À 9h20, l'artiste Apolonia Sokol est l'invitée de Léa Salamé. Elle est l'objet du documentaire "Apolonia, Apolonia" réalisé par Lea Glob, en salles. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-01-avril-2024-8828456
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00:00 Et Léa, ce matin vous recevez une artiste.
00:02 Bonjour Apollonia Socol.
00:04 Bonjour.
00:04 Merci d'être avec nous ce matin.
00:06 Si vous étiez une langue, une émotion, une femme politique et un rouge à lèvres,
00:11 vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:13 Alors j'avais pensé pour la langue sans doute le turc ottoman par exemple.
00:17 Enfin je ne le connais pas mais c'est une langue qui vient de l'Oural et qui m'intrigue énormément.
00:22 Le turc ottoman.
00:23 Enfin j'appelle ça le turc ottoman mais je sais pas, j'essaye d'imaginer l'ancien turc de l'époque.
00:28 On prend.
00:29 Une émotion ?
00:30 Une émotion, je pense que je passe du désespoir à l'extase.
00:38 Et ça retourne dans les deux sens.
00:40 Oui je le confirme.
00:41 Quand on voit le film, c'est tout le temps du désespoir à l'extase.
00:45 Si vous étiez une femme politique ?
00:46 Alors j'ai pensé Hildegard von Bingen qui était une énorme abaisse au XIIIe siècle.
00:52 Et une femme très influente.
00:54 Et un rouge à lèvres parce que le rouge à lèvres est important chez vous.
00:57 Ah le rouge à lèvres, oui.
00:59 Je maquille mon visage, je peins mon visage pour me faire un autre visage.
01:04 Comment dire, j'ai pensé à un rouge foncé plutôt mat et plutôt sur les dents que sur les lèvres.
01:12 Un rouge que vous mettez sur les dents, d'accord.
01:15 « Mes peintures ne correspondent jamais à ce que j'avais prévu mais je ne suis jamais surpris. »
01:19 Disait Andy Warhol.
01:20 Et vous Apollonia Socol, êtes-vous surprise parfois par les tableaux que vous peignez ?
01:25 Alors pour moi la peinture c'est vraiment que du doute.
01:28 Et effectivement il ne se passe jamais ce que j'ai vraiment prévu.
01:32 Mais je suis toujours surprise par la peinture.
01:34 Je pense que je suis au service de la peinture.
01:37 Et mes travaux ne sont pas des projets donc il y a toujours de la surprise.
01:46 Vous êtes une artiste peintre de 36 ans, déjà bien reconnue dans le milieu de l'art contemporain.
01:50 Vous êtes aussi le personnage central, l'héroïne d'un documentaire singulier, troublant, hypnotique, vraiment hypnotique.
01:58 Déjà multi-primé dans plein de festivals, il s'appelle Apollonia Apollonia.
02:02 Il est sorti mercredi dernier au cinéma, réalisé par une réalisatrice danoise, Léa Globe,
02:07 qui vous a filmé pendant 13 ans Apollonia.
02:10 13 années où la caméra ne vous a pas lâché depuis votre jeunesse et vos études au Beaux-Arts à Paris,
02:16 jusqu'à la Villa Médicis où vous avez été résidente, en passant par votre parenthèse américaine à Los Angeles.
02:21 C'est l'histoire de l'éclosion d'une artiste.
02:24 C'est votre histoire à vous, Apollonia Sokol.
02:27 Mais à l'origine, ce film devait durer seulement quelques semaines.
02:29 La réalisatrice était dans une école de cinéma au Danemark.
02:32 Et vous, vous étiez au Beaux-Arts et elle devait vous filmer pour un film de fin d'année, un film d'école, un film académique.
02:39 Vous n'aviez absolument pas une vocation d'en faire une œuvre d'art, un film de cinéma, qui va durer 13 ans de tournage.
02:46 C'est assez vertigineux, non ? Vous auriez imaginé qu'elle ne vous aurait pas lâché pendant 13 ans ?
02:50 Non, personne n'avait imaginé quoi que ce soit en fait.
02:55 C'était, comme vous l'avez bien dit, un exercice scolaire qui devait durer uniquement deux semaines.
03:00 Je ne connaissais pas Léa et elle ne me connaissait pas.
