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Art et designTranscription
00:00 Jusqu'à 13h30, les midis de culture.
00:05 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosna Savoie.
00:10 Place à la rencontre.
00:12 Aujourd'hui, notre invité est rappeur, acteur et metteur en scène.
00:15 Sa voix est reconnaissable entre toutes.
00:18 Et ça tombe bien, pas seulement parce qu'on est à la radio,
00:20 mais parce qu'il met aussi sa voix au service de grands noms de la littérature politique.
00:24 D'abord, dans le spectacle Black Label, manifeste antiraciste,
00:28 mise en scène avec David Bauré.
00:30 On peut l'écouter, lire et déclamer les textes.
00:33 Entre autres, on va y revenir, de Léon Gontron-Damas, Aimé Césaire ou James Baldwin.
00:38 Et ensuite, dans la série Machine, qui sera diffusée sur Arte,
00:41 c'est à Karl Marx qu'il s'attaque, jouant un ouvrier passionné par le philosophe du capital,
00:47 faisant de ses phrases des mantras quotidiens.
00:50 De quoi donc écouter encore plus sa voix.
00:53 Et donc pour l'écouter, je vous salue, Joey Starr, bonjour.
00:56 - Bienvenue dans les Midi de Culture. - Merci.
00:58 Joey Starr, d'où vous est venue cette idée avec David Bauré de Black Label,
01:04 ce spectacle qui est présenté comme un manifeste antiraciste ?
01:08 Déjà, ça part d'un cadeau que m'a fait David.
01:12 On avait fait déjà, enfin, il avait mis en scène Elephant Man il y a quelques années.
01:17 Et ça s'était bien passé, ça fait partie de mes premières vraies sensations de théâtre.
01:24 Avant ça, je n'avais fait que des lectures.
01:27 Et donc la rencontre a été, enfin voilà, on est devenu très proches.
01:31 Il m'a offert un livre de Léon Gontrand-Damas, que je connaissais comme ça,
01:35 je connaissais le nom parce qu'il faisait partie du cercle de Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire.
01:40 Mais je n'avais pas lu, et j'ai lu Black Label, ce livre donc, qui est un long poème.
01:48 Et de là sont nés des échanges entre David Bauré et moi.
01:52 Et un jour, il m'a dit "Ecoute, t'as pas envie qu'on se fasse une mise en scène ensemble ?"
01:56 Déjà, gros cadeau, parce que quand on connaît les faits d'armes de David Bauré,
02:02 moi qui ai rencontré le théâtre il n'y a pas très longtemps en plus,
02:05 on me propose une mise en scène au bout de 4-5 ans.
02:08 Et comme j'aime sortir de ma zone de confort, j'ai tout de suite dit oui,
02:15 avant de comprendre vraiment ce que ça voulait dire.
02:18 - Vous avez regretté ? - Jamais.
02:22 Je peux regretter de ne pas avoir... Il a une vraie connaissance de tout ça.
02:31 Moi je débute, j'ai fait ma première mise en scène avec Clarice Fontaine
02:35 sur une pièce qui joue en ce moment, qui s'appelle "Cette petite musique que personne n'entend".
02:39 - Au Théâtre des Maturins, c'est ça ? - Merci, oui.
02:41 Et voilà, on n'avait pas de budget, c'est une pièce qu'on a montée avant le confinement,
02:47 qu'on a tenue à bout de bras, aujourd'hui on peut la jouer,
02:51 avec tous les problèmes, et puis j'apprends en marchant.
02:54 Au contact de David, on a un vrai théâtre.
02:59 - Une grande scène. - C'est le jour et la nuit, les moyens.
03:03 Et puis une équipe aussi, parce qu'il n'y a pas que nous,
03:07 il y a toute une équipe pour sélectionner les textes,
03:10 et après c'est nous qui avons fait tout le boulot de mettre ça en spectacle déjà,
03:16 parce que c'est quand même un sujet...
03:18 En fait le spectacle est en trois strates.
03:22 Au départ, on est en 1222, c'est un texte qui nous vient du Mandem, c'est au Mali,
03:29 et qui ressemble étrangement à la charte des droits de l'homme.
03:33 - Sauf que ça date de 1222, c'est assez dingue.
03:37 - Et de là, ces strates-là, c'est l'esclavagisme,
03:42 et après la deuxième strate, c'est l'industrialisation et la colonisation,
03:47 et la troisième strate, c'est le tissu social que cela crée aujourd'hui encore.
03:52 On comprend qu'en fait, tout ceci n'est pas qu'une histoire d'Africain,
03:57 mais surtout, c'est indépendant de l'histoire du monde.
04:04 Donc voilà. Monter ça en spectacle déjà,
04:08 et puis surtout, après, j'ai proposé une contrebassiste qui chante aussi.
04:14 - C'est Céline Saint-Aimé.
04:17 - David, de son côté, a convoqué un chansigneur...
04:23 - Alors, chansigneur, je ne connaissais pas ce terme de chansigneur.
04:27 Ah voilà, donc c'est un interprète en langue des signes.
04:31 - En langue des signes, mais l'idée, c'est qu'il n'est pas comme...
04:35 La vision qu'on en a en général, c'est le journal télé avec quelqu'un en petit en train de tacler...
04:41 - Ah, à droite !
04:42 - Là, il n'accessoirise pas le spectacle, il fait partie intégrante du spectacle.
04:47 - Il est même au centre de la scène.
04:49 - Complètement, et puis surtout, je me suis rendu compte, enfin, j'ai appris que...
