il y a une réelle hémorragie
19:36 en ce qui concerne les violences sexistes et sexuelles,
19:40 c'est-à-dire qu'il y a un nombre de féminicides
19:42 qui baisse très peu,
19:44 il y a un nombre de violences sexuelles qui est constant,
19:46 100 % des femmes ont déjà été harcelées dans les transports.
19:49 Le harcèlement de rue, c'est une vraie atteinte
19:51 à notre liberté.
19:53 En parlant avec des amis hommes,
19:55 quand j'essaie vraiment de leur faire comprendre
19:57 le côté très palpable du sexisme,
19:59 je leur dis, "Rendez-vous bien compte
20:01 "que nous n'avons pas une réelle liberté de déplacement
20:04 "quand on doit faire un peu attention à notre tenue
20:07 "quand même pour sortir le soir,
20:09 "quand on doit quand même faire un petit peu attention
20:11 "à notre itinéraire, à notre état,
20:13 "et quand, enfin, un groupe de filles
20:15 "qui se séparent à l'issue d'un dîner
20:17 "va inévitablement se demander,
20:19 ""Est-ce que t'es bien rentrée ?"
20:21 Je ne crois pas qu'ils se demandent ça.
20:23 -Quand vous avez initié ce hashtag #SciencesPort,
20:26 on s'en souvient tous, mais vous aviez imaginé
20:29 cette vague-là, vous aviez imaginé
20:31 que dans des IEP, dont on imagine
20:33 qu'il faut quand même
20:35 un certain niveau d'éducation,
20:37 d'instruction, de civilité,
20:39 on arriverait à autant de paroles
20:41 de femmes victimes ?
20:43 -Je l'avais merveilleusement bien imaginé
20:45 parce que s'il y a un domaine
20:47 dans lequel je crois très profondément
20:49 que c'est l'universalisme,
20:51 c'est l'universalisme des violences
20:53 que perpétuent les hommes.
20:55 C'est-à-dire que d'aucunes
20:57 vont parfois axer sur les violences
20:59 uniquement perpétrées par les hommes
21:01 d'origine immigrée,
21:03 les hommes de milieu populaire, etc.
21:05 Parce que finalement, ça va servir
21:07 une parole raciste.
21:09 D'autres vont parfois plus axer,
21:11 évidemment, sur des violences sexuelles
21:13 et sexistes perpétrées par les hommes
21:15 dominants, c'est-à-dire ceux qui ont des moyens,
21:17 qui ont une éducation, etc.,
21:19 une éducation académique.
21:21 C'est le terme souvent qui est employé.
21:23 Moi, je crois que malheureusement,
21:25 il y a quelque chose d'assez universel.
21:27 -Elle est dans tous les milieux sociaux.
21:29 -Et effectivement, au cours de ces hashtags,
21:31 il n'y a pas eu que Sciences Po,
21:33 il y a eu aussi Uber, C'est Over,
21:35 où les chauffeurs Uber, c'était pas forcément
21:37 le même public que les étudiants de Sciences Po.
21:39 On voyait les mêmes violences, finalement,
21:41 lors du hashtag #DoublePenne, aussi,
21:43 sur la mauvaise prise en charge
21:45 des plaintes des femmes, ce qui mène à des féminicides,
21:47 malheureusement, et à une obstruction à la justice.
21:49 On voyait aussi qu'il y avait tout profil.
21:51 Malheureusement, il n'y a pas un profil type de l'agresseur.
21:53 -Liliane Candel, ce qui marque vraiment
21:55 la nouveauté des combats féministes,
21:57 c'est le mouvement #MeToo.
21:59 Ça, c'est une forme de révolution.
22:01 Est-ce que vous utiliseriez ce mot-là,
22:03 "libération de la parole"
22:05 avec un électrochoc mondial ?
22:07 On voit ce qui se passe aujourd'hui
22:09 dans le cinéma.
22:11 Comment vous regardez ce mouvement
22:13 et est-ce que vous le trouvez
22:15 salutaire dans toutes ses dimensions ?
22:17 -D'abord,
22:19 je crois qu'il faut dire
22:21 que
22:23 le fait de dire "moi aussi"
22:25 bien avant #MeToo,
22:27 dans les tout premiers moments
22:29 du MLF,
22:31 ça s'appelait des groupes de conscience.
22:33 Il y avait
22:35 4, 5, 6 filles qui se réunissaient
22:37 et l'une qui disait
22:39 "J'ai embêté,
22:41 je dois aller
22:43 voir mon grand-père demain,
22:45 il est quand même
22:47 pas très facile."
22:49 Et il s'en trouvait
22:51 toujours une autre pour dire "oui,
22:53 mais moi aussi, j'ai eu un problème avec mon oncle."
22:55 Et le "moi aussi" est effectivement
22:57 quasiment un slogan,
22:59 mais c'est le début
23:01 de la solidarité,
23:03 d'abord de la prise de conscience
23:05 qu'on n'est pas seul,
23:07 qu'on n'est pas folle, qu'on ne se raconte pas des histoires.
23:09 Le début
23:11 de la solidarité,
23:13 le début,
23:15 et le commencement du début de possibilité
23:17 d'une action collective.
23:19 Donc, évidemment, #MeToo,
23:21 c'est absolument fondamental.
23:23 Dans n'importe quel groupe de personnes,
23:25 d'ailleurs opprimées, la première chose,
23:27 c'est de se réunir et de s'apercevoir
23:29 qu'on a un destin. - Et le #MeToo numérique,
23:31 parce qu'il y a le #MeToo
23:33 entre amis,
23:35 et puis il y a la caisse
23:37 de résonance que lui ont donné
23:39 les réseaux sociaux. Qu'est-ce que vous en pensez ?
23:41 - J'en pense beaucoup de choses.
23:47 J'en pense qu'il est absolument
23:49 fondamental que les femmes
23:51 puissent parler,
23:53 dire de quoi elles souffrent,
23:55 et lutter contre.
23:57 Je dois dire
23:59 personnellement,
24:01 je ne suis pas du tout
24:03 partisane des tribunaux
24:05 médiatiques et des tribunaux
24:07 populaires.
24:09 Même s'ils ont
24:11 été pendant un temps
24:13 nécessaires pour faire avancer quelque chose,
24:15 et faire savoir
24:17 que, pour votre
24:19 génération, un certain
24:21 nombre de choses qui, pour nous,
24:23 passaient sans problème.
24:25 Vraiment, un regard
24:27 de biais,
24:29 une remarque un peu gauloise,
24:31 on n'y pensait
24:33 même pas. Et je pense
24:35 que c'est tout à fait important que,
24:37 peut-être un peu grâce à nous,
24:39 votre seuil de tolérance est remonté
24:41 à ce point-là.
24:43 Ceci dit, je pense
24:45 que je suis
24:47 évidemment extrêmement
24:49 légaliste. Je pense que, dans toute la mesure
24:51 du possible, on est dans un pays,
24:53 dans un état de droit, où la justice
24:55 marche. Pas assez.
