• il y a 8 mois
Dans les années 1930, à Marseille, Georges-Alexandre Sarret est avocat conseil. C'est un homme ambitieux qui aspire à être élu à la chambre des députés des Bouches-du-Rhône. C'est aussi un escroc de talent qui, avec l'aide des soeurs Schmidt, ses complices, fera disparaître ses victimes sans état d'âme.

Georges-Alexandre Sarrejani dit Sarret, né le 23 septembre 1878 à Trieste et mort le 10 avril 1934 à Aix-en-Provence, est un avocat d'affaires, devenu escroc et assassin. Il est le dernier guillotiné à Aix-en-Provence.
Georges-Alexandre Sarrejani naît le 23 septembre 1878 à Trieste, en Autriche-Hongrie.

Il immigre en France, durant les années 1890, au cours de son adolescence. Il fait de brillantes études de droit et devient l’un des avocats d’affaires les plus en vue de Marseille.

En 1903, il obtient la nationalité française et modifie son nom de famille en Sarret ; un nom qu'il lui vaut d'être respectivement appelé Georges Sarret ou Alexandre Sarret.

Ayant installé son cabinet au 45, rue de La Palud à Marseille, il vit avec son épouse et ses enfants dans un riche appartement non loin de là. Mais ce ne sont que des apparences d’honorabilité : Me Sarret mène une vie très dissolue, faite de jeux, d’alcool, de fêtes et de femmes de passage.

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Personnes
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00:29 [Musique] - Un, deux, trois, quatre !
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00:39 Musée de la préfecture de police de Paris.
00:41 Dans ses vitrines, la collection d'objets la plus incroyable de l'histoire de la criminalité en France.
00:47 Le huton dans lequel le docteur Petiot regardait agoniser ses victimes,
00:51 la cordelette qui servit à étrangler le huissier gouffé,
00:54 la chaudière de l'andrus.
00:56 Couteau, révolver, matraque,
00:59 toutes ces armes ont été utilisées pour commettre les crimes les plus abominables.
01:03 A partir du 19e siècle,
01:07 les policiers font appel à la science pour résoudre leurs enquêtes.
01:11 L'anthropométrie, l'étude de l'iris humain,
01:14 la graphologie et la morphopsychologie sont utilisées.
01:18 Dans les archives du musée, les comptes rendus d'enquête,
01:22 les scripts des interrogatoires, les croquis des scènes de crimes
01:26 vont nous emmener sur la piste sanglante des plus grands meurtriers de l'histoire.
01:31 En 1933, alors que la France s'apprête à basculer une nouvelle fois dans l'horreur de la guerre,
01:44 les Français tentent tant bien que mal de faire face à l'hécatombe qui se prépare.
01:49 Le krach boursier de 1929 a fait sombrer le pays dans la Grande Dépression.
01:55 Le chômage et la pauvreté assombrissent le moral des Français.
01:59 Heureusement, c'est aussi à cette époque que les douces mélodies du jazz
02:04 résonnent dans les pianobars délicatement ornés dans le style très en vogue art déco.
02:09 La beauté et la mélancolie s'entremêlent et la sortie du film hollywoodien "King Kong"
02:18 va subjuguer le monde par son esthétisme romantique et ses effets spéciaux novateurs.
02:24 Mais le cinéma n'est pas le seul domaine du rêve.
02:26 Hélas, le monde des affaires, miné par la crise, voit naître de grands spécialistes de l'escroquerie
02:33 passer eux aussi maître dans l'art de l'illusion.
02:36 Alors que le beau Sacha Stavisky se complaît dans les manipulations financières entre Paris et la Côte Basque,
02:43 à Marseille, Georges-Alexandre Sarre-Djani excelle dans l'arnaque à l'assurance-vie.
02:50 Avocat conseil et aspirant candidat à la Chambre des députés des Bouches-du-Rhône,
02:54 cet homme ambitieux, flanqué de deux complices allemandes, les Sœurs Schmitt,
02:59 va faire preuve d'une grande imagination pour faire disparaître ses victimes.
03:04 Le monde de l'escroquerie a un nouveau visage, celui de Sarre, l'homme qui volatilise les cadavres.
03:16 L'affaire aura un tel retentissement que le réalisateur Francis Giraud la mettra en scène en 1974,
03:23 sous le titre "Le trio infernal", avec Romy Schneider et Michel Piccoli en tête d'affiche.
03:41 Le 31 octobre 1933, les journalistes de la France entière se pressent devant les grilles du Palais de Justice d'Aix-en-Provence.
03:50 Le procès tant attendu de ce que l'on surnomme "Le trio infernal" commence aujourd'hui, il va durer dix jours.
03:58 Une foule immense essaie de franchir les trois barrages successifs, celui des soldats de l'infanterie coloniale,
04:06 celui des gendarmes et celui des inspecteurs de la Sûreté.
04:11 Dans la salle, au premier rang, le principal accusé, Georges Sarre, un avocat marseillais d'une cinquantaine d'années,
04:19 calme et distingué, attend le début de l'audience.
04:23 Quelques mètres plus loin, sur le même banc, deux femmes, deux sœurs, Catherine et Philomène Schmitt, paraissent plus graves.
04:35 Philomène a 45 ans, le visage flétri et sans expression, elle peine à remettre son chapeau en place.
04:41 Catherine, la cadette, est plus coquette que son aînée et esquisse même quelques sourires au photographe.
04:48 Quand le président, M. Gesta, entre dans la cour, les flèches des photographes se mettent à crépiter.
04:58 Tout le monde se lève. Le procès commence par la lecture de l'acte d'accusation long de 1380 lignes.
05:06 Le trio infernal est accusé d'escroquerie à l'assurance-vie en ayant utilisé le crime.
05:12 La description des forfaits plonge le tribunal dans l'horreur lorsqu'on apprend que les corps de deux des victimes ont été dissous dans un bain d'acide sulfurique.
05:25 Quatre meurtres sont retenus dans l'acte d'accusation.
05:29 Rapidement, le trio se scinde en deux, d'un côté Georges Sarret qui nie les crimes,
05:35 et de l'autre les soeurs Schmitt qui dénoncent les manipulations diaboliques de l'avocat.
05:40 Le retentissement de l'affaire médiatique a été très important,
05:51 ne serait-ce que par l'aspect spectaculaire des corps dissous dans la baignoire.
05:57 C'est quand même l'élément "romanesque" du roman noir.
06:02 Ça va être un des procès les plus courus de l'année, et probablement l'un des plus courus de tout, de l'histoire du Palais de Justice d'Aix.
06:15 Sarret va s'y montrer égal à lui-même, dans son élégance austère.
06:23 Les gens qui vont le voir pour la première fois, les journalistes notamment venus de la capitale,
06:27 le procès est quand même très important, c'est le genre de procès dont on parle dans la presse nationale,
06:32 vont être surpris par cette allure.
06:35 On a peine à imaginer que c'est d'abord froid, c'est d'abord digne,
06:40 se cache un homme qui est capable de commettre autant de crimes, dans des conditions aussi atroces.