04:53 Par exemple, cette personne est guadeloupéenne, et toute cette histoire qu'on raconte,
04:56 dont il est directement concerné aussi, en fait, il n'en a pas accès,
05:00 parce qu'il est sourd-ému, justement, et qu'il n'y a pas de lecture,
05:03 et qu'il n'a pas rien d'adapté pour qu'il ait accès à ça.
05:06 Donc ça aussi, ça m'a paru assez vertigineux.
05:09 Donc voilà, il y a un travail de leg dans tous les sens que j'adore dans cette histoire-là,
05:14 parce qu'on a des gens qui sont venus nous voir quand on a joué au Théâtre du Grand Nord,
05:18 des gens du corps enseignant, et qui nous ont dit "Vous nous avez fait un cours d'histoire en augmenté,
05:22 super ému, et puis surtout, ça touche tout le monde, en fait, on comprend...
05:28 - Mais comment s'est fait ce passage ?
05:30 - Il y a certaines choses qui se passent aujourd'hui aussi.
05:32 - Comment s'est passé justement cette idée ?
05:36 Vous avez dit "J'avais jamais fait de théâtre, j'avais fait des lectures", comme si c'était différent.
05:40 Là, il y a vraiment, en fait, c'est un spectacle dont la matière, c'est vraiment le texte,
05:47 qu'il faut habiter, qu'il faut interpréter, mais ce n'est pas que de la lecture, vous dites ?
05:50 - Oui, ce n'est pas que de la lecture.
05:52 Le décor est très simple, il est tout noir.
05:55 - Très épuré, on peut le dire.
05:57 - Avec des projections, on est tous quasiment habillés en noir,
05:59 donc en fait, c'est aussi une manière de nous mettre en retrait,
06:02 de mettre en avant le texte et tout ce qu'il nous envoie.
06:07 C'était ça l'idée, de faire quelque chose de très épuré.
06:10 Il y a des projections, il y a de la musique, mais pareil, ça agrémente.
06:15 Il y a de la contrebasse, de la percussion, et puis deux voix,
06:20 celle du danseur et celle de la contrebassiste.
06:24 Enfin, voilà quoi.
06:26 - Est-ce qu'on peut vous écouter lire un des textes ?
06:30 - Et je n'ai pas mes lunettes ! Pourquoi vous me faites ça ?
06:33 - Oui, mais non, je sais que vous arrivez à lire ce texte-là,
06:35 puisqu'on en a parlé juste avant.
06:37 Vous arrivez à le décrypter ?
06:39 - Oui, il est écrit très gros, donc...
06:41 - "Police 36", c'est un texte d'Eva Dumbia, de 2020,
06:46 qui est extrait de son livre "Autophagie" pour la présenter.
06:50 Eva Dumbia, c'est une metteur en scène et auteur d'origine malienne,
06:53 et elle parle ici du sucre. C'est un des très beaux textes.
06:56 Ils sont tous très beaux, mais celui-ci m'a particulièrement remarqué
06:58 quand j'ai vu votre spectacle. Je vous donne la parole, Joe Esta.
07:01 - Eh bien, j'y vais alors.
07:03 - Allez, c'est parti !
07:05 - C'est donc en l'an 1492 que Christophe Colomb pose son pied
07:11 sur une terre qu'il croit indienne.
07:14 Le désir d'or et d'Orient avait aiguillonné le navigateur italien.
07:18 Colomb cherche Gengis Khan en Caraïbe.
07:22 Le Colomb est déboussolé.
07:25 Je ne sais pas où est l'Orient.
07:28 Je n'ai jamais eu le sens de l'orientation.
07:31 Précolombien, Colombie, Méso-colombien,
07:36 sont les mots de ma honte désorientée.
07:39 En 1502, les Cassis Caraïbes offrent des fèvres de cacao
07:45 à l'homme au patronyme catastrophique.
07:48 Colomb jette au flot les précieuses fèvres,
07:52 y croyant voir des excréments séchés de chèvre.
07:56 On dit que ce sont des carmélites espagnoles
08:01 qui l'agrémentent pour la première fois de sucre de canne.
08:05 On dit que le lait et le miel biblique
08:09 ont prosélyté l'amertume cacaoyère des spiritualités aztèques.
08:13 Tout s'amplifie à la Renaissance.
08:17 Et c'est pire au temps moderne.
08:20 Au XVIIe siècle, les monuments candi édifiés
08:24 par les pâtissiers des courtes princières
08:27 pourrissent ici les dents du roi Soleil,
08:30 tandis qu'ont été abattus là-bas les pyramides amérindiennes.
08:34 Exportation, importation, exploitation, extermination.
08:42 Personne ne pourra plus jamais dire avec précision
08:47 la violence subie par ceux qui n'auront jamais compris
08:51 pourquoi on les traitait si mal.
08:55 Voilà.
08:56 - Merci beaucoup.
08:57 - Et c'est ce texte en plus qui ouvre justement la deuxième strate de...
09:01 - Sur la colonisation.
09:02 - ...industrialisation, colonisation, enfin voilà.
09:04 - Sur ce choix de texte, vous avez dit qu'il y avait effectivement trois strates.
09:09 On a une multiplicité de points de vue, d'époque, de personnalité.
09:14 Vous ne pouviez pas être complètement exhaustif,
09:16 mais il y a quelque chose que vous n'avez pas dit.
09:18 Un fil conducteur, c'est quand même celui de la colère.
09:21 Vous avez aussi écrit un texte, "Joey Starr",
09:23 le mot "colère" y apparaît, ce terme-là apparaît beaucoup.
09:27 Là, vous l'avez lu, de manière...
09:29 On est dans un studio, c'est pas du tout la même ambiance que sur une scène.
