Au menu ce samedi : un focus sur les dossiers agricoles et la définition de la souveraineté alimentaire, un détour par l'Allemagne qui vit un traumatisme économico-footballistique, une question sur le CPF et un débat sur nos finances publiques. Avec un déficit à 5,6%, est-il temps de paniquer ?
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00:00 Et la ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire est notre invitée.
00:04 Bonjour Agnès Pannier-Runacher.
00:06 Bonjour Alexandra Benzaie.
00:07 L'objectif de souveraineté agricole et alimentaire sera inscrit dans le projet de loi présenté vendredi prochain au Conseil des ministres.
00:14 Vous avez entendu avec nous le reportage.
00:17 Il y a débat sur la définition.
00:19 Alors dans votre esprit, Agnès Pannier-Runacher, la souveraineté, qu'est-ce que ça veut dire et ça va jusqu'où ?
00:24 Alors la souveraineté alimentaire, c'est la capacité à nourrir sa population.
00:29 Et le test de souveraineté alimentaire qu'on a eu, c'est quand on a traversé la crise du Covid et qu'on a dû, sur nos mérites propres,
00:37 s'assurer qu'on était capable d'organiser l'alimentation de nos populations et de nos élevages,
00:44 alors qu'une partie des flux d'approvisionnement étaient bloqués dans le contexte du confinement planétaire.
00:53 Est-ce que ça veut dire qu'on produit 100% de ce qu'on mange ?
00:56 Pas du tout, mais ça veut dire qu'on est capable de produire suffisamment pour alimenter nos populations.
01:03 Donc c'est, je dirais, en termes de calories, parce qu'on peut faire des substitutions.
01:08 Nous ne serons jamais, par exemple, autoportants sur des productions tropicales,
01:14 même si nous avons des productions dans l'outre-mer.
01:18 La banane, oui, mais on ne fera jamais de bananes chez une avocat.
01:20 On doit être capable d'apporter les légumes et les fruits si des flux devaient se tarir dans certaines directions.
01:29 Et c'est ça l'objectif que nous devons avoir.
01:31 Est-ce que nous voyons ce que nous avons vu pendant la crise du Covid ?
01:34 C'est qu'on a une souveraineté alimentaire et on a une souveraineté agricole,
01:38 mais on a des points de faiblesse.
01:40 Les fruits et légumes ?
01:41 Alors d'abord, c'est les engrais.
01:44 Ensuite, et on l'a vu aussi avec l'attaque de la Russie, l'agression russe en Ukraine,
01:51 parce que les engrais sont beaucoup importés de Russie, de Biélorussie, de cette partie du monde.
01:59 On a une fragilité sur l'alimentation de nos élevages.
02:04 Les protéines végétales que l'on donne à nos élevages, c'est beaucoup de soja.
02:10 Et donc on doit redévelopper des protéines pour ces élevages.
02:15 Et effectivement, fruits et légumes, on a également mentionné le blé dur.
02:19 Par rapport à ça, nous agissons avec des plans de souveraineté
02:23 qui précisément adressent ces différents secteurs.
02:26 Plans de souveraineté pour l'élevage, plans de souveraineté pour les fruits et légumes,
02:29 plans de souveraineté pour les blés durs.
02:31 Et je suis en charge d'élaborer un plan de souveraineté pour les engrais dans les semaines qui viennent.
02:37 Alors justement, est-ce que pour être souverain, il faut produire plus,
02:41 quitte à alléger certaines contraintes écologiques ?
02:43 C'est d'ailleurs ce que vient de faire Bruxelles avec la nouvelle politique agricole commune.
02:48 Alors pas du tout.
02:49 Pas du tout parce que lorsqu'on simplifie les procédures,
02:53 ou lorsqu'on met du pragmatisme, je vais vous donner un exemple.
02:57 Dans l'application stricte de la PAC, le Pas-de-Calais,
03:01 une partie des agriculteurs qui ont les pieds dans l'eau aujourd'hui,
03:04 perdraient leur Z-PAC parce qu'ils n'ont pas fait les assolements d'hiver.