06:45 Puis surtout cette image qui sera reprise par les journaux comme "Détective et Police Magazine",
06:50 le vitrioleur de cadavres, c'est quand même quelque chose de surprenant, d'extraordinaire.
06:55 Tout commence onze ans plus tôt, en 1922.
07:04 Philomène Schmitt travaille à Marseille, chez Lady Arnault, comme gouvernante.
07:10 Elle n'aime pas beaucoup sa patronne, grande femme sèche et autoritaire, mais c'est une bonne maison.
07:18 Et les gages sont intéressants, surtout qu'elle ne possède aucune aptitude particulière, sinon un don pour la couture.
07:25 Philomène est allemande, elle a passé la trentaine sans avoir réussi à se marier.
07:32 Son père est simple officier de gendarmerie à Augsbourg.
07:36 Cela fait quatre ans que la première guerre mondiale est terminée,
07:40 et ses racines germaniques ne facilitent pas son intégration dans ce pays qu'elle aime tant.
07:45 Non, ce qui serait idéal, c'est qu'elle obtienne la nationalité française.
07:51 Et pour cela, le mariage semble l'unique solution.
07:57 Philomène Schmitt, dans la France des années 1920, c'est une "boche".
08:03 C'est un peu grossier, mais c'est l'expression qu'on emploie.
08:06 Elle est issue d'une famille pas très riche.
08:10 Elle a fait des études dans un pensionnat très sinistre, très sévère.
08:15 Les jeunes filles anglaises, "English for life".
08:18 On lui a appris le métier de gouvernante.
08:20 Depuis quelques années, depuis dix ans environ, elle exerce cette profession.
08:24 Elle va de maison à maison, elle s'occupe des enfants.
08:27 Elle fait office de, pas de bonne, mais un peu plus.
08:30 Elle est gouvernante.
08:31 Donc, Philomène vient d'abord vivre à Paris,
08:34 où elle travaille tout en ayant des aventures galantes.
08:38 Elle y rencontre un certain M. Villette,
08:47 qu'elle aimerait bien épouser parce que ça lui permettrait de franciser son nom
08:51 et d'être bien plus facilement acceptable.
08:54 La personne chez qui elle travaille, Lady Arnaud,
08:57 dont elle garde les deux enfants, Anne et Edouard,
09:00 va pastir de Paris sur Marseille.
09:03 Donc, elle va l'accompagner à Marseille.
09:05 Et M. Villette, son amant, l'accompagne.
09:09 C'est un personnage un petit peu étrange, qu'elle voudrait bien épouser,
09:13 mais ce monsieur est toujours marié à une dame allemande,
09:17 bien qu'il prétende le contraire.
09:19 Et les choses sont un peu compliquées.
09:21 Donc, tout ça tourne dans la tête de Philomène,
09:24 qui voudrait bien acquérir une notoriété,
09:27 une notabilité toute simple en France.
09:32 Perdu dans ses pensées, Philomène arpente les rues de Marseille.
09:37 Son regard est attiré par une plaque de cuivre qui brille au soleil.
09:41 Georges Sarret, avocat conseil.
09:45 Étrange, elle n'avait jamais aperçu cette plaque auparavant.
09:49 Superstitieuse et y voyant un signe du destin,
09:52 Philomène prend un rendez-vous.
09:55 La rencontre est chaleureuse.
09:57 Les conseils de maître Sarret portent leurs fruits
09:59 et au bout de quelques mois, Philomène épouse Villette, son amant.
10:05 Lors de la cérémonie de mariage, Georges Sarret est présent.
10:11 Catherine, la sœur cadette de Philomène, est venue d'Allemagne.
10:15 Elle souhaite, elle aussi, prendre la nationalité française
10:18 et s'installer à Marseille.
10:21 Les conseils de Georges Sarret sont les bienvenus
10:25 et on le voit de plus en plus souvent aux côtés des deux sœurs.
10:28 Ils les aident d'ailleurs à ouvrir un atelier de couture.
10:32 La rencontre de l'avocat se révèle bénéfique sous tous les rapports.
10:36 Serait-il en train de modifier leur existence ?
10:41 Le mariage de Georges Sarret
10:45 Le mariage de Georges Sarret
10:49 Le mariage de Georges Sarret
10:54 Alors Georges Alexandre Sarret-Janin, qui est-il ?
10:57 Il est né à Trieste, à une époque où Trieste relevait encore de l'Empire Austro-Hongrois.
11:03 Il est de parents grecs.
11:05 Il vient en France jeune
11:07 et tout de suite, il n'a qu'une idée, c'est de changer de nom.
11:10 Parce que Sarret-Janin, ça sonne en I.
11:13 Et à l'époque, les Italiens étaient un petit peu les métèques de nos jours.
11:18 C'est-à-dire qu'on les accusait de tous les maux,
11:21 d'être des voleurs, de venir vivre au crochet de la France, etc.
11:25 Donc Sarret-Janin, qui veut se construire une personnalité irréprochable et de notable,
11:31 n'a qu'un souci en tête, c'est de franciser son nom.
11:35 C'est ainsi qu'il devient Sarret.
11:37 Il débute dans la vie en tant que journaliste,
11:42 dans deux quotidiens de Marseille, successivement.
11:46 Mais c'est un journaliste qui est très peu en reportage.
11:49 Il est surtout occupé à recevoir dans son bureau
11:52 des gens qui viennent le voir pour des tractations immobilières.
11:55 Acheter, vendre, ça c'est son truc.
11:58 Et donc ses rédacteurs en chef ne le voient pas souvent au travail.
12:02 On lui reproche même de consacrer la majorité de son temps
12:06 à s'occuper de tractations immobilières.
12:09 En 1914, Sarret est mobilisé.
12:12 La Première Guerre mondiale éclate, il part se battre.
12:16 Blessé, il rentre à Marseille quelques années plus tard,
12:19 mais le courage qu'il a montré pendant les combats
12:22 lui permet d'être cité et décoré.
12:25 Il se montre un très brillant soldat.
12:30 Et quand il revient, il attaque des études de droit.
12:35 Il terminera avec une licence en droit.
12:38 Et c'est ce qu'il autorisera à se constituer une plaque
12:41 pour mettre sur sa porte avec la mention d'avocat conseil
12:44 puisqu'il n'est pas un vrai avocat, dans la mesure où il n'a pas subi
12:47 les épreuves de qualification à la profession d'avocat.
12:50 C'est pour ça qu'il a la prudence de s'intituler avocat conseil
12:54 et qu'il appose sa plaque au 49 rue de la Palu à Marseille.
12:59 Sarré et les deux sœurs ne se quittent quasiment plus.
13:02 Cette promiscuité débouche rapidement sur une relation plus intime.
13:06 Après Philomène, c'est Catherine qui devient la maîtresse de l'avocat.
13:10 Georges Sarré a besoin d'argent pour mener une vie confortable
13:14 et il a des idées pour en gagner rapidement.
13:17 Mais pour cela, il a besoin de Catherine.
13:20 Il voudrait qu'elle épouse son ami Del Treuil, qui est vieux et souffrant.