24:57 Il faut évidemment tout faire
24:59 pour qu'elle fonctionne mieux, mais qu'on ne peut
25:01 pas se substituer à la justice.
25:03 - Raphaëlle Rémy-Leleu, d'accord avec ça ?
25:05 Le temps de la justice doit être respecté.
25:07 Il est forcément plus long
25:09 que celui des noms qui sont
25:11 balancés,
25:13 parfois, c'est le mot, hein. "Balance ton
25:15 porc sur les réseaux". - En fait,
25:17 moi aussi, je suis extrêmement légaliste.
25:19 Je suis élue de la République.
25:21 Le problème, c'est que, tout à l'heure,
25:23 on parlait un peu de civilisation.
25:25 Le problème, c'est que notre civilisation a été bâtie,
25:27 y compris sur les violences
25:29 faites aux femmes, faites aux enfants,
25:31 sur ces violences sexistes et sexuelles.
25:33 Et j'adorerais, aujourd'hui, en être
25:35 au stade où je pourrais dire
25:37 "Oui, l'état de droit, celui que je défends,
25:39 celui que j'ai étudié, celui
25:41 auquel j'ai envie de croire et dans lequel
25:43 je m'investis, fonctionne."
25:45 Mais ça n'est pas le cas.
25:47 On a moins d'un pour cent, c'est 0,6 pour cent
25:49 des plaintes... - Vous-même, vous en avez
25:51 fait l'expérience personnelle. - ...à une condamnation.
25:53 Moi, j'en fais
25:55 l'expérience personnelle, puisque j'ai attendu
25:57 des mois et des mois avant
25:59 d'avoir droit à un procès
26:01 pour, en l'occurrence,
26:03 en mon cas, pour des violences conjugales.
26:05 Et je n'ai toujours pas obtenu
26:07 ni la réparation,
26:09 ni tout ce que j'étais en droit
26:11 d'attendre de la justice. Donc, aujourd'hui,
26:13 ça ne fonctionne pas, notre système.
26:15 Il faut absolument l'améliorer.
26:17 Ensuite, ce qui se passe sur
26:19 les réseaux sociaux
26:21 et ce que beaucoup appellent,
26:23 à mon sens, de manière impropre,
26:25 les tribunaux médiatiques ou populaires,
26:27 parce qu'on sent aussi
26:29 cette rhétorique du "MacCartyisme",
26:31 du "grand colonialisme",
26:33 "Elle s'organise entre elles".
26:35 - La chasse aux sorcières, on dit parfois.
26:37 - Oui, un peu, mais en même temps, il va bien falloir
26:39 qu'on s'organise entre nous, tout de même,
26:41 parce que ce qui existe aujourd'hui
26:43 et ce qui est la norme dans l'espace public,
26:45 dans le discours public,
26:47 c'est l'impunité.
26:49 Et c'est le soutien des hommes,
26:51 éventuellement des hommes agresseurs,
26:53 entre eux.
26:55 Et c'est ça que je pense,
26:57 ce que confronte MeToo.
26:59 C'est le fait d'avoir une rupture
27:01 dans le discours public,
27:03 dans le discours majoritaire.
27:05 Alors, bien entendu, c'est difficile,
27:07 et d'ailleurs, les femmes qui parlent s'exposent aussi beaucoup.
27:09 On a vu, par exemple, se développer
27:11 nombre de ce qu'on appelle des procédures Bayon.
27:13 C'était le cas dans l'affaire Bopin.
27:15 Bopin, qui n'a pas pu être condamné
27:17 pour les violences commises
27:19 à l'encontre de plusieurs militantes
27:21 et qui a perdu, après avoir attaqué
27:23 en diffamation, ces mêmes militantes.
27:25 Alors, c'est une évolution de la société
27:27 qui doit se faire, je pense,
27:29 en coordination,
27:31 en fait, à la fois sur l'espace politique,
27:33 mais aussi sur l'espace...
27:35 - Mais c'est possible, sans rupture,
27:37 sans fracas, sans excès ?
27:39 - Mais le fracas, il a lieu.
27:41 Il y a plus de 100 femmes qui sont victimes de féminicide
27:43 chaque année, on est plus de 215 000
27:45 victimes de violences conjugales.
27:47 Le fracas a lieu, c'est simplement qu'avant,
27:49 comme étant un fracas. - Maxime Rouzneski,
27:51 sur le temps de la société, qui va vraiment plus vite que le temps de la justice ?
27:53 - Oui, justement, là-dessus, il faut vraiment dire
27:55 à celles et ceux qui nous écoutent quelque chose de très important,
27:57 parce que je sais que tout le monde est attaché
27:59 à la présomption d'innocence. Moi-même, je suis avocat
28:01 de formation, j'ai baigné là-dedans,
28:03 j'ai passé mes études de droit à essayer de comprendre
28:05 cette présomption d'innocence. Et il faut bien
28:07 comprendre que les féministes ne sont pas contre la présomption
28:09 d'innocence. Mais le temps de la protection
28:11 des victimes n'est pas le même que le temps
28:13 de la justice. Et d'ailleurs, il faut bien
28:15 avoir en tête que les magistrats,
28:17 parfois, prennent des mesures conservatoires
28:19 pour protéger les femmes avant
28:21 que les auteurs soient condamnés.
28:23 - Quand il y a un signalement, par exemple, dans une entreprise,
28:25 on ne peut pas attendre un jugement.
28:27 - Évidemment. - Il faut bien...
28:29 - Plus avancer en fait. - Éloigner la personne.
28:31 - Il y a ce qu'on appelle l'ordonnance de protection,
28:33 et heureusement qu'elle existe, pour protéger les femmes
28:35 victimes de violences avant que les hommes
28:37 soient condamnés. Donc, ce que je veux dire
28:39 par là, c'est qu'il faut protéger les victimes.
28:41 On est dans un pays où, je le rappelle,
28:43 le budget de la justice, plutôt le pourcentage du PIB
28:45 accordé au ministère de la Justice,
28:47 est très, très, très en deçà
28:49 de ce que font d'autres ministères
28:51 de la Justice dans des pays beaucoup moins riches
28:53 que le nôtre. Ça veut dire quelque chose.
28:55 On a décidé de ne pas mettre d'argent
28:57 pour soutenir les victimes,
28:59 poursuivre les plaintes. Donc, face
29:01 à ce déni, finalement, de démocratie,
29:03 puisque les plaintes n'aboutissent pas,
29:05 et souvent, d'ailleurs, les femmes se découragent
29:07 à porter plainte, eh bien, qu'est-ce qui se passe ?
29:09 Comme vous l'avez dit, la société est en avance
29:11 par rapport à ce temps judiciaire,
29:13 et donc, la société crie, voilà, "Me too",
29:15 "J'ai été victime de violence",
29:17 et effectivement, je fais partie de celles et de ceux
29:19 qui pensent que cette parole-là
29:21 doit être écoutée et elle ne doit pas être,
29:23 comment dire, prise avec méfiance.