03:08 Et ils n'ont pas fait les assolements d'hiver parce qu'ils sont les pieds dans l'eau et qu'ils ne peuvent pas planter.
03:12 Ça, ça s'appelle des écoregimes.
03:13 Lorsqu'on a une application stricte des règles qui ne tiennent pas compte
03:18 du fait que nous sommes sur du vivant, qu'il y a un impact climatique,
03:22 et qu'en fait, pour obtenir les mêmes objectifs de baisse d'émissions de gaz à effet de serre
03:26 et de protection de la biodiversité, il y a des chemins différents.
03:29 Il faut tenir compte, du moment où on peut planter, du moment où on peut récolter,
03:34 du moment où on peut entretenir les haies, c'est un autre exemple.
03:37 Alors, on est à côté de la plaque.
03:40 Nous, ce que nous voulons, c'est ne pas perdre l'objectif de protection de la biodiversité
03:46 et de lutte contre le dérèglement climatique pour une raison simple.
03:49 Ce sont les agriculteurs qui en sont la première victime.
03:52 Mais la plupart des... une partie non négligeable des problèmes,
03:55 je pense aux Pyrénées-Orientales, par exemple, en viticulture,
03:58 c'est le dérèglement climatique, c'est la sécheresse.
04:01 Dans le Pas-de-Calais, c'est les inondations.
04:02 Donc arrêtons d'opposer agriculture et écologie,
04:07 parce que la solution, elle passe justement par la défense ou par un chemin
04:11 d'amélioration de la biodiversité et de lutte contre le dérèglement climatique.
04:15 - Mais la difficulté, vous le savez bien, Agnès Pagny-Runacher, c'est la transition.
04:19 Et là, il y a des agriculteurs qui vous disent, je pense à ceux qui font des cerises,
04:22 des pommes, des noisettes, ils vous disent "mais on est dans une impasse".
04:24 Même les betteraviers, avec la jaunisse.
04:26 Il y a des situations où les interdictions nous empêchent de soigner nos cultures.
04:33 Il y a des cultures qui viennent d'ailleurs et qui ne sont pas soumises
04:36 aux mêmes interdictions que nous.
04:39 Ça va être quoi votre nouvelle feuille de route, la nouvelle philosophie,
04:42 la feuille éco-phyto ? Est-ce qu'on va réautoriser des substances ?
04:47 - Alors, on va être très clair.
04:49 Dans ce que vous mentionnez, on parle de molécules qui sont interdites en Europe,
04:53 auxquelles les agriculteurs nous disent "nous, nous n'y avons pas accès
04:57 et nous avons le sentiment que nos voisins européens y ont accès".
05:00 Et là, il y a de la déloyauté, une concurrence déloyale.
05:04 Et ça, nous allons le prendre point pour point, parce qu'il faut regarder
05:06 dans le détail de quoi il s'agit.
05:08 Ça peut être tout simplement un produit pour lequel le producteur du produit
05:14 n'a pas demandé l'autorisation de mise sur le marché français.
05:17 Donc, ce n'est pas un problème d'interdiction.
05:20 C'est un problème d'autorisation de mise sur le marché
05:22 qui n'a pas été étendu à tel ou tel usage.
05:25 Vous avez une très grande... Je donne cet exemple-là, il peut en avoir d'autres.
05:28 Une très grande diversité de situations.
05:30 Moi, ce que je veux faire sur ça, ce que j'ai lancé,
05:32 c'est un comité qui réunit l'ensemble des parties prenantes
05:35 où on va prendre molécule par molécule, usage par usage,
05:39 pour voir où le bas blesse.
05:41 Est-ce que c'est les autres pays qui trichent ?
05:43 Est-ce que c'est nous qui n'utilisons pas l'ensemble des instruments
05:47 qui sont à notre disposition ?
05:49 Est-ce que nous ne l'allons pas assez vite pour mettre en place des alternatives ?
05:52 Je vous donne un exemple.
05:54 Vous avez des molécules de remplacement
05:58 pour remplacer certains phytosanitaires
06:01 sur lesquels on a des convictions
06:03 qu'ils peuvent être cancérigènes et toxiques pour la reproduction, etc.