13:24 « Est-il riche ? » demande-t-elle.
13:28 « Non, mais sa veuve pourrait l'être.
13:31 Il suffirait de faire contracter à Del Treuil une forte assurance sur la vie. »
13:35 « Et si M. Del Treuil ne meurt pas vite ? » demande Catherine.
13:40 « Oh ! » dit Sarré d'un air pensif, « il est vraiment en très mauvaise santé.
13:46 Celle-ci ne peut qu'empirer rapidement. »
13:49 La personnalité inquiétante de l'avocat apparaît alors pour la première fois.
13:55 Un lien d'amitié qui se transforme en liaison amoureuse.
14:01 Et Sarré-Jani est un personnage complexe.
14:05 C'est vrai que sous l'aspect bourgeois respectable,
14:08 c'est quelqu'un qui a une double vie, qui a une vie dissolue.
14:11 C'est quelqu'un qui est un hausseur, qui va dans les cercles,
14:16 qui fréquente les bars, c'est l'argent facile, etc.
14:21 Et donc, parallèlement à ça, il a suffisamment confiance en elle
14:25 de façon à les faire entrer dans ses combines,
14:29 puisque c'est quelqu'un qui, au-delà de l'aspect honorable,
14:33 est un véritable escroc.
14:35 Sarré-Jani, c'est un homme rôtor, habillé toujours en sombre,
14:40 tel un homme du clergé.
14:42 On lui donnerait le bon Dieu son confession.
14:44 Les gens qui le connaissaient disaient que c'était un homme...
14:47 C'était un bon avocat, bien honnête, on disait de lui à Marseille.
14:50 Son métier d'avocat conseil lui permet de gagner de l'argent,
14:52 mais pas assez, donc il se lance dans des escroqueries.
14:55 Et principalement, des escroqueries à l'assurance-vie.
14:58 Pour mettre son plan à exécution,
15:01 Sarré se rend chez son ami Chambon,
15:04 un ancien abbé qui a quitté les ordres.
15:07 Il vit à La Madrague, villa des Gatons,
15:10 en compagnie de sa maîtresse Blanche Ballandro.
15:13 Cette dernière, femme d'un notaire du Cher,
15:16 a abandonné son mari au profit de ce prêtre défroqué
15:19 qui se livre à des négoces variés, comme le prêt-sur-gage.
15:23 Au vu de l'aisance du foyer, les affaires semblent bien marcher.
15:27 Mon cher Chambon, commence Sarré,
15:31 j'aurai besoin de votre aide pour réaliser une petite opération
15:35 dont vous aurez votre part, bien entendu.
15:38 Voilà ce dont il s'agit.
15:41 Catherine Schmitt va épouser Eugène Deltreuil.
15:45 "Quoi, ce vieillard a l'article de la mort ?"
15:48 dit Chambon étonné.
15:50 "Quel dommage pour une si jolie fille !"
15:53 - Sarré comprend tout le parti
15:55 qu'il peut tirer du mariage de Catherine avec Deltreuil,
15:59 puisque Deltreuil est souffreteux, très malade,
16:02 et il n'en a plus pour longtemps.
16:04 Donc, Sarré se dit, en faisant conclure un contrat
16:07 d'assurance-vie sur la tête de Deltreuil à mon profit,
16:10 ou plus exactement au profit de Catherine,
16:12 je vais pouvoir encaisser la prime.
16:15 Et c'est ce qui se produit.
16:17 À la place de Deltreuil,
16:19 Sarré envoie le dommé Chambon à la visite médicale,
16:22 et le médecin qui passe à la visite de Chambon dit,
16:25 "C'est bien pour son âge, il est bien conservé,
16:28 il est en pleine forme, ce monsieur Deltreuil."
16:31 C'est ainsi que la prime reviendra à Sarré.
16:34 Chambon, c'est un individu qui habitait en Haute-Loire,
16:38 qui est un prêtre défroqué,
16:40 et qui lui aussi est très intéressé par l'argent.
16:43 Et lorsque le prêtre défroqué séduit la femme
16:48 d'un riche commerçant en bois en Haute-Loire,
16:51 il lui suggère de partir avec lui,
16:54 tout en lui suggérant d'emporter les économies du mari.
16:57 Donc il se retrouve à Marseille,
16:59 puisqu'il fallait partir loin quand même de la Haute-Loire,
17:01 et puis autant qu'à faire, il valait mieux venir au soleil.
17:04 Donc il part avec Blanche Ballandro,
17:06 qui est donc la femme de l'industriel,
17:09 et 200 000 francs.
17:11 Quelques mois plus tard,
17:16 c'est le mari de Philomène, François Villette,
17:19 qui est à l'agonie.
17:21 Les soeurs Schmitt, en rentrant de promenade,
17:24 le découvrent fiévreux et à l'article de la mort.
17:27 "Il faut appeler le docteur !" s'exclame Catherine.
17:31 Philomène ne semble pas particulièrement touchée,
17:34 mais elle décroche toutefois son téléphone.
17:37 Le docteur Murat arrive quelques instants plus tard
17:40 et ne peut que constater le décès de Villette,
17:43 dont il diagnostique une attaque cardiaque.
17:46 Philomène se transforme aussitôt en veuve éplorée,
17:50 et la concierge, venue prendre des nouvelles,
17:52 la prend dans ses bras pour la réconforter.
17:55 "Oh, ma pauvre ! Vous n'avez pas de chance.
17:58 Vous ne l'avez pas gardée bien longtemps, votre mari."
18:02 Quelques semaines plus tard, c'est dans sa tenue de veuve
18:05 que Philomène assiste au mariage de Catherine
18:08 avec M. Deltreuil.
18:10 "C'est un homme qui a combien ?
18:13 30 ans, une trentaine d'années de plus que Catherine.
18:16 Donc, on va dire que c'est un mariage bien mal assorti.
18:19 Ça pourrait être un mariage de convenance,
18:21 mais de toute évidence, c'est le mariage de la carpe et du lapin."
18:24 Mais la cérémonie est joyeuse,
18:26 et Sarret sourit en pensant que son plan
18:28 commence à prendre fort.
18:30 Le marié a souscrit le matin même une assurance-vie.
18:34 Dès la sortie de l'église,
18:36 Catherine met son mari dans un taxi.
18:38 Le baiser qu'elle lui donne est un baiser d'adieu.
18:41 Elle n'a pas du tout l'intention de le revoir avant sa mort.
18:45 Les soeurs Schmitt, Sarret, Chambon
18:48 et la compagne de ce dernier, Blanche Ballandro,
18:51 vont ensuite fêter joyeusement la réussite
18:53 de la première phase d'une opération
18:55 qui devrait leur rapporter 100 000 francs.
18:58 À la grande satisfaction de Sarret,
19:03 Del Treuil meurt 4 mois plus tard.
19:06 C'est Mme Prieur, une amie,
19:08 qui le retrouve inanimé, assis dans son lit.
19:11 Le Dr Murat constate le décès de son patient,
19:14 mort de vieillesse, selon lui.