09:32 Il n'y a pas en plus de percussions ni rien.
09:35 Est-ce que la colère, ça a été un moteur aussi dans ce choix des textes
09:38 ou dans l'interprétation de ces textes ?
09:40 - La colère a toujours été un moteur pour moi.
09:43 - Encore maintenant ?
09:45 - Ben, pardon, j'ai encore...
09:48 Oui, quand je regarde ce qui se passe, j'ai des enfants.
09:52 Je fais au possible pour les rendre les plus vigilants possible,
09:56 sans non plus être...
09:59 Enfin, oui, non, on vit une époque grinçante.
10:02 Je suis en colère sur pas mal de choses.
10:06 Sur le foutage de gueule de ce qui se passe en Palestine, entre autres.
10:10 Bien sûr qu'il y a énormément de choses qui tiennent ma colère au chaud, oui.
10:15 Oui, effectivement.
10:17 Et oui, on peut pas...
10:19 Je pense qu'on peut pas...
10:21 Comment dire ? On peut pas...
10:23 C'est pas seulement...
10:25 C'est pas le seul véhicule de la colère, quoi.
10:27 Comme je le disais tout à l'heure, il est important de citer les gens.
10:31 Les gens qui écrivent ces textes qu'on livre,
10:35 parce qu'ils ont tous un parcours différent,
10:38 une lecture différente de tout ça.
10:40 - Est-ce qu'ils sont tous en colère, justement ?
10:42 - Non, tout n'est pas basé, justement, sur la colère.
10:45 C'est ce que j'essayais de dire.
10:47 Non, non, on est sur un constat d'urgence à différentes époques
10:50 et différents endroits de la planète.
10:52 - Est-ce que lire ces textes-là, les transmettre, les rappeler aussi ?
10:56 Parce que, comme vous avez dit, il y a des professeurs, par exemple,
10:58 qui vous disent "merci, vous avez fait une histoire".
11:01 C'est un parcours chronologique.
11:03 Il y a une histoire de ces textes-là, du racisme jusqu'à aujourd'hui.
11:09 Est-ce qu'il y a quelque chose de thérapeutique aussi ?
11:11 Ou vous dites "là, je fais aussi une œuvre de pédagogie, de transmission"
11:15 et ça calme cette colère-là ?
11:18 - Eh bien, moi j'ai un...
11:21 Comment dire... Mes deux parents sont nés en Martinique.
11:24 Je ne parle pas créole.
11:28 Mon père a voulu que je sois, comme il le disait,
11:33 plus assimilé que le blanc, à la limite.
11:36 Voilà ce que ça donne à l'arrivée.
11:39 Tout ça pour dire qu'il y a plein de choses que je ne sais pas
11:45 et au travers de tout ça, effectivement,
11:47 ça m'emmène à... Je suis de nature curieuse.
11:52 C'est pour ça que je suis, après avoir été NTM, je suis encore artiste.
11:55 Parce que justement, il y a des choses qui m'interpellent
11:58 et je cherche à aller vers.
12:01 Et là, en l'occurrence, tout ça m'amène à un questionnement
12:09 sur d'où je viens, mes origines, pourquoi si...
12:13 Enfin, pourquoi je suis comme ça ?
12:17 Pourquoi je suis encore en construction et ainsi de suite ?
12:20 Donc oui, ça dévertit des vertus thérapeutiques, à mon nom contre.
12:25 - Je ne peux pas citer tous les noms des auteurs que vous...
12:29 - Ah ben là, on en a pour un moment.
12:31 Parce qu'il faut savoir que quand on a commencé, on avait 100 textes.
12:34 - Là, on a à peu près 25 auteurs, là, aujourd'hui ?
12:37 - Là, on doit être à une trentaine, ouais.
12:39 Mais on en avait 100 et au fur et à mesure de la création...
12:42 Parce qu'on a inscrit dans un tunnel de à peu près 3 semaines
12:47 où on a fait toute la création et on a joué dans la foulée pendant une semaine
12:52 au sorti de ça. Et la première semaine, on avait 100 textes.
12:55 La deuxième, quand on est en 80...
12:57 - C'est un spectacle de cons !
12:59 - Ouais, on est sur un petit désir.
13:01 - Mais c'est un crève-cœur de faire ces choix-là !
13:03 De se dire "je dois en sacrifier certains,
13:07 qu'est-ce qui fait qu'une voix compte plus que l'autre ?"
13:10 - On va dire le sens du spectacle, aussi.
13:14 Et puis surtout, évitez de se répéter.
13:18 On n'avait pas envie que ce soit victimaire, aussi.
13:26 Parce que parfois, certains textes peuvent nous amener là-dessus.
13:30 Pour plein de raisons, quoi.
13:33 Mais déjà, le sens du spectacle...
13:35 Parce que faire un spectacle de ces écrits-là,
13:38 c'est pas évident non plus, en fait.
13:40 - Et pourquoi vous ne vouliez pas être victimaire ?
13:43 - Parce que...
13:45 - C'est un principe de base, de vous dire "on refuse cette position-là" ?
13:50 - Ouais, parce que...
13:52 Je vais le dire comme un comédien-ragiste,
13:54 mais moi, j'ai grandi les deux pieds dans la mer.
13:57 Pour moi, c'est le meilleur tremplin dans la vie, en fait,
14:01 pour affronter nos contemporains et l'époque.
14:04 Et tout ceci me rappelle un peu mon parcours, d'où je viens.
14:11 Tout ce qui me construit encore aujourd'hui.