29:25 Moi, j'entends trop de "Il y a des dérives",
29:27 "Il y a des hommes qui sont accusés à tort",
29:29 etc., mais posons-nous deux secondes.
29:31 Quel est l'intérêt d'une femme... -Oui, on vous croit.
29:33 Une présomption de crédibilité,
29:35 par rapport à la présomption de sincérité.
29:37 -Vous comprenez bien la difficulté de se mettre en avant,
29:39 de parler de soi. Quel est l'intérêt
29:41 de ces femmes-là de dire "J'ai été victime de violence" ?
29:44 Aucun. -Dans ce dialogue
29:46 entre féministes et générations
29:48 de différentes féministes, j'aimerais bien vous entendre
29:50 sur le néo-féminisme. Est-ce que ça existe ?
29:52 Je sais que certaines
29:54 d'entre vous disent au fond
29:56 cette expression, ce sont ceux qui
29:58 les critiquent. Déjà,
30:00 les féministes d'aujourd'hui qui l'utilisent,
30:02 elle est connotée négativement.
30:04 C'est quoi, le néo-féminisme ?
30:06 -Le néo-féminisme, ça existe,
30:08 mais c'est un terme qui date des années 20.
30:10 C'était pour opposer un mouvement féministe
30:12 différentialiste, qui défendait l'idée
30:14 que les hommes et les femmes étaient
30:16 par nature différents, et c'était
30:18 pour opposer ça aux suffragettes.
30:20 Donc, ça existe, mais...
30:22 Ça veut pas dire
30:24 que ça n'arrive pas. -Je pose une question.
30:26 -Non, mais du coup, je suis toujours très étonnée,
30:28 en fait, par
30:30 l'ensemble de la presse,
30:32 j'ai l'impression qu'il y a une méconnaissance
30:34 d'une menace,
30:36 quand même, actuellement.
30:38 C'est le fascisme
30:40 qui est en train d'envahir la société sous toutes ses formes.
30:42 -Le fascisme ? -Oui.
30:44 -Les mots sont forts. -Bien sûr,
30:46 mais le terme néo-féministe
30:48 vient des sphères d'extrême-droite américaines
30:50 et sert à disqualifier
30:52 toute forme de féminisme.
30:54 L'idée serait de dire que le féminisme
30:56 actuel ne veut plus défendre
30:58 l'égalité homme-femme,
31:00 mais serait là pour
31:02 asseoir une supériorité féminine
31:04 qui, je pense, n'a jamais été le combat
31:06 d'aucune féminisme. -Par la guerre aux hommes,
31:08 la guerre des sexes. -Ca viendrait opérer
31:10 une rupture entre le féminisme actuel,
31:12 qui serait un féminisme revanchard, belliqueux
31:14 et dangereux pour l'ensemble de la société,
31:16 à un féminisme d'avant,
31:18 qui était un féminisme respectable, alors qu'on sait
31:20 que, j'imagine, vos contemporains
31:22 n'étaient pas tous d'accord avec vous.
31:24 -Justement, Liliane Candel, rupture
31:26 ou continuité entre le féminisme
31:28 ancien et le féminisme moderne ?
31:30 Est-ce qu'on peut l'appeler comme ça ?
31:32 -Écoutez, il faut être sérieux.
31:34 Il n'y a pas un féminisme,
31:36 il y a des féminismes.
31:38 Il y a eu,
31:40 dans les années 70, des batailles
31:42 historiques entre féministes
31:44 universalistes et féministes différentialistes.
31:46 Et au bout du compte,
31:48 on se retrouvait toutes ensemble
31:50 pour...
31:52 pour manifester lorsque
31:54 la République islamique
31:56 a été créée en Iran et qu'on a compris
31:58 que là, il se passait quelque chose de très grave
32:00 pour toutes les femmes. On a toutes
32:02 manifesté contre, on a envoyé
32:04 des journalistes, des manifestantes.
32:06 Donc...
32:08 Mais c'est vrai qu'il y a des féminismes.
32:10 Il y a aujourd'hui des féminismes
32:12 et je ne connais pas tous les groupes,
32:14 mais il y a évidemment des conflits.
32:16 Il y a des conflits
32:18 entre les femmes qui pensent
32:20 que les féministes portaient un voile
32:22 et celles qui pensent que c'est une catastrophe.
32:24 -Alors voilà une question
32:26 qui déchire les féministes aujourd'hui,
32:28 Raphaël et Rémi Lefebvre, ou Maxime Rosieschi.
32:30 -C'est une libération et celles qui disent
32:32 que c'est le summum de l'esclavage des femmes.
32:34 -Est-ce que cette question-là,
32:36 voile, pour prendre un exemple concret,
32:38 asservissement ou liberté,
32:40 elle a toujours existé dans les courants féministes ?
32:42 Ou est-ce qu'elle marque
32:44 une rupture aujourd'hui sur le féminisme,
32:46 on va dire,
32:48 d'aujourd'hui, issu des courants
32:50 américains et qui est aussi
32:52 fort en Europe ? -Je pense que la question
32:54 de la place des religions, de manière générale,
32:56 et du voile en particulier, y compris,
32:58 et merci, Anna, de l'avoir redit,
33:00 dans un contexte où l'extrême-droite
33:02 gagne beaucoup de place en France,
33:04 bien entendu, il y a une tension supplémentaire
33:06 au milieu de tout ça,
33:08 mais sur la place du féminisme
33:10 et la méconnaissance du féminisme,
33:12 on est encore dans une conquête de légitimité
33:14 et des sphères de pouvoir.
33:16 Parce que si on avait un débat public
33:18 qui était un petit peu plus au fait
33:20 de ce qu'est le féminisme, on passerait moins de temps
33:22 à dire que non, on ne veut pas asservir
33:24 les hommes et installer le matriarcat,
33:26 et un peu plus de temps à se concentrer
33:28 en matière de politique publique
33:30 sur comment on fait pour diminuer
33:32 le nombre de féminicides, ou même,
33:34 un sujet quand même de science politique
33:36 assez majeur, pourquoi n'y a-t-il
33:38 jamais eu de présidente de la République en France ?
33:40 On n'est pas encore dans une
33:42 considération du féminisme... -On va voir.
33:44 On va voir si ça va arriver ou pas.
33:46 -Non, mais en fait, il faut considérer le féminisme
33:48 comme ce qu'il est, à mon sens,
33:50 c'est-à-dire un vrai courant politique
33:52 structurant, et là, je trouve
33:54 que ça enclenche un peu. Quand je suis
33:56 devenue élue municipale en 2020,
33:58 je ne pensais pas qu'être
34:00 élue femme, féministe,
34:02 c'était encore être une pionnière en 2020.
34:04 Parce que j'en avais vu des femmes élues.