19:17 Catherine touche les 100 000 francs de l'assurance-vie,
19:20 et Sarret partage le prix de la vie.
19:23 Les deux femmes s'embrassent dans l'assurance-vie,
19:26 et Sarret partage l'argent.
19:29 À la tête d'une véritable fortune,
19:31 Philomène et Catherine s'empressent
19:33 de s'offrir des fourrures et des bijoux.
19:36 Elles sortent dans les bars et les restaurants huppés de Marseille.
19:40 - A partir du moment où les soeurs Schmitt
19:44 vont toucher l'héritage et l'assurance-vie
19:46 de leurs époux respectifs,
19:48 elles vont radicalement changer leur train de vie.
19:51 L'une couturière, l'autre gouvernante,
19:53 ça va un peu passer à l'as.
19:55 Elles vont se faire plaisir,
19:57 chose qu'elles n'avaient pas eu l'occasion de faire,
19:59 mais dans l'excès.
20:01 Surtout Catherine, qui apprécie les belles toilettes,
20:04 les sorties, va aller au casino, va dépenser.
20:07 En cela, elles seront un peu inspirées
20:09 par le mode de vie de leur amant commun, Sarret,
20:12 qui est tout à fait de ce genre,
20:14 sous ses allures austères et sérieuses.
20:17 Il est plutôt un jouisseur,
20:19 et les soeurs sont contaminées par sa façon de vivre.
20:22 - Un soir, sans s'annoncer,
20:26 Sarret débarque chez les soeurs Schmitt.
20:28 Ils fument nerveusement
20:30 et écrasent les cigarettes à peine allumées.
20:32 "Nous avons des ennuis", dit-il.
20:36 "Quel genre d'ennuis ?" demande Philomène,
20:39 "au sujet de l'assurance-vie de Deltreuil."
20:42 "Pourtant, la compagnie a payé", constate Catherine.
20:45 "La compagnie n'y est pour rien,
20:47 "c'est Chambon qui est très gourmand."
20:49 - Chambon a été mêlé dans plusieurs affaires d'escroquerie
20:55 et il s'estime floué.
20:57 En cela, on ne peut pas spécialement lui donner tort non plus,
21:00 mais comme c'est un escroc,
21:02 les deux hommes sont des escrocs,
21:04 et l'un est plus gourmand que l'autre.
21:07 Donc Chambon a manifesté son désir
21:09 de récupérer un peu de l'argent qu'il n'a pas eu jusque-là.
21:13 Et Sarré n'a pas spécialement ni l'envie ni l'argent réclamé.
21:19 Chambon s'énerve, Chambon menace.
21:24 Après tout, une escroquerie, lui, n'est que simple complice.
21:27 Il a passé un examen médical et il n'a empoisonné personne.
21:31 Il s'est chargé de tuer personne.
21:33 Donc s'il y a arrestation et s'il y a condamnation,
21:36 elle sera minime le concernant.
21:38 Pas pour Sarré.
21:40 Sarré, en plus, qui a cette réputation, qui est homme d'affaires,
21:43 qui commence à avoir des idées politiques, même, dans Marseille,
21:47 qui commence à avoir une véritable ambition municipale.
21:50 Donc ça serait la fin de tout pour lui.
21:53 On monte un guet-à-pense pour se débarrasser de Chambon.
21:56 Le guet-à-pense consiste à lui faire dire par Catherine
21:59 que Sarré est désolé de l'inimitié qui s'est installée entre eux,
22:03 et il propose de venir le voir à la Villa L'Hermitage
22:06 pour en discuter et pour essayer de faire la paix.
22:09 Tuer Chambon.
22:11 Les Sœurs Schmitt sont effrayées par le plan diabolique de Sarré.
22:15 Mais que faire ? Elles ne vont pas aller en prison
22:17 à cause d'un abbé défroqué, avide d'argent.
22:20 Pour ne pas les choquer davantage,
22:23 Sarré ne leur a pas dévoilé tout son plan.
22:25 Et elles exécutent, comme de bons petits soldats,
22:28 les ordres de leur mentor.
22:31 Alors Catherine est sous l'influence de Sarré.
22:34 C'est certain, au moins dans tout le début de l'histoire.
22:38 Philomène, un peu moins.
22:41 Elle est de 7 ans plus âgée, déjà,
22:44 et elle a un peu plus la tête sur les épaules que sa jeune sœur.
22:48 Sa jeune sœur est complètement fascinée, hypnotisée
22:51 par ce personnage qui a l'argent facile,
22:55 qui les sort, qui les emmène au restaurant,
22:59 dans des bons restaurants, qui leur offre le champagne.
23:02 Catherine est une grande amatrice de champagne.
23:07 Il utilise cette emprise, ce pouvoir qu'il a sur elle
23:10 pour leur faire peur et leur dire
23:12 "Vous ne pouvez rien révéler de ce que nous avons fait ensemble,
23:15 sinon ce sera Montpellier."
23:18 Puisque c'est comme ça qu'il définit à chaque fois
23:20 le fait qu'elle pourrait se retrouver en prison à Montpellier.
23:24 1re étape, Sarré demande aux sœurs Schmitt
23:29 de louer une villa isolée dans les environs de Marseille.
23:33 Après avoir visité quelques maisons,
23:36 les choix s'arrêtent sur la villa L'Ermitage,
23:38 près d'Aix-en-Provence.
23:40 Entourée d'un jardin mal entretenu,
23:42 envahie par les broussailles,
23:44 cette maison est entièrement close et loin de toute habitation.
23:48 2e étape, sous prétexte qu'il aime prendre des bains,
23:54 il leur demande d'acheter une baignoire.
23:56 Catherine proteste contre cet achat superflu,
23:59 alors qu'ils ne vont rester que 6 semaines dans cette maison.
24:02 Mais Sarré se met en colère et se fâche contre elle.
24:05 "Si vous ne faites pas ce que je vous dis,
24:07 il vous en coûtera cher."
24:09 Sarré se montre de plus en plus autoritaire avec les 2 sœurs.
24:15 Et lorsqu'il demande à Philomène d'acheter une motociclette d'occasion,
24:19 elle s'exécute.
24:21 "À quoi va servir cet engin ?" demande-t-elle.
24:24 "Cette moto ne roulera pas, elle servira à faire du bruit.
24:27 Nous la rangerons dans le garage de la villa.
24:30 Lorsque je vous le dirai, vous la mettrez en marche
24:32 et le bruit du moteur couvrira celui du coup de feu qui abattra Chambon."
24:36 Ce qu'il n'a pas dit aux sœurs Schmitt,
24:41 c'est qu'il veut se débarrasser des corps
24:43 en les dissolvant dans de l'acide sulfurique.
24:46 Il se charge d'ailleurs lui-même d'acheter le dangereux liquide.
24:50 Il ne reste plus qu'à déterminer le jour du crime.
24:54 D'un commun accord, il est fixé au 19 août 1925.
25:00 Au départ, Sarré est un escroc, très certainement.
25:04 Et il est un escroc parce qu'il est un pervers
25:07 et que pour lui la loi n'existe pas.
