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L'ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand est mort à l'âge de 76 ans. Pour en parler, Roselyne Bachelot ancienne ministre de la Culture.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 22 mars 2024 avec Yves Calvi.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h
00:05 RTL matin.
00:07 C'est un ministère très très difficile parce qu'on est à la fois
00:10 le ministre des artistes
00:13 qu'il faut défendre envers et contre tout mais qui n'ont évidemment aucune reconnaissance.
00:17 De toute façon les artistes d'une manière générale sont hostile à l'État.
00:21 Bonjour Ausline Bachelot.
00:23 Bonjour.
00:23 Merci de nous rejoindre ce matin sur RTL pour évoquer la mémoire de celui que vous considérez comme un ami Frédéric Mitterrand. On vient de l'entendre,
00:29 il évoquait une vérité première que vous avez connue vous-même en tant que ministre de la culture.
00:33 Racontez-nous votre première rencontre avec celui qui est devenu votre ami par la suite.
00:38 On s'est rencontré d'abord de façon j'allais dire informelle, chez des amis, chez des copains.
00:44 Et bon, il y a tout de suite quelque chose qui s'est passé entre nous.
00:47 Ensuite on s'est vu beaucoup dans des manifestations culturelles et puis effectivement
00:52 nous avons été ensemble dans le gouvernement de François Fillon.
00:58 Moi à la santé, lui à la culture. Et on a voulu justement à ce moment là
01:03 continuer des actions qui pouvaient réconcilier la santé et la culture. Il n'y a rien de tel que la faire
01:09 être accultureux pour être en bonne santé.
01:11 Alors justement, hier avec beaucoup d'émotion Stéphane Bern expliquait qu'il n'aurait jamais dû accepter d'être ministre.
01:17 Quoi qu'il arrive on vous le fait payer ensuite. Est-ce que c'est vrai pour votre ami Frédéric Mitterrand ?
01:21 Je ne pense pas.
01:22 Ah très bien.
01:22 Je ne pense pas et
01:25 on partage avec Stéphane la même émotion de la disparition de Frédéric. Mais justement
01:33 il a d'ailleurs
01:36 goûté cette fonction de ministre de la culture avec beaucoup de joie, beaucoup de bonheur.
01:40 Il me le disait, il a adoré être ministre. Il y a fait de belles et bonnes choses.
01:45 Et je n'ai pas le sentiment qu'il ait été blacklisté ou blackouté en sortant
01:53 de ce ministère de la rue de Valois. Bon, il a aussi évidemment fait d'autres choses
01:59 parce que on
02:02 gère chaque épisode de sa vie de la meilleure façon.
02:05 Alors parmi les paradoxes du personnage, parce qu'en fait on découvre plein de choses concernant Frédéric Mitterrand dans de pareilles circonstances,
02:10 une admiration immodérée pour le général de Gaulle, immodérée et indicible.
02:15 Il n'était pas question d'en parler à famille et en famille a fortiori devant François Mitterrand. C'est extraordinaire.
02:21 Frédéric, il est fasciné, j'en parle au présent d'ailleurs, je vais continuer,
02:27 il est fasciné par les personnalités, par les stars. Et finalement le général de Gaulle c'est une star dans la politique française.
02:34 Et dans l'histoire de France, pas seulement dans la politique, parce que c'est également un remarquable écrivain.
02:41 J'ai jamais compris qu'il n'ait pas eu le prix Nobel de littérature. Je pense que c'est aussi une des raisons pour
02:47 laquelle
02:50 Frédéric l'admira.
02:52 Concernant le général de Gaulle, il est même allé en cachette au défilé du 11 novembre.
02:55 Sa mère, Edith Cayet, l'a raconté sur France Télévisions. Je vous propose de l'écouter.
02:59 Quand il est arrivé, je lui ai dit "bon maintenant tu rentres, tu vas te laver les mains et tu vas te coucher".
03:03 Il m'a dit "non je ne me lave pas les mains parce que je viens de serrer les mains du général de Gaulle".
