Jeanne Added : "Quand je mettais ma voix au service d'autres, je dilapidais mon trésor"

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Transcript
00:00 * Extrait de la chanson *
00:17 Bonjour à tous, le club reçoit aujourd'hui une voix de la chanson française.
00:21 Jeannadède compose et chante, elle sera surtout la star des festivals de musique avec son
00:25 nouveau groupe cet été.
00:27 Elle sera ce soir à Strasbourg à la Lettrie, dans deux jours le 10 au festival Minuit
00:31 avant la nuit à Amiens et le 1er juillet aux Eurocœurs à Belfort entre autres.
00:37 Carte blanche aussi à la Philharmonie, ce sera la saison prochaine avec une première
00:40 date le 3 novembre prochain.
00:41 By Your Side, à tes côtés, son dernier album enregistré avec Renaud Létan, le troisième
00:47 en 7 ans et peut-être le plus personnel.
00:50 En français dans le texte, elle renoue avec la douceur et une forme de sérénité.
00:53 Venue du jazz, elle tape dans le cœur, une fois encore, de son public avec une pop électro
00:58 et sa voix de cristal magnétique.
01:00 * Extrait de la chanson *
01:04 Une émission programmée par Henri Leblanc et Anouk Delphineau avec Laura Dutèche-Pérez
01:08 et Sacha Mathéi, réalisée par Félicie Fogère avec Mikaël Simon aujourd'hui à La Technique.
01:13 Et bonjour Jeannadède.
01:14 Bonjour.
01:15 Bonjour, mais c'est vrai que ce n'est pas facile de qualifier une voix.
01:17 Oui, le son c'est difficile à qualifier.
01:20 Tout simplement.
01:21 « Be Sensational », soit sensationnel, ça c'était le titre de votre premier album
01:27 sorti en 2015, ou « Radiate » « Irradié » sorti en 2018.
01:32 Les titres de vos deux premiers albums étaient comme un appel quand même, pour vous, pour
01:38 nous peut-être aussi, à franchir des limites, à sortir de soi, à placer la barre passablement
01:42 haut, être sensationnel, irradié.
01:44 Ce dernier album, il s'intitule presque tout simplement, tout sobrement « À tes
01:48 côtés ». Est-ce que ça veut dire que vous avez trouvé votre place ?
01:51 Est-ce que vous ne vous imposez plus rien ?
01:52 Je ne sais pas si je ne m'impose plus rien.
01:55 Si je m'impose quelque chose, c'est d'être à sa place.
02:00 Claire Marin a écrit un bouquin entreté là-dessus.
02:03 Ça peut être mouvant, c'est-à-dire que ma place, elle bouge constamment en fait.
02:11 Et mon travail, c'est de la voir, la sentir bouger et de la reconnaître là où elle
02:19 est chaque jour et de l'embrasser telle qu'elle est.
02:22 Ce que nous raconte aussi Claire Marin, c'est que trouver sa place, c'est peut-être
02:26 déjà un état intérieur surtout.
02:27 Oui, c'est ça.
02:30 C'est-à-dire que c'est une recherche, une façon de se centrer ou d'être en communication
02:37 avec soi.
02:38 On commence avec un premier titre, un extrait de « Really Babe » qui est un titre encore
02:45 inédit qui sortira le 21 juin.
02:47 You are really
02:52 You are really
02:59 Baby, baby, baby, baby
03:02 Y'a rien à faire, tout à espérer À toi seulement fidèle
03:09 Ça se rêve pas, ça se vit pas d'à côté De près, je suis bien plus belle
03:17 Ta marche est sale De l'automne à l'été
03:23 Tu t'es convaincue que tu sais pas aimer T'as jamais su comment t'abandonner
03:31 As-tu voulu, as-tu jamais osé ?
03:35 Elle ne figure pas sur l'album, ce dernier album « By Your Side », cette chanson « Really
03:43 Babe », elle a été écrite pour qui ?