25:09 Les autres n'existent que comme des individus
25:11 qu'il peut manipuler à sa guise
25:13 et utiliser comme des objets quand il en a besoin.
25:16 Il n'éprouve aucune culpabilité.
25:18 Il est très ambitieux, très fier de lui
25:21 et tous ces traits-là sont caractéristiques de la personnalité perverse.
25:26 Et je crois que le crime n'est arrivé dans son histoire
25:31 que par ricochet en quelque sorte.
25:34 C'est parce que l'abbé Chambon l'a fait chanter
25:37 que lui-même avait besoin d'argent
25:40 et ne voulait donc pas donner plus d'argent à cet abbé
25:44 qu'il va décider de le faire disparaître.
25:52 Le 19 août 1925, à la villa L'Hermitage,
25:56 Philomene, caché dans le garage, guette l'arrivée de Catherine.
26:01 Sarré, lui, est déjà en place dans le salon,
26:05 caché derrière un paravent, le fusil chargé.
26:09 Le bruissement des cigales résonne
26:14 comme les roulements de tambour avant une exécution.
26:20 La voiture pénètre enfin dans la propriété.
26:23 Philomene démarre la moto.
26:25 Chambon et Catherine descendent de la voiture et entrent dans la maison.
26:33 Elles l'installent dans un fauteuil qui se trouve dans l'axe de Sarré
26:38 et serrent le dernier verre du condamné.
26:41 Chambon s'interroge.
26:46 - Mais où est Georges ?
26:48 - Il est dans le jardin, dit Catherine,
26:50 et elle fait mine de l'appeler par la fenêtre.
26:52 - Georges, où êtes-vous ?
26:54 C'est le signal.
26:56 Sarré tire et touche l'ex-abbé en plein visage.
27:00 Louis Chambon est mort.
27:06 Sarré le fouille et récupère sa montre en or.
27:09 Mais son plan diabolique est loin d'être achevé.
27:13 Pour ne pas risquer de se faire démasquer,
27:15 il décide d'éliminer la femme de Chambon, Blanche Ballandreau.
27:20 - C'est Sarré lui-même qui va chercher Blanche,
27:25 en lui disant "on a mis au point un projet important pour gagner de l'argent, etc.
27:29 Mais votre accord est nécessaire, venez avec nous,
27:31 tout est arrangé avec Chambon,
27:33 venez avec nous à Aix, je vous emmène à Aix, à la villa,
27:37 et on va en discuter."
27:38 Donc là c'est un petit peu le même scénario qui s'est reproduit,
27:42 c'est-à-dire qu'on fait rentrer Blanche avec Sarré qui la suit,
27:46 et là aussi, un coup de revolver, et Blanche est abattue.
27:50 Alors que faire de ces deux cadavres ?
27:53 Il faut dire que l'idée avait dû germer dans l'esprit de Sarré quelque temps auparavant,
28:00 puisqu'il avait commandé à peu près 100 litres d'acide sulfurique.
28:07 Sans les déshabiller, il place d'abord le cadavre de Blanche au fond de la baignoire,
28:12 puis celui de Chambon par-dessus.
28:15 Il verse ensuite l'acide sulfurique.
28:18 Les bulles apparaissent tout de suite à la surface,
28:20 la décomposition commence, elle va durer trois jours.
28:24 Au bout de ce laps de temps, c'est une espèce de pâte qui reste dans la baignoire,
28:30 une espèce de pâte brunâtre, rougeâtre,
28:33 un truc absolument horrible, une odeur méphitique.
28:36 L'impossibilité en plus de partir à ce moment-là,
28:39 de s'enfuir de cette maison qui commence à avoir une odeur ignoble.
28:42 Les sœurs sont en panique, elles s'imaginent dans une espèce de maison hantée,
28:46 et c'est plus ou moins ce que ça devient, l'ermitage, quand on y pense.
28:49 Lorsqu'il ne reste plus qu'un liquide visqueux et nauséabond,
28:54 les deux sœurs en remplissent des seaux qu'elles vident autour de la maison.
28:59 [Musique]
29:02 Il nettoie la maison, la location est prolongée d'un mois
29:13 parce que le nettoyage est quand même laborieux.
29:15 Par endroits, la peinture est complètement partie,
29:19 donc c'est un petit peu visible.
29:21 Cela dit, on fait l'état des lieux au moment de partir.
29:25 Le propriétaire qui est là trouve qu'il y a des traces un peu bizarres dans sa maison
29:29 et il commence à se mettre en colère.
29:31 Ce à quoi Sarré lui dit "Ecoutez, elles ont été imprudentes,
29:34 elles n'ont pas fait très attention, mais je peux vous indemniser,
29:37 voilà ma carte", et il a l'imprudence qu'il n'a pas d'habitude,
29:41 il a l'imprudence de laisser sa carte de visite avec son adresse au propriétaire pour le calmer.
29:46 Bon, le propriétaire se calme sur le moment, mais quand même cette histoire le travaille,
29:50 d'autant plus qu'on a aussi trouvé dans le jardin
29:53 une chaussure de femme qui était à moitié rongée.
29:56 On ne sait pas par qui, mais évidemment on ne passe pas encore à l'acide,
29:59 mais une chaussure de femme rongée.
30:01 Alors le propriétaire fait l'état de ses soupçons
30:04 à un capitaine de gendarmerie en retraite qu'il connaît bien,
30:08 et le capitaine vient voir, il trouve en effet que ses traces ne sont pas très honnêtes,
30:12 et à ce moment-là, il en fait part à un juge d'instruction de ses amis.
30:17 Le juge d'instruction souhaite exploiter ces doutes
30:21 et il transmet en rapport au procureur.
30:23 Mais c'est là que se produit un coup de chance pour Sarré,
30:26 c'est que Sarré, notable marseillais, on n'y touche pas.
30:30 Ce n'est pas possible que Sarré soit l'ami de ces gens qui ont tellement abîmé la maison.
30:36 Donc ça va se terminer par rien, par de l'eau de boudin, disons.
30:41 C'est qu'à cette époque, la police met en pratique l'axiome
30:45 "pas de cadavres, pas de crimes".
30:47 L'affaire est donc classée.
30:50 Pour la première fois de l'histoire du crime,
30:52 un homme a réussi à faire disparaître quasiment en intégralité le corps,
30:56 ce qui est souvent la chose qui permet d'arrêter un criminel.
31:00 Là, il n'y a plus de traces, ni de chambon, ni de blanche ballande.
31:04 C'était la première fois qu'un criminel utilisait le vitriol, l'acide pour cela.
31:09 Et il aura des successeurs dans cela,
31:12 il aura un tueur en série anglais dans les années 40 qui fait ça,
31:16 et par la suite, ça sera utilisé également au cinéma.
31:20 Dans Nikita, par exemple, un personnage fait exactement la même chose.
31:24 Donc il n'a rien inventé, ce n'est pas de la fiction,
31:26 c'est carrément une utilisation d'une véritable affaire criminelle
31:29 dans ce petit détail affreux.