34:06 Mais le fait de dire qu'on allait
34:08 porter des politiques féministes,
34:10 ça, c'était pas encore acquis, ça, ça
34:12 dérange toujours, on nous a dit, mais en fait,
34:14 vous ne pouvez pas être militante féministe, il faut
34:16 respecter l'institution. -Pour vous,
34:18 il y a une politique publique
34:20 féministe, comme on dit,
34:22 une diplomatie féministe, à mener
34:24 transversalement dans tous les domaines,
34:26 au-delà de certains secteurs qui concernent
34:28 les femmes en particulier ? -Bien sûr, et par exemple,
34:30 une de nos grandes batailles en Conseil
34:32 de Paris, c'est d'obtenir la publication
34:34 intégrale du rapport de la
34:36 préfecture de police sur l'accueil des femmes
34:38 victimes de violences dans les commissariats.
34:40 Et en fait, c'est un objet de politique
34:42 publique, mais ultra classique.
34:44 Quand vous voulez mettre en place
34:46 une politique publique, quand vous voulez l'améliorer,
34:48 vous demandez une évaluation. Comme ça,
34:50 vous regardez quels sont vos futurs objectifs
34:52 et après, vous examinez les résultats.
34:54 Et ça, on le refuse encore sur des politiques féministes.
34:56 Et c'est bien cette méthode-là qu'on essaye d'avoir
34:58 aussi dans les sphères de pouvoir.
35:00 -Allez, dernier mot, le mot de la fin.
35:02 Les raisons d'espérer, l'égalité.
35:04 -Ah, les raisons d'espérer. Moi, je crois qu'il y en a plein
35:06 des raisons d'espérer. Je pense qu'il y a des générations entières
35:08 qui ne se contentent plus du tout du
35:10 statu quo. Vraiment, il suffit de regarder les études.
35:12 Si vous voulez recruter des gens demain, pour celles
35:14 et ceux qui nous écoutent, qui sont dans les entreprises,
35:16 vous ne pourrez pas faire sans l'égalité femmes-hommes.
35:18 C'est-à-dire, moi, je me rappelle quand je travaillais au ministère des Droits des Femmes
35:20 il y a un peu plus de dix ans, c'était vraiment
35:22 limite un clivage droite-gauche, par exemple.
35:24 Il y avait les gens qui étaient
35:26 pour l'égalité et ceux qui étaient contre.
35:28 Aujourd'hui, il y a une espèce d'universalité,
35:30 en tout cas pour accepter l'idée
35:32 que l'égalité femmes-hommes
35:34 est devenue incontournable. Et je
35:36 m'adresse à celles et ceux qui
35:38 posent des barrières et qui font en sorte
35:40 que, chez eux, dans leur entreprise, dans la rue,
35:42 ils ne se conforment pas à ça. Je leur dis
35:44 "ça va forcément très mal se passer
35:46 pour vous, puisque là, on est face à un mouvement d'ampleur,
35:48 certes avec des limites qui sont
35:50 très importantes, puisqu'on voit que la réalité,
35:52 c'est que l'égalité n'est pas là, mais
35:54 on a des générations qui arrivent, avec,
35:56 encore une fois, des réserves, puisqu'il y a des mouvements masculinistes,
35:58 mais des générations qui deviennent de plus en plus
36:00 intransigeantes sur ce sujet. - On va s'arrêter là.
36:02 Je trouvais que c'était passionnant de vous entendre
36:04 sur le féminisme aujourd'hui, les féminismes...
36:06 - On n'a plus donné le mot de la fin à une femme. - ...d'aujourd'hui.
36:08 Alors, c'est à Liliane Candel. - Absolument.
36:10 - Merci, Marie-Marie Mars, mais vraiment, vous faites court, s'il vous plaît, Liliane Candel,
36:12 on est déjà en retard. - Que l'égalité, c'est
36:14 extrêmement important, mais que
36:16 c'est un moyen...
36:18 Le but, c'est la liberté.
36:20 - Oui. - Ah.
36:22 - Voilà. - On reste sur la liberté.
36:24 Merci. Merci beaucoup d'être
36:26 venues en ce 8 mars. Je sais que vous êtes tous très, très
36:28 occupés, alors merci
36:30 encore plus d'avoir débattu sur LCP.
36:32 Dans une dizaine de minutes, les partis prident nos affranchis.
36:34 Ce soir, l'ordre d'aussi de Charlie Hebdo
36:36 va revenir sur les atteintes à la laïcité
36:38 à l'école,
36:40 20 ans après la loi de 2004.
36:42 Mariette Darigrand nous propose son
36:44 mot de la semaine et figurez-vous que c'est le
36:46 Super Tuesday. C'est pas français,
36:48 tout ça. Ça mérite une explication.
36:50 Enfin, un petit nouveau dans Action Planète.
36:52 Bonsoir, Ferris Barkart. La chronique
36:54 écolo, ce soir, du vendredi, elle porte sur quoi ?
36:56 - Elle va porter sur la dimension coloniale
36:58 du réchauffement climatique. - À tout à l'heure,
37:00 les amis. Mais d'abord, je vous propose un entretien
37:02 exceptionnel. Oleksandra Mavitschou,
37:04 qui est prix Nobel de la paix 2022,
37:06 le partage avec l'association russe
37:08 Memorial, qui a été dissoute par Poutine.
37:10 Elle est avocate à la tête d'une
37:12 ONG qui documente les crimes de guerre
37:14 commis par la Russie en Ukraine.
37:16 Nous l'avons rencontrée hier à l'occasion de son
37:18 passage à Paris dans le cadre du
37:20 Sommet mondial des présidentes d'Assemblée.
37:22 Son portrait avec Marco Pommier.
37:24 Entretien juste après.
37:26 [Musique]
37:28 - Si on vous invite, Oleksandra Mavitschou,
37:30 c'est parce que
37:32 vous étiez à Paris pour exhorter
37:34 la France et l'Europe à aider l'Ukraine.
37:36 Reçue hier à l'Elysée,
37:38 mercredi à l'Assemblée nationale.
37:40 - Je voudrais saluer
37:42 la présence parmi nous
37:44 d'Oleksandra Mavitschou.
37:46 Elle a interpellé le monde
37:48 sur la gravité des crimes de guerre
37:50 commis dans l'invasion de son pays,
37:52 l'Ukraine.
37:54 - Femme inspirante, vous l'êtes, Oleksandra Mavitschou,
37:56 infatigable défenseur des droits
37:58 humains en Ukraine, à la tête
38:00 du Centre pour les libertés civiles.
38:02 Votre ONG reçoit
38:04 en 2022 le prix Nobel de la paix.
38:06 Aux côtés de l'ONG mémorial
38:08 aujourd'hui dissoute par le régime
38:10 de Vladimir Poutine.
38:12 Aux côtés aussi de la femme de l'opposant
38:14 biélorusse, Galiatsky,
38:16 condamnée lui à 10 ans de prison.
38:18 Des lauréats, artisans de la paix,
38:20 traqués inlassablement par le maître
38:22 du Kremlin.
38:24 - Je me permets de tendre la main
38:26 au peuple du monde entier
38:28 et d'appeler à la solidarité.
38:30 Il n'est pas nécessaire
38:32 d'être ukrainien pour soutenir l'Ukraine.
38:34 Il suffit
38:36 d'être humain.