14:14 Je ne suis pas là pour pleurer, je suis là pour avancer,
14:17 je suis là pour raconter les choses avec maestria,
14:23 et le menton vers les étoiles.
14:25 Mais je ne suis pas là pour faire miauler dans les chaumières,
14:29 mais plutôt pour qu'on comprenne un peu la texture sociale d'aujourd'hui,
14:34 par le biais de tous ces mots, de tous ces textes.
14:37 - Je vous propose, Joé Star, qu'on entend la voix de Léon Gontran-Damas.
14:41 Jusqu'à 13h30, les midis de culture.
14:46 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoy.
14:50 - J'ai parfois l'impression de me trouver dans une époque
14:56 qui procéderait d'une espèce de complexe de culpabilité.
15:00 On découvre le nez, on lui découvre des qualités,
15:05 on l'embrasse, il a beaucoup d'amis.
15:10 On l'étouffe, on l'étouffe le pauvre.
15:14 On l'étouffe, on va finir par le rendre malade.
15:17 Ici, il ne réagit pas du tout à toutes ces effusions.
15:23 Non, mais pour être sérieux, la négritude n'est pas...
15:30 La condition du nègre, la fierté d'appartenir à une race
15:40 qui a été avilée, qui a été matraquée, qui a été spoliée,
15:47 c'est une affaire qui a été dénoncée, pas d'aujourd'hui,
15:54 d'aussi loin que l'on puisse remonter dans l'histoire,
16:00 dans cette histoire douloureuse que fut l'aventure nègre,
16:05 il s'est toujours trouvé des gens, des fils ou des phobes.
16:12 Dans un poème que je viens de terminer,
16:16 je déclare qu'en définitive, fils ou phobes, ça ne fait que...
16:22 C'est du pareil au même.
16:25 Le poète, écrivain et homme politique Léon Gontrand-Damas,
16:28 c'est une archive qui date de 1976.
16:31 Donc c'est 20 ans après Black Label, qui date de 1956.
16:36 Joey Starr, comment vous comprenez ce que dit ici Léon Gontrand-Damas
16:41 quand il dit au début que la négritude n'est pas la condition du nègre ?
16:47 Non, l'appellation de notre condition, c'est humain, avant tout.
16:55 Je crois que ce mot négritude a été défini par les maîtres.
17:03 Mais s'il n'y avait pas eu tout ce mécanisme-là,
17:08 nous serions cousins, frères, humains avant tout.
17:12 Pourtant c'est un terme de négritude qui a été réapproprié,
17:16 qui a été retourné par Léon Gontrand-Damas, son mème Aimé Césaire.
17:20 Vous savez, sans aller aussi loin, je vais reprendre une phrase
17:24 de mon camarade Koolshen d'NTM,
17:30 qui disait "Quand on n'a pas grand-chose représenté, les sciences, c'est déjà quelque chose."
17:34 Donc voilà, on s'est étiqueté comme ça justement pour faire corps, je crois aussi, entre autres.
17:41 Il dit aussi, dans la suite de l'archive, qu'il vient d'écrire un poème sur Phil et Fob.
17:47 Pour lui, les deux sont les deux faces d'une même pièce,
17:52 tout autant détestables l'une que l'autre.
17:55 Ça aussi, vous le rejoignez là-dessus ?
17:58 Oui, et puis Léon Gontrand-Damas est très dur.
18:04 Le poème Black Label charge un peu tout le monde.
18:08 L'esclavagiste, le descendant d'esclaves, l'esclave lui-même.
18:14 Enfin voilà, j'aime son pragmatisme en fait, donc oui, je le rejoins complètement.
18:21 Donc son refus justement de ce que vous disiez juste avant,
18:24 le fait de se dire, d'être victimaire, de s'enfermer dans une posture de victime.
18:30 Tout à fait, il ne faut pas faire table rase du passé, loin de là.
18:36 Mais justement, s'en servir pour avoir une vraie lecture du futur en fait, voilà quoi.
18:42 Donc ceci a eu lieu, nous n'oublierons pas, mais servons.
18:48 Il faut s'en servir pour avancer quoi.
18:51 Moi je ne peux pas élever mes enfants en leur disant, voilà, le postulat il est là,
18:56 les gars, il va falloir construire avec.
18:58 Non, déjà j'essaye de leur faire comprendre qu'ils ont leur place,
19:01 ils ont leur regard et que voilà, ce que moi je leur lègue ou leur enseigne,
19:07 enfin leur mère et moi, je veux dire, on a une histoire aussi et que voilà,
19:14 tout ceci est porteur de, enfin pour moi, vous arrivez de quelque part,
19:19 vous avez une vraie histoire et j'espère que vous, comment dire,
19:26 en vous servant de ça, vous serez de bons citoyens du monde.
19:31 C'est très beau, mais quand on voit l'état du monde aujourd'hui, c'est un peu compliqué quoi.
19:35 - Mais c'est difficile de dire, tu as ta place et après dans la réalité...
19:39 - Dans la réalité, le regard de l'autre...
19:44 - Détermine justement.
19:46 - Amène tout ça, oui, bien sûr que c'est difficile, mais voilà, on se doit de faire avec.
19:50 Nous humains, on a les mêmes capacités que les mycoses, on s'adapte à tout.
19:56 - Quelle différence, enfin vous faites d'ailleurs, parce que ça fait deux fois que vous parlez de vos enfants, de Joestar,
20:00 vous voyez une différence entre quand vous étiez petit, vous, ce que vous avez vécu et ce que vivent vos enfants ?
20:06 Est-ce qu'il y a eu un changement justement dans le regard ?