31:31 Il est vrai qu'avant lui, des milliers de malfaiteurs
31:36 avaient cherché des moyens nouveaux de dissimuler un cadavre.
31:39 Et faute de les découvrir, s'en étaient tenus aux vieilles méthodes.
31:44 Ce n'est pas grand un cadavre, c'est une masse peu volumineuse,
31:48 mais il tend toujours à révéler sa présence par sa résistance à la destruction
31:52 et par la manifestation de son odeur.
31:55 Cacher la victime, c'est souvent cacher le crime.
32:00 Le moyen le plus communément employé par les criminels,
32:03 celui qui leur paraît le plus sûr, est l'enfouissement.
32:07 Cependant, presque tous les corps ensevelis dans le sol finissent par être découverts.
32:12 Même après des siècles, un squelette reste décelable.
32:16 On peut imaginer que certaines des victimes de Landru
32:19 seront retrouvées un jour ou l'autre dans la forêt de Rambouillet.
32:23 Les victimes jetées à l'eau, le corps lesté de poids,
32:30 remontent aussi, souvent, à la surface.
32:32 C'est le cas de l'Américain Wall, tué par Guy Davin.
32:36 L'incinération elle-même laisse des traces.
32:40 Il demeure des résidus, des restes humains calcinés.
32:43 Le Dr Petiot s'est fait arrêter à cause des fumées nauséabondes
32:47 qui émanaient de sa chaudière et asphyxiaient les rues chics du 16e arrondissement de Paris.
32:52 Les dépeceurs ne font que compliquer leur affaire.
32:57 Leur affreuse boucherie multiplie les restes.
33:00 D'aucuns, dans leur hâte de se débarrasser d'une preuve effroyable,
33:04 ont recours au procédé de la malle, comme Hérault, l'assassin de Lucier Gouffet.
33:10 Mais dans la malle, le corps suinte, des émanations s'échappent.
33:14 Chaque fois, la victime est retrouvée, et le coupable aussi.
33:18 Les innovateurs en ce genre atroces sont rares.
33:23 On peut citer Wendt, ce berger du Tirol,
33:26 qui pendait ses victimes au plus haut des arbres d'une immense forêt.
33:30 Les cadavres pourrissaient sans que les émanations ne se répandent au sol.
33:34 Les oiseaux de nuit et les insectes arrachaient la chair, lambeau par lambeau.
33:39 Mais le squelette desséché laissa un jour choir ses os,
33:43 et le crime fut découvert.
33:45 La technique de Sarret est donc efficace.
33:50 Et c'est sans inquiétude que l'avocat conseille, poursuit son plan,
33:55 récupérer les biens de Chambon.
33:57 Il fait appel à Calixte Lufaut, son ancien cuisinier qui lui est redevable.
34:04 Calixte prend l'identité de l'abbé Chambon et se rend chez un notaire, maître Perrin.
34:09 Il signe une procuration indiquant qu'il quitte la France pour un certain temps,
34:13 et laisse à maître Sarret le soin de récupérer les loyers de son hôtel
34:18 et de s'occuper de ses affaires au cours de son absence.
34:21 Le notaire opère les modifications demandées sans se poser de questions,
34:26 puisque l'ex-abbé Chambon et sa femme n'avaient pas d'enfants
34:30 et n'étaient pas proches de leur famille.
34:33 Sarret, sans être inquiété, vide donc leur maison et distribue les objets au Sir Schmitt
34:39 ainsi qu'à ses deux ex-femmes.
34:41 Donc tout va bien dans le ciel de Sarret, tout va bien pour lui,
34:46 et il en profite pour mettre son temps libre à la fabrication de sa gloire,
34:52 en organisant des réceptions dans ses bureaux, en soignant la classe politique de Marseille.
35:00 Il essaye aussi d'entrer chez les francs-maçons, mais là, ils n'en veulent pas.
35:04 Mais comme il a déjà réussi une escroquerie à l'assurance avec l'affaire Del Treuil,
35:11 il se dit que quand même c'est un petit peu dommage d'en rester là.
35:14 Et chaque jour, quand il sera en son bureau, il passe devant l'échoppe d'un cordonnier,
35:19 un vieux cordonnier italien très malade,
35:21 qui manifestement n'en a plus pour longtemps à vivre,
35:24 et il se dit "Tiens, pourquoi pas une assurance vie sur la tête du cordonnier ?"
35:28 Alors il contacte son épouse, il se fait passer pour le grand seigneur,
35:32 prêt à aider la famille en lui versant un petit peu d'argent, etc.
35:37 Il convainc le cordonnier, Di Lorenzo, de souscrire une assurance vie.
35:42 Et comme il n'est pas question que ce soit Di Lorenzo qui aille passer la visite médicale,
35:48 donc Alix du Faux accepte de jouer le rôle de Di Lorenzo à la visite médicale,
35:54 et c'est donc lui qui y va, et bien sûr, on conclut que son état de santé justifie,
36:00 est pleinement satisfaisant et permet la conclusion d'un contrat d'assurance vie.
36:05 Le contrat s'élève à 500 000 francs.
36:08 Mais Mme Di Lorenzo n'a pas confiance en sa reine et soeur Schmitt,
36:12 et éloigne son mari du trio infernal.
36:15 L'avocat conseil cherche alors une nouvelle escroquerie.
36:19 En 1931, il a l'idée de faire croire au décès de Catherine Schmitt
36:24 et de remplacer son corps par celui d'une femme tuberculeuse que le trio va aider à mourir.
36:30 Catherine a bien évidemment souscrit une assurance vie au profit de sa mère.
36:35 Mais comme celle-ci vit en Allemagne, une procuration va permettre à sa soeur Philomène
36:40 de toucher la prime qui s'élève à 1 700 000 francs.
36:45 Le montage c'est celui-ci. Philomène Schmitt va chez un notaire, en compagnie de sa reine.
36:51 Le notaire est un ami de sa reine.
36:53 Mais Philomène Schmitt se grime, se maquille,
36:56 elle garde une voilette noire absolument impénétrable tout le temps de l'audience chez le notaire,
37:02 et elle dit "Voilà, je m'appelle, alors, Mme Schmitt, mère,
37:06 je m'appelle Mme Schmitt, je suis allemande, je viens rarement en France,
37:11 donc je veux souscrire une assurance vie au profit de Catherine,
37:16 et si malheureusement elle venait à disparaître,
37:20 les primes devraient être versées à ma fille Philomène, à qui je donne procuration.
37:25 Donc voilà, Philomène Schmitt qui se donne procuration en quelque sorte à elle-même
37:30 en se faisant passer pour sa mère, et le notaire n'y voit que du feu, d'autant plus que là, là c'est pareil,
37:35 il y a la caution de mettre s'arrêt, alors là, s'il y a la caution de mettre s'arrêt, c'est béton.
37:40 Il n'y a pas de soucis à avoir.
37:43 Là c'était un gros coup, puisqu'il y avait plusieurs assurances vie qui étaient mises.