03:02 Donc c'était juste une aventure comme ça qui a commencé.
03:06 Et puis finalement, au fil des années, peut-être que j'ai vraiment eu besoin de sa caméra.
03:11 Il y a eu aussi des moments dans la vie où elle a eu des épreuves et où elle a eu besoin de moi en retour.
03:15 Et nos rapports ont changé au fil des années.
03:19 Mais effectivement incroyable.
03:20 Et tout ça, vous le filmez.
03:22 Vous filmez tous ces moments-là, ces moments à elle, puisqu'elle est aussi un des personnages du film.
03:27 C'est très étonnant ce film.
03:28 En fait, c'est votre portrait à Polonia, mais c'est le portrait de trois femmes.
03:32 Vous, cette réalisatrice danoise, Léa, et l'activiste ukrainienne Oksana.
03:40 Et à travers vous, et à travers ces 13 années, on va voir la personnalité de trois femmes, de trois femmes européennes.
03:48 J'insiste parce qu'on traverse l'Europe.
03:49 On traverse une époque, on traverse 13 années.
03:52 On traverse trois pays qui résonnent avec des langues, l'ukrainien, le danois que vous parlez et le français.
03:58 Et on traverse aussi Me Too qui va arriver et qui va percuter ce film.
04:03 On le voit arriver sur 13 ans.
04:05 Et en cela, c'est un film vraiment qui marque à travers votre personnage également.
04:10 Vous dites à des moments, j'avais besoin de cette caméra.
04:13 C'est vrai que cette caméra vous filme sous toutes les coutures.
04:15 Vous avez un rapport décomplexé à cette caméra.
04:17 On vous filme lorsque vous peignez, dans vos expositions avec vos amis, mais aussi au réveil, fatigué, dans le bain, en train de vous laver les cheveux,
04:24 nue, en train de vous habiller.
04:26 On vous voit souvent nue.
04:27 Elle filme vos joies, elle filme vos doutes, elle filme vos moments de tristesse.
04:32 Vous n'avez jamais été gênée par cette caméra ?
04:35 C'est une bonne question.
04:36 Eh bien, on pourrait dire que je n'ai pas vraiment eu le choix parce que c'est quelque chose que vous n'avez pas encore.
04:44 J'ai été filmée dès le début de ma vie et notamment à ma conception.
04:49 Donc quelque part, la caméra de Léa est venue très naturellement dans ma vie.
04:54 Parce que dès ma naissance, je n'ai pas vraiment appris ce qu'est l'intimité
04:59 ou s'il devait y avoir une dichotomie entre la vie privée et la vie publique.
05:04 C'est-à-dire que ce n'est pas seulement votre naissance qui a été filmée par vos parents.
05:08 Parce que ça, la naissance, on l'a. Mais ça, d'autres gens peuvent avoir la naissance.
05:11 Non, votre conception a été filmée.
05:13 On voit des extraits où vos parents, au moment de vous concevoir, je laisse imaginer où les gens voient le film,
05:19 mettent la caméra en disant "Bon voilà, on y va là".
05:22 Et donc, ils y vont pour vous concevoir.
05:24 Et donc, on les voit faire l'amour.
05:26 Puisque ça se passe comme ça pour faire un enfant, il paraît.
05:30 Et c'est vrai que c'est quelque chose, ce rapport assez fou et décomplexé à la caméra.
05:35 Vous en avez besoin de la caméra. Vous jouez avec elle.
05:37 Il y a quelque chose et c'est ce qui vous rend aussi hypnotisante à Polonia dans ce film.
05:42 On ne vous quitte pas des yeux et vous jouez de cette caméra.
05:46 Alors, vous grandissez dans un lieu artistique.
05:48 Vous êtes d'origine danoise par votre mère et polonaise par votre père.
05:51 Vous avez grandi dans un théâtre expérimental, le Lavoir moderne parisien, dans le quartier de la Goutte d'Or.
05:56 Vos parents tiennent ce théâtre dans les années 80.
05:59 Et à l'étage se trouve un atelier où vous allez commencer à peindre.
06:02 Et donc, vraiment développer la peinture qui va être la passion absolue de votre vie.
06:06 Puisque vous avez un rapport, vraiment on pense à Camille Claudel ou à Frida Kahlo.