03:45 « Really Baby », elle est toute neuve, toute fraîche, sortie du four.
03:52 Elle a été écrite pour qui ?
03:55 Pour moi, et puis pour mon groupe, et puis pour les festivals, pour l'été en fait.
04:02 C'était une envie d'air frais encore un peu plus pour cette tournée qui s'annonce.
04:10 Quand est-ce qu'on sait qu'on est prête ?
04:11 Et puis prête à quoi ?
04:13 Prête à tout ?
04:14 Prête à tout, oui.
04:15 « Sky is the limit ».
04:16 Ça se sent quand même, il y a des choses qui bougent dans la vie, à l'intérieur
04:21 de soi.
04:22 Et moi, je sais que j'avais pas mal de murs à faire tomber et je m'y suis attelée
04:29 de manière assez sérieuse, je dois dire, que ce soit en écrivant de la musique ou
04:32 en travaillant personnellement.
04:35 Et ça marche.
04:38 Oui, parce qu'au début, c'était plutôt les chansons des autres au tout début que
04:42 vous chantiez.
04:43 Et à un moment, c'est apparu comme une évidence que vous deviez écrire vos propres
04:45 textes.
04:46 Oui, les propres textes, ça venait encore après, mais la musique en tout cas, et utiliser
04:52 ma voix pour moi.
04:54 Et c'est en l'utilisant pour moi, en tout cas au plus près de ça, qu'en fait, on
05:00 rencontre les autres.
05:01 Ça veut dire quoi, utiliser sa voix pour soi ?
05:03 C'est que quand je la mettais au service d'autres musiciens, en fait, quelque part,
05:08 je dilapidais quelque chose de mon trésor.
05:12 J'ai vraiment eu une sensation comme ça à un moment donné, comme si je donnais quelque
05:17 chose à d'autres que je devais garder pour moi.
05:20 Et alors, c'est pas égoïste de dire ça.
05:23 Franchement, je le pense pas.
05:24 C'est au contraire, le garder pour moi, c'est pour justement mieux pouvoir le partager.
05:29 Avec le sentiment d'avoir peut-être quelque chose à faire entendre de soi aussi.
05:32 Sans doute.
05:33 Et que cette voix était votre instrument.
05:35 Vous parliez des appréhensions, des débuts.
05:37 Mais est-ce que vous avez dû faire aussi beaucoup de compromis pour en arriver là ?
05:41 Avec vous-même ou avec les autres d'ailleurs, Jeanne-Nadelle ?
05:43 La question du compromis, c'est marrant parce qu'on peut avoir l'image de quelqu'un.
05:50 Par exemple, moi je suis une musicienne qui écrit ma musique, qui écrit mes textes,
05:55 qui suis quand même assez libre dans mes choix et dans ma musique et dans ma façon
06:00 de faire de la musique avec tous mes partenaires.
06:02 Mais en fait, les compromis sont constants.
06:05 Le truc qui est difficile, c'est de faire des compromis tout en gardant son chemin.
06:13 Et parce que les compromis, c'est inhérent de travailler avec d'autres personnes dans
06:17 une industrie qui est particulière.
06:19 C'est-à-dire que la musique est vraiment une industrie alors qu'il s'agit d'art.
06:25 Et donc, ce sont deux choses qui peuvent paraître antinomiques et qui nécessitent de faire
06:29 des compromis constamment.
06:30 Ce qui est difficile, c'est de faire ces compromis-là sans se compromettre.
06:35 Et de comprendre aussi peut-être le sens qu'ils ont.
06:40 Oui, c'est sûr.
06:41 C'est-à-dire à quoi ça sert, pourquoi je l'ai fait.
06:44 Et c'est comme ça qu'on peut vivre avec.
06:48 Qu'est-ce que vous avez appris de ces deux premiers albums ? Sois sensationnel et iras-y.
06:53 Ah bah que ça y est, j'avais fait mon boulot de bonne petite fille.
06:59 Je peux passer à la suite.