20:08 - Oui, oui, déjà, je ne sais pas, à l'âge de mon fils, j'en ai un qui a 16 ans,
20:19 je n'avais pas autant d'infos autour de moi à sélectionner, c'est vertigineux, la différence est vertigineuse.
20:26 Moi déjà, je vais prendre un exemple très simple, quand on fait un anniversaire,
20:32 quand j'étais jeune, moi c'était les adultes au milieu et puis les enfants autour,
20:35 donc on se demandait si c'était l'anniversaire de l'enfant.
20:39 Aujourd'hui, les enfants sont au centre et nous on est autour, enfin voilà, tu changes la lecture.
20:44 On a plus besoin de savoir comment ils vont, d'être dans le questionnement à toutes les strates,
20:51 pour savoir comment ils vivent.
20:54 Moi je sais que je me suis beaucoup fait chier quand...
20:57 - Quand vous étiez petit ?
20:58 - Ah mais mon enfance, ça a été... voilà quoi.
21:02 - Oui, les enfants sont le centre du monde.
21:03 - J'ai appris très tôt à suspendre le temps justement,
21:06 et donc nous veillons à ce qu'ils... justement, il n'est pas ça quoi,
21:14 et qu'ils aient...
21:16 - Qu'ils puissent parler.
21:17 - Des journées pleines, qu'ils puissent s'exprimer,
21:19 et qu'ils puissent, voilà, comprendre que le monde est vaste.
21:23 Moi, à l'âge de mon fils, je pensais que le monde s'arrêtait au trottoir d'en face quoi.
21:27 Eux, ils ont cet objet, par exemple, le téléphone portable,
21:31 qui est une fenêtre sur le monde, bonne ou pas bonne,
21:34 c'est à nous de savoir leur expliquer le mode d'emploi de tout ça.
21:38 À l'époque, nous on parlait de la télé, mais aujourd'hui c'est le téléphone portable,
21:41 enfin c'est les réseaux, c'est tout ça.
21:43 Voilà, le monde est vachement plus vaste pour eux que il l'était pour nous quoi.
21:46 - Et sur le racisme ?
21:47 - Ouais.
21:48 - Ça a changé ?
21:49 - Ça a changé...
21:52 Plein de choses sont faites, on peut pas ligner,
21:55 mais ça change très lentement.
21:59 - C'est-à-dire que cette ouverture du monde n'a pas véritablement bouleversé l'ouverture justement aux regards ?
22:06 - Non, vu que plein de gens s'expriment sans...
22:11 Vous savez, on a beaucoup de gens qui jouent sur la méconnaissance,
22:20 la plupart des gens, de l'histoire humaine,
22:25 donc ça, ça joue encore plus.
22:28 Non, ça a pas...
22:29 Voilà, comme je dis, il y a plein de choses qui sont faites,
22:32 mais non, ça a pas vraiment changé.
22:35 Regardez, ne serait-ce que quand on regarde la manière dont sont traités les différents conflits
22:42 par les journaux TV,
22:47 on parle pas du tout de ce qui se passe en République du Congo,
22:51 mais en revanche, ce qui se passe en Palestine,
22:55 ce qui se passe en Ukraine,
22:58 mise en avant, je pense que c'est parce qu'encore une fois,
23:01 l'Afrique est toujours au second plan, quoi.
23:05 Quand il faut y aller épuisé,
23:09 on va pas partir sur la France-Afrique,
23:11 mais quand on y trouvait notre beurre,
23:15 on en profitait.
23:17 Maintenant que ces gens s'entretuent entre eux à cause de ce qu'on a laissé justement,
23:23 voilà, l'Occident a laissé,
23:25 là on est d'accord qu'on est sur un des plus gros génocides de l'histoire humaine,
23:31 et que tout le monde s'en fout, quoi.
23:33 Donc je pense que ça, on peut le traiter sur différentes strates,
23:38 et celle du racisme aussi, quoi.
23:40 - On va écouter, Joey Starr, une autre de vos actualités,
23:45 elles sont nombreuses, c'est la série "Machines",
23:47 où là aussi, vous interprétez,
23:49 enfin, vous interprétez, en tout cas, vous reprenez à votre compte
23:54 des grandes répliques du philosophe Karl Marx.
23:57 - Elle a porté la tente, parce que l'armée, elle m'a de plus sacré !
24:01 On peut pas la laisser dans la nature.
24:04 - Et l'où le machin que vous envoyez l'entraînement ?
24:08 - Ah !
24:10 - L'armée m'a formé. - Déformé !
24:12 - Tu faisais quoi avant, toi ?
24:14 - J'étais débougé.
24:16 - C'est donc quoi, tu vas me donner le tuc, Maurice ?
24:18 - Le patronat, les syndicats, nous font croire qu'on a besoin d'eux,
24:22 alors que c'est l'inverse !
24:23 - La camaraderie, on l'a déjà fait.
24:25 Depuis, j'ai compris que pour survivre, c'est chacun pour soi.
24:27 - C'est qui, elle ? - Une intérimaire.
24:29 - Une intérimaire ? - On le voit bien.
24:31 - On diffuse son portrait dans toutes les gendarmeries,
24:34 et on voit ce qui se passe !
24:35 - Je t'avais dit de pas revenir.
24:37 - Si tu la retrouves, c'est pas une femme que tu auras en face de toi,
24:41 c'est une machine.
24:46 - Ils reprennent le pouvoir à l'usine.
24:48 - L'usine, un cadeau !
24:49 - Faut que le capitalisent.
24:51 - C'est des bruits, hein ?
24:53 - T'es un peu notre porte-bonheur ?
25:01 - Franchement, j'ai une gueule de porte-bonheur.