38:38 - Dix ans
38:40 que vous dénoncez les crimes
38:42 de guerre russes,
38:44 plus de 31 000
38:46 documentés par votre organisation,
38:48 des atrocités qui ont débuté
38:50 dès 2014 avec l'annexion
38:52 de la Crimée et la guerre
38:54 du Donbass.
38:56 - Ce sont des histoires horribles,
38:58 des personnes frappées, violées,
39:00 aux doigts coupés, aux ongles arrachés,
39:02 torturées par des chocs électriques,
39:04 forcées à écrire quelque chose
39:06 avec leur propre sang, le tout
39:08 sous les yeux de leurs proches.
39:10 En 2014, nous avons envoyé des rapports
39:12 à toutes les organisations internationales
39:14 et rien n'a changé.
39:16 - Aujourd'hui, Vladimir Poutine fait l'objet
39:18 d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale.
39:20 Mais peut-on vraiment imaginer un jour
39:22 le maître du Kremlin répondre de ses actes ?
39:24 A vos yeux, le système international
39:26 et ses institutions ne fonctionnent pas.
39:28 Pourtant, vous en êtes convaincus.
39:30 Nous pouvons restaurer l'ordre international,
39:32 faire preuve de justice.
39:34 Et comme une évidence, vous rappelez...
39:36 Aider l'Ukraine à gagner cette guerre
39:38 n'est pas un acte de charité,
39:40 c'est un investissement
39:42 dans la sécurité de tous.
39:44 - Bonjour, Alexandra Mavitschouk.
39:46 Merci beaucoup d'avoir accepté
39:48 l'invitation de la chaîne parlementaire.
39:50 Nous sommes deux ans après l'invasion
39:52 de votre pays par l'armée de Poutine.
39:54 C'est un moment critique.
39:56 Le conflit s'enlise.
39:58 Les Russes gagnent du terrain.
40:00 Hier, Odessa a été bombardée.
40:02 Zelensky était sur place.
40:04 Dans quel état d'esprit sont les Ukrainiens aujourd'hui ?
40:06 - Oui, cela fait déjà deux ans
40:08 que la Russie a envahi l'Ukraine.
40:10 Nous sommes dans une situation très difficile.
40:12 La Russie se prépare à une longue guerre.
40:14 Et officiellement,
40:16 40 % du budget sera consacré
40:18 aux dépenses militaires.
40:20 Tandis que le soutien à l'Union Européenne
40:22 aux Etats-Unis est bloqué.
40:24 Le budget est bloqué.
40:26 Et Poutine répète à l'envie
40:28 ses affirmations génocidaires
40:30 selon lesquelles l'Ukraine,
40:32 c'est la Russie.
40:34 Et nous, nous devons continuer
40:36 à documenter
40:38 quelles sont ces pratiques
40:40 sur le terrain,
40:42 ces pratiques terribles.
40:44 Et comme le dit Poutine,
40:46 dit que les Ukrainiens
40:48 doivent être rééduqués
40:50 ou tués.
40:52 Et nous n'avons pas le luxe
40:54 d'être fatigués.
40:56 - Vous parlez de génocide en Ukraine ?
40:58 - Oui, il y a un caractère génocidaire
41:00 à cette guerre. En tant qu'avocate,
41:02 je sais ceci, le génocide
41:04 et le crime des crimes,
41:06 il est très difficile à prouver.
41:08 Je vais le dire simplement.
41:10 Si vous souhaitez détruire
41:12 un groupe national,
41:14 partiellement ou entièrement,
41:16 vous n'avez pas besoin
41:18 de changer leur identité
41:20 avec la force.
41:22 Et l'identité de ce groupe
41:24 disparaîtra à terme.
41:26 Et il y a aussi l'exemple
41:28 de la déportation des enfants ukrainiens
41:30 vers la Russie. Il faut dire
41:32 que ces enfants ukrainiens
41:34 sont placés dans des camps
41:36 de rééducation en Russie
41:38 et ensuite placés à l'adoption
41:40 dans des familles russes pour qu'ils deviennent russes.
41:42 - Quel est votre principal
41:44 message aux Français
41:46 qui regardent souvent
41:48 cette guerre de loin ?
41:50 - J'ai deux messages.
41:52 Premièrement, j'aimerais
41:54 remercier le soutien
41:56 apporté à l'Ukraine
41:58 dans ces temps
42:00 très difficiles
42:02 dans notre histoire.
42:04 Quand cette invasion
42:06 a démarré, la France et d'autres pays
42:08 démocratiques ont dit que nous devions aider
42:10 l'Ukraine à ne pas échouer.
42:12 Mais je pense qu'il faut commencer à dire
42:14 "Aidons l'Ukraine à gagner,
42:16 à vaincre". Il y a une grande différence
42:18 entre dire "Aidons l'Ukraine
42:20 à ne pas échouer" et "Aidons l'Ukraine
42:22 à gagner".
42:24 - Qu'est-ce que vous voulez dire par
42:26 "Aider l'Ukraine à gagner" ?
42:28 Emmanuel Macron a parlé
42:30 de l'envoi possible
42:32 de soldats occidentaux en Ukraine.
42:34 Est-ce que c'est ce que vous attendez ?
42:36 - Il y a différents critères
42:38 à prendre en compte.
42:40 Les types d'armement, la rapidité
42:42 des décisions, le leadership politique
42:44 dans ces temps difficiles,
42:46 non seulement pour l'Ukraine, mais pour le monde
42:48 entier.
42:50 J'ai beaucoup de gratitude
42:52 envers le président Macron
42:54 pour sa bravoure, qui a
42:56 brisé ce tabou
42:58 d'aborder différents types
43:00 d'assistance à l'Ukraine
43:02 sur le champ politique.
43:04 - Il a brisé un tabou.
43:06 Vous allez le rencontrer,
43:08 le président français, pour lui dire quoi ?
43:10 - Je vais lui dire
43:12 qu'en tant qu'avocat des droits humains,
43:14 je n'ai pas
43:16 d'outils juridiques pour défendre
43:18 des êtres humains, leurs droits,
43:20 leur liberté, leur dignité.
43:22 Nous devons restaurer
43:24 l'ordre international.
43:26 Les Russes ne s'arrêteront
43:28 que lorsqu'on les stoppera.
43:30 - Parlons
43:32 des crimes de guerre
43:34 qui se sont déroulés massivement
43:36 à Butcha et à Mariupol,
43:38 notamment. Où en sont
43:40 les investigations ?
43:42 - Les Russes
43:44 ont commis
43:46 un nombre incommensurable
43:48 de crimes. Les Russes
43:50 ont délibérément
43:52 infligé une douleur terrible
43:54 aux civils pour qu'ils
43:56 ne résistent plus. C'est pour cela
43:58 que nous documentons
44:00 les crimes parpétrés,
44:02 la destruction d'hôpitaux,
44:04 d'écoles, de musées,
44:06 de bâtiments,
44:08 le bombardement de couloirs
44:10 d'évacuation. Comment ils enlèvent
44:12 les civils, ils les torturent,
44:14 ils les violent.