07:00 Donc là, c'est quoi dans le troisième ? Si c'est plus le petit visage qui s'exprime.
07:07 Bah justement, tout est à écrire.
07:10 Et moi, je suis en ce moment devant une grande page blanche qui m'excite énormément et
07:17 qui m'en rend hyper heureuse parce qu'il y a quelque chose qui m'appartient complètement
07:21 en ce moment et qui m'étonne parce que justement, je disais "sky is the limit", le ciel est
07:30 la limite parce que je ne sais pas où ça peut s'arrêter.
07:34 C'est-à-dire que je suis pour la première fois devant quelque chose qui est complètement
07:38 infini et c'est d'une grande beauté.
07:41 Il paraît que cet album, vous l'avez écrit en dansant, en partie.
07:44 Ça veut dire que vous l'avez aussi écrit pour la scène, ce qui est peut-être différent
07:47 des précédents.
07:48 Dites-le-moi, comment, avec l'envie de le jouer ?
07:52 Avec l'expérience, c'est vrai que le travail du studio et le travail de la scène sont
07:57 deux choses complètement différentes et c'est vrai qu'investir le studio en l'habitant
08:05 complètement de toutes les spécificités de ce travail-là, c'est vraiment un grand
08:09 plaisir.
08:10 Et du coup, c'est vrai que sur les premiers albums, j'ai moins fait le lien entre les
08:14 deux.
08:15 Mais bon, maintenant, je sais que j'aime danser sur scène et je sais que j'aime voir
08:21 aussi les gens bouger et que pour faire des concerts où bien souvent les gens sont debout,
08:27 s'ils ne peuvent pas, juste on peut onduler leur corps, une heure et demie de concert
08:31 debout, ça peut paraître long.
08:33 Et donc, c'est vrai que pour mon propre plaisir et celui du public aussi, c'est vrai, la
08:39 question du groove et de la danse ont été constantes et le sont de toute manière maintenant
08:45 constant dans mon écriture.
08:47 Ça veut dire y aller sans instrument sur scène ? Sans une guitare ?
08:51 Pour moi, oui.
08:52 Si on veut danser.
08:53 Oui, moi j'aime danser, donc j'ai complètement clé à lâcher la basse.
08:57 Mais la basse avant, elle vous protégeait aussi ?
08:59 Peut-être.
09:00 Après, moi, je ne me suis jamais sentie en danger sur scène.
09:04 Donc non.
09:05 En plus, la basse, on ne joue pas hyper bien, donc ce n'est pas forcément une super protection.
09:12 Il y aura deux choristes avec vous ?
09:14 Il y a deux chanteuses avec moi, Laetitia India et Nael Kessez.
09:19 Ça, c'est nouveau ?
09:20 Oui, c'est nouveau.
09:21 Après, il y a toujours eu plein de voix dans mes disques, mais c'est vrai que partager
09:24 ça sur scène avec des chanteurs, non seulement ça partage le son de la voix et de cette
09:32 fonction-là, mais il y a aussi leur évolution sur le plateau.
09:35 C'est-à-dire qu'ils bougent avec moi, ils dansent avec moi, ils habitent ce terrain-là
09:42 avec moi.
09:43 J'avais aussi envie de partager ça.
09:45 Donc, il faut être accordé, il faut se suivre, il faut se regarder.
09:49 Oui, ça se répète.
09:50 Et c'est une liberté nouvelle peut-être que ça vous offre aussi, à vous, d'être
09:55 au centre, mais de plus être toute seule.
09:57 Oui, c'est ça, c'est sûr.
09:58 Les musiciens, évidemment.
09:59 Les musiciens, on les regarde aussi, ils sont très mis en avant.
10:02 Mais c'était aussi le but, c'est-à-dire que je ne sois pas la seule personne ou chose
10:07 à regarder pendant le concert.
10:08 Il y a plein d'autres choses à regarder.
10:09 Vous êtes une chose.
10:10 Vous êtes un événement ou whatever qui se passe sur scène.