06:07 Ce n'est pas rien, quand même.
06:09 Et nous n'avons pas encore les homologations pour les mettre sur le marché.
06:13 Si vous n'avez pas la solution pour pouvoir remplacer ce qui ne fonctionne pas,
06:17 ce qui est interdit, ce n'est pas possible.
06:20 On met les agriculteurs dans les impasses.
06:22 On va les sortir de ces impasses.
06:24 Au cas par cas, la semaine prochaine,
06:26 on sera sur le poireau et le chou.
06:28 Vous voyez, c'est très concret.
06:30 C'est hyper concret.
06:32 Il faut apporter ces solutions.
06:34 Il faut admettre qu'on a des chemins techniques,
06:36 des itinéraires techniques à construire.
06:38 Il y aura des dérogations,
06:40 toujours dans le cadre de la loi,
06:42 il y aura des dérogations,
06:44 il y aura des extensions d'autorisation mises sur le marché de certains produits.
06:47 Il y aura des reconnaissances mutuelles.
06:49 Et puis, il y aura aussi des questionnements
06:52 qu'on adressera à la Commission européenne
06:54 quand d'autres pays utilisent de manière beaucoup trop large
06:57 des dérogations sur des produits interdits.
06:59 Toujours dans le projet de loi qui sera présenté la semaine prochaine,
07:03 l'agriculture sera déclarée d'intérêt général majeur.
07:06 Question très directe.
07:08 Est-ce que ça permet de dire que l'agriculture, c'est la priorité,
07:11 donc les retenues d'eau, les méga-vaccines,
07:13 ça sera la priorité face aux oppositions,
07:15 on pourra faire plus vite ?
07:17 D'abord, le terme méga-vaccine est en soi idéologique.
07:20 Ça s'appelle des stockages d'eau.
07:22 Ça fait des années que ça existe,
07:24 depuis que le monde est monde, nous stockons de l'eau,
07:26 et les hommes se rapprochent des endroits
07:28 où il y a de la réserve en eau,
07:30 ça peut être des rivières, ça peut être des mers, etc.
07:32 pour des raisons évidentes de culture
07:35 et d'alimentation des populations.
07:37 Donc arrêtons d'employer des termes "valise"
07:40 qui permettent d'effrayer le chaland,
07:42 en particulier l'urban bobo,
07:44 qui lui n'est pas dans les champs à devoir faire pousser les cultures
07:46 et nourrir la population.
07:48 Et la deuxième chose...
07:50 - Compris sur le vocabulaire...
07:52 - Non, parce que je pense qu'il faut être un peu précis aussi.
07:54 - Est-ce qu'intérêt général majeur, ça veut dire "c'est ça la priorité" ?
07:56 - Intérêt général majeur, ça veut dire que
07:58 on ne peut pas, si vous voulez, utiliser le fait que...
08:03 Je prends l'exemple des énergies renouvelables,
08:06 parce qu'on a eu le même débat.
08:08 Sur les énergies renouvelables,
08:10 on a dit que c'était une activité utile
08:13 pour empêcher la mise en oeuvre d'un projet d'énergie renouvelable.
08:17 Vous voyez, ça s'appelle la raison d'intérêt public majeur.
08:20 C'est la même démarche.
08:22 Il ne faut pas prouver qu'on est utile à la nation.
08:24 L'agriculture est par essence utile à la nation.
08:26 Ensuite, ça n'enlève rien au fait que
08:29 les normes environnementales s'appliquent.
08:33 Mais on ne dit pas que c'est une activité dispensable,
08:36 et donc par principe,
08:38 dès lors que ça a un impact environnemental,
08:41 c'est très compliqué de le faire.
08:43 Ça rééquilibre le débat, et je pense que c'est essentiel,
08:45 parce qu'à un moment, on en vient à un point
08:48 où, au nom de l'environnement,
08:50 on a des actions qui sont contraires à l'environnement.
08:53 - Agnès Pannier-Runacher, parmi les inquiétudes des agriculteurs,
08:56 il y a ces importations massives de poulet,
08:58 d'œufs, de sucre en provenance d'Ukraine.