25:03 - La bande-annonce de la série "Machine",
25:07 série créée par Thomas Bidguin, réalisée par Fred Grévois,
25:10 est disponible dès demain, le 4 avril, sur la plateforme arte.tv.
25:14 - Et dans cette série, "Machine", Joyeuse Star,
25:17 vous interprétez JP, un ouvrier marxiste,
25:20 ancien toxicomane, qui va apporter de l'aide,
25:24 en tout cas, va s'allier au personnage de "Machine",
25:27 ou Corinne Levasseur, ça dépend comment on l'appelle dans la série,
25:31 interprété par Margot Bancillon.
25:33 C'est une série qui est très drôle,
25:35 c'est un objet étrange.
25:37 Il y a à la fois de la politique et aussi du kung-fu,
25:40 et on voit bien cette dimension un peu étrange dès l'ouverture,
25:43 puisqu'il y a une première citation ironique,
25:46 non pas de Karl Marx, mais sur Karl Marx,
25:48 deux, je vous le dirai après, je lis la citation,
25:51 c'est "Mon conseil à la jeunesse, lire Karl Marx",
25:54 trois petits points, et là le nom s'affiche,
25:56 signé du président Emmanuel Macron.
25:58 Donc on voit tout de suite qu'on est dans un terrain,
26:00 une série assez drôle, finalement,
26:02 avec ce sujet sérieux quand même toujours de la politique.
26:05 - Ouais, ouais, politique, sociale, enfin, c'est le même ensemble.
26:10 Quand on m'a fait le pitch au départ,
26:13 c'était "Kung-fu, syndicalisme, marxisme et cyclisme".
26:18 - Et ça fait assez de temps !
26:20 - Ouais, parce que, non mais,
26:22 des séries de genre comme ça, ou des films de genre comme ça,
26:26 on vous en propose très peu en France,
26:28 il y en a très peu en fait,
26:30 où, voilà, d'un seul coup, on dirait un truc un peu fourre-tout,
26:33 mais voilà, on vous en propose très peu,
26:36 donc on tend l'oreille, et puis à la lecture,
26:38 et j'ai aimé la manière dont,
26:40 moi qui ne connaissais pas Marx comme ça,
26:43 qui ne connaissait pas Marx même, je peux le dire,
26:46 la manière dont, en fait,
26:48 mon personnage s'en sert en punchline dans toutes les situations,
26:52 et finalement, on se rend compte que Marx était plutôt drôle, quoi.
26:56 - Bah alors voilà, est-ce que c'est vous qui le rendez drôle,
26:59 "Joey Star", et voilà, c'était un peu le brief du personnage,
27:02 où on vous dit, voilà, c'est une série politique,
27:05 mais il faut quand même que, voilà, ça reste une série qui est divertissante,
27:09 donc il faut que vous vous rendiez drôle quand même, Marx,
27:12 ou c'est Marx, de fait, qui a quand même une dimension humoristique ?
27:15 - Je pense que c'est les deux, en fait, à mon avis,
27:18 il devait avoir la tête au-dessus des nuages aussi, mais...
27:26 - Le menton vers les étoiles, comme vous le disiez ?
27:28 - Non, là, c'est la tête au-dessus des nuages, plutôt, ouais.
27:30 Voilà, mais, ouais, non, je pense que c'est les deux, effectivement, c'est les deux.
27:33 Et puis moi, j'ai aimé la manière dont c'est employé, justement,
27:36 enfin, l'épaisseur que ça donnait au personnage, justement,
27:41 cette référence constante à Marx.
27:43 - Oui, justement, l'humour ne permet pas du tout de ridiculiser ce que dit Marx,
27:48 mais au contraire, de lui donner vraiment une sorte de puissance,
27:52 ce qui tranche complètement avec "Black Label",
27:54 où là, il y a quand même une gravité de la colère, pas que de la colère, évidemment.
27:59 - Non, mais c'est ce qui me plaisait aussi, c'est que, encore une fois,
28:03 Fred Griveaux, quand il est venu me voir, il m'expliquait qu'il avait aussi,
28:09 dans ses envies, dans son cahier des charges, c'était de raconter Marx un peu
28:17 aux jeunes générations, en fait, et puis surtout le syndicalisme,
28:20 ces années 90, là, où, justement, plein de gens se sont retrouvés sur le carreau,
28:25 tout ça, enfin, il avait aussi... C'était pas juste faire un film de Kung-Fu ou autre
28:30 et d'y mettre, de l'accessoiriser avec le climat social du moment.
28:35 Non, c'était vraiment un ensemble, voilà.
28:37 - Est-ce que vous pensez, Joey Stark, que vous devenez un peu un acteur comique aussi ?
28:43 C'est-à-dire qu'on vous fait jouer aussi des rôles où on va vous connaître
28:46 sous une certaine étiquette, qui peut être sérieuse, engagée,
28:51 qui peut être aussi colérique, et là, au contraire, en fait, on vous...
28:55 Voilà, votre contre-emploi devient votre emploi, à savoir être drôle,
28:59 être un peu des gags...
29:01 - Si vous saviez l'effort que je fais, en général, je ne tiens pas à une conversation sérieuse
29:06 plus de 10 minutes, en général. - Vous pouvez faire des blagues,
29:08 si vous voulez, vous êtes autorisé. - Voilà, non mais je me retiens, là.
29:11 J'ai les doigts de pied compressés dans mes chaussures, justement.
29:14 - Allez, vous avez plus que 8 minutes à tenir avant de pouvoir...
29:17 Donc vous assumez parfaitement, justement, d'être dans ce...