06:10 Quand on voit le rapport à l'art, cette passion artistique qui écrase tout dans votre vie,
06:14 cette radicalité qui est assez folle.
06:17 On va écouter votre père parler de ce lieu si particulier, le Lavoir moderne parisien.
06:22 Ça fait 25 ans, cette année, nous avons fêté la 25e année d'ouverture du Lavoir moderne parisien,
06:27 donc à Château-Rouge, en plein cœur de la Goutte d'Or.
06:30 C'était une vieille laverie avant, c'est ça ?
06:32 Un lavoir qui est décrit dans les notes de Zola.
06:35 De Zola ?
06:36 Oui, lorsqu'il a écrit "La Semoire", "Germinal" etc.
06:38 Il a fait des descriptions extrêmement précises.
06:41 Et donc, c'est ce fameux lavoir qui, à l'époque, avait 107 places
06:45 et qui a fonctionné de 1850 à 1953.
06:48 Après, c'est devenu une petite usine industrielle, ensuite une ruine.
06:52 Et on l'a repris en 1986 et retapé pour en faire une salle de spectacle
06:57 et un haut lieu culturel ouvert sur un quartier extrêmement intéressant
07:01 d'un point de vue culturel, justement.
07:03 Il est important ce Lavoir dans le film.
07:06 Vous allez finir par en partir, d'abord une première fois avec votre mère
07:10 quand vos parents se sont séparés.
07:13 Puis vous allez revenir, vous vous battez pour garder l'endroit.
07:16 Et finalement, vous allez devoir partir parce que insalubrité,
07:19 parce que problème, vous allez le quitter.
07:22 Mais je reviens sur l'éclosion de l'artiste,
07:24 de cette femme qui donne tout à son art.
07:27 Il y a un moment dans l'enfance qui est très troublant.
07:29 Vous allez souffrir d'une maladie grave, rare, de la vessie, une sorte de cancer.
07:34 Les médecins vous donnent 10 ans pour vivre.
07:36 Et qu'est-ce qui se passe ?
07:37 Les bonnes sœurs, qu'est-ce qu'elles vont faire
07:40 celles qui vont vous soigner dans l'hôpital ?
07:43 Oui, voilà, alors moi j'étais un petit peu touchée par la voix de mon père.
07:46 C'est rigolo, c'est vrai que le théâtre a été fondé par mes deux parents,
07:49 Eddy et On.
07:50 Et ma mère a été co-créatrice, bien évidemment, de ce lieu.
07:54 Je voulais juste le dire parce qu'on l'oublie parfois
07:57 du fait de l'invisibilisation qui arrive souvent pour les femmes artistes.
08:03 Donc, en ce qui me concerne, le début de ma vie,
08:07 vous m'avez comparé à Frida Kahlo.
08:09 Beaucoup d'artistes commencent leur vie d'artiste finalement par la souffrance.
08:14 Ça arrive dans leur mythologie personnelle.
08:17 Et moi j'avais ce mélanome de 4 cm à l'intérieur de ma vessie.
08:23 - Quand vous étiez enfant. - Et j'étais enfant, donc en fait,
08:25 vraiment mon entrejambe était un lieu de bataillon pour tous les médecins.
08:29 C'était une maladie orpheline, on ne connaissait pas ce genre de mélanome à l'intérieur du corps.
08:35 Donc normalement, habituellement, c'est à l'extérieur.
08:38 Et puis il faisait la taille de 4 cm.
08:40 Donc en fait, les médecins me disaient que c'était la taille d'un pouce d'adulte.
08:44 Plus tard, j'ai lu les scénarios, enfin les textes qu'ont écrits les médecins,
08:49 qui sont comme des scénarios un peu.
08:50 Ils racontent l'histoire de ma famille pour comprendre l'aspect psychologique.
08:54 Comment ça se fait que ce mélanome a pris forme à l'intérieur de ma vessie ?
08:58 Et c'est toujours une histoire de motifs et de pigments.
09:01 Donc j'y vois comme un lien un petit peu magique, spirituel avec finalement ma vocation.
09:05 Et c'est vrai qu'on pense à Frida Kahlo.
09:07 Enfin moi j'ai pensé à Frida Kahlo parce que vous la représentez.
09:10 Comme vous faites de la peinture figurative, vous vous peignez également.