03:06 C'est une chose qui a été très compliquée à vivre parce que j'ai toujours eu une admiration
03:12 immense pour mon oncle,
03:15 mais en même temps j'avais une admiration pour le général de Gaulle. Donc c'était un peu compliqué à vivre.
03:20 Il décrit en fait une sorte de déchirement. On parle de Gaulleau-Mitterrandisme, vous savez, dans l'histoire des idées.
03:26 Oui, alors avec vous comme ça dit comme ça, ça paraît presque naturel mais ça l'est quand même un peu moins.
03:32 Il raconte d'ailleurs avoir croisé le général lorsqu'il était donc jeune homme, n'osant pas dire son nom, il se présente à Charles de Gaulle en lui disant
03:37 "bonjour Frédéric". Il marque un temps et dit "Frédéric François".
03:44 Nos confrères du parisien titre en une "Frédéric Mitterrand, une vie au service de la culture". C'est exactement cela.
03:50 Il ne vivait que par la culture, que pour la culture. Toute sa vie a été
03:55 ce service de la culture. Ce service, il le dit d'ailleurs de façon très forte,
04:00 de l'art et de la culture. Parce que l'art c'est un acte disruptif de création et la culture est un acte de consommation.
04:06 Et il se mettait des deux côtés la défense des artistes qui l'adorait,
04:12 qui le fascinait. Et ce choix de faire partager ce goût à l'ensemble des gens, ce qu'il a fait à travers
04:20 ces cinémas d'art et d'essai qu'il a piloté pendant plusieurs années. - En tant qu'ami, que vous a-t-il appris ?
04:26 - Il m'a appris cette nostalgie triste, cette distance impliquante,
04:34 cette liberté qui n'est jamais du dégoût ou du dédain.
04:41 C'était un ami précieux qui m'a appris plein de choses.
04:45 Et je repense avec émotion notre dernier dîner pour mon anniversaire.
04:51 Il m'avait amené un joli livre. Je savais que c'était
04:55 un moment précieux, oui.
04:58 - Vous avez été très généreuse et très présente depuis hier pour évoquer la mémoire de Frédéric Mitterrand.
05:03 Qu'avez-vous envie de nous dire que vous n'avez pas encore partagé sur un homme que vous avez clairement aimé ?
05:08 - Je sais pas comment... - Oui, oui, que j'aime.
05:11 Et qu'est-ce que j'ai envie de partager ?
05:15 C'est qu'il faut être multiple, c'est qu'il faut pas se mettre dans une case.
05:19 Et
05:21 je le ressens d'autant plus volontiers qu'on a tendance en ce moment à vouloir mettre
05:26 justement ceux qui parlent dans des cases
05:28 prédéterminées.
05:31 Frédéric Mitterrand l'a toujours refusé. Et cette liberté de Frédéric, je la fais mienne.
05:37 Et je souhaite que les gens qui nous écoutent
05:39 fassent de cette liberté aussi leur liberté. - Je ne sais pas comment
05:44 enfin rendre compte de cela, mais moi je l'ai vu travailler, on a partagé des espaces communs
05:49 notamment à la radio, chez nos confrères d'Europe 1. Il y avait aussi chez lui une forme de tristesse,
05:54 et j'ai envie de vous dire de solitude
05:56 que je ressentais parfois quand je le voyais arriver avec son petit sac et poser ses affaires.
06:00 Vous comprenez ce que je veux vous dire ? - Oui, très bien, mais c'était le corollaire de sa liberté.
06:05 C'est à dire qu'il pouvait aimer les gens, il les aimait,
06:09 mais il n'était jamais dans une emprise vis-à-vis d'eux.
06:13 Et certainement que cette soif de liberté qu'il
06:17 se revendiquait pour lui-même, c'était aussi une raison de cette tristesse, même parfois de cette dépression qu'il caractérisait.
06:26 - Merci beaucoup Roselyne Bachelot d'avoir évoqué ses souvenirs partagés avec votre amie et ex-confrère, ministre de la culture Frédéric Mitterrand.
06:33 de m'y croire.

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