44:16 Nous avons un problème
44:18 de redevabilité.
44:20 Cette documentation
44:22 est le résultat des décisions
44:24 politiques d'Ukraine
44:26 et de Poutine et de ses acolytes.
44:28 C'est pour cela que nous devons
44:30 établir un tribunal
44:32 spécial pour
44:34 les punir de ce crime
44:36 d'agression. Car dans notre monde,
44:38 aujourd'hui, il n'y a pas de
44:40 cour internationale qui a les compétences
44:42 de le faire.
44:44 - Justement, il y a
44:46 un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale
44:48 contre Poutine. Mais tant que
44:50 Poutine ne quitte pas le territoire, il est
44:52 inarrêtable. Est-ce que ce
44:54 tribunal spécial
44:56 en Ukraine, tribunal pénal
44:58 spécial, serait plus efficace
45:00 à l'image de ce qu'il y a eu
45:02 en Yougoslavie ou au Rwanda ?
45:04 - Je n'ai aucun doute
45:06 que s'il
45:08 survit à ce moment,
45:10 il sera jugé.
45:12 Les régimes
45:14 autoritaires finissent par
45:16 s'effondrer et leurs
45:18 dirigeants finissent par être
45:20 jugés par une Cour, comme
45:22 la Serbie, par exemple.
45:24 Il a fallu transférer
45:26 Milosevic vers l'AE,
45:28 n'est-ce pas, pour qu'il soit jugé ?
45:30 - Alors, vous partagez
45:32 votre prix Nobel,
45:34 Oleksandr Amavichuk, avec le dissident
45:36 Oleg Orlov. C'est l'une des figures
45:38 de l'ONG Memorial, qui faisait vivre
45:40 la mémoire des répressions
45:42 soviétiques et qui documentait
45:44 les atteintes aux droits humains dans la
45:46 Russie d'aujourd'hui. Memorial a été
45:48 dissoute par la justice russe et Orlov
45:50 a été emprisonné, voilà quelques jours.
45:52 Comment vous l'avez vécu ? Est-ce que
45:54 vous étiez en contact avec lui ?
45:56 - Il est très difficile de répondre à cette
45:58 question, parce qu'Oleg Orlov n'est pas seulement
46:00 un collègue, c'est aussi mon ami.
46:02 Et nous avons collaboré
46:04 étroitement pendant toutes ces années
46:06 de guerre. Ils nous ont
46:08 aidés avec des milliers, des milliers
46:10 de détentions de civils
46:12 en Russie.
46:14 Et j'aimerais
46:16 parler de mes collègues
46:18 russes, qui ont été très courageux,
46:20 quand je leur ai demandé comment
46:22 je peux les aider,
46:24 ils répondent, si vous souhaitez
46:26 nous aider, réussissez ce combat.
46:28 - Et parlez-nous
46:30 de votre réaction après
46:32 les images des milliers de personnes
46:34 en plein Moscou,
46:36 pour saluer la mémoire d'Alexei Navalny,
46:38 le jour de ses funérailles,
46:40 on a entendu des slogans
46:42 "Non à la guerre, liberté aux prisonniers politiques".
46:44 Est-ce qu'elles vous ont
46:46 surprises, ces images ?
46:48 - Je ne les ai pas surprises,
46:50 parce qu'en Russie,
46:52 il y a encore des gens
46:54 qui sont contre la guerre.
46:56 Mais la question est celle
46:58 du nombre de personnes
47:00 qui sont concernées.
47:02 Une majorité des Russes
47:04 pensent qu'ils ont le droit
47:06 d'invahir l'Ukraine
47:08 et de tuer
47:10 les Ukrainiens,
47:12 parce qu'ils sont imprégnés
47:14 de cette culture russe,
47:16 qui dit que c'est
47:18 approprié de se comporter
47:20 de telle manière.
47:22 C'est pour ça que je suis
47:24 reconnaissante vis-à-vis de ces personnes
47:26 courageuses qui ont dit
47:28 clairement qu'ils étaient contre la guerre.
47:30 Nous savons qu'en Russie,
47:32 ils sont déjà en train de poursuivre
47:34 ces personnes qui ont déposé
47:36 des gerbes de fleurs sur la tombe de
47:38 Navalny. - L'Europe a aussi
47:40 les yeux tournés vers les Etats-Unis.
47:42 Élection possible de
47:44 Donald Trump en novembre prochain.
47:46 Vous, personnellement, vous redoutez cette élection ?
47:50 - Les citoyens américains
47:52 ont le droit de voter
47:54 pour qui bon leur semble.
47:56 Mais notre monde
48:00 est très interconnecté aujourd'hui.
48:02 Si on regarde la politique
48:04 étrangère du président
48:06 américain, celle-ci dépendra
48:08 largement de la sécurité
48:10 de l'Europe, non seulement l'Ukraine, mais toute la région
48:12 de l'Europe.
48:14 Et quel que soit le résultat
48:16 des élections, les Ukrainiens n'auront
48:18 pas le choix. S'ils arrêtent
48:20 de se battre, nous n'existerons plus.
48:22 - Et que répondez-vous, c'est ma dernière
48:24 question, à cette voix
48:26 qu'on entend beaucoup
48:28 en Europe,
48:30 qui vient de la France,
48:32 mais pas seulement, il faut négocier
48:34 un traité de paix,
48:36 il faut que la Russie et l'Ukraine
48:38 négocient.
48:40 - En Ukraine, le peuple
48:42 ukrainien souhaite la paix plus que tout.
48:44 Mais Poutine ne souhaite
48:46 pas la paix. Il souhaite
48:48 occuper l'Ukraine,
48:50 et c'est un objectif qu'il va maintenir
48:52 jusqu'au bout. Il y a à peine quelques jours,
48:54 Medvedev, un ancien président
48:56 russe, qui aujourd'hui est un haut
48:58 fonctionnaire sous Poutine,
49:00 a dit ceci. L'Ukraine,
49:02 c'est la Russie. Et cela
49:04 montre clairement que tous ces
49:06 pourparlers autour de négociations,
49:08 c'est un doux rêve,
49:10 malheureusement.
49:12 - Merci.
49:14 - Merci, Alexandre Amavitchouk.
49:16 Et voilà,
49:18 pour cet entretien enregistré hier,
49:20 à retrouver sur le site d'LCP.
49:22 Tout de suite, place aux Affranchis, pour leur partie prime.
49:24 L'or d'ossie,
49:36 l'or d'ossie, grand rapporteur Acharlie Hebdo,
49:38 qu'on est ravie de retrouver,
49:40 et Mariette Darrigrand, la sémiologue
49:42 bien connue de cette émission,
49:44 pour son mot de la semaine du vendredi.
49:46 On va commencer avec vous,
49:48 Laure. Vous voulez revenir sur ce qui s'est passé
49:50 au lycée Ravel, à Paris.
49:52 Un professeur menacé de mort
49:54 après avoir demandé à un élève
49:56 de retirer son voile. Qu'est-ce qu'il raconte
49:58 cet incident pour vous ?