10:14 Quel sens ça a pour vous de partir en tournée aujourd'hui, de monter sur scène ? Qu'est-ce
10:18 que vous les donnez ? Qu'est-ce que vous les partagez ? Et puis, je ne sais pas, dans
10:21 cette époque qui est quand même assez particulière, on a beaucoup parlé du Covid, de cette absence
10:26 de présence, ce manque que tous les mélomanes ont pu ressentir et subir, à la fois dans
10:32 le public et puis les musiciens, évidemment, de leur côté.
10:35 Aujourd'hui, qu'est-ce que ça a ? Qu'est-ce que ça prend comme sens pour vous ?
10:38 Alors, moi, ça a toujours été quelque chose de central dans ma vie et quelque chose d'hyper
10:43 important et vraiment un endroit quasi salvateur à titre personnel vraiment de la scène.
10:49 Je le vois de la scène.
10:52 C'est-à-dire que moi, j'aime bien parler de ça parce que de la scène, moi, je vois
10:58 le public et je le regarde.
11:00 Et peut-être que je suis plus disponible à ça en ce moment, mais c'est vraiment
11:11 magnifique à voir en fait.
11:13 C'est-à-dire que le moment où moi, je fais bien mon travail et où il se passe ce truc-là,
11:18 mystérieux de la musique et où je vois les gens être en train d'être pris par la musique
11:23 et s'abandonner à ça, à l'écouter, au plaisir que ça leur procure, au plaisir
11:28 de le partager avec les personnes à côté d'eux, de la scène, moi, je le vois ce truc-là.
11:33 Et c'est vraiment très, très beau à voir.
11:37 C'est même bouleversant parce que je vois leurs émotions qui parfois m'en créent
11:41 des très, très intenses à moi.
11:44 Je vois des gens pleurer, je vois des gens rigoler entre eux, je vois des gens… parfois
11:49 ça arrive des gens faire autre chose, mais c'est quand même finalement pas si souvent.
11:53 Et je les vois danser, je les vois prendre du plaisir et c'est vraiment très beau.
11:57 - Et on imagine que c'est aussi une manière de rendre pour vous le plaisir, les émotions,
12:01 les sensations que la musique a pu vous apporter avant.
12:05 Et peut-être que vous trouvez encore aujourd'hui dans les concerts des autres, parce que vous
12:08 n'avez pas toujours été celle qu'on vient voir ou celle qu'on vient écouter.
12:12 Il y a eu des concerts comme ça qui, dans votre vie, ont été des marqueurs, des artistes,
12:18 des musiciens, des chanteurs avec qui vous avez eu cet échange de regards, en tout cas
12:22 imaginez-la voir.
12:23 - Il y a vraiment des concerts qui ont été définissants.
12:29 Par exemple, je pense à un concert d'Abbe Lincoln que j'ai vu quand j'avais 17 ans,
12:34 qui était déjà une vieille dame à l'époque, qui était une grande chanteuse de jazz.
12:39 Et où j'étais partie vraiment dans une autre dimension pendant tout le temps de son
12:45 concert, où je l'avais vue si puissante sur scène.
12:47 Je m'étais dit, c'est ça que je veux faire dans ma vie.
12:51 Ou un concert de Wayne Shorter à Marseille, de son quartet à l'époque, où je ne comprenais
13:00 pas bien la musique et je m'étais rapprochée.
13:02 Puis de le voir choisir les notes, les unes après les autres, comme sur un grand canevas
13:08 en face de lui, c'était complètement fascinant et vraiment profondément bouleversant.
13:13 Prince, qui m'a sauvé la vie plus d'une fois et qui continue de le faire régulièrement,
13:20 malgré sa disparition.
13:21 Les concerts peuvent changer des vies.
13:24 Et c'est connu en fait.
13:26 C'est Joël Léandre, qui est une grande contrebassiste, qui disait ça.
13:30 On peut changer de boulot après avoir vu un concert.
13:33 Ou changer d'orientation, ou quitter sa femme ou son mari.