29:20 Ce n'est pas un rôle pour vous ? - Mais j'adore ce que je fais en ce moment, quoi,
29:24 parce que je... Moi, j'ai été élevé par un père qui me disait
29:27 "Tu ne feras jamais rien dans ta vie", et je me retrouve à être flic, syndicaliste...
29:33 - Marxiste... - Ouais, enfin voilà, ainsi de suite,
29:37 même à faire des lectures, à m'approprier des textes de Lamartine, de Victor Hugo, de...
29:44 Mais j'adore, ça me drôle, ça me fait... Enfin voilà, intérieurement, ça me fait rire, quoi.
29:49 Je suis un... C'est ce que j'essaie d'expliquer à mes filles, je suis un autodidacte,
29:53 parce que j'ai un fils de 9 ans qui m'a... Derrière moi, qui m'a dit
29:56 "Mais papa, en fait, je ne comprends pas ce que tu fais dans la vie.
29:59 Tu fais de la cuisine, tu fais du...", et je fais "Non, je m'amuse, je vis pleinement,
30:04 sans être dans l'œil de l'autre". Donc quand on fait des propositions, en fait,
30:09 c'est pas Joey Starr qui va, c'est Didier qui a besoin de ça, de choses atypiques
30:16 dans lesquelles il peut s'abandonner et justement désacraliser...
30:23 - Le rappeur des années 90 ? - Ouais, voilà, ouais, passer à autre chose.
30:26 Waouh, j'adore. Mais je fais encore des Soundsystems, où je viens,
30:31 Joey Starr, je suis avec l'épaule de DJ, c'est jamais le même DJ,
30:37 enfin, il y en a un qui est toujours avec moi, mais voilà, et je vais faire les Soundsystems,
30:42 pendant 2 heures, je vais animer avec un mec qui mixe devant les gens encore,
30:46 parce que j'ai besoin de me décourager les jambes, de tout ça aussi. Voilà, ça me manque.
30:50 - Donc maintenant, vous vous enfichez de ces étiquettes-là, vous ne vous sentez pas obligé d'être vengé ?
30:54 - Je m'en suis toujours foutu, en fait. C'est juste que je pense que j'ai une meilleure compréhension
31:00 de ce que je fais qu'avant, quand on est arrivé dans les années 80 avec Koolshen,
31:05 personne ne nous a expliqué ce qu'on allait y faire. Je vous rappelle quand même que,
31:09 pour faire de la promo, on se retrouvait dans des émissions à caractère social,
31:12 avec des syndicats de police, on nous faisait passer pour les masoutés de banlieue,
31:16 parce qu'il n'y avait pas d'émission musicale à proprement dit.
31:19 Donc on allait faire de la promo, à chaque fois dans un climat social,
31:25 - Comme si vous étiez des porte-voix, en fait, de la situation.
31:28 - Exactement, et on ne nous parlait pas de musique. Donc à un moment donné, on a dit "ouais, vous êtes bien gentils".
31:32 Et du coup, ça a construit une image, enfin, par le biais des médias aussi,
31:36 mais ça a construit une image nous concernant. Mais nous, on n'était pas heureux d'aller faire ça.
31:40 Nous, tout ce qu'on voulait, c'était d'aller faire du live.
31:42 Donc on avait une tournée à vendre, un disquet à vendre. C'était ça, notre propos principal.
31:47 - Et vous trouvez que ça a changé, justement, qu'on demande moins aussi aux rappeurs de venir
31:51 comme des porte-voix des banlieues ? C'est la musique la plus streamée dans le monde.
31:56 - Non, il reste encore des gens qui font de la musique, des gens raisonnés qui font de la musique.
32:04 Il en reste. Mais malheureusement, ce qui fonctionne le plus, c'est ce qu'on consomme à la minute, à la seconde.
32:11 Donc on n'est plus... Enfin voilà, nous, on a fait de la musique parce qu'on a un truc à dire, en fait.
32:21 Je respecte aussi l'autre côté où il y a des gens qui sont musiciens et qui ont la musicalité,
32:26 même dans des propos légers, tout ça, c'est aussi ça, quoi. Le prisme est large.
32:32 Mais je trouve qu'on s'enfonce un peu quand même intellectuellement en parlant, quoi.
32:36 En parlant de l'expression, mais je me fais beaucoup chier la bite quand j'entends ce qui se fait aujourd'hui, quoi.
32:40 - Alors on va vous faire écouter une dernière voix qui vous plaira.
32:44 J'espère qu'elle ne vous fera pas chier la bite pour notre expression.
32:48 - Les asiles d'Aliéné sont des réceptacles de magie noire, conscients et prémédités.
32:56 Et ce n'est pas seulement que les médecins favorisent la magie par leur thérapeutique irracible et stupide.
33:06 C'est qu'ils en font. S'il n'y avait pas eu de médecin, il n'y aurait jamais eu de malade.
33:13 Et c'est par les médecins et non par les malades que la société a commencé.
33:20 Ceux qui vivent, vivent des morts. Et il faut aussi que la mort vive.
33:27 Il n'y a rien comme un asile d'Aliéné pour couver doucement la mort et tenir en couveuse les morts.
33:38 * Extrait de "Joyce Tarr" de Anthony Hartow *
33:43 - Vous l'avez reconnu Joyce Tarr, mais je le dis pour les auditeurs et auditrices.
33:46 C'était la voix de l'écrivain Anthony Hartow en 1946.
33:49 - Pourquoi vous aimez tant la figure d'Anthony Hartow ?
33:54 Un poète, un récitant du théâtre qui a dénoncé... Il a été interné...