09:14 Il y a des peintures de vous nues, on voit la cicatrice.
09:18 Un peu comme Frida peignait ses corsets qui lui faisaient mal et qui faisait une histoire de douleur.
09:23 Mais c'est vrai qu'à l'origine, il y a ce rapport au corps, ce rapport au corps qui fait mal
09:27 et qu'on retrouve dans toutes vos peintures.
09:29 À l'origine, il y a la souffrance.
09:32 Je pense que l'art sauve.
09:35 C'est-à-dire d'abord les artistes.
09:37 Mais on a envie de penser plus qu'il s'agit de quelque chose de plus important,
09:42 qu'il s'agit de l'art du génie, que l'art est plus que quelque chose de salvateur.
09:49 Mais je pense qu'il est d'abord salvateur pour l'artiste.
09:51 - Je veux juste préciser, qu'est-ce qu'elles vous montrent les bonnes sœurs ?
09:54 Qui vont vous marquer en fait ?
09:57 Elles vous montrent des icônes, elles vous montrent des peintures.
09:59 - Oui, donc moi j'ai grandi avec plein d'artistes et plein de peintres,
10:02 notamment les amis de ma mère qui peignaient aussi dans le Lavoir.
10:05 Mais c'est vrai que ce moment-là, l'hôpital ou les noms vont me ramener à la Bible
10:09 pour me convertir quelque part et m'aider avec des peintures de la Renaissance italienne,
10:18 des grands classiques occidentaux.
10:20 Et là, je vais vouloir me baptiser après avoir passé à l'hôpital.
10:24 Ça, c'est pas dans le film, mais j'insiste pour me faire baptiser
10:26 afin de me rapprocher de la peinture et de devenir peintre.
10:30 Mais bien évidemment, plus tard, en tant qu'adulte,
10:32 j'ai compris que pour être peintre, il faut tout simplement peindre et non se convertir.
10:37 - On voit les moments de désespoir du début où ça marche pas,
10:39 vous êtes perdus, vous vous accrochez à des moments où on vous voit en train de pleurer,
10:43 en disant "mais comment je vais y arriver ? Comment je vais devenir une peintre ?
10:46 Comment je vais devenir une des meilleures ? La meilleure aussi ?"
10:49 Il y a cette idée de "oui, ça vous fait marrer, mais c'est vous !"
10:53 Et puis, il y a un de vos profs au Beaux-Arts qui vous dit,
10:56 c'est une phrase très dure, qui vous dit "votre personnalité si intense, si fiévreuse,
11:02 votre personnalité à Polonia est plus intéressante que vos peintures."
11:07 - Oui, ça c'est mon jury, mais c'est un jury externe,
11:09 qui n'est pas un de mes profs, c'est le jury qui vient décider si je vais être diplômée.
11:16 Comment je vais être diplômée ?
11:18 C'est toujours la même chose, quand on est une femme,
11:21 soit on est trop, soit on n'est pas assez.
11:25 Je ne sais pas, comment est-ce qu'on peut dire que mes tableaux
11:30 sont moins intéressants que ma personnalité, étant donné que ma personnalité,
11:33 ma personne, mon corps mortel, mon corps vivant, moi,
11:36 je suis là uniquement pour protéger mes tableaux,
11:38 et pour les faire, toutes les choses qui m'arrivent dans la vie,
11:40 c'est pour le métaphysique, le spirituel, l'art.
11:44 Et si aujourd'hui j'étais menée à mourir, j'en serais bien heureuse.
11:48 Voilà, non c'est terrible ce que je viens de dire.
11:50 Mais je veux dire, pour moi les tableaux sont plus importants en fait.
11:54 Et d'ailleurs, dans le film, plusieurs fois on parle du rapport au corps,
11:57 comme vous dites, il y a peut-être même des questions de genre,
11:59 il y a des moments où je parle de, quand je suis dans cette baignoire,
12:02 que j'aimerais ne pas être une femme, que j'aimerais tout simplement être la peinture.
12:06 Oui, vous rêvez d'être une peinture en fait.
12:08 Sans genre, sans femme, sans corps, mais une peinture.
12:12 Et puis il y a la question de la maternité qui traverse aussi ces 13 années,
12:16 puisqu'il y a, comme vous ou votre copine Oksana, qui dit "on vit pour l'art,
12:21 il n'y a pas la place pour un enfant, il faut choisir".