13:39 Et se libérer de plein de choses et changer de vie.
13:45 Ça peut avoir cet effet-là.
13:46 Ça peut être très très intense, la musique.
13:48 - D'où il vient ce sentiment de puissance que l'on accorde à l'artiste sur scène ?
13:53 Et peut-être qu'on accorde à la musique en fait ?
13:55 Dont il ou elle est le porte-parole ?
13:58 - Alors, puissance, je le prends dans le meilleur sens du terme.
14:04 C'est-à-dire que c'est jamais quelque chose qui est sur quelqu'un d'autre, une prise
14:09 de pouvoir sûre.
14:10 C'est au contraire un partage dans les bons moments, je pense, quand ça se passe bien.
14:15 Moi ce que je sens en tout cas, c'est que le chemin que je fais personnellement et en
14:22 tant que musicienne dans ma vie, je le partage sur scène.
14:26 C'est-à-dire que c'est quelque chose que je partage avec les gens.
14:29 Et qu'ils peuvent emprunter le temps d'un concert.
14:32 Et dont ils peuvent se nourrir, et dont ils peuvent repartir enrichis.
14:37 Ou en tout cas, comme si ça faisait partie d'eux maintenant.
14:40 C'est-à-dire que mon travail, à moi, il est de ce partage-là.
14:45 C'est-à-dire que l'endroit où moi je mène mes luttes, et où parfois je gagne certains
14:52 combats dans ma vie, je pense que je les partage.
14:56 Et je pense que ça, ça se sent.
14:58 - Oui, la puissance de l'émotion ne vient pas forcément de la force de la personne
15:02 qu'on a en face, mais qui peut être d'ailleurs dans un moment de vulnérabilité.
15:07 Et pourtant, c'est la puissance de la musique.
15:09 - Oui, et puis la force, c'est quelque chose de très particulier.
15:15 Il y a de la force dans la douceur aussi.
15:17 - Antidote à quoi ?
15:19 À la crise ?
15:20 Antidote tout court ?
15:21 Extrait de votre album "By Your Side" ?
15:23 Jeanne à tête.
15:24 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
15:39 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
16:04 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
16:24 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
16:44 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
17:04 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
17:24 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
17:44 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
18:04 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
18:24 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
18:44 * Extrait de "By Your Side" de Jeanne à tête *
19:06 - Antidote, Jeanne à tête, c'est la seule chanson que vous n'avez pas écrite toute seule ?
19:10 - Ah non, j'en ai co-écrite plusieurs, mais celle-là je l'ai écrite avec mon cher ami John Greaves
19:16 et aussi un peu avec Emiliano Touri qui est avec moi sur scène.
19:18 - Et pourquoi lui ?
19:20 - John, il me fait l'amitié depuis des années de corriger mes textes en anglais,
19:25 de les relire et de me dire s'il trouve ça bien ou pas.
19:28 Je l'écoute parfois, mais pas toujours.
19:31 Et c'est vrai que les textes, c'est pas forcément ce qui me vient le plus facilement.
19:37 Sur cet album-là, ça a été un peu laborieux et je lui avais demandé un texte.
19:42 Et voilà, il m'a écrit ça. Je l'ai amendé par endroits,
19:47 mais en tout cas, on a travaillé ensemble sur ce texte-là et ensuite j'ai écrit la musique.
19:52 - Comment on trouve la couleur musicale d'un texte ? Comment on trouve la mélodie qui l'accompagne ?
19:57 - Alors ça, c'est marrant, ça me vient assez naturellement.
20:00 C'est-à-dire qu'on le voyait le texte et la mélodie m'est venue quasi immédiatement.
20:06 J'avais commencé comme ça d'ailleurs, à mettre en musique des poèmes.
20:09 Et je sais pas, il y a quelque chose qui est inscrit dans les syllabes.
20:14 - Vous parlez de l'anglais, qu'il faut corriger parfois quand vous écrivez.