33:58 - Il a inventé le théâtre radiophonique aussi.
34:01 - Il était un artiste. Il peignait...
34:12 Pourquoi j'aime ? Parce que j'ai un penchant pour les doudingues.
34:19 Parce que c'est ces gens-là qui me font exister encore aujourd'hui.
34:24 Quand je dis doudingue, je pense à David Bobé avec qui je fais Black Label.
34:29 Je pense aussi à Jérémy Lipman, à Fred Grivoy.
34:32 Ces gens qui viennent me chercher pour me proposer des choses atypiques.
34:36 J'aime Anthony Hartow pour ça. Il a une folie raisonnée.
34:44 Et puis surtout, je pense que l'époque ne devait pas être non plus très...
34:50 A cette époque-là, il était toxicomane, héroïnomane.
34:53 A cette époque-là, ces gens-là, on les internait.
34:57 - Il était dans un asile. Il a passé trois quarts de son exil.
34:59 - Ils sont en prison avec les fous.
35:02 Et puis j'adore...
35:11 Un livre d'Hartow, on peut le prendre à n'importe quel endroit et s'y retrouver.
35:16 J'aime son côté écorché.
35:19 J'aime le fait qu'il soit... On a toujours l'impression qu'il est seul contre le monde entier.
35:25 Si vous lisez Van Gogh ou Le suicidé de la société, c'est pareil.
35:30 Il traînait avec la calasse. Il a connu Van Gogh.
35:33 Le type, il a vécu pleinement tout ça.
35:37 J'ai lu des correspondances qu'il avait avec son docteur.
35:40 Il était en HP. Le mec était au quatrième étage et son docteur était au rez-de-chaussée.
35:44 Il lui écrivait des lettres.
35:48 Quelqu'un a édité des correspondances de ça.
35:51 C'est juste magnifique.
35:54 Et ce regard sur la société, justement, aussi, qui est d'une pertinence vertigineuse.
36:00 J'en ai pas parlé, mais je le signale au tout début du spectacle Black Label.
36:05 Il est dit que la poésie est une arme de construction massive.
36:09 Antonin en fait partie encore maintenant, même s'il a écrit au XXe siècle.
36:16 Donc ce n'est pas une arme pour détruire au contraire.
36:20 Vous croyez vraiment que la poésie peut construire quelque chose ?
36:24 Que ça a cette force de frappe-là ?
36:26 Surtout les mots, en fait.
36:28 On sait tous, comme on dit, une image peut, comme un texte ou un tableau,
36:36 nous emmener, nous faire voyager et même créer des déclics.
36:41 Oui, oui, je crois en ça.
36:44 J'en suis un peu la preuve aussi.
36:46 Le jour où j'ai commencé à écrire des rimes, ça ne volait pas haut au début,
36:53 mais à force de, je me suis construit avec ça.
36:56 Donc oui, j'y crois.
36:57 Merci beaucoup Joey Starr.
36:59 Vous avez une grosse actu, je l'ai dit toute.
37:02 On pourra vous voir dans le spectacle Black Label que vous avez mis en scène avec David Bobé.
37:06 Il y a aussi Célène Saint-Aimé, Nicolas Moumbounou et Jules Turlé.
37:09 Ce sera le 6 avril à Rennes, le 31 mai à Marseille et le 2 juin à Lyon.
37:13 On pourra aussi vous voir dès demain sur arte.tv ou dès le 11 avril sur Arte.
37:18 Donc c'est dans la série Machine.
37:20 Et j'en profite aussi pour annoncer...
37:21 Il y a Le Remplaçant qui sort prochainement.
37:23 La série Le Remplaçant aussi.
37:25 Sur TF1.
37:26 Sur TF1, oui.
37:27 Entre autres.
37:28 Et j'en profite aussi pour annoncer le spectacle que vous avez mis en scène de Clarice Fontaine.
37:31 Cette petite musique que personne n'entend.
37:33 C'est donc au théâtre des Maturins à Paris dès le 12 avril.
37:35 J'ai rien oublié ?
37:36 Si, j'ai un code pénal en argot qui sort là.
37:40 Chez Fayard.
37:41 Et j'ai un roman graphique qui sort en fin d'année aussi.
37:45 C'est 5 histoires sur l'étilisme.
37:48 Bon ben, on vous suivra alors.
37:51 Vous êtes bien occupé Jerry Star mais je vais vous demander une dernière chose avant de finir cette émission.
37:54 C'est de faire un choix musical.
37:56 Soit on écoute Nicoletta avec qui vous avez chanté il y a quelques années.
38:00 Soit une chanson Nina Simone.
38:02 Laquelle choisissez-vous ?
38:04 Vous êtes durs les gars.
38:06 Je vais prendre Nicoletta.
38:09 * Extrait de Nina Simone *
38:11 * Extrait de Nina Simone *
38:18 * Extrait de Nina Simone *
38:24 * Extrait de Nina Simone *
38:33 * Extrait de Nina Simone *
38:42 * Extrait de Nina Simone *
38:52 Mamie Blue de Nicoletta.
38:55 Encore merci à vous Joey Star et un grand merci à l'équipe des musées de culture qui sont préparées par Aïssa Twendoï, Anaïs Hisbert, Cyril Marchand, Zora Vignier, Laura Dutèche-Pérez et Manon Delassalle.
39:04 Réalisation Daphné Leblanc, prise de son Élise Le.
39:08 Pour écouter cette émission rendez-vous sur le site de France Culture et sur l'application Radio France.
39:11 Merci Nicolas. A demain.
39:13 Le vent soufflait plus fort qu'hier.