37:47 Je ne veux pas dire que c'était le dernier coup avant la retraite,
37:50 mais c'était une opportunité de se faire de l'argent, beaucoup d'argent,
37:53 et puis peut-être devoir venir pendant quelques années supplémentaires.
37:57 Le trio infernal va porter son choix sur une jeune femme hospitalisée à l'hôpital de la Conception.
38:06 Magali Herbin, très malade et orpheline, est accueillie dans leur ville.
38:12 Elle est entourée de prévenances, amenée au cinéma, au restaurant,
38:17 gavée de pâtisserie et invitée à boire sans retenue.
38:21 La pauvre femme montre une certaine résistance à ce traitement et se plaide avec les soeurs Schmitt,
38:28 mais s'arrête pressée de toucher le pactole.
38:31 Il l'empoisonne en mettant des sels de zinc dans une bouteille de champagne.
38:36 Magali Herbin meurt le 29 mai 1930.
38:40 Le docteur Guy délivre l'acte de décès et, sous le charme de Catherine,
38:46 accepte de lui remettre des copies ne portant pas la mention de duplicata,
38:51 une procédure pourtant illégale.
38:54 Tous ces actes de décès vont permettre au trio infernal de toucher plusieurs assurances vie.
39:01 Mais toute médaille a son revers.
39:04 Après ce succès, Catherine se trouve dans une bien singulière situation
39:08 puisque tous ses certificats attestent qu'elle est morte et enterrée.
39:13 Catherine quitte donc Marseille et va d'abord se cacher à Paris dans un appartement rue Jouffroy.
39:19 Philomène la rejoint et encaisse les chèques des assurances vie.
39:24 Catherine part ensuite à Nice et se cache dans l'hôtel de Madame Lambert.
39:28 Plus tard, toutes deux rentrent à Marseille où elles vivent cachées.
39:33 Sarré procure un nouvel état civil à Catherine.
39:38 Elle s'appelle désormais Madame Reynaud.
39:41 Mais en ce début d'année 1931, la police reçoit des informations
39:45 qui l'amènent à venir interroger Philomène Schmitt.
39:48 Mais elle tient le coup. Elle ne dit rien.
39:51 Par contre, Sarré, en apprenant l'arrestation de Philomène, va appeler Catherine.
39:57 En lui disant de s'enfuir, etc.
40:00 Et Catherine ne sait que faire. Elle oscille entre aveux, entre suicides, etc.
40:05 Catherine n'a plus confiance en Sarré.
40:07 Elle a peur de lui. Elle se dit qu'il est capable de tout.
40:10 Donc elle va user d'un autre personnage, le docteur Guy.
40:14 Elle sait visiblement qu'il est pris d'elle et elle va en abuser.
40:19 Elle va s'arranger pour obtenir des faux certificats de décès.
40:22 Les utiliser pour essayer d'arranger, d'arrondir les angles dans cette histoire.
40:26 Le médecin va se rendre compte que Catherine Schmitt a abusé de sa confiance,
40:30 a abusé de son amour.
40:32 Ça en sera trop pour lui.
40:34 Il part à son tour dénoncer les crimes du trio.
40:37 Et en définitive, le lendemain, elle se rend à l'évêché,
40:45 donc au commissaire central de Marseille, pour avouer.
40:50 Catherine explique au commissaire Kall toute la machination de 1931,
40:55 à savoir que la personne qui était censée être décédée
41:00 est une jeune femme qui était malade, tuberculeuse,
41:04 que sa sœur Philomène aurait rencontrée à l'hôpital.
41:07 De façon à l'idée, cette personne serait revenue chez elle
41:12 et serait morte tout à fait naturellement.
41:15 Naturellement, le commissaire se pose des questions,
41:22 puisque ça fait quand même un certain nombre de morts suspectes
41:26 avec toujours des intérêts similaires autour de ses deux sœurs et du trio.
41:31 En réalité, on n'en saura pas plus en ce qui concerne cette jeune femme.
41:35 Mais voilà, donc il y a eu une substitution de corps
41:38 et donc une nouvelle escroquerie.
41:40 Le chef de la sûreté, M. Kall, fait exhumer le corps de Magali Herba.
41:45 Le professeur Barral de Lyon est chargé de faire une analyse toxicologique.
41:50 Le résultat est sans appel.
41:52 Les viscères de la pauvre fille contiennent 2,70 g de zinc,
41:56 alors que 50 centigrammes peuvent provoquer la mort.
42:00 Georges Sarret est convoqué par le juge Rochus.
42:04 Sentant l'étau se resserrer, il nie toute implication.
42:08 Les sœurs Schmitt, elles, parlent.
42:10 Surtout Catherine, qui va révéler le double meurtre de Chambon et sa maîtresse.
42:15 Quand l'heure de la confrontation arrive,
42:17 Sarret les accuse toutes les deux d'être les instigatrices des crimes.
42:21 Le juge Rochus, qui mène l'instruction, va se retrouver face à un cas assez rare.
42:27 Il n'est pas fréquent que des hommes de loi se retrouvent accusés de crimes.
42:33 Accusés surtout de crimes de sang.
42:35 Sarret avait donc cette réputation non usurpée d'être un avocat habile.
42:39 Il connaît la loi, il connaît la justice.
42:42 Et il va user de tous les artifices possibles et imaginables
42:45 pour retarder l'échéance d'un procès.
42:47 Dans un premier temps, il va dire qu'il a des révélations à faire.
42:50 Et que ces révélations, ça consiste à dire qu'une fille naturelle de Philomène Schmitt,
42:55 qui était restée en Allemagne, serait venue.
42:58 Et c'est cette fille-là qui aurait apporté le poison,
43:01 versé le poison de Magali Herbin, entre autres.
43:04 Et elle existe effectivement.
43:06 On met un certain temps à la retrouver.
43:08 Mais elle est très vite disculpée.
43:10 Alors, autre obstacle que Sarret va semer sur la route,
43:14 c'est de dire que les deux sœurs Schmitt étaient en fait des espionnes
43:18 envoyées par l'Allemagne pour espionner la France.
43:20 D'autant plus qu'elles se sont trouvées là pendant la guerre, la guerre de 1914-1918.
43:24 Donc, c'est forcément des espionnes.
43:27 Il multiplie tous les obstacles juridiques qu'il trouve
43:30 pour retarder la conclusion de l'enquête.
43:32 L'instruction qui aurait pu être très rapidement faite,
43:37 va durer 31 mois,
43:39 avant qu'enfin, on puisse mener Sarret et les sœurs Schmitt
43:43 devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône.
43:45 L'épilogue judiciaire de l'affaire se déroule le 21 octobre 1933,
43:50 devant les assises des Bouches-du-Rhône à Aix-en-Provence.
43:53 Nous avons non seulement trois accusés, mais huit en réalité.
43:57 Il y a cinq autres complices.
43:59 Le trio infernal qui est accusé d'assassinat et complicité,
44:03 de faux usage de faux et d'escroquerie.
44:06 Et puis, parallèlement à ça,
44:09 les cinq autres personnes sont accusées de recel, complicité,
44:14 d'escroquerie ou faux et usage de faux.