20:18 Le français et l'anglais, vous chantez dans les deux langues sur cet album.
20:20 C'est deux registres d'émotions différents pour vous, Jeannazette ?
20:23 - C'est deux registres de voix surtout.
20:26 C'est-à-dire que... Il y a des émotions aussi sans doute parce que je suis mieux comprise en français, évidemment.
20:32 Et donc il y a moins de possibilités de se cacher en français.
20:38 Mais c'est surtout deux chants différents parce que l'anglais permet vraiment de chanter différemment.
20:45 - C'est-à-dire, votre voix française, elle est où ?
20:47 - Disons que le français, traditionnellement, on le fait sonner plus proche de la voix parlée.
20:55 Après, c'est vrai que je me suis inspirée moi pour le faire chanter.
21:00 Par exemple, dans une chanson comme Au revoir, quelqu'un comme Michel Legrand, par exemple,
21:05 la mélodie du couplet de Au revoir, elle est directement inspirée de ce genre d'écriture.
21:11 En anglais, c'est vrai qu'il y a quelque chose de plus souple, de plus envoyé,
21:15 et qui peut être du coup plus... En tout cas, avec une voix plus pleine et plus chantée.
21:21 - On va voir de quoi. Vous nous parlez, plutôt l'écouter.
21:23 (Musique)
21:39 Ce n'est qu'un au revoir Ce n'est pas la fin
21:47 Je ne mentirai pas Tout ne va pas bien
21:54 Mais ce n'est qu'un au revoir Au moins jusqu'à demain
22:03 Je ne te l'apprends pas Le contraire de tout n'est pas rien
22:11 Je sais Le goût est amer
22:17 Je sais Tu crois que je m'en vais
22:21 Pour de bon Pourtant aussi amer que soit mon départ
22:27 Tu sais Que rien ne s'arrête jamais
22:33 Complètement Il y a encore de toi Dans mes sentiments
22:43 Ce n'est qu'un au revoir Ce n'est pas la fin
22:51 Je ne mentirai pas Tout ne va pas bien
22:58 Mais ce n'est qu'un au revoir Au moins jusqu'à demain
23:07 Je ne te l'apprends pas Le contraire de tout n'est pas rien
23:15 Qui sait
23:17 - Au revoir, extrait de l'album "By Your Side" à tes côtés de Jeanne Haddad.
23:22 Invité aujourd'hui de bienvenue au club sur France Culture.
23:25 Vous avez ressorti la boîte à rythme pour ce morceau-là ?
23:27 - Pour beaucoup de l'album.
23:29 Je ne l'ai pas ressorti, on ne l'a jamais rangé en fait.
23:31 - C'est la même ?
23:33 - Non, cet album, on m'a fait un cadeau hallucinant.
23:36 On avait une boîte à rythme mythique, qui est une des premières boîtes à rythme à avoir été inventée et fabriquée par Roger Linn,
23:45 qui s'appelle la LM1, et qui est une boîte à rythme mythique qu'on a entendu énormément chez Prince, évidemment,
23:51 et dans toute la musique des années 80. C'est très très très beau.
23:54 - LM1, joli nom. Il y a de la poésie dans vos chansons Jeanne Haddad,
23:58 mais ce n'est pas tout à fait le type de poésie qu'on apprend à l'école, celle des poèmes de Verlaine ou de Rimbaud.
24:03 À quoi ça tient la poésie dans une chanson ?
24:05 - Ah, dans une chanson, en particulier dans une chanson, je ne sais pas.
24:11 Moi, comment je comprends la poésie, c'est l'espace.
24:16 C'est l'espace pour vous, c'est l'espace pour l'auditeur.
24:21 C'est là où on ne dit pas tout et là où on laisse une marge d'interprétation à l'autre en face.
24:30 - Ce n'est pas forcément des silences ou des silences habitées, en tout cas par la musique.
24:34 - Ou habitées par ceux qui l'écoutent.