12:24 Et la réalisatrice qui au fil de ces 13 années va avoir un enfant.
12:29 Pour vous, c'est clair, c'est soit l'art, soit avoir un enfant, ça ne peut pas être les deux ?
12:33 Bon alors, il y a différents moments dans ma vie.
12:36 Bon, il y a les 13 ans dans le film, et moi si ma vie elle a continué après,
12:39 j'ai d'autres idées aujourd'hui.
12:41 Je ne veux toujours pas d'enfant, pour d'autres raisons.
12:44 Je pense que cette idée comme quoi il faut choisir entre l'art et la peinture,
12:48 enfin l'art et la maternité, elle est un petit peu difficile.
12:52 Je connais énormément d'artistes qui ont des enfants,
12:55 et dans l'histoire il y en a eu beaucoup d'ailleurs aussi,
12:57 qui ont eu des carrières très impressionnantes, et qui sont des références.
13:01 Mais le fait qu'on me pose tout le temps cette question au fil des années,
13:05 je suis obligée de trouver des réponses.
13:07 Aujourd'hui je n'ai pas envie d'avoir d'enfant.
13:09 Pourquoi ?
13:10 Ben aussi pour des raisons climatiques par exemple.
13:12 Il y a la parenthèse américaine, à un moment vous vous étouffez à Paris,
13:15 vous partez à New York, puis à Los Angeles,
13:17 où vous rencontrez celui que vous appelez le Satan du monde de l'art.
13:19 C'est un investisseur très riche qui prend de jeunes artistes sous son aile,
13:22 et qui doivent ensuite travailler pour lui.
13:24 Vous dites, et vous avez à un moment signé un pacte,
13:27 comme d'autres artistes, avec cet investisseur,
13:30 qui va vous envoyer chez un de ses clients, un collectionneur.
13:33 Vous arrivez dans une chambre d'hôtel, et là vous avez un homme très corpulent,
13:36 mal rasé, en jogging, on est à Los Angeles,
13:38 qui vous regarde et qui vous propose de passer un casting pour devenir actrice,
13:42 en échange d'une rétribution en nature.
13:44 Enfin, on le comprend qui est cet homme que vous avez rencontré dans une chambre d'hôtel à Los Angeles ?
13:48 Alors là, vous avez vraiment sorti les dossiers.
13:50 Cette scène n'est pas dans le film.
13:52 Parce que le film a un certain anachronisme,
13:54 comme ça la réalisatrice n'est pas toujours là pour filmer ce qui se passe.
13:57 Mais effectivement, j'avais rendez-vous avec Harvey Weinstein,
13:59 non dans la chambre d'hôtel, mais dans le lobby de l'hôtel,
14:02 un grand hôtel où il y avait un pianiste qui s'est mis à jouer à la musique de ses films.
14:07 J'ai compris qu'il avait énormément de pouvoir.
14:09 Ce monsieur qui était supposé m'aider, peut-être acheter un tableau.
14:12 Et donc finalement, aucun tableau ne l'a vraiment intéressé.
14:16 Il m'a dit que j'avais du charisme,
14:18 et que je devais peut-être monter dans sa chambre pour faire un casting.
14:22 On est vraiment au cœur de Hitchhiker Me Too et j'en veux.
14:25 C'est vrai que Me Too vient percuter le film avec Harvey Weinstein.
14:28 On ne le voit pas venir, qui arrive dans votre vie.
14:30 Effectivement, vous le rencontrez, il vous propose de monter,
14:32 passer à la casserole, et vous avez fui.
14:35 Mais c'est rigolo parce qu'en fait, à ce moment-là, je lui ai répondu
14:38 "Mais non, moi je m'en fiche de vos films, j'ai pas besoin d'être dans votre film.
14:42 D'ailleurs, j'ai déjà un film en cours."
14:44 Et je parlais à ce moment-là du film étudiant de Léa Globe.
14:47 On n'avait aucune idée qu'il aurait tellement de succès son film.
14:50 Donc c'est en fait le manque d'arrivisme,
14:52 ou peut-être juste pas envie de jouer, d'être dans le cinéma.
14:55 Ça vous fait plaisir ce succès qu'il a ce film ?