50:00 - D'abord, c'est à nouveau une violence,
50:02 une violence de trop, subie par un chef d'établissement.
50:04 Violence à leur encontre
50:06 qui se multiplie, comme le souligne
50:08 une note du ministère de l'Education nationale,
50:10 qui relève 13,7 incidents graves
50:12 pour 1000 élèves en moyenne l'an passé.
50:14 Signe du ras-le-bol des chefs d'établissement,
50:16 plusieurs se sont rassemblés
50:18 en début de semaine,
50:20 place de la Sorbonne,
50:22 à l'appel des syndicats de personnel de direction.
50:24 C'est une mobilisation très rare
50:26 de leur part. Dans le même temps,
50:28 une commission d'enquête créée
50:30 à la demande de Michael Patti,
50:32 soeur de Samuel Patti, vient de rendre son rapport
50:34 et les sénateurs soulignent,
50:36 je cite, "le terrible sentiment de solitude
50:38 des enseignants et la multiplication
50:40 des violences ou des menaces
50:42 à leur rencontre". Souvent,
50:44 comme pour ce chef d'établissement du lycée Ravel,
50:46 la difficulté vient de l'application
50:48 de la loi de 2004
50:50 qui interdit les signes ostentatoires religieux
50:52 à l'école. - Elle n'est plus du tout comprise
50:54 sur le terrain par les élèves,
50:56 cette loi, non ? - Absolument. Dans la tête
50:58 de certains élèves, il y a même une sorte
51:00 d'inversion de ce qu'est l'esprit de cette loi.
51:02 Elle est perçue comme liberticide,
51:04 comme stigmatisante. Par exemple,
51:06 un sondage de décembre dernier
51:08 montre que près de 80% des élèves
51:10 estiment que son application
51:12 est discriminatoire.
51:14 Le problème, c'est qu'elle a été instrumentalisée,
51:16 cette loi, par l'extrême droite
51:18 et qu'elle n'est parfois pas suffisamment
51:20 défendue par la gauche pour rappeler
51:22 ce qu'elle est, au fond, c'est-à-dire
51:24 une loi qui garantit des libertés.
51:26 Il se trouve que l'on fête les 20 ans
51:28 de cette loi, la semaine prochaine,
51:30 et à cette occasion, il m'a semblé
51:32 intéressant et important de se replonger
51:34 dans ses origines.
51:36 En fait, à l'époque, le port du voile
51:38 se multipliait dans les établissements scolaires
51:40 et les enseignants ne savaient plus trop comment réagir.
51:42 Une commission avait été créée
51:44 en 2003 pour trouver une solution,
51:46 c'est donc la commission Stasi, du nom de Bernard Stasi,
51:48 qui la présidait. Cette commission
51:50 avait alors auditionné
51:52 un certain nombre de jeunes filles
51:54 qui expliquaient être victimes
51:56 de pressions, voire de menaces
51:58 de la part de petits groupes
52:00 de garçons qui leur imposaient
52:02 de porter le voile.
52:04 Les membres de cette commission avaient donc
52:06 conclu, à la nécessité,
52:08 de protéger ces filles des pressions
52:10 religieuses. Et donc, la loi de 2004,
52:12 on le voit, est bien une loi
52:14 de liberté, d'émancipation
52:16 et il faut inlassablement
52:18 le rappeler et surtout faire de la pédagogie
52:20 pour l'expliquer. - Et d'un mot, rapidement,
52:22 est-ce que, finalement, la loi
52:24 avait retenu les propositions de la commission Stasi ?
52:26 - Tout à fait, c'est intéressant de le rappeler aussi.
52:28 Quand on se plonge dans le rapport de la commission,
52:30 elle a proposé, dans un souci d'équilibre,
52:32 d'apaisement, qu'il y ait un nouveau
52:34 jour férié octroyé au choix,
52:36 par exemple pour fêter l'Aïd
52:38 ou Kippour, en plus
52:40 des jours fériés déjà présents dans le calendrier
52:42 qui sont massivement des jours
52:44 issus du calendrier catholique.
52:46 Et donc, ça permettait une sorte d'équilibre
52:48 et cette mesure n'avait pas été retenue
52:50 au grand regret des membres de la commission.
52:52 - Et bien, si ça peut
52:54 nous réconcilier avec la loi de 2004,
52:56 20 ans après, pourquoi pas ?
52:58 Merci à vous, merci, Lordossi.
53:00 C'est un mot anglais que vous avez choisi, alors ça, ça m'a surpris.
53:02 "Supple Tuesday",
53:04 pour, évidemment, les élections américaines
53:06 dont on a d'ailleurs suivi
53:08 les primaires. Alors, expliquez-nous
53:10 les origines. - Bah, écoutez,
53:12 c'est un mot, c'est vrai,
53:14 c'était surprenant. Moi, ce qui m'a surpris, c'est vraiment
53:16 comment les médias en ont beaucoup parlé, quand même,
53:18 alors que c'était assez couru d'avance.
53:20 Et puis, on n'est pas dans la politique française, alors peut-être qu'ils sont
53:22 un peu lassés de cette politique, ou peut-être que
53:24 les élections américaines nous annoncent quelque chose de nous-mêmes.
53:26 Alors, qu'est-ce qu'il dit, ce mot ?
53:28 Tous les mots de semaine, tous les noms de jour
53:30 ont une valeur symbolique.
53:32 Quand on regarde "Tuesday", c'est un hommage
53:34 au dieu "Tue", T-I-U,
53:36 qui est le dieu de la guerre.
53:38 C'est ce qu'on a dans notre mardi, d'ailleurs.
53:40 C'est-à-dire un dieu de la guerre,
53:42 donc ça veut un peu dire
53:44 que les élections, bah,
53:46 l'élection, c'est un combat politique,
53:48 et d'ailleurs, le 5 novembre prochain
53:50 sera aussi un "Tuesday".
53:52 - Alors, vous nous dites que
53:54 les Américains mettent leurs élections
53:56 sous le signe de la guerre. Nous, c'est le contraire.
53:58 C'est toujours le dimanche.
54:00 Le jour du Seigneur.
54:02 - Le jour du Seigneur, le jour de la church.
54:04 Le jour de la church. Et les Américains, justement,
54:06 vont à l'église, ils sont plus religieux
54:08 que nous, et les élections n'ont jamais été pensées
54:10 par les pères fondateurs de l'Amérique
54:12 comme pouvant se passer le Sunday.
54:14 Alors, ils avaient pensé au lundi,
54:16 mais le lundi, c'est le "moon", le "monday",
54:18 c'est le "moon", la lune, alors il y a trop de variations.
54:20 Le "Wednesday", c'est le jour du marché.
54:22 Bref, ils se sont mis d'accord sur le "Tuesday",
54:24 c'est resté. Voilà, donc c'était un petit...