09:00 Alors un accord européen vient d'être dévoilé
09:02 pour plafonner ces importations qui sont sans droit de douane.
09:05 Le vote a lieu lundi.
09:07 Est-ce que la France va voter pour ou contre ?
09:09 - Nous, nous soutenons le fait
09:11 de mettre des plafonnements aux exportations depuis l'Ukraine.
09:17 Nous sommes solidaires de l'Ukraine,
09:19 mais nous ne sommes pas naïfs.
09:21 Ces exportations beaucoup augmentées,
09:23 nous sommes à un point où elles déstabilisent
09:25 le marché agricole européen.
09:27 Par ailleurs, parce qu'il faut être aussi cohérent,
09:30 nous allons et nous prenons,
09:32 derrière la présidente de la Commission européenne,
09:34 le fait de remettre, de taxer,
09:37 remettre des droits de douane en l'occurrence,
09:39 les exportations depuis la Russie.
09:42 Parce qu'en fait, il faut reprendre le sujet du début.
09:45 Qu'est-ce qui se passe en Ukraine ?
09:47 C'est un très grand producteur de céréales
09:49 et de manière générale agricole.
09:51 L'Ukraine avait des débouchés vers la mer Noire.
09:55 Ces débouchés sont bloqués par la Russie.
09:57 Du coup, ça pousse tous les stocks vers l'Europe
10:00 et donc l'Europe se retrouve dans une situation
10:02 de quasi-surproduction.
10:04 Surproduction = prix qui baisse.
10:06 Nous allons faire en sorte de mettre
10:10 les exportations russes à un prix beaucoup plus cher.
10:14 Comme ça, on les repousse elles-mêmes vers d'autres marchés
10:17 de façon à assainir le marché européen.
10:20 Et nous défendrons nos agriculteurs.
10:22 A partir du 1er juin, on sera capable
10:24 de mettre en place des clauses de sauvegarde
10:26 sur les exportations ukrainiennes.
10:29 Est-ce que le plafonnement des exportations ukrainiennes
10:32 à l'heure actuelle telle que c'est écrit,
10:34 ça vous convient ?
10:36 Ça nous convient sur une partie des produits agricoles.
10:39 Le président de la République l'a dit.
10:41 Nous considérons sur les céréales.
10:43 Ça ne va pas assez loin.
10:45 D'abord en termes de référence d'année prise en compte.
10:48 Puisqu'on prend les années 2022-2023
10:51 où les exportations ont explosé.
10:54 Donc on dit qu'il faut que ça soit encore plus élevé
10:57 qu'en 2022 et 2023.
10:59 Nous on souhaite qu'on parle aussi l'année 2021
11:02 de façon à comparer à quelque chose d'un peu plus raisonnable, régulier.
11:06 Et deuxièmement, on souhaite que l'accord soit étendu aux céréales.
11:10 Dernière question, le CETA rejeté au Sénat, Agnès Pannier-Runacher.
11:13 C'est inacceptable.
11:15 Qu'est-ce que ça montre ce rejet de l'accord du CETA ?
11:18 Que des gens qui ont porté cet accord
11:20 sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy,
11:22 puis ont porté cet accord sous le gouvernement de François Hollande,
11:26 aujourd'hui, par pur opportunisme politique,
11:29 ferment la porte à un accord qui est bon pour les agriculteurs.
11:33 L'accord du CETA, c'est 400 millions d'euros
11:35 dans la poche de nos agriculteurs.
11:37 C'est la viticulture qui a des débouchés.
11:40 C'est l'industrie laitière au travers du fromage qui a des débouchés.
11:44 C'est le bœuf qui a des débouchés.
11:46 Ça fait 7 ans que cet accord est appliqué.
11:49 Et nous avons pu constater qu'il est bon pour la France.
11:52 Donc, qu'est-ce que ça montre ?
11:54 Ça montre que la majorité est aujourd'hui le seul parti de gouvernement
11:57 et que nous, nous sommes les seuls à avoir une ambition pour la France au sein de l'Europe.
12:02 - Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire,
12:06 merci d'avoir été dans On n'arrête pas les cours.