24:37 - Et puis il y a la poésie des mots, c'est aussi la manière peut-être si joyeuse, optimiste,
24:43 que vous avez de revisiter un très beau mot de la langue française, comme ce au revoir.
24:46 Ce n'est pas la fin dans cette chanson, c'est une invitation à se revoir et non pas à se quitter.
24:50 C'est toute la promesse d'un nouveau début possible.
24:52 Oh, Claire Marrin, clin d'œil, le deuxième.
24:54 Et pas le frisson un peu amer d'une rupture.
24:58 C'est aussi ça la poésie, c'est le des mots que vous choisissez.
25:02 - Oui, oui, après ça permet effectivement de revoir.
25:06 Il a ce truc-là, c'est vrai, c'est marrant, c'est la première fois qu'on me dit qu'il est optimiste ce titre-là.
25:10 Mais tant mieux, je trouve ça super.
25:14 C'est-à-dire que oui, effectivement, on se laisse des empreintes les uns sur les autres.
25:21 Et ce n'est pas forcément une mauvaise chose.
25:23 - Vous dites que vous vous êtes laissée porter par la musique pour ce dernier album.
25:28 Où est-ce qu'elle vous a emmenée finalement ?
25:30 Est-ce qu'elle vous a conduit vers des territoires qui étaient inconnus de vous-même, vers des sensations nouvelles ?
25:36 Est-ce que vous avez exploré de nouvelles choses ?
25:39 - Je crois que je me suis peut-être plus autorisée à aller à l'endroit de la musique que j'aime vraiment,
25:49 ou celle qui m'a vraiment construite, et de me glisser de dedans.
25:58 C'est-à-dire que c'est vrai que j'ai tellement écouté Prince et de la musique afro-américaine.
26:05 Bon, évidemment, ça ne sonne pas du tout pareil, mais en tout cas, il y a un endroit où,
26:11 là où ça m'a nourrie, je l'ai laissée un peu plus apparaître.
26:15 - Prince, notamment. C'est une éducation musicale, vous le disiez tout à l'heure, celle des concerts.
26:20 Et puis une éducation sentimentale peut-être aussi, parce que dans cet album, il y a quand même encore beaucoup de chansons
26:25 qui parlent de vous, et donc de nous, c'est-à-dire d'amour tout court, et de ce grand thème qui est aussi la relation à l'autre.
26:32 Juste un mot quand même de cette carte blanche que vous avez reçue de la part de la Philharmonie.
26:39 Ce sera à partir de novembre prochain, il y aura trois concerts, et c'est intéressant.
26:42 Le premier sera plutôt autour de ce dernier et nouvel album.
26:46 - Ce sera vraiment le concert qu'on est en train de tourner en ce moment.
26:48 - Le second, ce sera le 21 avril avec un hommage à Jonny Mitchell.
26:52 Et le troisième, le 11 juin, accompagné de Camilia Jordana, de Sandrine Kaké, et de elle notamment,
26:56 pour un répertoire protestante qui nous amènera vers qui ?
26:59 Alors du coup, on imagine vers John Bez, peut-être vers Bob Dylan ?
27:02 - Très bien, vous êtes tapé dans le mille, et certaines de nos chansons à nous.
27:06 C'est vrai que c'est un programme qu'on avait monté à quatre voix a cappella,
27:09 donc c'est quatre chanteuses et quatre amis qui se retrouvent aussi pour chanter ensemble.
27:14 On avait monté ça pendant le confinement, et c'est vrai que ça...
27:21 Non, un peu avant même, je raconte n'importe quoi, à l'invitation de Raphaël Lanadaire.
27:26 Et voilà, on s'est retrouvés autour de nos inquiétudes, de nos colères, de nos revendications.
27:33 Et mettre en valeur certaines belles chansons qu'on chante ensemble.
27:36 - "Carte blanche" à la Philharmonie de Paris, pour vous Jeanne Adet, ce sera à partir de cet automne.
27:40 Merci mille fois d'être venue. - Merci pour l'invitation.
27:43 - Merci.

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