54:26 un peu anecdotique,
54:28 mais ce qui m'intéressait dans l'importance
54:30 que nous avons donnée cette année
54:32 au "Super Tuesday", c'est que dedans,
54:34 vous savez, il y a cette fameuse formule
54:36 aujourd'hui, hein, du MAGA.
54:38 - Oui, "Make America Great Again".
54:40 - Voilà. "Make America Great Again",
54:42 c'est devenu MAGA,
54:44 c'est-à-dire une marque, une formulation de marque,
54:46 parce que, à l'origine,
54:48 c'était "Let's America Great Again",
54:50 c'était une vraie phrase, c'est plus une phrase,
54:52 c'est un nom de marque, et ça, c'est vraiment
54:54 une évolution de la politique, évidemment,
54:56 et les Américains sont très forts pour cela,
54:58 on voit bien, avec ce qui se passe
55:00 dans le trumpisme, c'est plus,
55:02 justement, êtes-vous ou pas trumpiste,
55:04 c'est "êtes-vous MAGA ou pas MAGA ?"
55:06 Et là, c'est post-politique,
55:08 en quelque sorte, et puis on part
55:10 dans le logotypage, il y a une couleur,
55:12 le rouge MAGA, c'est le rouge de la colère,
55:14 ça va avec l'or, des baskets,
55:16 des sneakers de Trump, enfin, voilà,
55:18 on sort de la politique pour être dans autre chose.
55:20 Alors, pour finir, Myriam,
55:22 il y a un petit détail qui est quand même intéressant
55:24 dans l'évolution, malheureuse d'ailleurs,
55:26 de cette communication politique,
55:28 parce qu'à l'origine, la phrase
55:30 "Let's make America great again",
55:32 ça avait été une phrase de Reagan,
55:34 elle date de 1980,
55:36 elle est très ancienne, en fait,
55:38 mais là, à ce moment-là,
55:40 la politique n'était pas encore des sigles,
55:42 n'était pas encore des acronymes,
55:44 il y avait encore des vraies phrases,
55:46 et du coup, elle n'est pas restée dans les mémoires.
55:48 - Merci beaucoup, j'ai appris plein de choses
55:50 après la post-vérité, la post-politique
55:52 à la Trump. Merci beaucoup,
55:54 Mariette. Allez, c'est vendredi,
55:56 on termine avec Action Planète.
55:58 Et un Action Planète avec un nouveau visage
56:10 qu'on est ravis d'accueillir, Féris Markat, bonsoir,
56:12 et merci beaucoup d'être aux manettes
56:14 de ce vendredi.
56:16 Vous êtes le cofondateur de l'association
56:18 Banlieue Climat, vous avez 22 ans,
56:20 d'abord bienvenue dans la bande des chroniqueurs,
56:22 et vous nous parlez ce soir du réchauffement climatique
56:24 mais sous l'angle colonial.
56:26 - Exactement. C'est un sujet peu abordé
56:28 mais il y a une logique néocoloniale,
56:30 injuste, qui est alimentée par le réchauffement climatique
56:32 et qui alimente
56:34 les discours extrême droite.
56:36 - Ça, c'est nouveau, ce discours ?
56:38 - C'est nouveau et pas vraiment, parce qu'en fait,
56:40 c'est ça la dinguerie que j'ai découvert,
56:42 je ne vais pas dire des mots comme ça, je sais qu'on est sur...
56:44 - Allez-y ! - Mais j'ai découvert que le discours
56:46 condescendant, culpabilisateur de l'Occident
56:48 sur le climat, n'est pas nouveau.
56:50 Il y a 500 ans, cet argument, c'était une justification
56:52 coloniale.
56:54 Christophe Colomb et tous ses potos
56:56 conquistadors expliquaient
56:58 les différences météorologiques des continents
57:00 par le fait que les populations
57:02 autochtones n'avaient pas dompté leur
57:04 environnement et qu'en gros, les Colons
57:06 savaient gérer la forêt comparée aux
57:08 autochtones. Et donc en fait,
57:10 quand on creuse un petit peu, on peut aller
57:12 même plus loin encore, parce que l'historien Fabien
57:14 Locher nous explique que pendant la colonisation
57:16 de l'Algérie, les Colons étaient convaincus que
57:18 les Algériens ne savaient pas dompter leur
57:20 environnement, ne savaient pas gérer les arbres.
57:22 Et on entendait des phrases de fous
57:24 type "l'Arabe
57:26 est l'ennemi de l'arbre".
57:28 - Ah oui. - Donc vraiment, c'était...
57:30 ça renforçait la posture
57:32 du colonisateur bienfaiteur.
57:34 - Alors, selon vous,
57:36 en quoi aujourd'hui l'Occident serait encore dans cette
57:38 logique impérialiste en matière
57:40 d'écologie ? - Déjà, dans les discours
57:42 qu'on peut entendre, Eric Zemmour et d'autres nous
57:44 expliquent que la responsabilité de la pollution
57:46 repose sur la Chine,
57:48 qui pollue énormément, sur l'Afrique,
57:50 la démographie, trop d'enfants. Tout ça, ce serait
57:52 le problème du réchauffement climatique. Donc,
57:54 ce discours qui est hypocrite
57:56 est surtout néocolonial.
57:58 Il faut préciser que la Chine produit pour nous.
58:00 Et que si on regarde le pays, par exemple,
58:02 avec le plus haut taux de natalité au monde,
58:04 le Niger, 7 enfants par femme environ,
58:06 et bien, eux, ce n'est pas vraiment eux le problème,
58:08 parce que, étant donné que leur empreinte
58:10 est 10 fois inférieure
58:12 à un français moyen. Donc, en fait,
58:14 il faut regarder les ordres de grandeur. L'Afrique, c'est
58:16 1,4 milliard d'habitants, c'est 4%
58:18 des gaz à effet de serre. Et pourtant, les conséquences
58:20 du réchauffement, les sécheresses, c'est surtout
58:22 là-bas que ça se passe. Donc, au fond,
58:24 le paroxysme...
58:26 - Pour conclure ? - Voilà, pour
58:28 conclure, le paroxysme
58:30 de ce...
58:32 de cette logique néocoloniale,
58:34 c'est quand on parle des réfugiés climatiques.
58:36 Ces réfugiés climatiques,
58:38 216 millions, 1,2 milliard bientôt,
58:40 c'est pointer l'insécurité
58:42 du doigt, alors que l'insécurité, au fond,
58:44 c'est les pays occidentaux. L'insécurité climatique,
58:46 c'est les pays occidentaux qui l'ont causée.
58:48 - Merci beaucoup.
58:50 Merci pour ce parti pris.
58:52 Il faut toujours rappeler, d'ailleurs, que
58:54 les premières victimes du réchauffement climatique sont
58:56 ceux qui sont les moins émetteurs dans le
58:58 monde, et c'est bien souvent les pays les plus pauvres.
59:00 Merci beaucoup, les Affranchis.
59:02 C'est le week-end. Allez, profitez bien.
59:04 À très vite. On se retrouve mardi,
59:06 19h30, pour un nouveau numéro de Savourga.
59:08 (Générique)
59:22 [SILENCE]

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