44:16 Les cinq supposés complices qui comparaissent dans l'affaire
44:21 sont le docteur Guy, la fille de Sarret Jany,
44:24 André, Calixte Lufaut et les deux notaires,
44:27 messieurs Brun et Sciottis.
44:29 Alors, le jour du procès, il y a beaucoup de monde dans la salle,
44:34 des notables et aussi des petits voyous.
44:36 Mais il y a surtout beaucoup de journalistes.
44:39 Et on remarque aussi que les avocats à la barre
44:42 sont des avocats renommés.
44:44 Il y a Mourou Djaffery, il y a Campengie, il y a Pollack.
44:48 Tous les ténors se sont donnés rendez-vous pour un procès hors normes.
44:51 Et procès hors normes, il l'est, notamment, bien sûr,
44:54 par la personnalité des protagonistes,
44:56 mais aussi parce que la France entière a parlé de l'affaire
44:59 et toute la presse l'a suivi.
45:01 Sarret va s'y montrer, on va dire, égal à lui-même.
45:05 Il est dans son élégance austère.
45:08 Et les soeurs Schmitt, elles, sont, on va dire,
45:12 par rapport à lui, très effacées, très discrètes.
45:16 Le jour du procès, on constate que le fameux trio explose,
45:20 puisque Sarret, comme il l'a fait tout au long de l'instruction,
45:24 Sarret tente de tout faire porter par les soeurs Schmitt.
45:27 Et les soeurs Schmitt, d'ailleurs, auront cette déclaration,
45:31 enfin, Philomene dira, "Nous ne voulons plus voir cet homme,
45:33 il nous a fait trop de mal."
45:35 Alors, il a un comportement extrêmement défavorable
45:40 à son égard pendant le procès,
45:42 puisqu'il s'arroge un petit peu la présidence des débats
45:45 en disant, "Oui, voilà, elles disent n'importe quoi,
45:48 mais il faut que vous m'écoutiez, parce que c'est moi qui dis la vérité."
45:51 -Il est passé par toutes les possibilités,
45:53 également durant l'instruction, mais également pendant le procès,
45:56 en essayant de faire croire, notamment, que, dans l'affaire Chambon,
45:59 il n'avait fait que se défendre,
46:01 que la mort de Chambon était un accident,
46:03 et que c'était Chambon qui avait échafaudé un plan
46:06 pour le faire, lui, Sarret, disparaître,
46:08 l'abattre, le faire tremper dans une baignoire remplie d'acide.
46:12 Donc, il se considère...
46:14 Il essaie de se faire considérer
46:16 comme une victime de circonstances malheureuses.
46:18 -Un criminel peut avoir toutes sortes de personnalités.
46:23 Un criminel psychotique va s'acharner sous son cadavre,
46:26 être capable de donner 40 coups de couteau
46:30 et de ne pas du tout se chercher à cacher le cadavre en question,
46:35 parce qu'un psychotique n'a vraiment aucun sens de la loi.
46:39 Un pervers, lui, il sait que la loi existe,
46:42 mais il la dénie,
46:45 il la tord, il la transforme,
46:48 il l'utilise à sa façon,
46:50 mais il lui faut toujours garder la face haute.
46:53 La seule chose qui est insupportable pour un pervers,
46:56 c'est d'être humilié.
46:58 Donc, il faut toujours qu'il passe pour le personnage
47:03 que, d'ailleurs, Sarrey représentera pendant tout son procès,
47:07 c'est-à-dire d'allure noble.
47:10 "C'est une erreur si je suis ici au banc des accusés.
47:14 "Je n'ai rien à voir dans cette histoire.
47:17 "Je ne dois jamais perdre la face."
47:19 -Le 31 octobre 1933,
47:25 la salle d'audience du tribunal d'Aix-en-Provence est bondée
47:29 et ses abords sont envahis par la foule.
47:32 300 personnes ont pu entrer dans la salle
47:36 et ils ne cèderaient leur place pour rien au monde
47:39 au point de renoncer à sortir pour dîner.
47:42 Les curieux escaladent les fenêtres
47:45 et l'on est obligé de renforcer la garde mobile.
47:48 Dans toute la ville, on se rapporte les débats
47:51 et l'on attend fébrilement le verdict
47:54 qui devrait être prononcé en fin de journée.
47:57 Les jurés doivent répondre à 197 questions.
48:01 Il leur faudra près de 4 heures pour statuer.
48:05 Les oui et les non aigrénés au fil des questions
48:09 ont répondu à la satisfaction de tous,
48:12 condamnant inéluctablement Sarrey à la peine capitale.
48:20 En revanche, la complicité de meurtre n'a pas été retenue pour les Sœurs Schmitt.
48:25 Elles ont obtenu des circonstances atténuantes.
48:29 Elles sont condamnées à une peine de 10 ans de réclusion
48:32 assortie d'une interdiction de séjour.
48:35 A l'annonce du verdict, Sarrey ne sourcille pas.
48:39 Sarrey, à qui tout est dû selon lui,
48:43 se dit qu'il va faire son pouvoir en cassation
48:46 et que ça réglera les comptes.
48:48 Mais la cour refuse de le suivre.
48:50 Donc son pouvoir en cassation est rejeté.
48:52 Il ne lui reste plus que la grâce présidentielle.
48:55 Et la grâce présidentielle, on constatera au cours de sa détention,
48:59 qu'il y croit. Il y croit de plus en plus.
49:02 Il est persuadé qu'on ne peut pas lui faire ça à lui, Sarrey,
49:06 et que le président de la République va forcément se déclarer en faveur de la grâce.
49:11 Ce n'est pas ce qui arrive. Il est quand même agité.
49:14 Il a un sommeil délicat.
49:17 Il se réveille à minuit, étant que l'aube n'est pas arrivée
49:20 et il est convaincu qu'on risque de venir le chercher.
49:23 Donc il se rendort une fois que le jour est levé
49:26 et que par conséquent, on ne viendra plus le chercher.
49:28 Sauf qu'un jour, on vient le chercher.
49:30 Et quand les officiels rentrent dans sa cellule,
49:33 tout de suite, il leur dit "Ah ben oui, mais qu'on en finisse vite."
49:36 C'est le 10 avril 1934 que Georges-Alexandre Sarrey-Djani
49:43 monte sur l'échafaud devant la prison d'Aix-en-Provence.
49:47 C'est Anatole Deblère qui va l'exécuter.
49:50 Le condamné refuse la cigarette et le verre de rhum qu'on lui tend,
49:54 puis il boit une tasse de café en priant le bourreau de faire vite.
49:59 À 5h35, le couperet s'abat pour la dernière fois.
50:06 Il n'y aura plus aucune exécution à Aix-en-Provence.
50:10 Sous-titrage Société Radio-Canada
50:15 © Sous-titrage Société Radio-Canada
50:21 Aux élus de l'État, à Aix-en-Provence,
50:25 et aux élus de l'État, à Aix-en-Provence,
50:29 et aux élus de l'État, à Aix-en-Provence,
50:32 et aux élus de l'État, à Aix-en-Provence,
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