14:57 Les critiques sont dites "irambiques", ça a été multiprimé dans plein de festivals.
15:01 Plein de gens parlent de ce film-là, ça vous touche ?
15:05 Ah oui, ça me touche énormément, c'est fabuleux parce que ce film,
15:08 comme vous l'avez dit, n'est pas juste un film sur moi,
15:10 mais c'est vraiment, je pense que c'est une oeuvre qui va
15:13 aussi même transcender son propre genre, celui du documentaire,
15:16 par rapport au rapport qu'on a ensemble, moi-même avec la réalisatrice.
15:21 Je passe de quelque chose d'un objet de fantasme, au début du film,
15:25 on voit la bohème, la Paris, des idées comme ça qu'elle a pu avoir
15:28 sur des projections de comment est-ce que la vie était,
15:31 et puis au fil des années, nos rapports vont changer.
15:35 Et vous grandissez, et même sa manière de filmer devient plus aboutie,
15:38 au début, effectivement, en laissant étudiante,
15:40 et au fil des ans, ça devient une oeuvre artistique.
15:42 C'est ça qu'on voit dans tout ce film-là.
15:44 Et à partir du moment où elle va tourner la caméra vers elle-même
15:46 et montrer des choses qui sont complètement taboues,
15:48 comme l'accouchement ou un accouchement catastrophe,
15:50 eh bien moi aussi je vais devenir une personne.
15:53 Et puis il y a la troisième personne, parce que je veux la citer,
15:56 c'est la cofondatrice des Femmen, Oksana Tchatsko,
16:00 qui est une activiste, qui est votre meilleure amie,
16:02 qui est votre âme sœur, et qui va se suicider dans le film.
16:04 Donc là aussi on vit ce drame absolu,
16:06 qui est le drame absolu de votre vie,
16:08 qui est le suicide d'Oksana en 2018,
16:10 et qui traverse également le film que j'encourage à aller voir,
16:14 parce que c'est une vraie expérience, en fait, ce film-là.
16:17 Je vais terminer par les impromptus, vous répondez très rapidement.
16:19 C'est vrai qu'aujourd'hui vous vivez dans un atelier où a vécu Picasso,
16:22 à Montmartre ?
16:23 Je crois que c'est l'atelier où il a fait les Demoiselles d'Avignon, au bateau Lavoie.
16:27 Pas mal ! C'est vrai que vous faites un truc pas professionnel,
16:30 vous finissez les tableaux dans les musées la veille du vernissage ?
16:33 Alors ça m'arrive de faire ça, effectivement, parce que je n'ai pas beaucoup de temps,
16:36 mais il ne faut pas oublier que le rituel du vernissage vient du fait de vernir les tableaux,
16:42 et c'était un rituel, on vernissait en public le jour du vernissage des tableaux.
16:47 Donc finalement c'est professionnel ce que vous faites.
16:49 Donc finalement pourquoi pas.
16:50 Le meilleur moment de la journée pour peindre ?
16:52 Alors on peint tout le temps, même quand on ne peint pas.
16:56 Donc moi je dois être tôt à l'atelier, et pendant 4-5 heures je ne fais rien,
17:01 et puis au bout d'un moment ça vient.
17:02 Le Louvre ou Orsay ?
17:04 En ce moment indéniablement Orsay, où Nathanaël Herbelin, qui figure d'ailleurs dans le film, expose.
17:11 Rodin ou Camille Claudel ?
17:13 Camille Claudel.
17:14 Picasso ou Dali ?
17:15 Ah ben ni l'un ni l'autre.
17:16 Le Caravage ou Velazquez ?
17:18 Caravage.
17:19 La liberté ou l'art ?
17:21 Ben l'art.
17:23 Plus que la liberté ?
17:25 Oui.
17:26 Parce que vous êtes drôlement libre aussi dans le portrait d'une femme libre, pas seulement d'une artiste.
17:30 L'art donc, l'art absolument.
17:32 Et Dieu dans tout ça ?
17:34 Ah ben la spiritualité, je pense.
17:36 Apollonia, Apollonia. Voilà le titre de ce documentaire réalisé par Léa Globe,
17:40 avec donc Apollonia qui est en face de nous, Apollonia Socol.
17:43 Merci d'avoir été avec nous, c'est en salle, au cinéma.
17:46 Très belle journée à vous.